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  • 90mai 2014

    A propos desDongria

    Les Smi, un peuplegnant?

    Quand la musiquesarrtera. Les

    Jumma duBangladesh

    Vivre sans eau. LesMikea de

    Madagascar

    Survivalles nouvelles de

  • 2SSoommmmaaiirree

    A propos des DongriaEntretien avec Flix Padel

    Les Smi, un peuple gnant?

    Quand la musique sarrtera... Quelavenir pour les Jumma du Bangladesh?Elodie Simon & Franois Cazenave

    Vivre sans eau : les Mikea deMadagascar Marie Le Coze

    Echos des campagnes

    Action urgente : Les Ayoreo du Paraguay

    Les Nouvelles de Survival n 90, mai 2014Prix de ce numro : 4 abonnement : 15 Directeur de la publication : J.-P. RazonRdaction : D. Dauzier, L. Escartin, J.-P. RazonImprimerie : Corlet, Cond-sur-NoireauISSN : 1154-1210 CP : 1009G89188Dpt lgal : 2me trimestre 2014 Survival International (France) Association reconnue dutilit publiqueIllustration couverture : Fillette dongria Jason Taylor/Survival

    Le supplment de limpression en quadrichromie dece numro est gnreusement offert par notreimprimeur.Ce numro peut tre lu en ligne ou tlcharg enformat PDF ladresse suivante : www.survivalfrance.org/actu/publication

    Survival International France18 rue Ernest et Henri Rousselle75013 ParisT 33 (0)1 42 41 47 [email protected]

    Survival aide les peuplesindignes dfendre leur vie,protger leurs terres et dterminer leur propre avenir

    SSuurrvviivvaallles nouvelles de

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    PARIS LONDRES MILAN MADRID BERLIN AMSTERDAM SAN FRANCISCO

    En couverture : Fillette dongria JasonTaylor/Survival

    www.survivalfrance.org

    Edito

    Il subsiste encore parmi une frange importante de lapopulation une faon intolrable de regarder lespeuples indignes aujourdhui, les assimilant destres qui nauraient pas volu, qui seraient rests austade de la primitivit et de la barbarie. Une manire depercevoir lautre lointain qui naurait pas progressdepuis lre coloniale et laquelle saccommodent ceuxqui ne veulent voir en eux que les reliques exotiquesdun pass rvolu. Cest aussi le cas de certainsgouvernements contemporains qui, comme le Botswana,met en avant ses sauvages, en loccurrence les Bushmendu Kalahari dont par ailleurs il dnonce la barbarie pour promouvoir un tourisme de luxe sur leurs terresdont il les a expulss. Et pourtant, au fil des sicles, cespeuples ont su dvelopper des cultures nourriesdexpriences aussi anciennes et labores que les ntres,mais autrement orientes. Et, contrairement nous, quipillons sans vergogne les dernires ressources de laplante, ils ont su prserver la nature de laquelle et danslaquelle ils vivent. Comme le dit ici larrire-petit-fils deDarwin, Considrer les peuples indignes comme des gensprimitifs et arrirs cest faire soi-mme preuve dune mentalitarrire. Il reste encore du chemin faire uneorganisation comme la ntre pour combattre de telsprjugs.

  • 3 propos des DongriaEntretien avec Flix Padel, arrire-petit-fils de Darwin

    urvival Quest-ce qui vous a donn len-vie de vivre et travailler avec les Dongria Kondh?

    Flix Padel Il nest pas facile dexpli-quer comment commencent de telles col-laborations. Jai t attir par la beautdes paysages, des collines et des torrentsmais surtout par lhumour, les danses etla beaut de ce peuple.

    Parlez-nous de la relation des Dongria Kondh leur montagne sacre Niyamgiri?

    Les Dongria observent le niyam, largle traditionnelle qui consiste ne pr-lever que le strict ncessaire de la nature.Leur religion est fonde sur le respect dumonde naturel. Pour les Dongria, il estinconcevable d'abattre la fort au som-met des montagnes, en particulier celle deNiyam Dongar.

