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UNIVERSITÉ ROBERT SCHUMAN STRASBOURG III Mémoire pour l’obtention du D.E.A. de la Propriété Intellectuelle CEIPI Les dénominations des fromages Soutenu par Paraskevi DIMOU Sous la direction de M. le Professeur Norbert OLSZAK septembre 2002

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UNIVERSITÉ ROBERT SCHUMANSTRASBOURG III

Mémoire pour l’obtention duD.E.A. de la Propriété Intellectuelle

CEIPI

Les dénominations des fromages

Soutenu parParaskevi DIMOU

Sous la direction deM. le Professeur Norbert OLSZAK

septembre 2002

A mes parents,avec toutes les honneurs

qui leur sont dues,à ma nièce Héléni.

TABLES DES MATIÈRES

ABRÉVIATIONS ET SIGLES ...................................................................................................................4

INTRODUCTION.......................................................................................................................................6

Partie I : L’absence d’un système uniforme pour les dénominations génériques des fromages............16

Titre I : Disparités des réglementations...............................................................................17Chapitre 1 : La définition du terme «fromage» ..................................................................................17Chapitre 2 : Fromages en quête d’auteur............................................................................................22

Section 1 : Le camembert...............................................................................................................22Section 2 : L’emmental ..................................................................................................................26Section 3 : La mozzarella ...............................................................................................................29Section 4 : Le morbier....................................................................................................................31

Titre II : Moyens de concilier la divergence des réglementations .....................................32Chapitre 1 : Textes à valeur supranationale .......................................................................................33

Section 1 : D’un droit étatique… ...................................................................................................33Sous-section 1 : La Convention de Stresa sur les dénominations des fromages ........................33Sous-section 2 : Conventions générales bilatérales ...................................................................35

i) Le Traité entre la République française et la confédération Suisse ....................................35ii) La Convention entre la République française et l’Iltalie....................................................37iii) Le Traité de commerce et de navigation entre le Royaume des Pays-Bas et la Républiquefrançaise .................................................................................................................................38

Section 2 : …vers une «professionnalisation» de droit - L’exemple du Codex Alimentarius........38Sous-section 1 : L’élaboration des normes du Codex Alimentarius...........................................38Sous-section 2 : La valeur juridique des normes Codex ............................................................41

Chapitre 2 : Un rapprochement entre les différentes réglementations consacré par le contrôlejuridictionnel de la CJCE ...................................................................................................................43

Section 1 : La libre circulation des fromages légalement produits et commercialisés (AffaireDeserbais).......................................................................................................................................44Section 2 : L’extension de l’art. 30 à des cas sans aucun élément d’extranéité (Affaire Guimont)46

Partie II : Fromages à A.O.P./I.G.P./A.S. – La coordination entre le système communautaire et lesréglementations nationales .......................................................................................................................49

Titre I : Conditions d’accès à la protection .........................................................................54Chapitre 1 : L’absence de caractère générique de la dénomination ...................................................54Chapitre 2 : Le lien entre le produit et la zone de production ............................................................59

Section 1 : La justification du lien entre le produit et la zone de production et les entraves à lalibre circulation ..............................................................................................................................62Section 2 : Légalité du cahier des charges......................................................................................65

Titre II : Protection conférée par l’enregistrement communautaire ................................67Chapitre 1 : La communautarisation de la protection.........................................................................67

Section 1 : Les dénominations composées .....................................................................................67Section 2 : La protection de la traduction.......................................................................................69Section 3 : L’évocation d’une AOP ...............................................................................................70

Chapitre 2 : La portée de la protection nationale pour les dénominations enregistrées......................73

Conclusion ..................................................................................................................................................78

BIBLIOGRAPHIE.....................................................................................................................................81

ABRÉVIATIONS ET SIGLES

ADPIC : Aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (accord

ADPIC)

Ann. : Annales de la propriété industrielle

A.O. : Appellation d’origine

AOC : appellation d’origine contrôlée

AOP : appellation d’origine protégée

ASSILEC : Association de l’Industrie laitière de la Communauté européenne

ASSIFONTE : Association de la Communauté européenne pour les fromages fondus

ATLA : Association de la Transformation Laitière Française

C. consomm. : code de la consommation

CC : Certification de conformité

CIDIL : Centre Interprofessionnel de Documentation et d’Information Laitières

CJCE : Cour de justice des Communautés européennes

CNLC : Commission nationale des labels et des certifications de produits agricoles et

alimentaires

CNPL : Comité national des produits laitiers (au sein de l’INAO)

CPI : code de la propriété intellectuelle

C.rur. : code rural

D. : Recueil Dalloz

DGCCRF : direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression

des fraudes

FAO : organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture

FIL : Fédération Internationale de Laiterie

FNCL : Fédération Nationale des Coopératives Laitières

FNIL : Fédération Nationale des Industries Laitières

IGP : indication géographique protégée

INAO : Institut National des appellations d’origine

INRA : Institut National de la Recherche Agronomique

ISO : International Standardisation Organisation

JO : Journal officiel

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JOCE : Journal officiel des Communautés européennes

m.g. : matière grasse

OCM : Organisations Communes des Marchés

ONILAIT : Office National Interprofessionnel du Lait et des Produits Laitiers

OMC : Organisation mondiale de commerce

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

PAC : Politique Agricole Commune

PEE : postes d’expansion économique

PIBD : Propriété industrielle – Bulletin documentaire

PPC : pâtes pressées cuites

PPNC : pâtes pressées non cuites

Rec. : Recueil de Jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes

RLF : Revue Laitière Française

RMUE : Revue du Marché Unique Européen

STG : spécialité traditionnelle garantie

TNC : Trade negociating committee

TRIPS: Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights (cf. ADPIC)

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INTRODUCTION

Notre sujet d’un premier point de vue peut paraître peu juridique. Camembert,

camembert de Normandie, roquefort, morbier, tête-de-moine, pont l’Evêque, munster,

neufchâtel, mont d’or, reblochon, fourme d’Ambert, fourme de Montbrison, mimolette, la

vache-qui-rit, parmigiano-reggiano, mozzarella, grana padano, queso manchego, tetilla,

feta, gouda, emmental, cheddar, stilton... chaque dénomination a quelque chose à nous

raconter. Chaque personnage célèbre est lié à une histoire des fromages. Charlemagne vers

774 en découvrant le brie de Meaux a déclaré : «Je viens de découvrir l’un des mets les plus

délicieux». Plus tard il devint un fromage trés apprécié à la Cour. Même l’histoire de

l’arrestation de Louis XVI est liée à celle du brie de Meaux : d’après quelques-uns le roi pris

d’une envie soudaine il a fait une halte à Varennes pour en déguster et il est reconnu et

arrêté, d’après d’autres le roi a réclamé une part à l’épicier Saussejuste après son

arrestation1. La forme de Valençay, un fromage fabriqué au lait de chèvre cru ou

pasteurisé, ressemble à une pyramide tronquée cendrée. L’histoire raconte que Napoléon

Bonaparte à son retour d’Egypte, s’est arrêté au château de Valençay et voyant ce fromage

qui lui rappelait les célèbres pyramides, a tiré son épée et en a décapité la pointe2.

Le fromages constitue un élément principal de l’alimentation mais aussi un élément

de l’économie de toutes les sociétés humaines. Pour l’Église les fromages étaient

comparables à l’or. Ils servaient dans toute l’Europe jusqu’à la fin du XVIIIème siècle à

payer la dîme3. C’était sous le vocable de la «dîme des frometons» que l’on évoquait

autrefois le neufchâtel (A.O.C) d’aujourd’hui. Le nom de «Roquefort» apparaît dans les

Chartes publiques dès le XIème siècle. C’était en 1407 que Charles VI a accordé une

première protection aux producteurs de Roquefort. Un premier arrêt du parlement de

Toulouse, le 31 janvier 1666, confirmé par un second arrêt du 31 janvier 1785, sanctionnait

la vente en gros ou en détail pour «véritable Roquefort» des fromages qui ne l’étaient pas4.

1 Guide des fromages, Marabout et Hachette, 2000, p. 56.2 ibidem, p. 197.3 ECK A. – GILLIS J.– C., Le fromage. Paris 1997, p. 2.4 BRANLARD J.-P., Droit et gastronomie. Aspect juridique de l’alimentation et des produits gourmands.Gualino Paris 1999, p. 20.

7

En dernier lieu c’est le Tribunal civil de Saint-Affrique5 qui a confirmé le caractère

d’appellation d’origine «Roquefort». Malgré les prémices d’une protection juridique pour

les dénominations fromagères personne à cette époque n’aurait pu imaginer l’évolution

contemporaine.

Notre sujet s’avère d’une étendue surprenante6. Fromages, fromages blancs,

fromages frais, fromages fondus, fromages fondus allégés, fromages fermiers, fromages au

lait cru, spécialités fromagères, fromages labellisés ou avec certificat de conformité,

fromages agriculture biologique, fromages à appellation d’origine contrôlée, à appellation

d’origine protégée, à indication géographique protégée, fromages spécialité traditionnelle

garantie toutes ces indications constituent «une langue faite des choses»7, une langue des

fromages et peut-être un droit des fromages?

On ne peut pas parler positivement d’un droit des fromages ni d’ailleurs d’un droit

de la gastronomie, vu qu’il n’existe pas encore de code des fromages ni de code de la

gastronomie. Et pourtant, on va constater que plusieurs branches du droit participent à la

réglementation des dénominations des fromages. Il s’agit d’un foisonnement réglementaire

considérable qui engendre complexité et confusion pour les professionnels de

l’agroalimentaire voire pour les juristes. Le «droit des fromages» puise ses racines tant dans

le droit privé que dans le droit administratif.

Jusqu’en 1955, le régime général des appellations d’origine (A.O.) institué par la loi

du 6 mai 1919 s’appliquait aux A.O. fromagères, tant pour leur définition que pour leur

protection. La loi de 1919 a soumis les A.O. à un système purement déclaratif prévoyant

une procédure judiciaire à postériori. Tout producteur avait le droit à une A.O mais en cas

5 Trib.civil de Saint-Affrique, 22 décembre 1921, D. 1922, 2, p. 81.6 Dans la plupart des publications non juridiques les dénominations fromagères sont associées sansaucune distinction ce qui montre l’étendue du sujet mais aussi un manque réel de communication sur lesAOC que le consommateur différencie mal des autres signes de qualité.7 “cette échoppe est un dictionnaire; la langue est le système des fromages dans leur ensemble: une languedont la morphologie connaît des déclinaisons et des conjugaisons avec d’innombrables variantes et dontle lexique présente une richesse inépuisable de synonymes, d’usages idiomatiques, de connotations et denuances, comme toutes les langues nourries de l’apport de cent dialectes. C’est une langue faite dechoses; la nomenclature ici n’est qu’un aspect extérieur, instrumental; mais pour M. Palomar, apprendreun peu de cette nomenclature est toujours le moyen auquel il recourt lorsqu’il veut posséder un instant leschoses qui défilent sous ses yeux”. Italo Calvino, Palomar.

8

de contestation c’était au juge de déterminer les caractéristiques que le produit devait

présenter pour bénéficier de l’A.O. C’est ainsi que les appellations «Saint Nectaire»,

«Cantal», «Gruyère de Comté», «Maroilles» ont été définies. Plus tard, la loi du 28

novembre 19558 a consacré pour les appellations d’origine des fromages un système

conforme à celui du décret-loi du 30 juillet 1935 pour les vins. Toutefois, la loi de 1919

continuait à s’appliquer en matière des A.O. des fromages quant à leur protection (article

1er). Les A.O. des fromages étaient définies par une décision du comité national des

appellations d’origine des fromages (article 3). Elles devaient remplir deux conditions :

d’abord, provenir d’un lait produit, livré et transformé dans une aire géographique

traditionnelle, en vertu d’usages locaux, loyaux et constants et, puis, présenter une

originalité propre et une notoriété évidente (article 2). Depuis le décret du 12 décembre

19739 ces A.O. devaient être définies par décret pris sur avis conforme du même Comité

national. La loi de 1990 a consacré l’appellation d’origine contrôlée à la place de l’A.O.

dans le domaine agroalimentaire. La loi de 1955 a été abrogée à compter de la désignation

des membres du nouveau Comité national des produits laitiers. Les A.O. qui avaient été

définies par voie réglementaire et législative avant le 1er juillet 1990 sont considérées

comme répondant à la nouvelle procédure définie. En fin, pour les appellations définies par

voie judiciaire avant le 1er juillet 1990 une demande de reconnaissance en AOC devait,

avant le 31 décembre 1996, être adresseé à l’INAO. Depuis le 1er juillet 2000 et en

l’absence d’une demande ou en cas de refus de reconnaissance de l’AOC ces appellations

sont devenues caduques10.

Le code de la consommation (article L. 115-1 – L. 115-33 C.consomm.) auquel

renvoie le code de la propriété intellectuelle (article L. 721-1 CPI) et le code rural constitue

au niveau national le cadre principal des signes de qualité. Au niveau national existent

aussi des textes pararéglementaires (circulaires ministérielles, décisions de la DGCCRF) et

des décrets relatifs à la reconnaissance des appellations d’origine contrôlée, le décret nº 88-

8 Loi nº 55-1533 du 28 novembre 1955 relative aux appellations d’origine des fromages J.O. du 30novembre 1955, p.11580.9 Décret 73-1098 du 12 décembre 1973 relatif aux appellations d’origine des fromages.10Article L. 641-4, al. 2 C.rur. A notre connaissance, il n’y a aucun cas d’AO fromagère qui a été réputéecaduque.

9

120611 du 30 décembre 1988 qui vient d’être modifié par le décret n. 2002-26512 du 22

février 2002 et tout un ensemble des décrets concernant l’étiquetage des fromages.

Au niveau international les textes qui vont attirer notre attention ne sont pas d’une

grande aide. La Convention de Stresa sur l’emploi des appellations d’origine et

dénominations de fromages, les normes du Codex Alimentarius sur les fromages et les

accords bilatéraux sont les points de référence du commerce international des fromages. En

tout cas, la plupart de ces textes semblent dépassés dans le contexte de la communauté

européenne.

C’est, aussi, le droit communautaire qui s’intéresse aux dénominations de

fromages. Le droit «économique» de la Communauté européenne a comme objectif

principal la libre circulation des marchandises et pour ce fait il met en oeuvre ses deux

mécanismes de base que sont «l’harmonisation des législations» et «les politiques

communes». Pour les simples dénominations de vente l’action de la Communauté ne relève

pas de la logique de l’harmonisation. Il n’existe pas de directive sur les fromages comme

c’est le cas pour les sucres, le miel et les confitures, le cacao et le chocolat. Par contre pour

les signes de qualité le choix de l’action communautaire prend son appui à la Politique

Agricole Commune (PAC) qui favorise la diversification de la production agricole et la

promotion de produits spécifiques en vue de l’amélioration du revenu des agriculteurs et de

la fixation de la population rurale dans les zones défavorisées ou éloignées tout en assurant

la protection des consommateurs contre des pratiques abusives et la loyauté des

transactions commerciales. Dans cette logique le Conseil a adopté les deux règlements du

14 juillet 199213. Dans les deux règlements il est question de protéger un vocabulaire

spécifique14 et par conséquent, les produits qu’il désigne pour leurs qualités. Dans les

A.O.P./I.G.P. la qualité est liée à l’origine géographique et aux caractères particuliers que

11 Décret nº 88-1206 du 30 décembre 1988 portant application de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes etfalsifications en matière de produits ou de services de la loi du 2 juillet 1935 tendant à l’organisation et àl’assainissement du marché du lait en ce qui concerne les fromages , J.O. 31 décembre 1988, p.16753.12 Décret n. 2002-256 du 22 février 2002 portant modification du décret n. 88-1206 du 30 décembre 1988,en application de l’article L. 214-1 du code de la consommation et relatif aux fromages, J.O. nº 48 du 26février 2002, p. 3590.13 Règlement Nº 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992 (JOCE nº L 208 du 24.7.1992, p. 1 et règlementNº 2082/92 du Conseil du 14 juillet 1992 (JOCE nº L 208 du 24.7.1992, p. 9).14 ROCHARD D., R.D.rural nº 246 octobre 1996, pp. 362-368.

10

cette localisation attribue aux produits. Dans les S.T.G. la qualité est liée au mode de

production traditionnel des produits.

Il est vrai qu’une confusion existe entre les différentes dénominations. Cette

confusion est, en effet, renforcée par les réseaux de distribution, les grandes espaces, là où

les A.O.C. se vendent au même rayon avec les simples fromages de marque. Les fromages

sont regroupés plutôt en considération de la durée de leur conservation ou par familles de

fromages (les fromages frais avec les fromages blancs, les pâtes pressées cuites en un tout,

les pâtes persillées au même étalage). Pour faire face à cette «cacophonie»15 il nous semble

important de commencer par définir les différents termes, comme ils ont été explicités par

les règles nationales, internationales et par la jurisprudence.

Ces textes paraissent d’autant plus importants si l’on prend en considération la

réussite actuelle des fromages diversifiés, modernisés, moins gras chez les consommateurs.

En effet, l’utilisation des technologies industrielles modernes nous amène à découvrir sur le

marché au cours des dernières années de nouvelles catégories des fromages, pas si proches

des concepts fromagers. C’est bien le cas des «spécialités fromagères» ou «spécialités de

fromage» ou «préparations fromagères».

Ce produit diffère du fromage comme la loi l’a définie par plusieurs aspects.

D’abord, l’ajout des protéines de lactosérum et le procédé d’ultrafiltration peuvent modifier

le rapport entre les différentes protéines du lait. Puis, des produits non laitiers, tels que

gélatine, amidon, gélifiants, antioxydants, interdits dans la fabrication du fromage, peuvent

être utilisés. A la fin ce produit peut être mélangé à du fromage16.

La dénomination «spécialité fromagère» n’est pas reconnue officiellement tant au

plan français qu’international (Codex). Ce produit, donc, ne peut pas porter la

15 Curnonski, célèbre gastronome, disait hair “la terrible promiscuité de la planche à fromages où tous lesarômes se confondent sans parvenir à fraterniser, dans une inexprimable cacophonie”. Guide desfromages, Marabout et Hachette, 2000, p. 26.16 On trouve certains produits contenant du fromage mais qui ne sont pas définis en tant que fromages.C’est le cas de «tzatziki» ou «ktipiti». «Tzatziki» est une recette traditionnelle grecque élaboréetraditionnellement à partir de yaourt et de concombre. Mais au marché on trouve des produits fortsdifférents qui circulent sous le vocable «tzatziki» à base de fromage blanc. «Ktipiti» est une spécialitégrecque élaborée au fromage avec l’addition du poivron rouge doux, de fines herbes et de l’ail. A notreavis ce serait préférable de protéger ces dénominations avec une attestation de spécificité. Dans ce cas onva protéger davantage le produit que la dénomination tout en protégeant le consommateur qui sans êtreclairement informé se trouve face à une diversité des produits non définis.

11

dénomination «fromage» et, pourtant, il est reconnu par les consommateurs comme

appartenant «au monde des fromages». On considère, alors, que l’objectif de protection des

consommateurs nous montre encore une fois la voie d’action à choisir. Il faut introduire ce

nouveau concept pour protéger les consommateurs des dérives, de l’utilisation d’additifs

nuisibles pour l’homme à des doses importantes et pour éviter les difficultés éventuelles au

commerce international. 17

Plusieurs efforts ont été menés vers la voie d’une reconnaissance officielle. La

Commission fromage d’Atla18 et son groupe spécialisé sur la réglementation ont creusé

longuement la question et ont proposé une définition. Au plan du Codex Alimentarius la

France a introduit la demande d’une norme spécifique pour ces produits lors de la 3ème

session du Comité de lait à Montevidéo (18-22 mai 1998). Et puis, lors de la 4ème session

du comité du lait (Wellington) en février 2000, l’affaire a été de nouveau discutée et il a été

décidé que la France aidée par la Fédération Internationale de Laiterie (FIL) effectuerait

une recherche pour la session suivante (début 2002).

Toutefois, il y a d'autres dénominations pour lesquelles, malgré l’existence d’une

définition nationale, un flou juridique continue à exister tant au plan communautaire qu’au

plan international. Le terme «fermier» ou toute autre indication19 laissant entendre une

origine fermière, évoque un fromage qui est fabriqué, selon les techniques traditionnelles,

par un producteur agricole ne traitant que les laits de sa propre exploitation sur le lieu

même de celle-ci (article 10 a), 4 du décret 88-1206 et article L. 640-2 C. rur. alinéas 2 et 3).

Dans le secteur fromager le terme fermier est défini par rapport à l’opérateur économique,

mais non pas par référence à un cahier des charges de production comme c’est le cas dans

d’autres filières (oeufs, volailles). A l’aide de la réglementation vient la jurisprudence qui a

tracé les grandes lignes du contenu du qualificatif «fermier». Il est admis et de jurisprudence

constante que le terme «fermier» implique l’existence d’un circuit intégré à la ferme,

l’utilisation des méthodes traditionnelles et la commercialisation sur place à la ferme, ou

17 Spécialités fromagères: Le point, GILLIS Jean-Claude : ATLASYNTHÈSES juillet 2000,pp. 1-3.18 En 1993 les deux fédérations d’industriels de la filière laitière française la FNCL et la FNIL ont crééATLA. Ses missions en France: défendre les intérêts communs de la FNCL et de la FNIL. A l’étrangerelle représente les mêmes entreprises dans les instances européennes et internationales.19 P. ex. La marque collective de certification “Bienvenue à la ferme” existe depuis plus de dix ans.NEWS D’ILL, avril 2002 nº 63, p. 12.