    Le dieu suprme des Dongria estNiyam Raja le 'roi de la loi. Pour eux,respecter la loi implique de prserver lanature et en particulier les forts situesau sommet du Niyam Dongar, la de-meure de Niyam Raja. Ils comprennentpeut-tre mieux que certains scientifi-ques que les forts situes au sommet dela montagne retiennent leau, permet-tant un coulement prenne, lune des

    caractristiques les plus marquantes dela rgion du Niyamgiri. En absorbant lespluies de la mousson, le dpt de bauxiteau sommet du Niyam Dongar joue lerle dune ponge. Il les retient et leslaisse scouler doucement tout au longdes mois chauds dt. Lorsque cettestrate de bauxite est exploite, commecela a t le cas Panchpatmali, au sud-ouest de Niyamgiri, les torrents perma-nents sasschent.

    Quand les Anglais ont effectu les pre-miers prlvements de bauxite danslOrissa, au dbut des annes 1900, ilsnommrent la base rocheuse Khonda-lite, en honneur la relation des Kondhavec ces montagnes.

    Sur toutes les montagnes o lontrouve de la bauxite, une trentaine dansla rgion, vivent des communauts tri-bales (principalement kondh) prtes mourir pour protger leurs montagnes.

    Dans les annes 1940, une enqute of-ficielle fut effectue auprs des Dongriasur leur religion. Ils donnrent pour seulerponse : Dongar, la montagne. Dau-tres peuples indignes, en Amrique dunord par exemple, ressentent galementcette intime connexion avec leurs monta-gnes, les percevant comme source de fer-tilit et de vie. Comme le dit une femmedongria : 'Nous avons besoin de la mon-tagne et la montagne a besoin de nous!'

    Quelles sont les plus grandes menaces aux-quelles sont confronts les Dongria Kondh?

    Le gouvernement de l'Etat dOrissa arcemment interdit le tourisme dans lestribus qui amenait rgulirement des vi-siteurs Niyamgiri depuis Puri, une villectire. Cette interdiction a tout dabordt demande par des maostes qui

    Dans ce qui a constitu unevictoire historique pour latribu des Dongria Kondh, enInde, les autorits indiennesont annul en janvier dernierle projet dvastateur du gantminier britannique VedantaResources qui menaait douvrirune mine ciel ouvert sur leurmontagne sacre sans mmeobtenir leur consentement. Cettedcision faisait suite unesrie de consultations desvillages dongria kondh affectsqui sopposrent unanimement auprojet minier. Cet entretienque nous a accordlanthropologue Flix Padel at men peu de temps avant quene tombe la dcisiondinterdire la mine. Iltravaille avec les tribus del'Etat d'Orissa, lest delInde, et plus particulirementavec les Dongria Kondh. Il estlarrire petit-fils de CharlesDarwin et vit dans un villageisol de lOrissa. Dans cetentretien, il voque l'troiterelation des Dongria Kondh avecleurs montagnes, leur luttehroque contre la compagnieminire britannique Vedanta etaborde la question de lathorie de lvolution chre son illustre aeul.

    SFlix Padel

  • avaient kidnapp un couple de touristesitaliens.

    Ces excursions taient avilissantes pourles Dongria qui taient pays pour dan-ser devant les touristes. Mais aussittaprs que linterdiction fut prononce,les villages furent perquisitionns par leCRPF (forces de police de la rserve cen-trale) qui, en apparence, recherchait desmaostes. En ralit, le CRPF intimidaitla population afin quelle accepte les pro-jets miniers de Vedanta.

    Les membres du CRPF ont depuis ou-vert le feu sur les villageois pour les terri-fier. Ils ont exerc de fortes pressions surles Dongria, allant jusqu les attacheraux arbres dans leur campement pourles interroger. Ils mnent rgulirementdes incursions dans les villages, traitant lesDongria avec beaucoup d'irrespect.