12

sur les marchés20. La fabrication de ces fromages par les producteurs agricoles avec le lait

de leur propre exploitation sur le lieu même de celle-ci et, puis, leur vente directe au

consommateur final sans l’intermédiation des grossistes dispensent les producteurs des

mentions d’étiquetage prévues (Décret nº 88-1206, 30 déc. 1988, article 15). En effet, le

législateur a pris en considération que les producteurs fermiers ne disposent pas des moyens

analytiques nécessaires à la détermination de la teneur en matière grasse ainsi que le fait

que le lait produit sur l’exploitation présente un taux de matière grasse variable selon

l’alimentation et les saisons21. D’ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que le règlement nº

2082/92 sur les attestations de spécificité pourrait s’avérer significatif à la définition et à la

protection du terme fermier22.

Poursuivant cette approche de définition de principales dénominations générales de

fromages il nous paraît important de faire la distinction entre le fromage blanc et le fromage

frais. La dénomination «fromage blanc» est réservée à un fromage non affiné qui, lorsqu’il

est fermenté, n’a pas subi d’autres fermentations que la fermentation lactique (article 2

décret 88-1206). Et pour définir un produit en tant que «fromage frais» il doit renfermer une

flore vivante au moment de la vente au consommateur (article 2 décret 88-1206). Cette

dernière dénomination s’applique outre à des fromages en pots consommés sucrés à la

cuillère (au rayon des yaourts), à ceux dégustés salés au couteau (rayon fromages).

Ainsi, la dénomination «fromage fondu» selon l’article 4 du décret 88-1206 est

réservée au produit de la fonte du fromage ou d’un mélange de fromage additionnés

éventuellement d’autres produits laitiers, présentant une teneur minimale en matière sèche

de 43 grammes pour 100 grammes de produit fini et une teneur minimale en matière grasse

de 40g pour 100 grammes de produit après complète dessiccation. Au niveau du Codex

Alimentarius a été demandé la modification de l’extrait sec du fromage fondu.

Enfin le fromage «au lait cru» est fabriqué exclusivement avec du lait chauffé à une

température au plus égale à 40 °C (article 10 c) sous 4 décret 88-1206 et article 2. 1) de la

20 ROCHARD D., Qualité, identification et sécurité des produits: R.D rural n. 274 juin-juillet 1999, pp.369-376 et notamment p. 372.21 DEHOVE, Lamy, paragraphe 370.210.22 Le JAQUEN J. – C., Produits fermiers… quelle identité: Chèvre, septembre-octobre 1996 nº 216, pp.8-9 SERRE G.: Produits fermiers… quelle identité? Information agricole nº 692 juin 1996, pp. 46-48.

13

directive communautaire2392/46/CEE du Conseil sur le lait cru). Le fait que le fromage est

élaboré au lait cru signifie qu’il conserve certaines bactéries pathogènes, dangéreuses pour

l’homme. Par contre le lait des fromages pasteurisés est chauffé à 72° pendant 20 à 30

secondes. Ce procédé thermique détruit tous les germes pathogènes, éventuellement

présents. A la suite de ce procédé, on réensemence le lait en bactéries lactiques nécessaires

à rétablir la flore indispensable à la fabrication du fromage. La reconnaissance du lait cru

avait été fortement contestée lors des Assises de la FIL en septembre 1990. Mais le comité

laitier du Codex Alimentarius en 199024 lui a reconnu le droit d’exister. Les fromages au

lait cru font partie d’un annexe à part entière du code des pratiques hygiéniques.

Fromage au lait cru ou au lait pasteurisé? La question continue à se poser. Les

fromages au lait cru sont les fromages fermiers «piliers de la tradition fromagère française»25

et expression de l’authenticité du terroir. Pour certains les fromages au lait pasteurisé sont

industrialisés, aseptisés. D’un côté il y a la robotisation réduite et la petite production de

l’autre côté l’industrialisation, la production massive et moins de coûts. Et après tout il y a

toujours un aspect économique qui joue un rôle prépondérant au choix des

consommateurs.

Ces définitions reflètent un consensus minimum entre les professionnels, les

consommateurs et les pouvoirs publics. Mais l’évolution de l’industrie laitière et le progrès

de la technologie, la différente «culture» fromagère et les modes de consommation, la

restauration hors domicile et la restauration rapide remettent toujours en question les

définitions de ces dénominations générales.

Ils existent plusieurs catégories de dénominations de fromages. En premier lieu, on

a les dénominations géographiques directes. Il s’agit du nom d’un lieu (Banon, Beaufort), ou

des deux lieuxdits dans le cas des dénominations composées (Ossau-Iraty, Parmigiano-

Reggiano). Ces dénominations individualisent un fromage en fonction de son lieu de

production plus ou moins étendu. En second lieu, on a les dénominations géographiques quasi-

directes (Reblochon, Feta). Il s’agit des noms traditionnels qui ne sont pas de toponymes

mais qui pour des raisons plus ou moins historiques, culturelles et économiques sont

23 voir note 13.24 Une victoire amère : MEDIA FNIL nº18 janvier 1991, pp. 17-18.25 NÈVES C.: Au lait cru ou pasteurisé: lesquels choisir? Cuisiner nº 21 novembre 1994, pp. 30-35.

14

attachés à des productions locales. En troisième lieu, on a les indications de provenance

indirectes, c’est-à-dire, le nom d’une personne ou son effigie ou un emblême qui paraît sur le

produit pour indiquer son origine (Cathare). A la fin, on trouve les noms génériques

(emmental, gouda, edam). Il s’agit des noms géographiques qui, au début, désignaient un

fromage provenant d’un lieu délimité et qui, à la fin, ont devenu le mode d’élaboration

d’un produit typique. Ils existent aussi des marques fromagères comme la célèbre marque «la

vache-qui-rit» ou d’autres moins célèbres comme «Fol épi» (fromage dont la forme

ressemble à une miche de pain, décoré d’épis de blé)26.

Les dénominations géographiques directes et les quasi-directes font l’objet d’une

protection renforcée par des signes de qualité (A.O.P., I.G.P., S.T.G. au niveau

communautaire, labels et certificat de conformité au niveau national).

La catégorie des indications de provenance est une catégorie jurisprudentielle

définie avec une certaine ambiguïté par la CJCE. Selon, M. Salignon, la catégorie des

indications de provenance constituent «le dernier filet avant la sanction : la dénomination

générique»27. Il est difficile de dégager un principe général quant à la valeur juridique d’une

indication de provenance. La terminologie des dénominations géographiques paraît très

fluctuante au fil du temps. Les indications de provenance n’ont pas besoin d’un cahier des

charges et elles ne présentent pas certaines caractéristiques qui dépendent plus ou moins

fortement de l’aire géographique. La Cour à l’arrêt Exportur a défini les indications de

provenance comme «des dénominations géographiques qui sont pour des produits dont il

ne peut être démontré qu’ils doivent une saveur particulière au terroir et qui n’ont pas été

produits selon des prescriptions de qualité et des normes de fabrication fixées par un acte de

l’autorité publique, dénominations communément appelées indications de provenance»28.

Cette catégorie peut être conçue plutôt comme une partie des indications géographiques

protégées. Il s’agit soit des I.G.P. justifiées par une réputation liée au terroir soit des

dénominations génériques. La seule protection possible dans le deuxième cas est celle du

droit des marques géographiques, du droit des dessins et modèles et celle d’une action en

concurrence déloyale.

26 On pourrait se référer à un fromage de la région d’Angoulême appellé «taupinière». Ce fromage, assezoriginal, ressemble à des monticules de terre formés par les taupes. Pourtant, on ne sait pas si cette formeest déjà protégée par le dépôt d’une marque ou d’un modèle.27 SALIGNON Gr., La jurisprudence et la réglementation communautaires relatives à la protection desappellations d’origine, des dénominations génériques et des indications de provenance: RMUE 4/1994,pp. 107-154.

15

Pour les fromages génériques, en principe la dénomination en tant que telle ne fait

pas l’objet d’une protection renforcée. Bien sûr, ces fromages peuvent être identifiés par

rapport à l’entreprise qui les fabriquent, c’est-à-dire, au moyen des marques. Ces marques

constituent parfois pour les consommateurs des identifiants forts mais sont loin d’offrir une

garantie de qualité même s’il y a des entreprises qui essayent de mettre au marché des

produits d’une qualité constante. La fonction des marques est de rendre l’offre plus visible

par les consommateurs mais elles n’arrivent pas à résoudre les problèmes posés à la

circulation des fromages génériques.

Rares sont les litiges en droit des marques qui concernent des marques fromagères.

Il s’agit d’une jurisprudence assez importante29 en droit des marques, mais on ne juge pas

nécessaire de la traiter ici parce que ces litiges ont été résolus sur la piste du droit des

marques et de la concurrence déloyale. Bien sûr, on va faire quelques références au droit

des marques là où l’on considère important pour le développement de notre sujet.

On va étudier notre sujet en le traitant des deux axes. Dans un premier temps, on

va se pencher sur la notion des dénominations des fromages «génériques», c’est-à-dire, des

fromages qui sont fabriqués dans plusieurs pays et largement commercialisés dans le

monde entier, et sur les problèmes délicats que ces génériques posent aux transactions

commerciales (Partie I). Dans les textes de lois on ne va rencontrer que le terme

«dénominations», mais, les termes «dénominations génériques» ou «dénominations de

vente» utilisés par la doctrine et la jurisprudence évoquent la même notion juridique. Puis,

on va suivre notre analyse en présentant les différents problèmes d’interprétation du système

communautaire (A.O.P., I.G.P., S.T.G.) à propos des affaires concernant des dénominations

des fromages (Partie II).

28 Arrêt du 10 novembre 1992, Rec. CJCE, attendu 28.29 CA Paris 4 mars 1959, D. 1960, p. 28-31: note DESBOIS H.; JCP 1957 II 9869: note CHAVANNE A;Ann. 1959, p. 140-145: note Le TARNEC A.; Cour de Cassation (Ch. comm.) 5 janvier 1966, Ann. 1967,p. 83-84; Cour de Cassation (Ch. comm.) 30 janvier 1996, D. 1997, p. 232-234, Jurispr.: note SERRA Y.;CA de Poitiers, ch. civ., 3 déc. 1996, PIBD 1997 n.628.III. 157; CA de Paris, 4ème ch., 4 avril 1991,PIBD n°507.III.544; Cour de Cassation (Ch. comm.) 4 juillet 1995, arrêt n.1481 Lamy juridisque.

16

Partie I : L’absence d’un système uniforme pour les dénominations

génériques des fromages

Les dénominations des fromages génériques font depuis longtemps l’objet

des discussions acharnées sur le plan national, régional et mondial. La nécessité

d’une réglementation en la matière s’est fait sentir très vite. La tâche n’est pas du

tout aisée (Titre I). Les législateurs nationaux, le Conseil de Stresa, le Comité du

Codex Alimentarius, l’Assilec (Association de l’Industrie laitière de la

Communauté européenne) se sont impliqués à ce travail difficile sans des résultats

satisfaisants. Toutes ces réglementations se basent sur une approche «verticale» du

problème (définition produit par produit, type de fromage par type). Cette approche

s’oppose à la nouvelle conception de la CEE inspirée de l’arrêt «Cassis de Dijon»

qui veut qu’en matière agro-alimentaire tout produit légalement fabriqué et

commercialisé dans un quelconque pays de la CEE le soit dans les autres (Titre II).

17

Titre I : Disparités des réglementations

On va examiner la disparité des réglementations en prenant l’exemple du terme

générique «fromage» (Chapitre 1) et des simples dénominations de vente (Chapitre 2).

Chapitre 1 : La définition du terme «fromage»

Selon l’article 1er du décret 88-1206 «la dénomination "fromage" est réservée au

produit fermenté ou non, affiné ou non, obtenu à partir des matières d’origine

exclusivement laitières suivantes : lait, lait partiellement ou totalement écrémé, crème,

matière grasse, babeurre, utilisées seules ou en mélange et coagulées en tout ou en partie

avant égouttage ou après élimination partielle de la partie aqueuse. La teneur minimale en

matière sèche du produit ainsi défini doit être de 23 grammes pour 100 grammes de

fromage».

La Convention de Stresa le définit à son article 2 en tant que «le produit fermenté

ou non, obtenu par égouttage après coagulation du lait, de la crème, du lait partiellement

ou totalement écrémé, ou de leur mélange, ainsi qu’au produit obtenu par concentration

partielle du lactosérum ou du babeurre, à l’exclusion, dans tous les cas, de toute addition de

matière grasse étrangère au lait». Selon le même article, deuxième alinéa, les parties

contractactes s’engagent a supprimer sur leur territoire, dans un délai de deux ans à partir

de la ratification de la présente convention, au besoin par la législation, tout emploi du mot

«fromage», seul ou combiné avec d’autres mots, qui n’est pas en conformité avec la

définition retenue30. Ainsi, l’emploi du terme fromage pour des produits, tels que fromages

de tête, fromages de viande, qui n’avaient rien de commun avec le fromage en dehors du

nom, a amené les rédacteurs à se ressentir encore plus le besoin d’une définition stricte

pour le fromage.

Le Codex Alimentarius à la norme A6 pour le fromage décrit le fromage comme le

produit affiné ou non affiné, de consistance molle ou semi-dure, dure ou extra-dure qui

18

peut être enrobé et dans lequel le rapport protéines de lactosérum/caséine31 ne dépasse pas

celui du lait, et qui est obtenu: a) par coagulation complète ou partielle des matières

premières suivantes: lait et/ou produits obtenus à partir du lait, grâce à l’action de la

présure ou d’autres agents coagulants appropriés et par égouttage partiel du lactosérum

résultant de cette coagulation; et/ou b) par l’emploi de techniques de fabrication entraînant

la coagulation du lait et/ou des produits provenant du lait, de façon à obtenir un produit

fini ayant des caractéristiques physiques, chimiques et organoleptiques similaires à celles

du produit défini à l’alinéa a).

La question de la définition du fromage a été posée dans une affaire mettant en

cause l’entreprise agro-alimentaire Union Deutsche Lebensmittelwerke GmbH (UDL) et

Schutzverband gegen Unwesen in der Wirtschaft eV, une association de lutte contre la

concurrence déloyale. La société fabriquait surtout des fromages et des produits dérivés du

fromage, y compris des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière ou

diététique. L’ UDL commercialise sous la marque «Becel» des denrées alimentaires dans

lesquelles les graisses animales contenant des acides gras saturés sont remplacées par des

graisses végétales riches d’acides gras polyinsaturés, qui ont pour propriété de faire baisser

le cholestérol. L’UDL commercialisait depuis le début des années 90 deux produits sous la

dénomination «pâte à tartiner diététique». Le litige est né du changement de la

dénomination en «Apéritif hollandais – Fromage diététique à l’huile végétale pour une

alimentation à base de matières grasses de substitution» et «Fromage diététique à pâte

molle contenant de l’huile végétale pour une alimentation à base de matières grasses de

substitution». Pour assurer l’information des consommateurs il était prévu d’indiquer sur

l’emballage, pour le premier de ces produits, que «ce fromage diététique est riche en acides

gras polyinsaturés» et pour le second, que «ce fromage diététique est idéal pour un régime

30 Décret nº 52-663 du 6 juin 1952 portant publication de la convention internationale sur l’emploi desappellations d’origine et dénominations de fromages, signée à Stresa, le 1er juin 195, JO 11 juin 1952, pp.5821-5824.31 Lactosérum est le sous-produit de la fabrication du fromage ou de la caséine moyennant l’action desacides, de la présure et/ou des procédés chimico-physiques (Règl. 625/78 art.1). Caséine est la matièreprotéique contenue dans le lait en quantité la plus importante, lavée et séchée, insoluble dans l’eau,obtenue à partir du lait écrémé, par précipitation (Dir. 83/417). A la grande déception de la France quiétait le seul pays à voir soutenu la définition du fromage sans mention du rapport protéines desérum/caséine le comité laitier du Codex Alimentarius réuni à Rome en novembre 1990 a défini lefromage de la façon la plus stricte possible, puisque le critère protéine de lactosérum/caséine est nonseulement maintenu, mais placé en tête de la définition. «Une victoire amère», MEDIA FNIL n˚ 18, janv.1991, pp. 17-18.

19

comportant une surveillance du cholestérol». Le Schutzverband a assigné l’UDL et a

demandé l’interdiction de ces dénominations considérant qu’elles sont illicites. Le

Landgericht Hamburg a rejeté le recours. Son jugement a été frappé d’appel et la juridiction

d’appel a réformé la décision rendue en première instance. L’UDL par la suite a formé un

recours devant le Bundesgerichtshof, qui a adressé à la Cour de justice des Communautés

européennes deux questions préjudicielles.

La première question portait sur la combinaison de l’article 3 paragraphe 1 du

règlement n°1898/8732 et de l’article 3 paragraphe 2 de la directive 89/398/CEE33. Le

règlement n°1898/87 définit à l’article 2 paragraphe 2 que les produits laitiers34 au sens du

règlement sont les produits dérivés exclusivement du lait, étant entendu que des substances

nécessaires pour leur fabrication peuvent être ajoutées, pourvu que ces substances ne soient

pas utilisées en vue de remplacer, en tout ou en partie, l’un quelconque des constituants du

lait. Les dénominations viseés à l’article 2, parmi lesquelles le fromage, ne peuvent être

utilisées pour aucun produit autre que les produits qui y sont visés. La directive n° 89/398

a comme objet la fixation des règles d’étiquetage et de présentation précises des denrées

alimentaires destinées aux besoins nutritionnels particuliers des personnes dont le

métabolisme est perturbé, qui se trouvent dans des conditions physiologiques particulières,

à des nourrissons ou enfants en bas âge. La directive ne permet certaines dérogations aux

dispositions générales applicables aux denrées alimentaires que dans la mesure où ces

modifications portent sur la composition ou l’élaboration d’une denrée alimentaire afin

qu’elles puissent parvenir à l’objectif nutritionnel spécifique poursuivi par les produits

relevant de la directive. Selon l’appréciation de la Cour la dénomination des denrées

alimentaires destinées à une alimentation particulière est régie par le règlement et que, dès

lors, elles ne peuvent être désignées par la dénomination générique des produits de

consommation courante qui leur correspondent que lorsque leur composition, tout en étant

modifiée pour être conforme à l’objectif nutritionnel particulier, n’est pas contraire aux

32 Règlement CEE n˚ 1898/87 du Conseil du 2 juillet 1987 concernant la protection de la dénomination dulait et des produits laitiers lors de leur commercialisation JOCE n˚ L 182 du 3/7/1987, pp. 36-38.33 Directive 89/398/CEE du Conseil du 3 mai 1989, relative au rapprochement des législations des Étatsmembres concernant les denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière JOCE n˚ L 186 du30/6/1989, pp. 27-32.34 La même définition des produits dérivés du lait existe dans l’article 2 sous 4) la directive 92/46/CEE du16 juin 1992 arrêtant les règles sanitaires pour la production et la mise sur le marché de lait cru, de laittraité thermiquement et de produits à base de lait. JOCE n.L 268 14/9/1992, pp. 1-32.

20

dispositions relatives à la protection de la dite dénomination.35 La Cour conclut qu’un

produit laitier dans lequel un constituant du lait a été remplacé ne peut pas revendiquer la

dénomination «fromage».

Quant à la seconde question elle estime que «s’agissant de produits dérivés du lait

dans lesquels un constituant naturel de celui-ci a été remplacé par une substance

extrinsèque, l’utilisation d’une dénomination telle que "fromage diététique à l’huile

végétale pour une alimentation à base de matières grasses de substitution" n’est pas

autorisée alors que cette dénomination serait complétée par des mentions descriptives

figurant sur les emballages, telles que "ce fromage diététique est riche en acides gras

polyinsaturés ou ce fromage est idéal pour un régime comportant une surveillance du

cholestérol"»36. La Cour s’est demandé si cette interdiction malgré l’utilisation des

mentions précitées à l’étiquetage serait contraire au principe de proportionnalité, principe

général du droit communautaire qui exige que les actes des institutions communautaires ne

dépassent pas les mesures nécessaires à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par

la réglementation en cause. Dans ce cas cette prohibition a été considérée nécessaire à la

protection des consommateurs et pas excessive. D’ailleurs, dans le domaine de la politique

agricole commune le législateur communautaire dispose du pouvoir discrétionnaire

d’adopter des mesures à moins que ces mesures ne revêtent un caractère manifestement

inapproprié. L’avocat général M. SAGGIO dans ses conclusions doute de l’efficacité de

l’ajout des mentions proposées par l’UDL. La Cour a soutenu que, malgré l’étiquetage, le

risque de confusion n’est pas exclu pour le consommateur. Le consommateur est surtout

attiré du terme «fromage» et c’est seulement ce terme qui lui permet de s’orienter alors que

l’influence exercée sur ses choix par les mentions explicatives n’est qu’éventuelle37.

L’affaire précédente n’est pas la seule relative à l’utilisation de la dénomination

«fromage». Dans l’arrêt du 11 octobre 199038 la CJCE a resulté que la législation italienne

en interdisant l’importation et la commercialisation sous la dénomination «fromages», de

35 Considérant 19, arrêt de la CJCE du 16 décembre 1999, affaire C-101/98, Rec. 1999, p. I-8841.36 Considérant 35 même arrêt.37 Conclusions, point 39.

21

fromages ne respectant pas une teneur minimale de m.g. était à l’encontre de l’article 30 du

traitéCEE.

38Commission c/ République italienne, arrêt du 11 octobre 1990 C-210/89, Rec. 1990 p. 3697.

Chapitre 2 : Fromages en quête d’auteur

On va suivre notre étude en voyageant dans le temps et l’espace avec les fromages

les plus connus du monde. Le camembert (Section 1), l’emmental (Section 2), et la

mozzarella (Section 3). On verrait avec une certaine réticence parmi ces fromages

génériques les noms des deux fromages qui actuellement préoccupent les autorités

communautaires : le parmesan39 et la feta40. Au contraire il nous semble logique de

comprendre dans cette partie le cas de Morbier A.O.C. (Section 4), la délimination duquel

a suscité de graves problèmes pour une large partie des fabricants (90% de la production)41

qui se voit privée de l’usage de la dénomination «Morbier».

Section 1 : Le camembert

Quand on parle du camembert il faut distinguer entre le camembert et le

Camembert de Normandie A.O.C. Le camembert, mythe national, est devenu un nom

générique. En termes exactes de l’arrêt de la Cour d’appel d’Orléans du 20 janvier 192642

«… les usages loyaux et constants du commerce ont fait, depuis de longues années, de

l’appellation «Camembert» l’indication d’un genre de fromage, et non plus celui du lieu

d’origine de ce fromage». Mais comment et à partir de quel moment l’appellation d’origine

devient-elle générique?

En droit des appellations d’origine comme en droit des marques43 la

dégénérescence est considérée la rançon de la célébrité, la conséquence presque inéluctable

du succès. La marque devient le nom commun d’un genre ( par le latin «genus»), d’un type

39 Affaire C-66/00 actuellement pendante à la CJCE conclusions de l’avocat général M. Philippe LÉGER.40 Le règlement CE n.1070/1999 suite à l’arrêt du 16 mars 1999 de la CJCE dans les affaires jointes (C-289/96,C-293/96,C-299/96) a annulé l’enregistrement de la dénomination «feta» en tant qu’AOP. Mais laCommission vient de proposer pour la deuxième fois la protection géographique du feta. Communiqué depresse 14/6/2002 IP/02/866.41 OLSZAK N., Droit des appellations d’origine et indications de provenance. Éd. Lavoisier, Paris, 2001,p. 20, note 23.42 CA d’Orléans, 20 janvier 1926, Propriété Industrielle 1926, nº 8, p. 172-173.43 PEROT-MOREL M.-A, La dégénérescence des marques par excès de notoriété. Mélanges D.BASTIAN, pp. 49-71.

23

de produit et perd son caractère distinctif. Le lien entre le terroir et le produit est très étroit;

le premier imprime au second ses caractéristiques. Le caractère par excellence original de

l’appellation d’origine, c’est-à-dire, le fait que la dénomination identifie le lien unique entre

le produit et l’origine géographique, le fait que le produit ne provient que d’une seule aire

géographique est à l’origine de la construction d’une appellation d’origine. Le premier

étape à la reconnaissance d’une appellation d’origine est la volonté commune sur les

conditions de production et d’élaboration du produit. Une fois que le produit a acquis une

bonne réputation c’est à la compétence de l’État de réglementer et de contrôler l’utilisation

par les opérateurs qui ont droit à l’appellation.

Ici, contrairement au droit des marques la volonté d’usurpation de la dénomination

se situe dans le cycle des producteurs. Le développement des génériques dans le cas des

indications de provenance réside au comportement des producteurs et des distributeurs44 et

de ce fait est moins spontané au sein du public. Cette idée est conforme au grand principe

du droit français selon lequel l’abandon d’un droit ne se présume pas. Il faudrait, alors,

prouver des actes de volonté manifestant la reconnaisance de la perte du droit sur une

appellation d’origine.

Selon la tradition, l’invention du camembert a pris lieu en 1791, au manoir de

Beaumoncel à Camembert, petite commune normande du pays d’Auge par Marie Harel.

C’était sous le conseil d’un prêtre réfractaire, qui a suggéré à Marie Harel l’idée d’adopter

le procédé de fabrication du fromage Brie, qu’a pris naissance le camembert. «Ce serait

ainsi que, faisant du brie dans un moule à livarot, Marie Harel aurait inventé le

camembert»45.

La recette du camembert s’est transmise oralement. Au début il s’agissait d’un

secret familial. Mais sa diffusion en dehors du lieu de la première production et la

croissance de la demande ont favorisé les imitations. Depuis 1856 existent des industries

fromagères en dehors de la Normandie, comme dans la Meuse, l’Ille-et-Vilaine et le Rhône

qui produisent le Camembert. D’ailleurs, le Syndicat du véritable Camembert (S.F.V.C.N.)

a admis au sein du syndicat des fromagers fabricants, non seulement de Normandie, mais

44 OLSZAK N., Droit des appellations d’origine et indications de provenance. Éd. Lavoisier, Paris, 2001,p.17.45 BOISSARD P., Le Camembert. Mythe national. Éd. Calmann-Lévy, 1992, p. 21.

24

d’autres régions telles que la Vendée, la Loire-Inférieure et la Vienne. Le syndicat a aussi

reconnu implicitement le droit à l’appellation «Camembert» à des fromages fabriqués

ailleurs qu’en Normandie.46

La question de l’extension d’une appellation d’origine pour couvrir des produits qui

ne provenaient pas de la commune dont ils portaient le nom était d’une réelle acuité. Ce

point a été discuté au Congrès de la répression des fraudes de Paris (1909) où il est resté

sans solution47. A ce même congrès une définition a été donnée; le fromage doit renfermer

un minimum de 36% de matière grasse et provenir de lait pur vache. On constate que cette

définition en premier lieu n’a pas précisé le lieu d’origine du produit et en second lieu n’a

pas tenu compte des usages loyaux et constants, puisque selon M. Herson, président de

l’Union syndicale des marchands en gros de fromages (rapporteur) le taux de 36% de

matière grasse était trop élevé et que le camembert n’était jamais fabriqué avec du lait pur.

Le Syndicat du véritable camembert a adopté une définition floue lors de son

assemblée générale constitutive de 1909. Puis, à la demande du ministère de l’Agriculture

une nouvelle définition a été proposée par le S.F.V.C.N. La Normandie a été précisée en

tant qu’aire de production. Entre 1909 et 1926, la question du camembert agite beaucoup

de monde. Les industriels laitiers se sont opposés à une délimitation du camembert. La

bataille de la délimitation a opposé les fromageries attachées à la tradition aux industriels

qui étaient plutôt pour la standardisation. La pasteurisation dans les années 50 est venue

aggraver le manque d’unanimité au sein des producteurs.

Mais, outre les raisons juridiques liées aux difficultés de définition du camembert,

la banalisation de ce produit est due aux délocalisations opérées au fil du temps pour

rationaliser les outils de production. Le marché impose ses propres règles : la continuité et

l’homogénéité. Et les producteurs pour faire face au besoin d’un approvisionnement

régulier du marché sont obligés de se battre aux mystères de la nature. Le besoin d’un lait

constant et stable impose d’une certaine façon les délocalisations. Ces délocalisations sont

fréquentes dans l’industrie agroalimentaire, comme dans le secteur de la charcuterie-

salaison ou de la confiserie où ils sont admises par les codes d’usages professionnels48 et

46 voir note 33.47 Note Conseiller CHESNEY, Trib. Civil de St-Affrique, 22 déc. 1921: D. 1922,2, p. 81 et notammentp.83.48 ROCHARD D.. Selon le code de la charcuterie, de la salaison et des conservations de viandes“l’indication, dans la dénomination de vente, d’une région ou d’un lieu géographique ne peut être

25

imposées même par le besoin de la viabilité de l’entreprise. L’affaire des «Rillettes du

Mans» est un exemple dans le domaine de la charcuterie. Et après tout le manque de

rattachement du fromage au sol, contrairement à la vigne, fait que ce procédé apparaisse

dans le temps comme une évolution peu suspecte, presque imposée par la force des choses.

Au début et jusqu’en 1870, la production du Camembert au pays d’Auge est limitée

provenant du lait des vaches de chaque ferme. Pour accroître la production et faire face à la

demande il faut s’approvisionner en lait par d’autres fermes. Pour se procurer le lait dont ils

en besoin les producteurs louent plusieurs fermes. Beaucoup plus tard, après 1950 un des

grands industriels de Normandie (Michel Besnier) confronté au même problème va acheter

une par une toutes les petites fromageries fermières du nord.

En 1968, le Syndicat des fabricants du véritable camembert de Normandie a obtenu

un label rouge «Véritable camembert de Normandie», reconnaissance qui s’appliquait au

fromage au lait cru et au lait pasteurisé sans distinction. Le Syndicat a abandonné ce label

contre la promesse d’une appellation d’origine contrôlée appliquée au camembert au lait

cru moulé à la louche. A la fin en 1986 le Syndicat a obtenu le décret de la reconnaissance

de l’appellation d’origine contrôlée49. L’aire géographique de production s’étend au

territoire des départements du Calvados, de l’Eure, de la Marche, de l’Orne et de la Seine-

Maritime. La dénomination de ce fromage témoigne avant tout son origine augeronne. Le

pays d’Auge serait la seule délimitation fondée sur des usages locaux, loyaux et constants.

La Normandie est une région très diversifiée pour justifier une homogénéité des conditions

qui conférerait au camembert la typicité d’un fromage A.O.C. Mais pourquoi, alors, une

telle délimitation a-t-elle choisie? On lit dans le livre de M. P. Boisard que «ce choix visait à

donner plus de poids politique et plus d’impact à la revendication». En fin de compte, il

s’agissait de prendre en considération pour la relocalisation du camembert tout un

ensemble des facteurs: les droits acquis, les efforts concertés et les investissements effectués

au fil du temps.

considérée comme une indication de provenance dans la mesure où il existe une appellation consacrée parles usages, bien connue du public et que le produit est fabriqué selon la recette qui résulte de ces usages, adébordé depuis longtemps la région d’origine”. R. D. rural. nº 251 mars 1997, p. 174.49 Décret 86-1361 du 29 décembre 1986.

26

La dénomination «Camembert» reste malgré tout générique. Il est fabriqué en

Argentine, en Allemagne, au Danemark, au Japon, aux Etats-Unis et dans bien d’autres

pays. Aux États-Unis l’augmentation des importations au début de XXème siècle a incité le

gouvernement américain à financer des recherches pour développer une production locale

de camembert. Des fromagers Normands ont transfert leur savoir-faire et des Suisses ont

créé des fabriques de bries et de camemberts. Une des fromageries dirigée par des

Normands, originaires d’Isigny, après avoir essayé de fabriquer du camembert s’est mise à

élaborer un autre fromage moins affiné, qu’elle a baptisé Isigny. Ainsi, plusieurs types de

fromages portent le nom «Camembert»50.

En tant que fromage «international»51 le camembert pose toujours de problèmes

quant à sa définition. Le décret 88-1206 (annexe) réserve la définition camembert au

fromage élaboré avec le lait de vache, à pâte légèrement salée avec moisissures

superficielles, à 40% de matière grasse, présenté en forme de cylindre plat de 10,5 à 11 cm

de diamètre et de 8 à 8,5 cm pour le petit camembert. Les Allemands et les Danois

prévoient 30% de matière grasse et les Allemands refusent d’appeler le petit format petit

camembert 52.

Section 2 : L’emmental

L’emmental est un fromage, originaire de Suisse. La dénomination «Emmental»

correspond au nom d’une rivière de Suisse (tal signifie vallée et Emme est le nom de la

rivière). Au début, ce fromage était fabriqué pour conserver le lait de troupeaux importants.

Le savoir-faire des fromagers suisses s’est vite diffusé sur tout le massif. L’Allemagne,

l’Autriche, la France, la Finlande, l’Irlande, le Danemark, et les Etats-Unis produisent ce

fromage ou d’autres types de fromage commercialisés sous le nom «emmental53». Il

devient, ainsi, un des fromages les mieux exportés dans le monde. Les échanges en dix ans

50 BOISSARD P., Le Camembert. Mythe national, , éd. Calmann-Lévy, 1992, p. 260.51 En 2000 la France a exporté 17606 tonnes de camembert. (Base des données de Cidil).52 Harmoniser les définitions. 5 fromages en quête d’auteur: ATLASYNTHÈSES n.7 juillet 1994, pp. 2-4.53 Aux Etats-Unis ce fromage se commercialise sous le nom Swiss Cheese. Le Danemark a rebaptisé sonSvenbo emmental. L’emmental, fromage international. RLF nº 549 avril 1995, p. 16-18.

27

(1983-1993/94) sont passés de 162000 tonnes à 252000 tonnes. La progression moyenne

annuelle est de 3% par un sur les 20 dernières années. Les exportations de la France sont

passés de 17231 tonnes à 19437 tonnes en dix ans (1990-2000), soit une augmentation de

11,3%.54 Le passage de l’emmental du stand coupe au libre service et, puis, la

commercialisation du fromage râpé ont assuré un développement à ce produit qui s’adapte

très bien aux besoins de la restauration moderne. On comprend que l’enjeu n’est pas

négligeable en termes économiques et financiers. Les définitions nationales reflètent «la

culture culinaire», les conditions de production de chaque pays et la divergence d’intérêts

entre industies nationales. Les américains p.ex. ont déterminé même la taille des trous de

leur «swiss cheese» tandis que les néo-zélandais n’exigent pas l’existence des trous55.

Jusqu’au février 2002 un emmental français pour revendiquer la dénomination

emmental devait présenter une croûte dure et sèche, de couleur jaune doré à brun clair et

entre autres la dimension des ouvertures devait aller «de la grosseur d’une cérise à celle

d’une noix». Le décret nº 2002-256 du 22 février 2002 à la suite de l’arrêt Guimont56 a

écarté l’exigence de la croûte. Alors, l’emmental peut être commercialisé en France aussi

bien avec ou sans croûte.

Quant au Codex alimentarius l’emmental doit avoir 45% de matière grasse. Il peut

être vendu sous forme de bloc ou de meule. S’il est sous forme de bloc, il peut être affiné

sous film et vendu sans la croûte. Cette règle date de 1967 et elle est en cours de révision.

Au contraire la Convention de Stresa de 1951 limite le produit à la forme de meule.

Mais, même dans le domaine des génériques, il y a toujours la possibilité

d’encadrer juridiquement, de différencier et de valoriser les fromages génériques d’autant

plus que ceux-ci arrivent dans un marché de plus en plus concurrentiel : le système des

labels et des certifications de conformité. L’article L. 643-1 C. rur. auquel renvoie l’article

L. 115-21 C.consomm. «dispose que les denrées alimentaires et les produits agricoles non-

alimentaires et non-transformés peuvent bénéficier d’un label agricole ou faire l’objet d’une

certification de conformité aux règles définies dans un cahier des charges». En principe les

labels et les certificats de conformité garantissent une qualité supérieure dans le premier cas

ou une qualité spécifique dans le deuxième cas. Ils n’établissent pas un lien entre l’origine

54 Statistiques base de données de Cidil.55 Les actualités du groupe LACTALIS (Dossier emmental): site www.lactalis.com.56Aff. C-448/98 et infra Titre II, Partie I.

28

géographique et les qualités d’un produit. Mais, le droit français a opté pour une

articulation57 du système national des signes de qualité et du système communautaire de la

protection des dénominations, c’est-à-dire, la possession d’un signe national est le seuil

pour accéder à une mention communautaire. Pour la conception française la

réglementation communautaire ne met pas en place des signes de qualité mais consacre la

localisation d’un produit dans une zone géographique délimitée. L’article L. 115-26-1

alinéa 4 dispose que «la demande d’enregistrement d’une indication géographique protégée

ou d’une attestation de spécificité ne peut s’effectuer que dans le cadre des dispositions de

la section II du présent chapitre». Le va et vient entre les deux niveaux de protection est

confirmé par l’article L. 115-23-1 C.consomm. qui prévoit que «le label ou la certification

de conformité ne peut pas comporter de mention géographique si cette dernière n’est pas

enregistrée comme indication géographique protégée». L’objectif du législateur national

dans cette disposition était d’écarter la protection d’un terme géographique par le signe

national si ce terme n’est pas reconnu au niveau communautaire d’autant plus que les

signes nationaux ne sont pas destinés à protéger l’origine géographique des produits.

L’emmental de Savoie bénéficie du label régional Savoie, créé le 11 octobre 1978 et au

niveau européen d’une indication géographique protégée (I.G.P.)58. L’emmental Français

Est-Central Grand Cru bénéficie d’un label rouge, homologué le 31 juillet 1979 et d’une

I.G.P59. Il y a aussi une A.O.P. pour l’emmental allemand (Allgäuer Emmentaler)60.

Autre mention particulière pour l’emmental, qui vient d’être définie par le décret n°

2002-256 du 22 février 2002 et qui peut être utilisée conjointement avec la dénomination de

vente, est l’«affinage de tradition». Le fromage pendant l’affinage doit être nu et à l’air libre.

La durée d’affinage doit être de trois semaines au moins de manière à ce que le fromage

57 PITAUD Chr. Signes distinctifs de qualité: l’articulation du droit interne et de la réglementationcommunautaire: R.D. rural nº 246 octobre 1996, pp. 369-372; LASSAUT B., LE MEUR-BAUDRY V.Les motivations des groupements demandeurs d’I.G.P. et leurs interpétations du règlement CEE nº2081/92. Quelles sont les causes de conflits entre entreprises et les risques de concurrence déloyale?R.D.rural n. 291 mars 2001, pp. 140-148.58 L’aire géographique comprend les départements de Savoie et Haute-Savoie et pour l’affinage est aussicomprise la commune de Saint-Germain-de-Joux (Ain).59 L’aire géographique comprend les départements des Vosges avec les arrondissements limitrophes de laHaute-Marne, le Doubs, le Jura et les arrondissements limitrophes de la Côte-d’Or, de l’Ain, de la Saône-et-Loire, la Haute-Saône, le Territoire de Belfort, l’Isère. La Savoie, La Haute-Savoie et le Rhône.60 Ici, il s’agit de la délocalisation du générique, c’est-à-dire l’adjonction d’une indication qui restitue lavéritable origine.

29

présente une croûte dure et sèche de couleur jaune doré à brun clair. Et pour les portions

découpées et préembalées il est prévu l’existence de croûte sur au moins une face.

L’emmental reste toujours une affaire ouverte. L’emmental à son pays natal

bénéficie d’une indication de provenance depuis 1962. Les producteurs d’emmental suisse

(l’interprofession «Emmentaler Switzerland») ont demandé récemment une appellation

d’origine contrôlée pour ce fromage. L’aire géographique de production comprend les

cantons de Berne ( sans le district de Moutier), Glaris, Lucerne, Schwyn, Soleure, Saint-

Gall, Thurgovie, Zoug et Zurich et le canton de Fribourg, dans les districts de Lac et de la

Singine. Si cette dénomination va être enregistrée, elle ne sera protégée qu’en Suisse.

Pourtant, l’«Emmentaler Switzerland» vise à une protection beaucoup plus ample, à une

appellation «réservée exclusivement aux producteurs de la région géographique

déterminée»61.

Mais comment la Suisse va répondre aux oppositions des producteurs français et

allemands portant sur le caractère générique de l’emmental? Comment l’Ordonnance

Suisse sur les A.O.C. et les I.G.P. du 28 mai 1997 définit-elle le caractère générique d’une

dénomination? La réglementation suisse en l’affaire est calquée sur le modèle

communautaire. L’art. 4 alinéa 1 de l’Ordonnance dispose qu’un nom générique ne peut

être enregistré comme appellation d’origine ou indication géographique. L’alinéa 3 du

même article détermine les critères à tenir en compte pour résulter au caractère générique

du nom; en premier lieu, c’est l’opinion des producteurs et notamment dans la région où le

nom a son origine; en second lieu, ce sont les législations cantonales.

Section 3 : La mozzarella

La mozzarella, un fromage d’Italie, est une affaire de grande complexité comme

d’ailleurs d’autres fromages de l’Europe du sud. Mais de quelle mozzarella parle-t-on?

61 AP dépêche Monde lundi 5 août 2002 “Une AOC en vue pour l’emmental suisse”.

30

Ils existent au niveau européen deux dénominations protégées pour la mozzarella.

La «Mozzarella di Bufala Campana», au lait de bufflonne de la région Campanie, bénéficie

dès 199662 d’une A.O.P. En outre, une attestation de spécificité européenne a été accordée

à la mozzarella avec un cahier assez strict réservant la dénomination aux fromages produits

conformément aux recettes traditionnelles.