    Selon des sources dignes de foi, Ve-danta organisait des banquets pour lapolice lorsquelle visitait les villages don-gria. Le gouvernement devrait veiller ceque la police respecte les Adivasis [dusanscrit 'habitant originaire', terme d-

    signant les peuples aborignes de l'Inde,ndlr] et mettre fin limpunit de ceuxqui les maltraitent ou agissent de ma-nire injuste leur gard.

    A propos du 'tourisme tribal', je suiscertain que de nombreux voyageurs ai-meraient avoir un comportement bien-veillant vis--vis des autochtones. Ilfaudrait mettre en place un systme quipermettrait aux Dongria et aux autrestribus davoir le plein contrle du tou-risme sur leur territoire.

    Aprs le vote historique des villages[la Cour Suprme indienne a ordonnen avril 2013 la consultation des com-munauts affectes par le projet de Ve-danta.12 villages votrent contre la mine,ndlr], les menaces dexploitation mini-res ont diminu. Mais nous savons dex-prience que les compagnies miniresont tendance laisser patiemment venirles choses et manipuler les communau-ts locales pour les diviser. Les Dongria lesavent bien qui ont heureusement dve-lopp un fort sentiment de confiance mu-tuelle et de solidarit.

    Quel impact aurait la construction dune mine ciel ouvert sur les Dongria Kondh?

    Les Dongria en entrevoient les cons-quences mieux que quiconque. Les hom-mes de Vedanta eux-mmes ont emmenplusieurs Dongria visiter la mine debauxite de Nalco, Panchpatmali. Surle chemin de la mine, tout au long d'uneroute abrupte, on peut voir des dizainesde panneaux prometteurs appelant laprservation de la nature et la restau-ration de la fort une fois lexploitationminire termine. Malgr ces promes-ses, quiconque ayant vu Panchpatmaline peut se faire des illusions.

    La restauration de la fort ne consistequ planter des eucalyptus, l o il yavait une fort luxuriante. La compagnieminire avait pourtant promis une fortencore plus belle quavant!

    Les Dongria Kondh qui vivent au piedde la montagne de Panchpatmali insis-tent fortement sur le fait que les coursdeau rguliers se sont asschs. Leur viesest transforme en enfer. Ils montentau sommet de la montagne et travaillent

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    Kalia, un Dongria Kondh, devant la colline de Niyamgiri Lewies Davies/Survival

  • dans la mine de bauxite pour un salairedrisoire. La fort a disparu sur des ki-lomtres la ronde.

    De mme, la vie des Baiga et des Gondqui vivent autour des mines de Chattis-garh, o Vedanta extrait une grande partde sa bauxite, sest considrablement d-grade.

    Les Dongria sont dj affects par lesnuisances sonores et lumineuses de la raf-finerie de Lanjigarh de lautre ct duNiyam Dongar. Si on exploitait le gise-ment de Niyam Dongar, cela aboutirait la destruction de lcosystme soigneu-sement gr de Niyamgiri.

    Quel serait limpact environnemental dunetelle entreprise minire?

    Les cours deau commenceraient im-manquablement sasscher. La pollu-tion et son impact sur la faune sauvageaffecteraient gravement le mode de viedes Dongria. Ils sont dailleurs trsconscients de cela.

    Parlez-nous des mthodes agricoles des Don-gria Kondh et de la connaissance quils ont de leurenvironnement?

    On estime qu'un Dongria moyenconnat au moins 400 plantes sauvages,utilises pour lalimentation ou leurs pro-prits mdicinales. Lorsque vous mar-chez dans un village dongria, il estdifficile de faire la diffrence entre la fo-rt, les jardins ou les champs, les arbresfruitiers se confondant avec la fort.

    On y trouve des jacquiers, des man-guiers, des bananiers, des papayers, desorangers et toutes sortes d'arbres frui-tiers. Et des ananas foison. Cette abon-dance a t amplement dcrite parGopinath Mohanty un clbre crivainoriginaire de l'Etat d'Orissa qui a publide merveilleux romans et nouvelles surles tribus et qui fut nomm administra-teur gouvernemental dans la rgion don-gria dans les annes 1960, une fonctionquil a remplie avec une grande sensibi-lit.