La description du produit dans le règlement CE n. 2527/9863 de la Commission qui

enregistre la mozzarella au registre des attestations de spécificité retient la définition donnée

par le Codex; la mozzarella de typologie traditionnelle est un fromage frais à pâte filée,

molle, à fermentation lactique. Sa forme peut être sphéroidale avec éventuellement une

éminence ou se présenter sous la forme d’une tresse. La protection conférée à la mozzarella

est celle de l’article 13, paragraphe 1 du règlement 2082/92. Selon l’article précité le nom

visé à l’article 5 associé à la mention et au symbole sont les éléments réservés au produit

agricole ou à la denrée alimentaire. Ainsi, seuls les producteurs et/ou transformateurs qui

respectent le cahier des charges pourront utiliser cette dénomination. La protection

conférée par l’article 13, paragraphe 1 marche plutôt comme un système communautaire

des marques collectives de certification. Après tout, le terme «mozzarella» séparément de la

mention communautaire «spécialité traditionnelle garantie» peut toujours être utilisé par

tout producteur qui ne respecte pas le cahier des charges. Il ne s’agit pas d’une protection

exclusive à l’instar de la protection conférée aux A.O.P et I.G.P. Par contre l’article 13

paragraphe 2 opte pour une protection complète qui consiste à la réservation du nom pour

les producteurs, qui ont déposé la demande de protection. Dans le cas de la mozzarella le

groupement n’a pas demandé expressément la protection de l’article 13 paragraphe 2.

D’ailleurs, en août 199664 l’Italie a formé une demande basée sur un projet

d’appellation d’origine protégée pour une mozzarella élaborée à partir de lait de vache, pour

un fromage produit dans une région au sud de Rome. Il n’y a pas un tel enregistrement

jusqu’à ce jour.

En tout cas la discussion sur la définition de la mozzarella par les organisations

internationales n’est pas privée d’intérêt. Le faible dégré de protection garantie par

62 Règlement CE n° 1107/96 de la Commission du 12 juin 1996 relatif à l’enregistrement des AOP/IGPJOCE nº L 148 du 21 juin 1996 pp. 1-10.63 JOCE n. L. 317 du 26/11/1998, pp. 14-18.

31

l’attestation de spécificité laisse de place à de nouvelles discussions. La Grande Bretagne

voudrait 35% de matière grasse. Quant aux danois, eux ils préfèrent 39% de la matière

grasse et pour la couleur… ils ne veulent pas une mozzarella totalement blanche65!

Le Comité du Codex avait un projet sur une norme internationale qui autoriserait

une double distinction : une mozzarella, traditionnelle à faible teneur de matière sèche et

une mozzarella avec une teneur en matière sèche plus élevée, destinée aux pizzas66.

Section 4 : Le morbier

Ce fromage se fabriquait pendant le XIXème siècle en deux étapes. Le

caractéristique principal est la raie de cendre qui traverse la pâte. Ils utilisaient la cendre

(charbon végétal)67 pour protéger le caillé des insectes pendant la nuit et le jour suivant ils le

recouvraient d’un nouvelle quantité de fromage. La dénomination «Morbier» tient son

origine à la commune au même nom, située dans le département du Jura en Franche-

Comté. Au début, il s’agissait d’une production très locale, réduite, saisonnière (automne et

hiver) et sans véritable commercialisation. Son élaboration était située dans les

départements du Jura et du Doubs jusqu'en 1960. Sa production très restreinte était

complémentaire de la fabrication du comté. L’insuffisance de lait pour l’élaboration d’une

meule de comté a donné naissance au morbier. C’est à partir des années 1960 que la

fabrication du fromage se généralise avec les initiatives des fromagers qui sont partis du

Jura et du Doubs pour s’installer vers l’Ain, la Côte-d’Or et la Saône-et-Loire.

Les droits acquis n’ont pas été pris en considération par le décret du 22 décembre

2000 qui a créé l’appellation d’origine contrôlée «Morbier». La nouvelle réglementation

aurait pu soit adopter l’appellation d’origine «Morbier de Jura», soit combiner la

dénomination Morbier avec un autre lieudit faisant une délimitation plus large tout en

respectant le générique Morbier68.

64 Les tribulations de trois fromages en europe: ATLASYNTHÈSES, nº32 novembre 1996, pp. 9-10.65 Voir note 43.66 Voir note 53.67 L’utilisation de la cendre provenant de la combustion de bois est une pratique répandue poursaupoudrer certains fromages tels que, le Valençay de l’Indre, le Sainte-Maure de Tourraine (charbon debois). DEHOVE, Lamy, 370.121.68 Le décret 88-1206 du 30 décembre 1988 parmi les dénominations définies retenait “Morbier”.

32

Titre II : Moyens de concilier la divergence des réglementations

Les réglementations nationales, comme on avait l’occasion de le constater au titre

précédent, laissent le consommateur dans un état d’ignorance et le juriste sur sa faim…

Maintenant, on va voir si les textes à vocation supranationale peuvent concilier les

spécificités réglementaires et culturelles que les droits nationaux reflètent (Chapitre 1). Au

deuxième chapitre de ce titre on va aborder les principes dégagés par la jurisprudence

communautaire. Le renvoi par le juge national (article177 CE) permet à la Cour de justice

de se prononcer sur la compatibilité d’une disposition nationale avec le droit

communautaire, offre au juge national les éléments d’interprétation du traité CEE et du

droit dérivé et contribue à une image harmonisée de la réglementation en matière des

dénominations de vente de fromages (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Textes à valeur supranationale

Au début, on va se pencher sur les éventuelles solutions apportées par conventions

internationales en matière des dénominations génériques (multilatérales, bilatérales)

(Section 1) et par la suite on va essayer à expliquer une nouvelle génération des règles

provenant des professionnels: les normes du Codex Alimentarius (Section 2).

Section 1 : D’un droit étatique…

Les états ont très vite réalisé que la solution aux problèmes posés par les génériques

ne pourrait passer que par le droit des conventions internationales.

Sous-section 1 : La Convention de Stresa69 sur les dénominations des fromages

C’est la seule convention qui concerne spécialement les dénominations des

fromages. La Convention de Stresa a été signée le 1er juin 1951 à Stresa et est entrée en

vigueur le 12 juillet 1953. Huit pays avaient adhéré : l’Autriche, le Danemark, la France,

l’Italie, la Norvège, la Suède, les Pays-Bas et la Suisse. La Suède et la Norvège ont dénoncé

la Convention. L’Autriche a dénoncé la Convention par une note du 30 novembre 1994 et

n’est plus liée depuis le 9 février 199670.

La liste des «dénominations», c’est-à-dire, des fromages génériques définis (Annexe

B) comporte plusieurs fromages. Selon l’article 4 à l’annexe B on trouve des dénominations

qui font l’objet d’une réglementation nationale de la part des pouvoirs publics sur le

territoire de la partie contractante les ayant utilisées la première et dont l’emploi est réservé

pour des fromages de caractéristiques définies. L’alinéa 2 du même article dispose que les

caractéristiques des fromages auxquelles s’appliquent ces dénominations sont définies par

la partie contractante considérée, et doivent porter sur la forme, le poids, les dimensions, le

genre et la couleur de la croûte ainsi que de la pâte, de même que sur la teneur en matière

69 Décret n. 52-663 du 6 juin 1952 portant publication de la convention internationale sur l’emploi desappellations d’origine et dénominations de fromage, signée à Stresa, le 1er juin 1951. JO 11 juin 1952,pp. 5821-5824.70 OLSZAK N., Droit des appellations d’origine et indications de provenance, p. 127.

34

grasse du fromage. Ce système de protection d’après lequel c’est au pays qui a utilisé le

premier la dénomination de définir les caractéristiques du fromage désigné nous rappelle en

quelque sorte le système communautaire des attestations de spécificité. Les autres pays

peuvent utiliser la dénomination protégée selon l’article 4 alinéa 371 pour autant que les

fromages correspondent aux caractéristiques définies et que la dénomination soit

accompagnée de la mention du pays de fabrication.

Le peu du succès de cette convention et le nombre faible des adhérants sont en

partie justifiés par le système excessivement rigoureux adopté pour les appellations

d’origine. La difficulté d’harmonisation entre les règles de la convention de Stresa et les

réglementations internes de certains pays ont fait que cette convention est devenue

obsolète. Toujours en vigueur, elle est aujourd’hui dépassée par les évolutions. L’effort

mené par le Conseil des représentants permanents de la Convention pour sa révision n’a

pas abouti72.

Dans l’affaire Deserbais73 il était question de la compatibilité d’une réglementation

nationale (française) à l’article 30 du Traité de Rome. Gérard Deserbais a importé en

France du fromage sous la dénomination «Edam» originaire de la République Fédérale

d’Allemagne. La teneur de ce fromage en matière grasse était de 34,3% tandis que la

législation française suivant la norme de la Convention de Stresa exigeait 40% de matière

grasse. Mais dans ce cas l’argument tiré par la Convention de Stresa ne pouvait pas jouer

parce que l’Allemagne ne l’a pas signée. La Cour de justice a dit qu’un Etat membre ne

saurait invoquer des dispositions d’une Convention conclue antérieurement pour justifier

des entraves à libre commercialisation d’un produit prévue par le Traité. Il s’agissait,

d’ailleurs, de la confirmation d’une jurisprudence74 bien constante de la CJCE quant aux

accords des États membres antérieurs au traité CEE. Dans l’arrêt Conegate la Cour a

affirmé que «l’article 234 du traité doit être interprété en ce sens qu’une convention conclue

71 Camembert, brie, saint-paulin (France); provolone, caciocavallo, fontina, fiore sardo, asiago, (Italie);emmental, sbrinz (Suisse); danbo, mycelle, samsoe, danablu, marmora, maribo, fynbo, elbo, tybo,havarti, esrom (Danemark); sveciaost, herrgardsost, adelost (Suède); pinzgauer BerKaese (Autriche);gouda, edam, fromage de Leyde, fromage de Frise (Pays-Bas); gudbrandsdalsost, noekelost (Norvège);gruyère (Suisse et France);72TROTTA G., La Convention de Stresa sur l’emploi des noms de fromages et le projet de traité del’OMPI sur la protection des indications géographiques : Propriété Industrielle, avril 1977, pp. 117-129.73 C-286/86, Rec. 1988, p. 4907.74 Aff. C-121/85, Conegate Limited c/HM Customs & Excise, Rec. 1986, p. 1007. Dans le même sensl’arrêt du 14 octobre 1980 C-812/79, Attorney General c/J. Burgoa, Rec. 1980, p. 2787.

35

antérieurement à l’entrée en vigueur du traité ne peut être invoquée pour justifier des

restrictions dans le commerce entre États membres. En effet, cette disposition, qui a pour

objet d’assurer que l’application du traité n’affecte ni le respect dû aux droits des pays tiers

résultant d’une convention antérieurement conclue avec un Etat membre ni l’observation

des obligations résultant de cette convention pour cet Etat membre, ne vise que les droits et

obligations établis entre des États membres et des pays tiers».

Il résulte que la présente convention n’a plus d’application entre les États membres

de l’Union européenne.

Sous-section 2 : Conventions générales bilatérales

On a vu se développer un système d’accords entre deux pays visant à la protection

de leurs dénominations respectives des produits agro-alimentaires ou des produits de

l’artisanat. La protection absolue que ces accords apportent aux dénominations des deux

pays crée à la vérité encore plus de restrictions aux échanges mondiaux. On va suivre notre

étude avec les principaux accords de la France pour la protection des dénominations

géographiques.

i) Le Traité entre la République française et la confédération Suisse 75

Le Traité entre la France et la Suisse concerne la protection des indications de

provenance, des appellations d’origine et d’autres dénominations géographiques. Elle a été

signée à Berne le 14 mai 1974. Elle comporte deux annexes où sont précisées les

dénominations protégées. La protection s’étend à des appellations d’origine comme l’on

peut facilement le constater. Cependant, certaines dispositions du traité font référence à

quelques noms génériques.

La dénomination de vente «Petit Suisse» n’est pas comprise dans la liste des

fromages suisses. Selon l’article 6 du traité, la Suisse n’exclut pas l’utilisation de celle-ci

pour des fromages fabriqués en France. Cette dénomination est réservée à des fromages

75 J.O du 11 novembre 1975, p. 11575.

36

frais ayant des taux de matières grasses très précis. L’annexe du décret nº 88-1206 impose

40% de matière grasse aux cylindres de 30 grammes et 60% de matière grasse aux cylindres

de 60 grammes.

L’inscription de la dénomination «Sbrinz» à l’annexe des dénominations destinées à

être utilisées par la Suisse n’exclut pas son utilisation en France pour des fromages qui ne

sont pas d’origine suisse (art. 9). D’ailleurs cette dénomination est inclue à l’annexe B de la

Convention de Stresa. L’article 9 du traité précise que cette dénomination peut être utilisée

librement par la France autant que les deux pays soient membres de la Convention de

Stresa et que la dénomination ne soit pas supprimée par la liste. Et, pourtant, désormais, le

Sbrinz est protégé par une A.O.C suisse. De la même façon l’article 10 dispose que la

dénomination «Vacherin Mont d’Or» malgré son inscription à la liste suisse peut être

utilisée par la France. Ce fromage est produit depuis le milieu du 19ème siècle aux deux

côtés de la frontière franco-suisse dans les alpages du Mont Risoux. A la lumière du

règlement n° 1107/96 qui a enregistré le «Vacherin Mont d’Or» en tant qu’A.O.P. en

faveur de la France la disposition précitée paraît obsolète et d’autant plus que les suisses

ont déjà déposé une demande d’AOC pour la même appellation (déposée le 9 octobre 1998

et publiée dans le FOSC le 18 mai 2001). Il est évident que cette convention bilatérale a

commencé à perdre son intérêt.

En Suisse s’est fait senti le défi que représente le marché européen pour son

économie fromagère. La Suisse est actuellement en négociation avec l’U.E. pour les

appellations fromagères, telles que l’emmental ou le gruyère76. La revendication de ces

deux termes va générer de nouveaux problèmes dans l’Union européenne. Suivant les

renvois en bas de page du règlement n° 1107/96 de la Commission relatif à

l’enregistrement des indications géographiques et des appellations d’origine la protection de

la dénomination «gruyère» tout seul ou «emmental» tout seul n’a pas été demandée. On

trouve, alors, à la liste des fromages grecs à A.O.C., les appellations, Graviera Agrafon,

Graviera Kritis, Graviera Naxou et Kefalograviera (le substantif «graviera» est la traduction

littérale en grec du terme «gruyère») mais pour des fromages qui diffèrent totalement de la

gruyère suisse puisqu’ils sont élaborés au lait mélangé de brebis et de chèvre. En France,

76 La dénomination “gruyère” est réservée par la Convention de Stresa (annexe B) à la Suisse et à laFrance. Dans le Traité franco-suisse le terme apparaît dans les deux listes. Le gruyère est reconnu en tantqu’AOC par l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) le 6 juillet 2001, parmi quatre autres fromages:l’Étivaz (28 janvier 2000), la Tête-de-moine (19 avril 2001), le Sbrinz (22 avril 2002) et le formaggiod’alpe ticinese (31 mai 2002).

37

aussi, il y a une production de gruyère et il est sûr que les producteurs français ne vont pas

renoncer à l’utilisation de ce terme si facilement, même si leur cahier des charges paraît

moins exigeant que celui du fromage suisse. Sur la base de l’article 12 du règlement nº

2081/92 la Suisse peut demander la reconnaissance de son registre des A.O.C.-I.G.P. par

l’Union européenne sous trois conditions : la réciprocité, l’existence d’un système de

protection équivalente à celle existante dans la Communauté et d’un régime de contrôle

équivalent à celui défini à l’article 10. L’Ordonnance Suisse sur les A.O.C. et les I.G.P. du

28 mai 1997 assure un niveau de protection comparable à celui du règlement

communautaire.

ii) La Convention entre la République française et l’Iltalie77

En application de la Convention entre la France et l’Italie certaines dénominations

de fromages ont été protégées. Mais la plupart de ces dénominations bénéficient désormais

d’une protection renforcée au niveau communautaire.

Le terme «parmesan» est protégé dans le cadre du Traité franco-italien. Comme il

n’y avait pas une définition stricte de la dénomination au niveau international l’Italie s’est

vue obligée de signer des accords bilatéraux avec plusieurs pays (Autriche, République

Fédéral d’Allemagne, Espagne)78 pour la protection de «parmesan». Mais la protection

acquise de cette façon pour une dénomination désignant un fromage largement

commercialisé79 partout dans le monde paraît insuffisante dans le contexte des échanges

mondiaux.

77 Décret n. 69-393 du 24 avril 1969 portant publication de la Convention entre la République française etla République italienne sur la protection des appellations d’origine, des indications de provenance et desdénominations de certains produits, ensembe le protocole et les deux annexes joints, signés à Rome le 28avril 1964 J.O. du 27 avril 1969, p. 1.78 Accord de l’Italie avec l’Autriche le 1er février 1952, avec la RFA le 23 juillet 1963 et avec l’Espagnele 9 avril 1975.79 Plus de 108 000 tonnes de parmesan ont été produites en 2001 pour un chiffre d’affaires de 800millions d’euros. Libération n. 6504, Économie, vendredi 12 avril 2002, p. 25.

38

iii) Le Traité de commerce et de navigation entre le Royaume des Pays-Bas et la

République française

En vertu du traité du commerce et de la navigation conclu entre le Royaume des

Pays-Bas et la République Française la dénomination «fromage de Hollande»80 est protégée

sur le territoire français. La protection ne s’étend pas à un certain type de fromage

hollandais (gouda, édam) mais elle ne permet pas la vente des fromages sous le vocable

«fromage de Hollande».

Section 2 : …vers une «professionnalisation» de droit - L’exemple du CodexAlimentarius

Dans cette section il est question de droit, mais pas de droit étatique. Les normes

du Codex alimentarius sont des règles à valeur supranationale mais elles sont élaborées par

des professionnels, d’où leur caractère extrêmement technique. On va essayer dans une

première partie voir quelles sont les caractéristiques des normes sur les fromages (a) et dans

une deuxième partie on va parler de la valeur de ces règles (b).

Sous-section 1 : L’élaboration des normes du Codex Alimentarius

La Commission du Codex Alimentarius a été créée en 1962 par l’initiative commune

de deux institutions de l’ONU : la FAO (Organisation pour l’alimentation et l’agriculture

fondée en 1945) et l’OMS (Organisation mondiale de la santé fondée en 1948). La

Commission du Codex Alimentarius compte actuellement 165 pays, représentant 98% de la

population.

L’objectif de cette organisation internationale de normalisation dans le domaine

alimentaire est annoncé à ses Statuts 81:

a) «Protéger la santé des consommateurs et assurer des pratiques loyales dans le

commerce alimentaire;

80 DEHOVE, Lamy, 370.316.81 Site www.fao.org «Le système du Codex: la FAO, l’OMS et la Commission du Codex Alimentarius».

39

b) Promouvoir la coordination de tous les travaux en matière de normes alimentaires

entrepris par des organisations internationales gouvernementales et non

gouvernementales;

c) Établir un ordre de priorité et prendre l’initiative et la conduite du travail de

préparation des projets de normes, par l’intermédiaire des organisations compétentes et

avec leur aide;

d) Mettre au point les normes préparées comme indiqué au paragraphe (c) et, après leur

acceptation par les gouvernements, les publier dans un Codex Alimentarius, soit

comme normes régionales, soit comme normes mondiales, conjointement aux normes

internationales déjà mises au point par d’autres organismes comme mentionné au

paragraphe (b), chaque fois que cela sera possible;

e) Après une étude appropriée, modifier les normes déjà publiées, à la lumière de la

situation».

Le travail de la commission est organisé en groupes, les comités «horizontaux»

s’occupant des sujets généraux et les comités «verticaux» s’occupant des produits. Un des

groupes verticaux est le Comité sur le lait et les produits laitiers. Le Comité laitier se réunit

tous les deux ans et il élabore de nouvelles normes.

Les unions des consommateurs sont représentées au sein de la Commission du

Codex depuis 196582. Afin de stimuler le principe de transparence dans les travaux de la

Commission lors de la session de 1999 à Rome la Commission a pris des décisions pour la

participation d’organisations non gouvernementales.

La structure des normes individuelles, à savoir pour un produit particulier,

l’emmental, le camembert, le brie est la suivante : la désignation du fromage, les pays

déposants, les matières premières, les caractéristiques du fromage prêt à la consommation,

la méthode de fabrication, l’échantillonnage l’analyse, le marquage et l’étiquetage.

Ainsi, au niveau du Codex vient d’obtenir une protection le parmesan,

dénomination pour le fromage produit exclusivement dans la région de Parme-Reggio-

82 Site www.senat.fr “Sécurité alimentaire: Le codex alimentarius”. Rapport d’information (1999-2000)par BIZET J.

40

Modène83. Actuellement, les italiens se battent devant les instances communautaires pour

obtenir une stricte protection de cette dénomination. Pour l’Italie il s’agit de la protection

de la traduction de l’appellation «Parmigiano Reggiano» déjà protégée en tant qu’A.O.P. au

niveau communautaire. L’Allemagne et d’autres pays du Nord à la précédente session du

Codex, il y a deux ans, prétendaient que le parmesan est simplement tout type de fromage

dur et râpé84. Deux ans après, à la session de 2002 à Wellington en Nouvelle-Zélande les

européens se sont présentés plus unis pour défendre la position italienne.

Les choses n’étaient pas si favorables pour la dénomination «feta». La Grèce a

souhaité que la feta soit définie comme un fromage fabriqué exclusivement au lait de brebis

ou au mélange lait de brebis et lait de chèvre. Mais à l’époque85les Danois et les Anglo-

saxons ont lutté vigoureusement contre cette définition et ont proposé que la feta puisse

être élaborée au lait de vache. Devant une majorité de 11 voix pour l’abandon de la norme

contre 10 voix pour son adoption le Comité laitier a décidé de ne pas trancher le sujet. Au

moins, en 1999 une norme générale sur les fromages en saumure a été adopté selon laquelle

l’adjonction des additifs pour le blanchiment de fromage à lait de vache est interdite.

Il y a déjà une liste pour les principaux dénominations de vente. Mais, l’adoption

de telles normes représente le travail de longues années de discussions et négociations. Les

enjeux économiques et les pressions exercées par les groupes d’industriels dans le secteur

des fromages génériques mettent en question l’harmonisation des normes pour les

pricipales dénominations de vente. Il faut aussi tenir compte «que ce sont les habitudes et

des demandes des consommateurs qui déterminent les normes de qualité, de façon que

ceux-ci trouvent sur le marché ce qu’ils désirent»86. Si, dans les normes du Codex, on va

changer excessivement les caractéristiques d’un fromage cela va perturber les

consommateurs. C’est pourquoi une harmonisation des seules caractéristiques principales

de chaque fromage paraît suffisante pour le meilleur fonctionnement du marché

international. «Il faut hiérarchiser les problèmes et rechercher ce qui caractérise le plus un

fromage aux yeux du consommateur en tenant compte de l’origine historique du produit.

83 AFP, jeudi 11 avril 2002, Libération n. 6504, Économie, vendredi 12 avril 2002, p. 25.84 Le caractère générique de la dénomination a été soutenu par RUIZ JARABO COLOMER dans lesconclusions de l’affaire C-317/95 (note en bas de page 49). Dans le même sens Lamy DEHOVE 370.315.85 22ème Session du Codex Alimentarius à Rome (5-9 novembre 1990) “Une victoire amère” MEDIAFNIL n.18 janvier 1991 pp.17-18.86 Conclusions de l’Avocat général M. CAPOTORTI, point 5: C-120-78, Rec. 1979, p. 649.

41

La forme du fromage, sa dimension et sa technologie seraient prioritaires. Pour la teneur en

MG, un peu de souplesse permettrait de résoudre des difficultés»87.

Sous-section 2 : La valeur juridique des normes Codex

Au début, ces normes étaient incontestablement d’une très grande utilité pour les

pays qui ne disposaient pas de réglementation en la matière et surtout pour les pays en voie

de développement. Mais, désormais, les normes du Codex constituent pour tous les pays la

référence dans le domaine alimentaire.

Les normes du Codex sont soit acceptées sans réserve, soit acceptées à titre objectif,

soit acceptées avec des dérogations spécifiées. Mais on peut, toujours, même si on participe

aux travaux du Codex, ne pas accepter les normes. La France p.ex., pays fondateur, elle

n’accepte pas les règles, sauf exception. Les pays membres du Codex ou de l’OMC ne sont

pas obligés d’adopter les normes du Codex. En cas de litige l’OMC peut approuver des

sanctions commerciales punitives contre un pays qui ne justifie pas des exigences plus

restrictives que celles définies par le Codex.

La CJCE a conclu à la valeur indicative des règles du Codex. Dans l’affaire

Deserbais la Cour de justice a observé que les normes que le Codex «prévoit sur la

composition de certaines denrées alimentaires ont effectivement pour but de fournir des

indications permettant de définir les caractéristiques de ces produits. Toutefois qu’une

marchandise n’est pas entièrement conforme à la norme prévue n’implique pas que sa

commercialisation peut être interdite»88.

Dans le cas d’emmental sans croûte la CJCE a confirmé la jurisprudence

précédemment évoquée.89

87 GILLIS J.-C., Les enjeux d’une harmonisation : ATLASYNTHÈSES n. 7 juillet 1994 p. 4.88 C-286/86 considérant numéro 15.89 Ministère public c/J.-P. Guimont C-448/98, attendu 32. Dans le même sens quant à la valeur juridiquedes normes Codex s’est exprimée la Cour de Cassation (Ch. Crim.) 12 octobre 1999, Micheli Gilberto etautres ; pourvoi c/ CA Chambéry, 5 mars 1998. Arrêt nº 5085 juridisque Lamy.

42

Ainsi, le Conseil d’Etat dans sa décision du 27 juillet 2001 a résulté au caractère

non générique de la dénomination «époisses». Il a tiré argument du fait que ce terme n’est

pas défini comme générique dans le codex alimentarius.

Les normes du Codex constituent de plus en plus un point de référence dans le

domaine alimentaire. La Commission des Communautés européennes au règlement (CE)

nº 2527/98 du 25 novembre 1998 inscrivant la mozzarella en tant qu’une spécialité

traditionnelle garantie a retenu la définition du produit faite par le Codex.

Chapitre 2 : Un rapprochement entre les différentes réglementations

consacré par le contrôle juridictionnel de la CJCE

La disparité des réglementations nationales visant les caractéristiques techniques

des produits et les conditions de leur commercialisation (conditionnement, étiquetage,

composition, matières premières, pourcentage de la m.g., conditions d’affinage) peuvent

poser des obstacles à la libre circulation des marchandises. Ainsi le progrès technique

créant la possibilité des nouveaux procédés de production, moins longs et couteux ont

conduit à la prolifération des normes nationales à caractère technique.

La Communauté par le biais des directives d’harmonisation – ce qu’on appelle

«approche verticale» - essaie d’assurer un minimum des règles communes et de ce fait le

bon fonctionnement du marché intérieur. Le fameux arrêt «Cassis de Dijon» amène la

Commission à modifier sa politique en matière d’harmonisation des législations. A l’arrêt

du 20 février 1979 a été posée la question de la compatibilité d’une disposition de la loi

allemande sur le monopole fédéral des alcools distillés avec le principe posé par l’article 30

du traité de Rome. La disposition litigieuse interdisait la commercialisation des alcools

présentant une teneur alcoolique inférieure à 32%, pourcentage qui était réduit à 25% pour

les liqueurs du type du cassis. Les conséquences pratiques de cet arrêt étaient importantes.

Le contrôle rigoureux des réglementations nationales à la lumière des articles 30 et 36 Tr.

CEE a été considéré pour la grande majorité des cas efficace pour lutter contre toute

entrave à la libre circulation des marchandises. Ainsi, à l’époque, un grand nombre des

propositions de directives d’harmonisation a été abandonné par la Commission.

«Selon la jurisprudence constante de la Cour, une entrave à la commercialisation

qui se manifeste par une restriction à l’usage d’une certaine dénomination plutôt que par

une interdiction frappant directement le produit peut néanmoins constituer une restriction

au sens de l’article 30 du traité CEE»90. C’est bien ce cas qu’on va voir dans cette partie.

Dans une première section on va se pencher à l’étude du principe de la libre

circulation des fromages légalement fabriqués et commercialisés et, puis, dans une

90 Conclusions de l’Avocat général Sir Gordon SLYNN, C-286/86, Rec. 1988, p. 4907.

44

deuxième section on va voir l’interprétation extensive que la CJCE fait de l’art. 30 du traité

de Rome (28 traité d’Amsterdam) pour sanctionner des situations purement internes.

Section 1 : La libre circulation des fromages légalement produits et commercialisés(Affaire Deserbais)

En l’absence d’une réglementation commune de la commercialisation des produits

dont il s’agit chaque pays peut adopter sa propre réglementation. Cette «nouvelle

approche» de reconnaissance mutuelle a été confirmée dans l’arrêt «Edam». Dans le droit fil

de cette jurisprudence a été modifié le décret n° 88-1206. Très récemment, il a été ajouté un

article 18 bis selon lequel les produits visés au décret légalement fabriqués ou

commercialisés et conformes aux usages loyaux dans les autres États membres de l’Union

européenne et les pays signataires de l’accord sur l’Espace économique européen sont

librement commercialisés sur le territoire français.

Les réglementations nationales des dénominations ne doivent pas viser à la

protection d’une production locale mais à la protection de la loyauté dans les transactions

commerciales et à la santé des consommateurs. Les buts, apréciés en tant qu’exigences

impératives par la Cour de justice, sont susceptibles de justifier une mesure contraire à

l’article 30 CEE.

Pour que la réglementation mise en cause soit valable au regard de l’article 30 du

traité elle doit remplir un certain nombre des conditions forgées par la jurisprudence

communautaire au fil des années.

Le produit doit être légalement fabriqué et commercialisé dans le pays d’origine.

Ici, n’existe pas le moindre doute que l’Edam en provenance de l’Allemagne était élaborée

selon la réglementation allemande qui permettait la commercialisation d’un fromage à 40

% de m.g. sous la dénomination «Edam». Ainsi, la réglementation doit être indistinctement

applicable aux produits nationaux et aux produits importés.

Le principe énoncé à la dernière section ne subit des exceptions que dans des

conditions très strictes. Toute dérogation aux dispositions fondamentales du traité doit être

d’interpétation stricte. Pour la justification des exceptions la Cour opère un contrôle de

«proportionnalité», c’est-à-dire, un contrôle qui couvre plusieurs aspects de la validité de la

disposition nationale en cause.

45

La Cour de justice vérifie d’abord si les faits invoqués par les États membres

justifient une décision dictée par des exigences impératives d’intérêt général. Puis, elle va

rechercher si la réglementation vise à un objectif d’intérêt général. A la fin, la Cour va

vérifier si la réglementation en cause – entrave - constitue la garantie essentielle pour

atteindre le but, c’est-à-dire, qu’elle soit le moindre obstacle à la liberté des échanges et à la

fois le moyen le plus adéquat.

Dans l’affaire «Edam» le but de la réglementation française mise en cause était la

protection des consommateurs et la loyauté des transactions commerciales. La

réglementation française n’a pas été considérée proportionnée avec le but à atteindre dès

lors que l’information adéquate des consommateurs et la loyauté du marché était assurée

par d’autres moyens moins restrictifs, tels qu’une étiquette apposée sur le produit portant

les mentions nécessaires à cet effet (dénomination de vente, pays de fabrication, m.g.). En

termes de l’arrêt on dirait que «L’Etat membre d’importation ne saurait faire obstacle à

l’importation et à la commercialisation de tels fromages, lorsque l’information du

consommateur est assurée».

Mais si le produit portant la dénomination «Edam» paraît-il radicalement différent?

Cette hypothèse n’a pas été envisagée clairement en l’espèce. Dans cette hypothèse

l’objectif de la protection des consommateurs par les fraudes ne saurait être suffisamment

assurée par un simple étiquetage91. Cependant, la Cour n’a pas explicité les critères qui

nous permettent de définir les différences substantielles susceptibles d’induire le

consommateur en erreur même après un étiquetage additionnel adéquat. Dans une

communication de 199192, la Commission concernant les critères à tenir en compte propose

les définitions retenues par le Codex Alimentarius, les règlementations des États-membres et

les références dans des actes communautaires, notamment dans la nomenclature tarifaire

utilisée pour l’application du tarif douanier commun. Mais la Commission ne définit ni la

mesure des différences ni la hiérarchie à suivre entre les critères indiqués pour opérer cette

comparaison.

L’arrêt «Edam» constitue une application des principes classiques du droit

communautaire et par ce fait ne cache pas de surprises. Par contre l’arrêt «Emmental»

paraît un peu surprenant.

91 Exemple de l’arrêt “Smanor” où il était question de l’application de la dénomination «yaourt» à desyaourts surgelés. Arrêt du 14 juillet 1988, C-298/87, Rec. 4907.92 JOCE C 270, p.2.

46

Section 2 : L’extension de l’art. 30 à des cas sans aucun élément d’extranéité (AffaireGuimont)

La règle française concernant la dénomination «emmental» a beaucoup préoccupé

les instances nationales avant d’être portée à la Cour de justice. Cette affaire oppose les

deux plus grandes sociétés françaises dans le marché de l’emmental : Entremont et

Lactalis. Le Tribunal d’Annecy93, dans son jugement, le 2 mai 1997 a constaté la non

conformité de la croûte sur un quart de meule qui lui est présenté et a condamné le groupe

Lactalis à deux amendes. Par la suite la Cour d’appel de Chambéry, le 5 mars a confirmé le

jugement du tribunal. A la fin, la Cour de Cassation94, le 12 octobre 1999, a rejeté le

pourvoi en confirmant l’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry. Le Tribunal de Saint-

Nazaire le 24 février 1998 a rejeté la demande contre une autre filiale de Lactalis pour

infraction pour insuffisance de croûte. La Cour d’appel de Rennes le 10 juin 1999 a

confirmé le jugement. Le Tribunal de Belley (24 novembre 1998) a sursis a statuer et a

adressé une question préjudicielle à la CJCE.

La Cour de Cassation dans l’arrêt précité, après avoir fait un état de lieux de la

jurisprudence communautaire en la matière (Cassis de Dijon, Smanor, Deserbais, Pistre)95

affirme que l’affaire est purement interne et qu’aucun élément ne saurait justifier

l’application de l’article 30. La Cour affirme «qu’en l’espèce, il ne résultait ni du dossier ni

des débats que la réglementation française sur l’emmental aurait favorisé la

commercialisation des produits nationaux au détriment de ceux importés et aurait ainsi

affecté le commerce intracommunautaire».

Au contraire de la Cour de Cassation, la Cour de justice finit par accepter

l’application de l’article 30 en l’espèce faisant une interpétation intéressante mais pas privée

de problèmes juridiques pour les spécialistes du droit communautaire.

93 Références par le site : www.lactalis.com. Ces décisions à notre connaissance n’ont pas été publiées.94 Cass. (Ch. Crim.) 12 octobre 1999: Arrêt n. 5085 juridisque Lamy; ROBERT J.-H. Avec ou sanscroûte? Droit Pénal janvier 2000, pp. 17-18 n. 8.95 Arrêt du 20 février 1979, Cassis de Dijon, C-120/78, Rec. 1979, p. 649; arrêt du 14 juillet 1988,Smanor, C-298/87, Rec. p. 4489; arrêt du 7 mai 1997, Pistre, affaires jnts C-321/94, C-322/94, C-323/94,C-324/94, Rec. 1997 p.2343. Pour l’arrêt Deserbais on renvoie à la note n. 78.

47

M. Guimont a été condamné par ordonnance à deux cent soixante amendes pour

avoir détenu pour vendre, vendu ou offert à la vente des meules de fromage emmental

dépourvues de croûte extérieure. M. Guimont a fait opposition à cette ordonnance et le

Tribunal de police de Belley a déféré à la CJCE une question préjudicielle concernant la

compatibilité de la réglementation française qui interdit l’utilisation de la dénomination

emmental pour des fromages qui ne sont recouverts d’une «croûte dure et sèche, de couleur

jaune doré à brun clair» (Article 6 et annexe définition «emmental», décret 88-1206) au

regard de l’article 30 (devenu 28 CE).

Le gouvernement français a fait valoir l’inapplicabilité de l’article 30 dans la

situation jugée. La règle de l’annexe du décret 88-1206 n’était dans la pratique appliqué

qu’aux produits nationaux. «Ladite règle serait destinée à créer des obligations

exclusivement pour les producteurs nationaux et ne concernerait donc aucunement le

commerce intracommunautaire» (attendu 14). Cet argument du gouvernement français a

été rejeté par la Cour. «En effet, le seul fait qu’une règle n’est pas appliquée dans la pratique

aux produits importés n’exclut pas qu’elle puisse avoir des effets entravant indirectement et

potentiellement le commerce intracommunautaire» (attendu 17).

En deuxième lieu le gouvernement français a soutenu que les faits qui étaient à

l’origine de ce renvoi était purement internes, le prévenu était de nationalité française et le

produit en cause était fabriqué et commercialisé dans le territoire français et pour ces

raisons l’article 30 ne trouvait pas de champ d’application. La Cour sur ce point a confirmé

l’orientation jurisprudentielle faite à l’arrêt Pistre. Dans cette affaire où il n’y avait aucun

élément d’extranéité a été posée la question de l’interdiction de l’apposition de la

dénomination «montagne» pour des produits de charcuterie. La Cour a conclu que l’article

30 ne peut être écarté pour la seule raison que tous les éléments en l’espèce étaient

cantonnés à l’intérieur d’un seul Etat membre. «En effet, dans une telle situation,

l’application de la mesure nationale peut également avoir des effets sur la libre circulation

des marchandises entre États membres, notamment lorsque la mesure en cause favorise la

commercialisation des marchandises d’origine nationale au détriment des marchandises

importées. Dans de telles circonstances, l’application de la mesure, serait-elle limitée aux

seuls producteurs nationaux, crée et maintient par elle-même une différence de traitement

entre ces deux catégories de marchandises entravant, au moins potentiellement, le

commerce intracommunautaire» (attendu 44, 45).

48

La solution adoptée par l’arrêt Guimont a été accueillie avec mécontentement96 par

les professeurs du droit communautaire. Selon M. Pouchard, il valait mieux de prendre

appui sur l’article 29 et en faire une interprétation moins restrictive de cet article pour

contester la règle litigieuse au regard du droit communautaire. Selon M. Rigaux, la Cour

aurait pu ne pas appliquer le principe communautaire de la libre circulation des

marchandises et inciter les juridictions nationales à résoudre le litige selon le principe

d’égalité de traitement.

L’arrêt Guimont se situe dans le droit fil de la jurisprudence Dassonville

selon laquelle l’article 30 prohibe toutes les réglementations nationales susceptibles

d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce

intracommunautaire. Cette conception de l’art. 30 assez extensive donne la possibilité de

sanctionner des réglementations nationales qui sous préserve de la protection des

consommateurs interdisent l’utilisation des dénominations de vente. Ces mesures sont la

marque de protectionnisme des produits nationaux. Pour les tiers États membres ces

mesures obligent à la différenciation des produits fabriqués destinés à d’autres pays et

signifient une augmentation du coût de production.

Après avoir abordé les dénominations génériques des fromages, on va attaquer la

question des dénominations géographiques qui peuvent constituer l’objet d’une protection

accrue au niveau national et communautaire.

96 Commentaire de RIGAUX A. Europe février 2001, p. 17-19, n. 58; Commentaire de POUCHARD D.,JCP. éd. G II 10551 nº 25 20 juin 2001, pp. 1228-1232.

Partie II : Fromages à A.O.P./I.G.P./A.S. – La coordination entre le

système communautaire et les réglementations nationales

Le système communautaire des appellations d’origine protégées, des indications

géographiques protégées et des attestations de spécificité est uniforme. Il constitue une

sorte de droit de superposition à l’égard des réglementations nationales. Le schéma

classique de l’harmonisation97 des réglementations suppose la mise en conformité des

lois nationales en fonction d’objectifs ou de résultats imposés par la Communauté

européenne. Le choix de la coordination, réalisé par la Communauté en matière des

signes de qualité, diffère en ce que les droits nationaux restent tels qu’ils sont. «Il s’agit

d’un système volontaire»98. Devant la nouveauté de deux règlements, chaque État-

membre peut choisir librement la mesure de l’impact des règlements communautaires

sur son droit national. Le premier choix, moins exigeant, est l’indépendance des signes

nationaux et communautaires. Dans ce cas d’espèce, les deux droits ont des domaines

d’application différentes. Le droit national va régir la commercialisation dans le marché

national et le droit communautaire va s’appliquer à la commercialisation dans le

marché européen. Le deuxième choix, fait par la France, consiste à unifier les deux

systèmes de protection. L’article L. 115-26-1 C.consomm. exige aux alinéas 3 et 4

respectivement pour l’enregistrement des A.O.P/I.G.P. et des A.S. l’enregistrement

préalable d’une appellation d’origine contrôlée, label ou certificat de conformité. Dans

quelconque des choix des États membres c’est à la Cour de justice d’interpréter les

textes communautaires et de contribuer à l’évolution des deux niveaux, national et

communautaire, en un ensemble perçu globalement.

97Un exemple caractéristique d’harmonisation en droit des marques est la directive 89/104 du Conseil CE du 21décembre 1988 (JOCE nº L. 40 du 11 février 1989) et en droit des dessins et modèles la directive 98/71 duConseil CE du 13 octobre 1998 (JOCE nº L. 289 du 28 oct. 1998).98 Exposé des motifs de la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement nº 2081/92 présentéepar la Commission le 15 mars 2002. COM(2002) 139 final, p. 2.

Le règlement nº 2081/92 institue un système à deux phases pour l’enregistrement

d’une AOP/IGP. La première est la phase nationale. Les demandes d’enregistrement des

dénominations géographiques sont établies par un groupement de producteurs et/ou

transformateurs ou exceptionnellement par une personne physique ou moral. Le dossier,

constitué par la demande, par d’autres documents et notamment le cahier des charges, va

être transmis aux autorités nationales compétentes qui vont examiner le bien-fondé de la

demande et sa compatibilité au règlement communautaire. C’est la transmission à la

Commission des demandes d’enregistrement qui va ouvrir la phase communautaire. Cette

phase comprend plusieurs stades : la réception, l’instruction, la publication au JOCE et

éventuellement une opposition. Le sujet de l’articulation entre la procédure nationale et la

procédure communautaire a beaucoup préoccupé tant les instances nationales que les

instances communautaires.

Selon l’article 5, paragraphe 5, alinéa 2 modifiée par le règlement 535/97 une

protection nationale ainsi que, le cas échéant, une période d’adaptation peuvent être

accordées transitoirement par l’Etat membre à la dénomination ainsi transmise à partir de

la date de cette transmission. Un contentieux administratif important concernant des

dénominations des fromages a apporté des clarifications quant à la nature de la compétence

de l’Etat membre durant la phase transitoire et quant au champ d’application temporel des

décrets relatifs aux AOC. La première affaire porte sur l’appellation d’origine «Bleu du

Vercors-Sassenage», la seconde sur l’AOC «Valençay» et la troisième sur l’AOC «Comté».