    Les Dongria pratiquent l'agriculturesur brlis et cultivent une immense va-rit de plantes alimentaires sur les pen-tes raides des collines (mais jamais au

    sommet). Ils maintiennent un bon niveaude vie grce l'agriculture et la vente defruits et de bien dautres produits.

    Qui plus est, ils ne prlvent que lestrict ncessaire de la nature. Cette atti-tude est la cl dune relation relle et du-rable avec notre environnement naturelbase sur la limitation de la prdation.

    Comme le disait il y a quelques an-nes Lodu Sikoka [prsident de Niam-giri Surakhya Samiti, lorganisation ferde lance des mouvements contre la mine,ndlr] lors dune runion publique : 'Cer-tains voient les gisements situs au som-met du Niyamgiri sous la forme demillions de roupies y restant inutilises mais ce nest pas de largent, cest notre

    Maa Baap [mre et pre] qui nous nour-rit, et nous mourrons s'il le faut pour ledfendre!'

    Les Pauri BhuiyaIl existe une autre tribu qui lutte pour

    sauver sa montagne et son histoire mehante. Comme les Dongria Kondh, lesPauri Bhuiya sont identifis en Inde entant que 'groupes tribaux particulire-ment vulnrables'. Ils vivent dans lachane montagneuse de Khandadharadans le district de Sundargarh au nordde l'Etat d'Orissa, o POSCO [4me

    producteur mondial dacier, bas en Co-re du Sud, ndlr] et dautres compagniesminires veulent y exploiter des gisementsde fer et de manganse. A Khandadhara,la plus haute chute deau de l'Etatd'Orissa scoule spectaculairement sur leflan de la montagne le plus beau siteque je connaisse.

    Les Pauri Bhuiya sont cependant beau-coup plus rservs que les Dongria etmoins agressifs face aux intrusions. Ilsouvrent des jardins dans la fort o ilscultivent des arbres fruitiers comme lesDongria, mais loffice des forts s'efforcedepuis des annes de les dplacer au basdes montagnes, les installant dans des vil-lages de plaine misrables, sous prtexteque leur mthode d'agriculture dtruitla fort.

    La ralit est effectivement tout autre.Ces dernires annes, la compagnie Ka-linga Commercial Corporation Ltd a im-plant dans les collines ce qui estprobablement la plus grande minedOrissa, Kurmitar. Des centaines d'ou-vriers y extraient chaque jour des quan-tits de fer et de manganse qui sontensuite exportes en Chine et en Coredu Sud.

    Lun des 24 sommets de la chane duKhandadhara a t entirement ras, iln'y a plus trace de fort ni de couche ara-ble, ce qu'aux Etats-Unis on appelle'mountaintop removal' (mine ciel ou-vert). Les Adivasis de Khandadhara de-vraient prendre exemple sur la lutte desDongria Kondh et sur les dcisions desgram sabha [conseils villageois, ndlr].

    Dans quelle mesure pensez-vous que lesDongria Kondh vont pouvoir rsister aux pressionsextrieures?

    Ils ont clairement exprim le fait quec'est leur territoire, leurs montagnes, etje suis sr quils naccepteront pas le d-veloppement propos par Vedanta.

    La place des femmes dans la socit dongriakondh est unique en Inde, comment expliquez-vous cela?

    En effet, vous pouvez voir la diffrencedans leur manire de shabiller leurcroyance en le niyam est visible dans l'an-

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    Fillette dongria Jason Taylor/Survival

  • neau nasal en or et autres ornementsqu'elles portent, ainsi que dans les ta-touages sur leur front. Lorsque vous ren-contrez des femmes dongria, vouscomprenez que leurs attributs ne sontpas quelque chose qui est impos par leshommes les femmes sont en ralit lesmeilleures gardiennes de la tradition. El-les jouent un grand rle dans l'agricul-ture et vendent elles-mmes leurproduction. Les femmes se sont montrestrs fortes dans la lutte pour la sauve-garde de Niyamgiri comme dans tousles mouvement de dfense de la terre etdes ressources en Inde.