Dans la première affaire99 le Premier ministre avait transmis une demande

d’enregistrement de l’AOC «Bleu du Vercors-Sassenage» à la Commission par le décret

attaqué, dont l’article 11 instituait une période transitoire pendant laquelle les autres

pourraient utiliser l’AOC dans l’attente de l’enregistrement. Le Conseil d’État a annulé

l’article 11 en ce qu’il a fixé le point de départ de la protection provisoire à la date de la

publication du décret, soit le 8 août 1998 et non à la date de la transmission à la

Commission, soit le 28 octobre 1998.

Dans la seconde affaire100 le Conseil d’État a annulé la décision implicite de rejet

par le Premier ministre de la demande de la société requérante qui tendait à l’abrogation du

décret du 13 juillet relatif à l’AOC «Valençay» dans la mesure où la protection provisoire

99 CE, 2 février 2000 N˚ 200047, S.A. L’Étoile du Vercors, Juridisque Lamy.100 CE, 21 juin 2000 N˚ 212348, N˚ 219211, Société Eurial Poitouraine, Juridisque Lamy.

51

prenait effet à la date de la publication du décret, soit le 21 juillet 1998, alors que la

demande d’enregistrement avait été transmise à la Commission le 23 octobre 1998.

Dans la troisième affaire101il s’agissait du décret102du 30 décembre 1998 qui

accordait une protection, imposant des conditions de production différentes de celles

définies dans le cahier des charges transmis déjà à la Commission avec la demande initiale

d’enregistrement de l’AOC «Comté». Le Conseil d’État a jugé que le fait que la «demande

de modification n’a été adressée au secrétariat de la Commission que le 13 janvier 1999,

alors que le décret attaqué a été publié au Journal officiel de la République française le 5

janvier 1999, n’a pas eu pour effet d’entacher ce décret d’incompétence mais seulement de

différer du jour de sa publication au jour de sa transmission son opposabilité comme seul

régime de protection nationale applicable».

Ainsi, d’autres cas nous ont fourni des éléments intéressants concernant le champ

d’application matériel de la compétence des autorités nationales. La question de la

compétence d’un Etat membre de modifier une appellation d’origine pour laquelle ce

même Etat membre a demandé et obtenu l’enregistrement a été posée à la CJCE à propos

de l’affaire «époisses de Bourgogne». La dénomination d’un produit, élément qui fait partie

du cahier des charges d’une AOP ou IGP, ne peut être modifiée que sous les conditions de

l’article 9 du règlement. L’Etat membre concerné peut demander la modification d’un

cahier des charges, notamment pour tenir compte de l’évolution des connaissances

scientifiques et techniques ou pour revoir la délimitation géographique. La procédure de

l’article 6 s’applique mutatis mutandis. L’alinéa 3 dispose que la Commission peut déroger

des exigences précitées si la modification est mineure.

Cette disposition a été appliquée au changement de la dénomination «Ossau-Iraty

Brebis-Pyrénées» en «Ossau-Iraty»103. Le caractère mineur de la modification et l’absence

des droits des tiers en l’espèce ont amené la Commission à considérer que la modification

pourrait être faite directement.

Par contre dans l’affaire «Epoisses de Bourgogne» les autorités nationales n’étaient

pas compétentes pour modifier la dénomination en cause. Conformément à la décision de

101 CE, 29 mars 2000 Sté Fromagerie Le Centurion e.a. N˚ 205253, N˚ 205308, N˚ 205309, N˚ 205326,N˚ 205341, Juridisque Lamy.102 Sur les questions suggérées par ce décret on va y revenir au chapitre 2 du présent titre.103 Règl. n˚ 83/1999, 13 janvier 1999, JOCE n˚ L 8, 14 janvier 1999, p.17.

52

la CJCE le Conseil d’État a annulé104 avec une décision du 30 décembre 1998 le décret du

14 avril 1995 modifiant la dénomination «époisses de Bourgogne» en «époisses».

Cependant, le Premier ministre prenant appui sur l’article 5 du règlement modifié a repris

les dispositions du décret de 1995 et a transmis le 24 septembre 1999 le décret du 15

novembre 1999 qui a modifié la dénomination en «époisses» et a institué des mesures

transitoires d’adaptation. Ce décret a été attaqué mais le Conseil d’État a rejeté la

requête105. Le décret du 15 septembre 1999, publié le 17 novembre 1999, a fixé une période

d’adaptation jusqu’au 1er janvier 2000. Ce délai n’entache pas le décret d’une erreur

manifeste d’appréciation, puisque aucune durée minimale n’est fixé par le règlement pour

la période d’adaptation. En plus, le Conseil d’Etat a considéré que dès 1995 les entreprises

commercialisant des produits ne répondant pas aux caractères du fromage d’époisses

avaient connaissance du caractère transitoire de la tolérance qui leur était accordée. Selon

M. Saulnier106 cette dernière considération n’est toutefois totalement satisfaisante : d’une

part le décret de 1995 prévoyait une période d’adaptation qui expirait fin décembre 2000 et

par conséquent, le décret contesté réduit d’un an le délai d’adaptation initialement prévu.

D’autre part, l’annulation du décret 1995 aurait normalement dû empêcher toute prise en

considération en vue de juger la légalité du décret attaqué de 1999.

Dans cette partie on va se pencher sur l’interprétation du règlement nº 2081/92 par

la CJCE à propos des dénominations fromagères. Dans un premier titre on va raisonner sur

les conditions d’accès à la protection et dans un deuxième titre on va poser la question de la

protection conférée par l’enregistrement communautaire. Dans chacun des deux titres on

va déceler la particularité des dénominations des fromages et des questions suggérées par

celles-ci. Quant au règlement nº 2082/92 sur les attestations de spécificité on peut dire qu’il

104 CE, 30 décembre 1998, Sté Fromagerie Lincet N˚ 173696; CASSIA P. Europe, mai 1999 pp. 13-14,176; SAULNIER E. Europe, janvier 2002 pp. 16-17 (13).105 CE, 27 juillet 2001, Sté laitière Fromagerie Maurice Girard e.a. N 216433 (décision inédite - documentfourni par le CE).106 SAULNIER E. commentaire précité (note 104).

53

ne connaît pas de succès. Jusqu’à ce jour il n’y a qu’un fromage enregistré sous sa base : la

mozzarella. Par conséquent, il ne va pas nous occuper à la présente étude.

Titre I : Conditions d’accès à la protection

L’absence de caractère générique (Chapitre 1) et le lien entre le produit et la zone

de production (Chapitre 2) constituent les conditions d’accès au système de protection

renforcée, choisi par le règlement communautaire.

Chapitre 1 : L’absence de caractère générique de la dénomination

L’article 3, paragraphe 1, alinéa 1 du règlement107 dispose que les dénominations

devenues génériques ne peuvent être enregistrées. La même prescription a été reprise par

l’article 17, paragraphe 2, alinéa 3. A l’article 3 alinéa 2, le règlement définit par

dénomination devenue générique le nom d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire

qui, bien que se rapportant au lieu ou à la région où ce produit agricole ou cette denrée

alimentaire a été initialement produit ou commercialisé, est devenu le nom commun d’un

produit agricole ou d’une denrée alimentaire.

La dénomination fromagère la plus célèbre où la question du générique a été posée

paraît être le cas de la feta. D’abord, on va présenter les faits de l’affaire la plus

controversée depuis 1996, date à laquelle la Commission a arrêté son premier règlement (n°

1107/96) pour l’enregistrement des dénominations géographiques.

Selon l’article 17, paragraphe 1 du règlement qui prévoit une procédure simplifiée108

d’enregistrement des dénominations déjà reconnues nationalement, le 21 janvier 1994, les

autorités grecques ont notifié l’appellation «Feta». La Commission, après avoir examiné la

conformité de la demande avec les articles 2 et 4 a conclu que l’appellation remplissait les

conditions requises par le règlement et a soumis le dossier au comité scientifique des

appellations d’origine, des indications géographiques et des attestations de spécificité. Le

15 novembre 1994, le comité scientifique a émis l’avis, par quatre voix pour et trois voix

107 Règlement nº 2081/92, ci-après “règlement”.108 La Commission a proposé le 15 mars 2002 dans sa proposition la suppression de la procéduresimplifiée en vue de renforcer la sécurité juridique et la transparence du système. Cette procédure ne

55

contre. Il a conclu au caractère non générique de l’appellation. Le 20 janvier 1996, la

Commission a demandé au comité de réglementation des A.O.P. et des I.G.P. d’émettre

un avis sur le projet de règlement qui comprenait parmi autres dénominations la feta. En

l’absence d’avis du comité (45 votes pour et 42 votes contre) la Commission a transmis le

dossier au Conseil des ministres de l’agriculture. En l’absence d’avis du Conseil, la

Commission a adopté le règlement nº 1107/96. Dans la section «fromages» de l’annexe au

règlement, la dénomination «feta» est déterminée comme étant une AOP en faveur de la

Grèce.

Le Danemark (C-289/96), l’Allemagne (C-293/96) et la France (C-299/96)109 ont

adressé à la Cour de justice une demande en annulation du règlement nº 1107/96. Dans le

même temps, des entreprises productrices de feta en France, en Allemagne et au Danemark

ont engagé trois recours similaires contre ledit règlement devant le Tribunal de première

instance (T-139/96, T-140/96 et T-141/96). Par trois ordonnances du 20 février 1997, le

Tribunal a décliné sa compétence en faveur de la Cour.

Dans un arrêt du 16 mars 1999, la Cour a annulé partiellement le règlement

litigieux en ce qui avait enregistré l’appellation d’origine protégée «Feta». La Cour s’est

fondée surtout sur le fait que la Commission n’a pas tenu compte de l’ensemble des facteurs

que l’article 3, paragraphe 1 du règlement l’obligeait à prendre en considération110. L’article

précité propose trois facteurs pour procéder à l’examen du caractère générique d’une

dénomination : en premier lieu, la situation existant dans l’Etat membre où le nom a son

origine et dans les zones de consommation, en second lieu, la situation existant dans

d’autres États membres et en troisième lieu, les législations nationales ou communautaires

pertinentes. Selon la Cour, «la Commission n’a aucunement tenu compte du fait que cette

dénomination a été utilisée depuis longtemps dans certains États membres autres que la

République hellénique»111.

A l’époque les spécialistes du droit communautaire avaient prédit qu’il ne fallait pas

considérer l’affaire «Feta» comme une affaire définitivement close112. Mais, comment la

Commission pourrait-il revenir sur la même affaire et proposer le rétablissement de l’AOP

prévoit pas le droit d’opposition et de ce fait ne permet pas de prendre en considération les droits acquis.COM(2002) 139 final. pp. 4 et 13.109 Arrêt du 16 mars 1999, Rec. 1999, p. I-1541.110 attendu 102.111 attendu 101.112 RIGAUX A., SIMON D., La Grèce a perdu la bataille dans la guerre de la feta. Europe mai 1999, pp.16-17 (180).

56

feta après l’annulation partielle du règlement? L’article 174 CE sur la portée de l’autorité de

la chose jugée et l’article 176 CE sur les conséquences de l’arrêt pour la Commission

devraient poser des délicats problèmes. Pourtant, il faut mettre l’accent sur le fait que la

Cour admettant la recevabilité des recours en annulation du règlement nº1107/96 ne s’est

pas prononcée sur le caractère générique ou non de la dénomination. C’était plutôt une

solution de compromis celle que la Cour a adopté113. Après l’arrêt du 16 mars 1999 la feta

n’avait plus droit à la protection mais elle n’était pas générique.

Le dossier de la «Feta» est devenu un des plus compliqués. En 1997, François Actis

depuis le poste d’expansion économique114 français à Athènes estimait que la Commission

ne se trompait pas du tout sur ce dossier et elle savait très bien où elle allait. Le Danemark

bénéficiait de restitutions à l’exportation sur un produit typiquement grec. Le choix de la

Commission était animé de la volonté de corriger une inégalité, de «rééquilibrer la balance,

et de permettre à la Grèce de développer son industrie laitière à partir de fabrications

traditionnelles»115.

Donnant suite à ce dossier, le 15 octobre 1999, la Commission a invité les États

membres à lui communiquer des116 informations complètes concernant la production, la

consommation et la connaissance par le consommateur de la dénomination «feta». Le 24

avril 2001 le comité, auquel sont transmises les informations collectées par la Commission,

a conclu à l’unanimité au caractère non générique de la dénomination «Feta». Cet avis du

comité scientifique a été présenté aux États membres le 20 novembre 2001. Cependant,

certains pays, l’Allemagne, le Danemark et la Finlande, ont exprimé des doutes. Un

nouveau projet de mesure d’enregistrement de la «Feta» en tant qu’AOP a été examiné et

après quelques modifications, le 9 avril 2002, la Commission l’a présenté au comité de

réglementation en demandant son avis. Le 16 mai 2002 aucun avis n’a pas été obtenu au

sein du comité de réglementation sur ce dossier très disputé (47 voix pour, 23 voix contre et

17 abstentions). Les ministres de l’Agriculture réunis le 27 juin 2002 à Luxembourg n’ont

113 FETTES J., Appellations d’origine et indications géographiques: le règlement 2081/92 et sa mise enoeuvre RMUE 4/1997, pp. 141-179.114 Les PEE installés dans les ambassades de France à l’étranger ont un rôle très actif sur la défense desappellations d’origine. Ils renseignent l’INAO sur les pratiques locales et lui permettent d’agir contre lesusurpations au besoin en exerçant une action en justice.115 FAURE O., RLF nº 568 – janvier/février 1997 pp. 18-19 et notamment p. 19.116 Proposition de règlement du Conseil modifiant l’annexe du règlement CE n. 1107/96 de laCommission en ce qui concerne la dénomination “Feta”. présentée, le 14.6.2002. COM(2002) 314 final.

57

pas trouvé un accord pour adopter la proposition de règlement. Dans un tel cas le Conseil

des ministres a trois mois à trancher l’affaire (article 15 règlement). S’il n’y arrive pas, c’est

à la disposition de la Commission d’adopter le projet pour l’AOP «Feta»117. Trois pays se

sont opposés : l’Allemagne, le Danemark et le Royaume-Uni. La France, l’Autriche et

l’Irlande se sont abstenues.

Il est connu que tous ces pays ont des intérêts dans cette affaire. L’Allemagne, le

Danemark, et le Royaume-Uni prétendent toujours que feta constitue un nom générique.

L’Autriche s’est réservée compte tenu de son accord bilatéral avec la Grèce. L’adoption

d’une AOP pour la «Feta» va réserver l’appellation pour le fromage produit en Grèce et va

amener tous les pays producteurs de trouver un autre nom, ce qui n’est pas du tout facile118.

Chez les grands industriels français il y a déjà une grande inquiétude.

Mais quels sont les arguments énoncés dans l’avis unanime du comité scientifique

qui ont corroboré le projet de règlement proposé par la Commission? Dans cet avis il y a

trois groupes d’arguments qui répondent au caractère non générique de la dénomination

traditionnelle non géographique «feta»; d’abord, les éléments concernant l’existence des

réglementations nationales ou d’usages codifiés, la production, les objectifs de la

commercialisation et les marchés; par la suite, l’ampleur de la consommation; à fa fin, la

connaissance par les États membres du terme «feta».

En Grèce les usages en matière d’élaboration de feta ont été codifiés

progressivement depuis 1935. La délimitation de l’aire géographique fondée sur les usages

loyaux et constants a été fixée en 1988. Avant cette date ils existaient différentes variantes

locales qui correspondaient à d’innombrables lieux de production119. Le Danemark dispose

d’une réglementation depuis 1963 et les Pays-Bas ont disposé de 1981 à 1998 d’une

réglementation concernant les spécifications qualitatives devant être respectées lors de

l’élaboration de la feta.

117 LE FIGARO, nº17993, 15 juin 2002, p.3 ; Les Echos, nº 18685, 28 juin 2002, p. 14 ; Dépêche AFPÉconomique, 27 juin 2002.118 “Selon Lactalis, la décision de Bruxelles pourrait réduire de moitié son activité feta et menacer 200emplois. …Il faudrait bien sûr trouver un nom générique capable de remplacer le mot feta mais ce n’estpas facile…Croyez-vous que les consommateurs comprendraient si on leur vendait de la “tarte à latomate” pour de la pizza?” LE FIGARO, nº 18006, 1 juillet 2002, p. 5.119 Conclusions de l’Avocat général M. RUIZ-JARABO COLOMER : point 16 C-317/95, Rec. 1997, p. I-4681.

58

Quant à la production, d’après les détails apportés par le comité scientifique, la

production de la feta est inexistante au Luxembourg et au Portugal. Elle est marginale dans

la plupart des États membres : l’Italie, la Belgique, la Finlande, l’Autriche, l’Irlande, la

Suède, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Espagne. La Grèce produit ce fromage depuis des

temps immémoriaux mais il s’agit d’une production destinée presque exclusivement au

marché grec. La production actuelle atteint les 115000 tonnes environ. Le Danemark

produit ce fromage depuis les années 1930 en vue de son exportation. La production

danoise à partir exclusivement de lait de vache a connu une grande expansion suite aux

restitutions qu’il perçoit de la Communauté à l’exportation de la feta et en 1989 atteint les

110932 tonnes. La production est en baisse depuis 1995 en raison de la demande moindre

et de la diminution des aides à l’exportation de ce fromage. La France a commencé a

produire ce fromage en 1931. La production de 1988 à 1998 a passé de 7960 tonnes à

19964 tonnes. L’usine de fabrication la plus importante esi implantée dans l’Aveyron, le

pays du Roquefort. Cela s’explique par le fait que la feta constitue un produit de

diversification pour les producteurs du département de l’Aveyron. L’intensification du

système de la production laitière dès le début des années 1980, l’excédent de lait et son

absorption impossible ont amené les deux maillons de l’industrie laitière, les producteurs et

les transformateurs, à régler ce problème délicat de transformation et de distribution

fromagères. Les industriels et les producteurs au sein du syndicat interprofessionnel ont

défini une stratégie durable de maîtrise de production. Selon les accords interprofessionnels

de 1978 le 72% du lait est destiné à la transformation en roquefort et le 28% aux produits

de diversification (feta, pérails). La diversification représente aujourd’hui 50% 120du lait

produit et un ensemble de produits tels la feta, les pérails, le pécorino, les yaourts, etc.

L’Allemagne produit ce fromage depuis 1972. Depuis 1980, la production oscille entre

19757 et 39201 tonnes.

Quant à l’ampleur de la consommation, la partie majeure de la production

communautaire (85,64%) est consommée en Grèce.

Enfin, concernant la connaissance de la feta, le comité a insisté sur le fait que la

dénomination «Feta» représente un produit d’origine grec dans tous les pays de la

120 BESSIÈRE J., Valorisation du patrimoine gastronomique et dynamique de développement territorial.Le Haut plateau de l’Aubrac, Le pays de Roquefort et le Périgord noir. Éd. L’Harmattan 2001, p. 168.

59

Communauté. Les ouvrages à caractère général, tels que dictionnaires ou encyclopédies,

ou même les livres à caractère spécialisé transmis par les États membres font référence à un

fromage grec à base de lait de brebis et de chèvre121. Et même les étiquettes de la feta non

produite en territoire hellénique font allusion directement ou indirectement à la Grèce122.

Ainsi, le terme «feta» apparaît comme un fromage d’origine grec sur la nomenclature

douanière c’est-à-dire, à la partie du tarif qui a pour fonction de décrire chacune des

marchandises présentées à la douane en fonction de ses différentes caractéristiques. On

constate que dans l’accord123 entre la Communauté européenne et la Suisse relatif aux

échanges de produits agricoles à la description des fromages qui font l’objet des concessions

tarifaires la feta est définie comme le fromage à pâte molle sans croûte d’origine grecque.

Mais, comme la Commission l’a noté, une telle réglementation est exclusivement

douanière et elle n’a pas pour objectif de régler les droits de la propriété industrielle sur une

dénomination124. La Commission après l’appréciation d’un faisceau d’indices, d’ordre

juridique, économique, historique, culturel, social, scientifique et technique, a considéré

que cette dénomination ne tombe pas sur le coup de l’article 3 du règlement.125

Mais dans l’affaire feta il y avait aussi un autre point que les requérantes avaient fait

valoir en 1996 : Le Danemark, l’Allemagne et la France avaient soutenu que l’aire

géographique déterminée126 s’étendait à tout le territoire grec et que de ce fait

l’enregistrement de la feta était contraire à l’article 2, paragraphe 2 du règlement. Ils ont

remarqué que les exigences du cahier des charges ne garantissaient pas l’homogénéité

suffisante pour répondre aux conditions de l’article 2 du règlement. Ici, se pose la question

du lien du produit avec l’aire géographique délimitée.

Chapitre 2 : Le lien entre le produit et la zone de production

121 Proposition de règlement précitéà la note 114, point 21.122 P. ex. les publicités de la feta «Salakis» commercialisée par le groupe Lactalis. Lactalis a décidé derenforcer sa publicité en attendant que la feta devienne une AOP.123 Accord signé le 21 juin 1999 applicable au 1er juin 2002. www.europa.admin.ch.124 Proposition de règlement, point 32.125 On attendra avec grand intérêt la suite de cette affaire qui va susciter de nouvelles réactions au niveaucommunautaire.126 Le projet de règlement a affiné l’aire géographique de production, point 35 et 36.