    Parce qu'elles portent littralement enelles les gnrations suivantes, les fem-mes comprennent souvent mieux que leshommes que le bien-tre des gnrationsfutures dpend de la prservation de leurterre et de leur environnement et ellesont mme plusieurs manires de le dire.

    Quels rituels ont lieu lors de la fte des rcol-tes?

    Comme le cycle annuel hindou, celuides Dongria est ponctu de plus dunedouzaine de ftes. Les Dongria prennentpart plusieurs importantes ftes hin-doues, se rassemblant dans les villes pourparticiper celles de Shiva, Jagannathet autres dits quils considrent commeles leurs. Leurs ftes sont lies au cycleagricole naturel des 'premiers fruits'.

    Dans ces ftes de rcoltes durant les-quelles ont lieu des sacrifices de buffles,les chamanes shabillent en rouge commeles femmes, un sabre dans chaque main,

    pour probablement personnifier DarniPernu, la desse de la Terre. En un sens,les sacrifices de sang sont considrscomme des offrandes la Terre Mre ettous les animaux qui sont consommssont sacrifis une mort sans doute meil-leure que dans les abattoirs des 'socitscivilises'!

    Le rite qui consiste marcher sur desbraises chaudes est pratiqu par les 'saintshommes' et par beaucoup de membresde la communaut et de villages hindousvoisins. Je lai moi-mme pratiqu, ensuivant la tradition des Indiens d'Am-rique du Nord. Cest un sentiment ton-nant de dcouvrir que si lon se dtend etsi l'on se concentre, on peut marcher surdes braises chaudes sans se brler.Comme lenseigne la tradition des In-diens d'Amrique du Nord, marcher surdes braises chaudes nous aide nousconcentrer sur un objectif et ce, danstous les aspects de la vie.

    Les Dongria Kondh et les autres tribus d'Indesont perus en Inde comme des arrirs. Quenpensez-vous?

    Il s'agit d'un malheureux hritage delanthropologie de l're coloniale qui aproduit les premires monographies dessocits tribales indiennes. Elles y taienttoujours dcrites comme primitives entant que 'superstitieuses', 'non-conomi-ques', 'analphabtes', etc. Les percep-tions changent avec le temps parmi lesplus duqus, par exemple, la catgorie'Groupes tribaux primitifs' a par exemplercemment t remplace par 'Groupes

    tribaux particulirement vulnrables'. Il est cependant intressant de consta-

    ter que lorsque certains dentre nous sesont opposs Vedanta qui qualifiait lesDongria d'arrirs' lors de son assem-ble gnrale Londres, lun des direc-teurs, Naresh Chandra, a justifi l'usagede ce terme sous prtexte qu'il apparatdans la Constitution indienne, commepar exemple dans la catgorie OtherBackward Castes (autres castes arrires) laquelle appartiennent les Adivasis etles Dalits. Il y a donc encore du pain surla planche, mme sous l'angle de la per-ception officielle.

    La thorie de lvolutionEn tant que descendant de Darwin, je

    ressens trs fortement que la thorie delvolution a t mal comprise. Darwindmontre comment des milliers despcesse sont dveloppes en relation les unesavec les autres selon des voies spareset distinctes. Cependant, lorsque cettethorie a t applique la socit hu-maine, ctait toujours selon un schmamonolithique, comme si les socits tra-ditionnelles se trouvaient au 'premier ni-veau de dveloppement'. Les gens les plusduqus le peroivent toujours ainsi,mme si la ralit ne confirme pas cetteposition! Considrer les peuples indig-nes comme des gens primitifs et arrirsc'est faire soi-mme preuve dune menta-lit arrire! Cest une manire de perce-voir les autres qui na pas volu depuisl're coloniale.