60

Le lien entre le produit et son origine géographique peut être plus ou moins étroit.

L’article 2, paragraphe 2 point a) dispose que l’AOP est le nom d’une région, d’un lieu

déterminé ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays, qui sert à désigner un produit agricole

ou une denrée alimentaire originaire de cette région, de ce lieu déterminé ou de ce pays et

dont la qualité ou les caractères sont dus essentiellement ou exclusivement au milieu

géographique comprenant les facteurs naturels et humains, et dont la production, la

transformation et l’élaboration ont lieu dans l’aire géographique délimitée. Par la suite,

l’article 2, paragraphe 2 point b) différencie l’IGP en ce qu’une qualité déterminée, la

réputation ou une autre caractéristique peut-être attribuée à cette origine géographique et

dont la production et/ou la transformation et/ou l’élaboration ont lieu dans l’aire

geographique délimitée. On constate que le lien du produit au lieu géographique est très

fort aux appellations d’origine et plus relâché aux indications géographiques.

Mais comment le règlement explicite-t-il ce lien avec le terroir et les facteurs

naturels et humains? C’est au cahier des charges, présenté par les groupements demandeurs

et homologué ensuite par l’INAO, de remplir cette fonction.

Le cahier des charges doit comporter au minimum les éléments énumérés à l’article

4, paragraphe 2 du règlement. Il s’agit notamment du nom du produit agricole, de la

description du produit, de la délimitation de l’aire géographique, des éléments prouvant

que le produit est originaire de l’aire géographique, de la description de la méthode

d’obtention du produit, des éléments justifiant le lien avec le milieu géographique ou avec

l’origine géographique au sens de l’article 2 paragraphe 2 point a) ou b), des structures de

contrôle, de l’étiquetage et des exigences éventuelles à respecter en vertu de dispositions

communautaires et/ou nationales.

Un exemple de ce lien unique et original constitue le fromage «Beaufort». Ce

fromage de garde, à PPC, élaboré en Savoie, a fait l’objet de recherches par l’INRA.

Malgré le respect minutieux de toutes les conditions de fabrication du fromage, il est resté

impossible d’obtenir ailleurs le même produit en raison de l’absence des facteurs

spécifiques, comme l’herbe et le lait.127 Ainsi, l’effort mené par des immigrés français ou

italiens de produire le camembert et le parmesan respectivement, hors de leur

environnement naturel, avait des résultats décevants.

61

Il est vrai que le lien entre l’aire de production et le produit n’est pas du tout figé. Il

est soumis à l’évolution des connaissances scientifiques et techniques. On va prendre

comme exemple le «Roquefort». A son élaboration contribuent des facteurs naturels et

humains : un terroir, un animal, un site géologique et des hommes. En amont c’est la terre

et l’animal (brebis de race lacaune128 et brebis «noires» correspondant au standard de la

première race) et puis c’est la main de l’homme qui intervient pour traiter la matière

première. Ce lait est ensuite ensemensé de spores de Pénicillium Roqueforti. En aval, c’est à

nouveau l’action de la nature qui contribue à l’affinage du fromage. Dans les caves creusées

à la montagne du Combalou l’action des «fleurines»129permet le développement du

Pénicillium Roqueforti. Ce phénomène naturel montre l’unicité du lien entre l’affinage du

fromage et les caves de Roquefort. Selon l’art. 6 du décret relatif à l’AOC «Roquefort» le

fromage est affiné pendant une période minimale de quatre-vingt-dix jours à compter de sa

fabrication. Toutefois, les industriels afin d’accroître la production fromagère se battent

pour une moins longue période d’affinage. Ils soutiennent que la période d’affinage ne

correspond pas à la réalité et qu’il y a toujours eu du fromage en cave et dans les frigos130.

Alors, on va voir que les éventuelles modifications du cahier des charges peuvent

générer des entraves au libre jeu de la concurrence. Ces restrictions sont acceptables, si elles

sont justifiées pour des raisons de protection de la propriété industrielle.

127 BUHL C., Le droit des noms géographiques, Paris, Litec, (CEIPI, n42), 1998, p. 330.128 Décret du 22 janvier 2001 relatif à l’appellation d’origine “Roquefort”129 On appelle comme ça le courant d’air qui sort de la montagne elle-même.130 BESSIÈRE J., Valorisation du patrimoine…p. 160.

Section 1 : La justification du lien entre le produit et la zone de production et lesentraves à la libre circulation

La légalité du cahier des charges, c’est-à-dire, la légalité des restrictions mises en

place par le cahier des charges se pose pour la première fois en matière d’appellations

d’origine des fromages avec l’affaire «Grana Padano». 131

Une société française, Ravil, importe, râpe, préembale et distribue plusieurs types

de fromage et particulièrement du «grana padano» sous la dénomination «Grana Padano

râpé frais». La société Biraghi, établie en Italie, y fabrique et y commercialise du fromage et

notamment du «grana padano». Les sociétés Bellon import et Biraghi France sont les

importateurs exclusifs pour la France des produits fabriqués par la société Biraghi. En 1996

Biraghi et Bellon ont assigné Ravil devant le Tribunal de commerce de Marseille pour

obtenir sa condamnation sous astreinte à cesser la commercialisation de fromage râpé en

France sous la dénomination précitée. En 1997 le Tribunal de commerce a condamné

Ravil. En 1998 le jugement a été confirmé par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. Ravil

s’est pourvu en cassation. Il faut noter que depuis 1998, Ravil fait râper le fromage en Italie

sur la base d’un accord conclu entre cette société et le consortium de grana padano. La Cour

de Cassation a déféré à la CJCE une question concernant la compatibilité de la législation

italienne à l’article 29 du traité d’Amsterdam.

Le principal texte invoqué par les sociétés italiennes est un décret de la Presidenza

del Consiglio du 4 novembre 1991 qui a étendu l’appellation d’origine «grana padano» au

fromage râpé dans la région de production et aussitôt conditionné, sans aucun traitement ni

adjonction de conservateurs ou d’autres substances susceptibles de modifier les

caractéristiques organoleptiques d’origine du fromage. La dénomination qui a été

enregistrée dans le cadre du règlement n° 1107/96 est «grana padano» mais pas «grana padano

grattugiato» (râpé).

La société Ravil a fait valoir que cette exigence du décret italien rend plus difficile

et onéreuse l’exportation du fromage mais, aussi, procure un avantage particulier aux

entreprises locales. Les entreprises étrangères se voient contraintes soit de mettre en place

131 C-469/00, Sté Ravil c/ Sté Bellon Import et Sté SpA Biraghi, conclusions de l’Avocat général M.Siegbert ALBER. Dans le même contexte factuel se situe l’affaire C-108/01, Consorzio del Prosciutto diParma et Salumificio S. Rita SpA c/ Asda Stores Limited et Hygrade Foods Limited, conclusions del’avocat général ALBER S.

63

des structures pour le râpage dans l’aire de production soit de recourir à des sous-traitants.

Il s’agit d’un droit exclusif de râper et de conditionner le fromage.

Pour l’avocat général, M. Alber, il n’existe aucune raison apparente de n’autoriser

le râpage que dans l’aire de production. Il considère que le cas du grana padano n’offre pas

d’analogie avec l’affaire du vin de Rioja. La mise en bouteille du vin ne saurait pas être

comparable au râpage et au conditionnement du fromage. Le vin ne peut être vendu qu’en

bouteille, tandis que le fromage peut être commercialisé aussi bien en morceaux que râpé.

A son opinion le râpage et le conditionnement dans l’aire de production ne confèrent pas

au produit des caractéristiques particulières et, donc, ne peuvent pas se justifier à l’égard de

l’article 29 CE.

Quant aux facteurs humains M. l’avocat général constate que ceux-ci ne sont pas

liés étroitement à l’aire géographique de production. «Le personnel qui participe à la

fabrication et à la transformation d’un produit peut acquérir- avant tout par la formation

dans la région de production- les connaissances indispensables et le savoir-faire nécessaire à

la fabrication et la transformation du produit».

Quant à la conservation du fromage et aux risques auxquels est soumis lors de son

transport - oxydation, dessication, compression, fermentation – les possibilités techniques

existant aujourd’hui sont suffisantes à le préserver.

En plus, il constate que les contrôles pour préserver la qualité du produit peuvent

s’effectuer dans la région de production mais aussi en dehors soit par des inspecteurs

envoyés par le consortium, soit par des inspecteurs établis dans la région en cause, formés

par le consortium et chargés du contrôle.

M. l’avocat général raisonne sur la constatation que toutes les mesures prévues par

la législation italienne ne sont pas ni nécessaires ni indispensables à la protection de la

réputation de l’AOP «grana padano» et, donc, contraires à l’article 29.

Le lien entre le produit et la zone de production a été déjà examiné par le Conseil

d’État132 en tant qu’élément de la légalité interne du décret du 30 décembre 1998 relatif à

l’AOC «Comté». Les entreprises qui seraient exclues de la délimitation de l’aire

géographique de production ont contesté sa légitimité.

132 Décision précitée à la note 95.

64

Le décret relatif à l’appellation d’origine contrôlée «Comté» à son article 1, alinéa 2,

dispose que la production du lait, la fabrication et l’affinage des fromages et, le cas échéant,

le préemballage doivent respecter les dispositions du présent décret et être effectués dans

l’aire géographique qui s’étend au territoire des communes suivantes :… L’art. 9 prévoit

pour la période transitoire que par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de

l’article 1er, il peut être procédé au préemballage des fromages bénéficiant de l’appellation

d’origine contrôlée «Comté» dans les ateliers situés en dehors de l’aire géographique

délimitée qui présentent des références suffisantes et une antériorité certaine dans ce

domaine après avis du Comité national des produits laitiers pendant une période de cinq

ans à compter de la publication du présent décret

Section 2 : Légalité du cahier des charges

Le Conseil d’État a accentué dans sa décision que l’opération consistant à découper

et placer sous emballage plastique référencé des portions de comté se situe dans le

prolongement de l’affinage, requiert un savoir-faire traditionnel et a un effet direct et

certain sur la qualité du produit commercialisé. Comme l’a indiqué le commissaire du

gouvernement «les formes de conditionnement du comté sont susceptibles de rejaillir sur les

caractères spécifiques du fromage et qu’elles constituent une sorte de prolongement de

l’affinage»133.

Selon l’appréciation du Conseil d’État la légitimité des mesures dudit décret repose

sur les règles tant nationales que communautaires qui régissent la protection des

appellations d’origine. Ces règles ont pour objectif de valoriser la qualité des produits

bénéficiant d’une dénomination enregistrée, notamment en imposant que la production, la

transformation et l’élaboration de ces produits soient réalisées dans l’aire délimitée.

On lit dans un commentaire de M. Debrincat134que la loi nº 99-574 sur l’orientation

agricole du 9 juillet 1999 offre des voies pour l’introduction de nouvelles restrictions au

libre jeu du marché. Les possibilités offertes sont liées à des critères techniques et peuvent

conduire à «un plan d’amélioration de la qualité des produits ayant pour conséquence

directe une limitation du volume de production et à une restriction temporaire à l’accès des

nouveaux opérateurs selon des critères objectifs et appliqués de manière non

discriminatoire». Mais, il nous semble que ces restrictions, même si elles sont justifiées au

niveau national, peuvent tomber sur le coup de l’article 29 CE, comme on avait l’occasion

de le voir dans l’affaire «grana padano».

133 CASSIA P. Europe janvier 2001, commentaire 17.134 DEBRINCAT M. Analyse de décisions récentes du Conseil d’État sur l’application du règlementAOP/IGP. R. D.rural n. 289 janvier 2001 pp. 23-27 et notamment p. 27.

66

A cette affaire les sociétés italiennes, le gouvernement français, italien, espagnol et

la Commission ont soutenu que la condition que le fromage soit râpé et conditionné dans

l’aire de production pour pouvoir bénéficier de la dénomination grana padano garantit la

qualité et les caractéristiques spécifiques du produit. Ils font valoir que le râpage fait partie

du processus de fabrication. Le gouvernement italien a évoqué le risque que le grana padano

qui n’est pas convenablement râpé puisse rancir et qu’une manipulation inappropriée

puisse donc porter un grave préjudice à la réputation des produits fabriqués dans le respect

des dispositions de l’AOP135. Pour la Commission la restriction à l’exportation posée par la

réglementation litigieuse est nécessaire puisqu’elle préserve l’identité de l’origine et garantit

la réputation du produit.136 De sa part, le gouvernement espagnol a proposé un point de vue

très intéressant sur l’affaire. Il dit que pour le grana padano qui est consommé presque

exclusivement sous la forme râpée, le râpage acquiert une importance particulière137.

On ne sait pas laquelle des thèses soutenues va être adoptée par la Cour de

justice. Les conclusions de l’avocat général ne lient pas la Cour de justice. Mais, dans tous

les cas, il nous semble que l’arrêt va avoir un grand retentissement aux réglementations

nationales et à l’étendue de protection des signes de qualité.

135 Conclusions de l’avocat général ALBER. S., point 34.136 Conclusions point 38.137 Conclusions point 35.

Titre II : Protection conférée par l’enregistrement communautaire

Une fois que les demandes d’AOP/IGP ont rempli les exigences du règlement elles

peuvent bénéficier de la protection communautaire. La protection est automatique et

efficace. Elle est automatique car à partir de l’inscription au registre communautaire la

dénomination est opposable à tous sur le territoire communautaire. Elle est efficace car

dans le système des AOP/IGP on n’a pas à prouver le préjudice, ce qui est le cas de

l’action en concurrence déloyale. Dans ce système la protection n’est pas aléatoire. Et

pourtant, il y a certaines ambiguïtés quant à la portée de protection tant sur le plan

communautaite (Chapitre 1) que sur le plan national (Chapitre 2).

Chapitre 1 : La communautarisation de la protection

Section 1 : Les dénominations composées

La question de la protection des différentes parties des dénominations composées a

été examinée par la Cour de justice à propos de l’affaire «Epoisses de Bourgogne»138.

MM. Chiciak et Fol sont des producteurs de fromages et étaient poursuivis pour

avoir utilisé le nom «Epoisses», AOP créée par le décret de 1995 et réservée aux fromages

dont les caractéristiques sont définies par le décret de 1991 relatif à l’AOP «Epoisses de

Bourgogne». Ils ont soutenu qu’ils pouvaient utiliser librement le nom «Epoisses» parce que

le décret qui consacrait cette dénomination était contraire au règlement.

La juridiction de renvoi (TGI de Dijon) avait adressé deux questions préjudiciels à

la Cour de justice. La deuxième question concernait la valeur de la liste des indications

figurant en bas de page de l’annexe du règlement qui a reconnu entre autres l’appellation

d’origine protégée «Epoisses de Bourgogne».

138 Arrêt du 9 juin 1998, affaires jointes C-129/97, C-130/97, Rec. 1998, p. I-3315.

68

Le gouvernement français soutenu par le Syndicat de défense de l’Epoisses et

l’Association nationale d’appellation d’origine laitière française ont soutenu que le terme

Epoisses est au même titre protégé que le terme «Epoisses de Bourgogne». Ils ont corroboré

leur thèse invoquant le règlement nº 1107/96 qui contient en annexe la liste des AOP

enregistrées. Pour certaines de ces dénominations il y a un renvoi en bas de page qui exclut

de la protection conférée une partie du nom. Il s’agit des noms génériques, tels que

camembert, brie, emmental. Alors, raisonnant à contrario, il résulterait qu’en absence de

précision dans le règlement nº 1107/96 la protection serait étendue à chaque partie de la

dénomination protégée. En plus, le gouvernement français basé sur l’article 13 paragraphe

1, alinéa 2 du règlement de 1992 a fait valoir que, s’il ne s’agit d’un terme générique ou

commun, la protection s’applique à la dénomination dans son ensemble.

La Cour a rejeté ces raisonnements. Selon la Cour le fait qu’il n’existe pas pour

cette appellation d’indication figurant sous forme de renvoi en bas de page de l’annexe du

règlement nº 1107/96 précisant que la demande d’enregistrement n’est pas sollicitée pour

une des parties de l’appellation n’implique pas nécessairement que chacune de ses parties

est protégée. Le renvoi ne se revèle important que lorsqu’il existe car dans ce cas la volonté

de ne pas protéger une partie de la dénomination a été exprimée de façon claire. Le

règlement ne procure aucun élément qui va nous permettre de connaître les raisons pour

lesquelles les Etats membres ont décidé de ne pas demander la protection d’une partie des

dénominations transmises à la Commission avec la procédure de l’article 17, que ce soit

parce qu’il s’agit d’une partie générique, parce que la partie en cause n’est pas protégée

même sur le plan national ou encore pour d’autres raisons. Le règlement de 1996 n’a pas

comme objectif de préciser à travers le système des notes en bas de page le caractère

générique et, par conséquent, non protégeable des dénominations. Par contre,

l’interpétation du règlement de 1992 ne nous permet qu’attibuer ce rôle au juge national qui

est le seul compétent à décider du caractère générique ou du caractère protégeable d’un

composant contre les pratiques visées à l’article 13 du règlement.

C’était à la compétence du Conseil d’Etat de décider du caractère de la

dénomination «Epoisses». Dans sa décision du 27 juillet 2001, le Conseil d’Etat a jugé que

«si la dénomination «époisses», qui désigne traditionnellement un fromage originaire du

pays d'Auxois affiné pendant plus de quatre semaines au marc de Bourgogne, a été utilisée

par certains industriels pour commercialiser un fromage frais produit à proximité de sa

région d’origine, cette dénomination n’est pas communément utilisée dans d’autres régions

de la France ou de l’Union européenne; que la notoriété de la dénomination «époisses»

reste attachée au fromage traditionnel affiné fabriqué dans un terroir de Bourgogne, depuis

le XVIIème siècle, et n’est pas devenue le nom commun d’un type de fromage».

Section 2 : La protection de la traduction

Selon l’article 13, paragraphe 1 sous b) du règlement les dénominations enregistrées

sont protégées contre toute usurpation, imitation, ou évocation, même si l’origine véritable

du produit est indiquée ou la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une

expression telle que «genre», «type», «méthode», «façon», «imitation» ou d’une expression

similaire;

La protection de la dénomination parmesan se pose ces dernières années avec une

réelle acuité. Un premier pas c’était la victoire que l’Italie a remportée sur le plan du codex

alimentarius139. Parallèlement, l’Italie mène le combat devant les instances communautaires.

Le juge de Parme dans le cadre de la procédure pénale contre M. Bigi a adressé sept

questions préjudicielles à la CJCE. La société Nuova Castelli SpA de Reggio Emilia, dont

M. Bigi est le représentant légal, produit en Italie et commercialise exclusivement en dehors

d’Italie un fromage râpé, déshydraté, pasteurisé et en poudre, préraré à partir d’un mélange

de plusieurs types de fromages de provenances diverses. Aux conclusions présentées le 9

octobre 2001140, l’avocat général, M. Léger a soutenu que la seule question d’interprétation

qui se pose à titre liminaire est si la protection de la dénomination «parmesan» entre dans le

champ d’application de l’article 13, paragraphe 1 sous) b du règlement.

Pour le juge de renvoi, le parmesan n’est que la traduction littérale de la

dénomination «Parmigiano Reggiano». Par conséquent, rien de plus logique que d’accorder

le même niveau de protection à la traduction de la dénomination déjà protégée. Les

gouvernements allemand et autrichien insistent sur le fait que pour eux le terme parmesan

«rêvet une signification autonome»141. Le parmesan signifie «le fromage râpé ou destiné à

139 En attendant l’arrêt de la CJCE, la Commission avait demandé à ce que la question “parmesan” se soitpas débattue au Codex Alimentarius.140 Arrêt de la Cour du 25 juin 2002, affaire C-66/00.141 Conclusions précitées, point 48.

70

être râpé, qui accompagne certains plats». En revanche, le «Parmigiano Reggiano»

symbolise «un type de parmesan de qualité particulière, de provenance italienne, au goût

aromatique, allant du relevé au piquant, exigeant une certaine période de maturation (au

moins douze mois)»142.

Par contre pour M. l’avocat général il n’y a aucun doute de ce que le substantif

«parmesan» est la traduction littérale du terme «Parmigiano» pris isolément. Pour la plupart

des gouvernements le terme parmesan évoque l’AOP composée. Mais, pourquoi le terme

Parmigiano traduit a prédominé pour désigner ce fromage? On lit dans la thèse143 de M.

Laure MALAGOLI que le nom du fromage témoigne de sa zone de production, définie

d’après les usages locaux, loyaux et constants. Le parmesan a pris sa naissance à Bibbiano,

petit village, situé entre Reggio Emilia et Parme. Ce village appartient administrativement à

la Province de Reggio Emilia. Mais, autrefois, il appartenait à Parme. D’ailleurs, jusqu’à la

fin du XXème siècle la partie principale de la production du fromage était distribuée à

partir de Parme. Le produit a atteint un tel niveau de notoriété que le substantif

«Parmigiano» qui était aussi bien utilisé pour désigner les habitants de la ville que pour

qualifier n’importe quelle marchandise en provenance de Parme, évoque dans l’esprit du

consommateur européen le fromage y élaboré. C’est, alors, pour des raisons historiques,

juridiques, économiques et culturelles que la République italienne a demandé

l’enregistrement de la dénomination composée «Parmigiano-Reggiano» et pas du terme

«Parmigiano» pris isolément.