    Il faut comprendre que les socits tri-bales telles que les Dongria sont, danscertains domaines, bien plus voluesque la socit dominante qui, bien desgards, peut se montrer arrire ou sous-dveloppe.

    Comme par exemple dans la limita-tion de la prdation et le respect de lanature qui sont les bases dune relle du-rabilit ; dans les danses et chants tradi-tionnels travers lesquels les tribus sedivertissent au lieu de devenir desconsommateurs passifs de 'stars' mdiati-

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    Manifestation des Dongria Kondh contre Vedanta,Niyamgiri. Survival

  • ques ; et dans un systme de valeurs quiprivilgie le partage par rapport la com-ptition.

    Si vous assistez un conseil tribal, vousvous rendrez compte que ce sont de vraismodles de dmocratie o les gens ex-priment leurs opinions sans crainte et olobjectif poursuivi est le consensus. Cequi est trs diffrent du modle gnralde la dmocratie o seuls deux ou troispartis politiques sont engags dans lacomptition et l'opposition constantes,dans un systme o les lections dpen-dent principalement du financement despartis. Il n'est pas tonnant que Vedantaait rcemment allou des fonds impor-tants au Congrs et au BJP [BharatiyaJanata Party (parti du peuple indien),lun des principaux partis politiques enInde, de tendance nationale-hindouiste,ndlr]!

    En ce qui concerne la justice, contrai-rement au systme de la socit domi-nante, o lun perd et lautre gagne et ole verdict ne semble dpendre que dumontant des honoraires encaisss par lesavocats, celui des Adivasis permet auxparties de parler librement, avant quesoit inflige une amende, gnralement

    toutes deux, et de consacrer le montantde ces amendes lorganisation dunbanquet de rconciliation. Pourriez-voustrouver justice plus civilise que celle-l?

    Lors de 12 runions de conseils de villages(gram sabha), les Dongria Kondh ont unani-mement, sans surprise, vot 'non' au projet minierdans leurs collines. Quel sera selon vous le r-sultat final ?

    Ces runions ont t un exemple rel-lement impressionnant de dmocratieparticipative et jespre bien que le minis-tre de lEnvironnement et des Forts res-pectera cette dcision en interdisantlexploitation minire dans le Niyamgiriune bonne fois pour toutes.

    La Cour suprme sest montre par-faitement honorable en ordonnant ce re-ferendum, ainsi que le gouvernement delOrissa qui la organis mme sil napas t men dans plus de villages,comme les Dongria et leurs soutiens l'au-raient souhait. Cependant, limpartialitde ce vote unanime doit tre reconnueet loue.

    Ce qui est galement tout fait remar-quable c'est que les Dalit ont massive-ment vot avec les Dongria, alors que

    dans d'autres rgions ces communautssont divises. Les Dongria ont galementrejet la patta (proprit individuelle dela terre), ce qui rend plus facile lappli-cation du Forest Rights Act (loi sur les droitsforestiers). Village aprs village, ils ontinsist sur le fait que toute cette terre estla leur, en d'autres termes, qu'elle est uneproprit collective, qui est le schma tri-bal traditionnel de la gestion de la terre.

    Il est esprer que cet exemple m-morable de dmocratie participative soitreconduit dans dautres lieux et quil ins-pire dautres mouvements de peuples quiluttent pour prserver l'intgrit de leursterritoires et de leurs cosystmes.

    Dans mon dernier livre (Ecology, Eco-nomy : Quest for a Socially Informed Connection,avec Ajay Dandekar et Jeemol Unni,Delhi 2012, Ed. Orient BlackSwan) jemets en valeur le systme conomiquedes Adivasis pour leur usage parcimo-nieux de lenvironnement. Il est possibleque le modle dongria de dmocratieparticipative inspire en Inde une transi-tion majeure vers un systme conomi-que fond sur des valeurs cologiques.