En fin, la solution apportée par la Cour le 25 juin 2002 est celle préconisée par

l’avocat général. La Cour a conclu au caractère non générique de l’appellation parmesan.

En effet, pour la Cour, l’appellation française «parmesan» constitue la traduction correcte

de l’AOP «Parmiggiano Reggiano» (attendu 20).

Section 3 : L’évocation d’une AOP

142 Ibidem.143 MALAGOLI, L. M.-H. Pour la connaissance du fromage parmesan (Parmigiano-Reggiano) thèsesoutenue en 1998 à l’Université Paul-Sabatier de Toulouse. p. 19-20.

71

La commercialisation d’un fromage à moisissures sous la dénomination

«Cambozola»144 en Autriche et l’opposition du Consortium pour la défense de «Gorgonzola» a

donné à la Cour de justice l’occasion de se prononcer sur la notion de l’évocation d’une

appellation d’origine protégée.

L’appellation d’origine «Gorgonzola» a été protégée au niveau communautaire avec

le règlement nº 1107/96. La société allemande Käserei Champignon Hofmeister GmbH &

Co fabriquait et commercialisait un fromage dénommé «Cambozola» en Allemagne depuis

1977 et en Autriche depuis 1983. La société précitée était propriétaire de la marque

autrichienne «Cambozola» qui est protégée depuis le 7 avril 1983 pour les produits laitiers et

notamment le fromage.

Les sociétés défenderesses se sont basées sur la simple association d’idées qui ne

crée pas un risque de confusion. Ils ont tiré argument de l’arrêt «Puma» où la Cour avait

jugé que la simple association entre deux marques que pourrait faire le public par le biais de

la concordance de leur contenu sémantique ne suffit pas en elle-même pour conclure à

l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b) de la

directive sur les marques.

La Cour a rejeté l’argument tiré de l’arrêt «Puma145» pour interpréter la notion

d’évocation au sens du règlement. Elle a conclu que «s’agissant d’un fromage à pâte molle

et à moisissures bleues, dont l’apparence extérieure n’est pas sans analogie avec celle du

fromage «Gorgonzola», il semble légitime de considérer qu’il y a évocation d’une

dénomination protégée lorsque le terme utilisé pour le désigner se termine par deux mêmes

syllabes que celle-ci, d’où il résulte une parenté phonétique et optique manifeste entre les

deux termes»146. La Cour a incité aussi le juge national à prendre en considération un

document publicitaire revelant que cette ressemblence phonétique n’était pas fortuite. La

campagne publicitaire de Käserei Champignon mettait en valeur que le Cambozola

«originaire de la meilleure famille, alliait la tendre consistance crémeuse du noble

camembert au goût relevé de l’ardent Gorgonzola».

144 Arrêt du 4 mars 1999, C-87/97, Rec. 1999 p. I-1301.145 Arrêt du 11 novembre 1997, C-251/95, Rec. p. I-6191.146 Arrêt précité à la note 142, point 27.

72

On voit dans cette exemple comment le juge communautaire a encadré la notion de

l’évocation, offrant au juge national les critères à prendre en considération pour

l’appréciation factuelle de l’évocation.

Chapitre 2 : La portée de la protection nationale pour les

dénominations enregistrées

La jurisprudence de la Cour de justice apporte des principes directeurs quant à

l’interprétation du règlement de base (2081/92) et des règlements d’exécution (1107/96).

Mais, quel est le rôle des Etats membres dans la protection des dénominations

protégées au niveau européen. Dans l’affaire «Cambozola» la Cour a conclu qu’en l’état

actuel du droit communautaire, le principe de la libre circulation des marchandises ne fait

pas obstacle à ce qu’un Etat membre prenne les mesures qui lui incombent afin d’assurer la

protection des appellations d’origine régulièrement enregistrées.

Dans ce chapitre, on essaiera de présenter les rares cas qui ont préoccupé le juge

français concernant la protection des AOP fromagères. On va constater la primauté de

protection des AOP à l’égard des marques.

Dans le premier cas la societé Fromarsac vendait du fromage contenant en partie

du roquefort (un pourcentage de 11%) sous la dénomination «Les fromages de Saint-Moret

au Roquefort». La Confédération générale des producteurs et des industriels de Roquefort

ont assigné le vendeur pour utilisation abusive et illicite de l’appellation Roquefort.

A l’époque le décret du 3 juillet 1989 en son article 1 indiquait qu’il est interdit de

fabriquer, exposer, transporter, mettre en vente ou vendre,détenir, importer, exporter, sous

le nom de Roquefort, avec ou sans addition nominale ou qualificative, un fromage autre

que celui qui aurait été préparé et fabriqué exclusivement avec du lait de brebis(…). Le

décret du 22 janvier 2001 reprend à peu près à son article 1, alinéa 2147 les mêmes

restrictions.

Pourtant, dans le cas de la société Fromarsac, le roquefort rajouté respectait les

exigences du cahier des charges définies par le décret. Et en plus, la dénomination ainsi

utilisée n’induisait pas le consommateur en erreur tout en garantissant la protection de la

dénomination Roquefort148. La mention de l’appellation d’origine tendait à identifier un

des ingrédients utilisés dans la composition du produit et non le produit lui-même. Il ne

147 Le fromage bénéficiant de l’appellation d’origine contrôlée “Roquefort” est un fromage fabriquéexclusivement avec du lait de brebis(…).148 BERRY B., Petites affiches, 4 août 1995, nº 93, pp. 33-36 et notamment p. 35.

74

s’agissait pas du tout de l’usage abusif de l’appellation pour désigner un produit de la même

nature mais de composition très différente de sorte qu’il n’aurait pas droit à cette

appellation. Pour M. Buhl,149 c’est seulement dans cette hypothèse qu’il faut sanctionner

l’utilisation de l’appellation.

La Chambre commerciale de la Cour de Cassation150 a conclu que «la protection

conférée par la loi à l’appellation d’origine est générale et n’autorise pas l’utilisation de

ladite appellation sous quelque forme que ce soit, autrement pour désigner un fromage

authentiquement et entièrement d’origine».

Mais quelle signification rêvet l’expression «fromage authentiquement et

entièrement d’origine»? On pourrait peut-être dégager un principe général pour la

protection des appellations enregistrées?

Cette expression définit la portée de A.O.P. Roquefort. Il est évident qu’on peut

utiliser la dénomination pour un tout autre produit contenant du roquefort véritable151,

mais pas pour un autre fromage. Le fromage doit être dans son entier d’origine de

roquefort. Quelle idée pourrait-on retenir de cet arrêt? Quand le cahier des charges d’un

fromage requiert une exclusivité quant aux composants du produit, sa dénomination ne

peut pas être apposée sur un autre produit fromager.

Dans le deuxième cas, il s’agissait de l’incorporation dans une marque d’une partie

de l’appellation d’origine composée pour baptiser un fromage n’ayant pas droit à cette

appellation. Les faits sont les suivants : la Société laitière coopérative agricole Les

Fromageries Bresse-bleu ont déposé pour désigner des fromages les marques Fourme de

Bresse et Fourme de Bresse-bleu.

149 BUHL C., Le droit des noms géographiques, p. 233.150 Ch. com., D. 1994, IR, 199, cassation de Bordeaux, 23 avr. 1992, 1re ch. A.151 BRANLARD J.-P., Droit et gastronomie…p. 22.

75

La Cour de Cassation152 a confirmé l’arrêt de la cour d’appel. La Cour d’appel

après avoir insisté sur la protection d’ordre public des appellations d’origine a retenu d’un

côté que le mot Fourme sert à désigner un fromage montagnard provenant d’une aire

géographique délimitée et que le mot Fourme avait dans l’expression autant d’importance

que le lieu géographique et d’autre côté que le fromage commercialisé sous la marque

litigieuse ne présentait pas les caractères géographiques et techniques des produits protégés

par l’appellation d’origine protégée complexe, faisant ainsi apparaître que l’usage de ce

terme était susceptible de créer une confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du

produit.

Les fromageries «Bresse Bleu» ont insisté sur le fait que les dénominations

litigieuses étaient composées d’un nom générique (fourme, c’est-à-dire, forme à fromage)

et, donc, non appropriable par un signe distinctif, d’un nom géographique (Bresse) et d’une

dénomination générale correspondant à une caractéristique technique (bleu).

La Cour d’appel suivie par le Cour de Cassation a dépassé le problème de

l’appropriation d’un nom générique du langage commun faisant valoir que le terme

«fourme» n’est pas générique mais par contre il est lié à la production fromagère

montagnarde du centre de la France, à une zone géographique dont «il ne peut être détaché

sans entraîner de dénaturation de son sens»153. Là, réside toute l’importance de l’arrêt. Les

appellations «Fourme d’Ambert» et «Fourme de Montbrison» sont protégées dans leur

ensemble mais le mot fourme a acquis une telle notoriété qu’il évoque lui-même, pris

isolément une technique spécifique originaire et actuellement pratiquée dans une aire

géographique et non pas une catégorie générique des produits.

Selon M. Agostini, il fallait se montrer plus inquiéts devant l’appropriation par les

appellations d’origine des noms communs. «Le langage courant étant le patrimoine

commun d’un groupe linguistique, on ne saurait admettre la confiscation d’un nom

commun, même régional, pour cause d’utilité privée»154. Selon M. Olszak, cette inquiétude

n’est pas justifiée dans ce cas puisque le terme fourme a perdu son sens commun de forme

152 Cass.Com., 26 octobre 1993, D. 1995, Jurispr. pp. 58-59 note AGOSTINI E.; RIPIA 1993, p. 289.153 BERRY B., Petites affiches, 4 août 1995, n 93, pp. 33-36 et notammnent p. 35.154 Note AGOSTINI E., D. 1995, Jurispr. pp. 58-59 et notamment p. 59.

76

à fromage et il peut être employé tout seul, sans indication de lieu pour désigner un

fromage précis155.

En fin, il faut dire que l’usurpation du mot fourme et son insertion dans la marque

«Fourme de Bresse» montre bien que ce fait n’était pas le fruit du hasard. Le caractère

intentionnel érige sur la connaissance156 par l’usurpateur que le produit pour lequel il a

utilisé l’appellation n’avait pas les caractéristiques requises pour revendiquer cette

dénomination. Dans l’arrêt du 5 juillet 1994 les Fromageries Bresse-bleu ne contestent que

leur fromage ne présente pas les caractéristiques de l’AOP, tandis que la société Fromarsac

prétend avoir commercialisé le résultat «d’un procédé culinaire tirant du rapprochement de

produits différents une spécialité originale».

On va terminer avec un cas un peu grossier d’imitation de l’appellation «Grana

Padano» qui ne suscite pas de grands problèmes d’interprétation. Une société néerlandaise

commercialisait en France sous la dénomination «Pardano»157 un fromage. Le Consortium

pour la défense de l’appellation a assigné la société devant le TGI de Paris. Le tribunal a

noté que la dénomination Pardano reprend à un lettre près le terme «Padano» et que

l’adjonction de la lettre «r» ne modifie en rien l’architecture de ce terme. Il a résulté que ce

terme constitue une atteinte par imitation de l’appellation protégée et qu’il ne peut qu’être

source de confusion.

En conséquence, on voit que la protection des signes de qualité communautaires

dépend aussi de l’efficacité des systèmes nationaux en la matière. La France dispose déjà

d’un système de répression des atteintes aux AOP/IGP/STG. L’article L. 116-26-3

C.consomm. prévoit l’extension de la protection des signes nationaux aux signes

communautaires. L’article précité renvoie à l’article L. 115-16 qui dispose que quiconque

aura soit apposé, soit fait apparaître, par addition, retranchement ou par une altération

quelconque, sur des produits, naturels ou fabriqués, mis en vente ou destinés à être mis en

vente, des appellations d’origine qu’il savait inexactes sera puni des peines prévues à

l’article L. 213-1. Il vaut insister sur la possibilité créée par la seconde alinéa de l’article L.

155 OLSZAK N., Droit des appellations d’origine et indications de provenance, p. 40.156 Article L. 115-16, alinéa 1 C.consomm.157 TGI de Paris, 3ème ch., 6 décembre 1996: PIBD 1997, 629.III. pp. 196-197.

77

115-16 Cconsomm. Cette disposition158 étend le champ d’application de la protection

pénale des appellations d’origine à un mode de présentation faisant croire ou de nature à

croire qu’un produit bénéficie d’une appellation contrôlée. Cette disposition permet de

sanctionner des actes même s’il n’y a aucune intention frauduleuse.

158 Disposition modifiée par la loi nº 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole.

Conclusion

Le système communautaire qu’on vient de décrire est un sujet d’actualité. Ce

système s’est consacré à son rôle de valorisation du patrimoine gastronomique et culturel

tout en protégeant les intérêts des consommateurs d’un côté et des producteurs de l’autre.

Or, le rôle des signes de qualité communautaires ne s’arrête pas ici. Les évolutions récentes

de la PAC nous montre l’importance de la politique de signes de qualité menée par l’Union

européenne.

La réforme engagée dès le milieu des années 80 puis relancée au début des années

1990 visait à la diminution de la part de l’agriculture dans le budget communautaire et à la

réduction du caractère protecteur du système mis en oeuvre à la fin des années 1950. Les

difficultés provenant de la surproduction et de la chute des revenus des agriculteurs ont

conduit à la réforme de 1992. Le mécanisme mis en place tendait à : la baisse des prix

communautaires et la compensation des pertes par des aides forfaitaires, calculée par tête

de bétail ou sur la base du rendement moyen à l’hectare. Par la suite, la Commission, en

juin 1997, dans le cadre de l’Agenda 2000 (programmation entre autres sur la PAC pour la

période 2000-2006) a présenté des propositions prenant en considération l’adhésion de

certains pays de l’Est, de nouvelles missions de développement rural et de protection de

l’environnement. Dès janvier 2001, le débat sur la réorientation ou la réforme de la PAC a

été réanimée par la crise de confiance chez les consommateurs après les scandales de «la

vache folle», de l’épidémie de la fièvre aphteuse et des poulets à la dioxine.

Aujourd’hui la Commission vient de proposer un projet de réforme de cette

politique commune159. Ce projet se situe dans le droit fil des évolutions des dix dernières

années. L’objectif majeur est de produire mieux et non pas de produire toujours plus. Les

primes à la qualité pour les appellations d’origine, l’agriculture biologique et les

exploitations respectant les critères environnementaux constituent certains des points clés

du projet de Bruxelles. Ces objectifs sont en pleine conformité avec les préoccupations des

citoyens de l’Union européenne. Selon un sondage de la Commission160, un très grand

159 Les échos, 9 juillet 2002 “PAC: Bruxelles présente demain une profonde réforme”.160 Communiqué de presse (Commission) IP/02/922, date: 25/6/2002.

79

nombre d’Européens (90%) souhaitent que la PAC leur garantisse des aliments sûrs et un

environnement sain. Ainsi, 73% des Européens souhaitent une politique de protection du

goût et de la spécificité des produits agricoles européens. Dans cet esprit, M. Franz

Fischler, Commissaire chargé de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, «a

déclaré qu’à l’avenir, davantage de crédits seraient mobilisés pour la production et la

commercialisation de produits de qualité»161. Alors, la qualité se révélera rentable.

La Commission devant cet avenir rêve de voir son système des dénominations

géographiques se transformer en un modèle pour le reste du monde. C’est pourquoi, la

Commission a proposé un ensemble d’amendements au règlement nº 2081/92. Ainsi, la

proposition prévoit la possibilité pour les pays tiers de protéger leurs produits agricoles dans

l’Union européenne sous les conditions de la réciprocité et de la mise en oeuvre d’un

système équivalent pour la protection des signes de qualité. Une autre modification

importante est l’extension du droit d’objection aux enregistrements des dénominations

géographiques à tous les pays membres de l’OMC.

De son côté l’OMC lors de la conférence ministérielle en novembre 2001 à Doha a

décidé de renforcer le système de protection des indications géographiques de la section III

des accords ADPIC. L’OMC va entamer des négociations en vue d’étendre la protection

additionnelle de l’article 23 à tous les produits agricoles. A l’époque de la signature des

accords de Marrakech le nombre d’indications géographiques protégeant des produits

agricoles autres que les vins était limité. Aujourd’hui existent environ 600 contre 7200 pour

les vins et les spiritueux162. Vers la fin 2002, le Conseil ADPIC devra faire des

recommandations sur ce point au TNC (Trade negociating committee), organe de l’OMC.

Ainsi, au sein de l’OMC, il y a un autre projet pour l’établissement d’un registre prévu par

l’accord ADPIC. Il s’agira d’un système multilatéral de notification et d’enregistrement des

indications géographiques pour les vins et spiritueux. Ce registre n’a pas l’ambition de

remplacer les enregistrements nationaux, mais, simplement de créer une présomption de

propriété de l’indication géographique renversant, ainsi, la charge de la preuve.

161 Communiqué de presse (Commission), IP/02/1115, date: 22/7/2002.162 RENARD A.-C., Les indications géographiques mieux protégées au niveau mondial, RLF nº 622 -juin2002, pp. 18-19 et notamment p. 18.

80

Le renforcement de la politique de qualité est d’un grand intérêt tant pour les pays

riches que pour les pays pauvres. En Afrique où les pays les moins avancés dépendent

exclusivement de l’exportation des produits agricoles primaires (coton, café, cacao) le choix

des signes de qualité pourrait soutenir leur développement. En 1990 le taux d’exportation

des ACP (Afrique, Caraibes, Pacifique) vers l’Union européenne était de 25 % et,

aujourd’hui, il dépasse 40%163.

Tout cela nous montre que la seule protection efficace pour ce domaine de la

propriété industrielle réside dans des systèmes régionaux ou mondiaux.

163 La Croix, 24 juin 2002, p. 12.

BIBLIOGRAPHIE

Législation Communautaire

• Règlement (CEE) Nº 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992 relatif à la protection des

indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des

denrées alimentaires (JO nº L 208 du 24. 7. 1992, p. 1).

• Règlement (CEE) Nº 2082/92 du Conseil du 14 juillet 1992 relatif aux attestations de

spécificité des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO nº L 208 du 24. 7.

1992 p. 9).

• Règlement (CE) Nº 1107/96 de la Commission du 12 juin 1996 relatif à

l’enregistrement des indications géographiques et des appellations d’origine du titre de

la procédure prévue à l’article 17 du règlement (CEE) nº 2081/92 du Conseil (JO Nº L

148 du 21. 6. 1996, p. 1).

• Règlement (CE) Nº 1070/99 de la Commission du 25 mai 1999 modifiant l’annexe du

règlement (CE) Nº 1107/96 relatif à l’enregistrement des indications géographiques et

des appellations d’origine du titre de la procédure prévue à l’article 17 du règlement

(CEE) Nº 2081/92 du Conseil (JO nº L 130 du 26. 5. 1999, p. 18).

• Règlement (CEE) Nº 1898/87 du 2 juillet 1987 concernant la protection de la

dénomination du lait et des produits laitiers lors de leur commercialisation (JO nº L182

du 3. 7. 1987 p. 36).

• Décision 88/566 établit la liste des produits visés à l’article 3 paragraphe 1 alinéa 2 du

règlement 1898/87.

• Directive 89/398 du Conseil, du 3 mai 1989, relative au rapprochement des législations

des États membres concernant les denrées alimentaires destinées à une alimentation

particulière (JO nº L 186 du 30/06/1989 p. 27).

• Règlement (CE) No 1255/1999 du Conseil du 17 mai 1999 portant organisation

commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JOCE nº L 160,

26 juin 1999, p. 48).

Législation nationale

• Décret Nº 52-663 du 6 juin 1952 portant publication de la convention internationale sur

l’emploi des appellations d’origine et dénominations de fromages, signée à Stresa, le

1er juin 1951 (JO du 11 juin 1952, p. 5821).

• Décret Nº 88-1206 du 30 décembre 1988 portant application de la loi du 1er août 1905

sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de service de la loi du 2 juillet

1935 tendant à l’organisation et à l’assainissement du marché du lait en ce qui concerne

les fromages (JO du 31 décembre 1988).

• Décret 2000-826 du 28 août 2000 relatif aux procédures d’examen des demandes

d’enregistrement des appellations d’origine protégées et des indications géographiques

protégées.

Ouvrages

• Alix BABOIN-JAUBERT, Guide des fromages, Marabout et Hachette, 2000.

• J. BESSIÈRE, Valorisation du patrimoine gastronomique et dynamique de

développement territorial. Le Haut plateau d’Aubrac, Le pays de Roquefort et le

Périgord noir, L’Harmattan, 2001.

• J.-P. BRANLARD, Droit et gastronomie. Aspect juridique de l’alimentation et des

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www.legifrance.gouv.fr (Publications officielles françaises)

www.senat.fr (Sénat)

www.fao.org (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture)

www.wto.org (organisation mondiale du commerce)

www.cidil.fr (site du Centre Interprofessionnel de Documentation et d’Information

Laitières).

www.maison-du-lait.com

www.cirval.asso.fr (site du Centre International de Ressources et de Valorisation de

l’Information des Filières Laitières Petits Ruminants).

www.aoc-igp.ch

www.fromages.com

www.fromag.com

www.lactalis.com (site du Groupe Lactalis).

Je tiens à remercier tous les documentalistes du CIDIL qui m’ont aidé à ma

recherche et notamment Delphine PETIT, Valérie HERMELINE et Evelyne TANGUY.