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    Jeune femme dongria Survival

  • La situation s'aggrave pourle village sme de Jhk-gasska en Sude qui saf-fronte depuis juilletdernier la compagnie

    britannique Beowulf, laquelle projettedouvrir une mine de fer Gllok. Au-jourdhui, de nouvelles menaces psentsur les Smi dont le territoire fait lobjetde nombreuses convoitises.

    Ainsi, la compagnie sudoise LKABespre exploiter soixante-dix kilomtrescarrs de pturages d'hiver situs sur leterritoire Sameby Girjas, menaant gra-vement sa biodiversit. Ce mme villagesmi est galement menac par l'implan-tation d'un parc de 52 oliennes.

    La compagnie Nickel Mountain, quant elle, projette l'ouverture de trois mines Rnnbck. Cette rgion est une zone depturages permanents du territoire Sa-meby Vapsten. Ces mines mettent direc-tement en pril la rivire Ume et le lac deGardiken.

    Ces projets ne respectant pas leursdroits, en tant que peuple autochtone, levillage de Sameby Vapsten et le ConseilSmi ont port l'affaire en justice, ainsique devant le Comit des Nations-Uniespour llimination de la discriminationraciale. Si les Nations-Unies se sont pro-nonces en faveur des Smi, appelant legouvernement sudois suspendre touteopration minire Rnnbck, ce der-nier a rejet leur demande, invoquant lefait que la dmarche tait trop prmatu-re et quelle manquait darguments ta-blissant que les Smi taient victimes dediscrimination raciale.

    A ces quelques exemples du boom mi-nier destructeur, sans prcdent pour lesleveurs de rennes et la nature qui les faitvivre, il faut ajouter les villages smi deSaarivuoma, Laevas, Gabna et la me-nace que constitue pour eux la nouvellemine de Kaunisvaara. Ou bien encorela quinzaine de permis de prospectionaccords dans le secteur de la rivire Ka-lix vers Nikkaluokta, non loin des monta-gnes du Kebnekaise, prs de Kiruna. Il ade surcrot t rcemment annonc quelexploitation minire tait tolre dansles rserves naturelles.

    La rsistance s'organiseLors du march d'hiver de Jokkmokk,

    diffrentes actions de protestations onteu lieu. Environ 500 personnes se sontrunies, dont de nombreux jeunes, aucours dune manifestation dopposition la politique minire gouvernementale etaux compagnies minires.

    L'extrme droite sudoise, qui ntaitpas en reste sur le march, a accentu sapression sur les Smi et, selon eux, nas-pire qu l'extermination de leur peuple.

    Les Smi, un peuple gnant?

    Manifestation smi au march de Jokkmokk. Norrasjl

    Les Smi, longtemps appelsLapons, sont le dernierpeuple indigne dEurope. Ilsvivent depuis des millnairesdans l'extrme nord ducontinent, sur un territoireappel Spmi. Depuis lescolonisations scandinaves, ilssubissent violences, brimadeset irrespect. De lachristianisation force audplacement de leurspopulations, ou encore del'interdiction de pratiquerleur langue, au fil del'histoire, les Smi ont sanscesse lutt pour leur survie. Ils se soulvent aujourdhuicontre la surexploitation deleur territoire par desmanifestations deprotestation. Survival en adj fait lcho propos delune de leurs manifestationsqui sest droule Gllokau cours de l't 2013.

  • 9Harclements et provocations sont deplus en plus courants envers les Smi. AStockholm, la jeune artiste militante smi,Mimi Mrak, a t violemment agresseil y a peu, par un groupe de no-nazis.

    Dveloppement Comme nous lavons vu, le territoire

    smi subit des agressions de toutes parts :industries forestires, minires, olien-nes... Le gouvernement a dclar l'indus-trie minire d'intrt national etprioritaire sur l'levage du renne. Denombreux permis d'exploration ont tdlivrs au sein du territoire smi, malgrla demande du Parlement Smi de re-noncer y mener de nouvelles exploita-tions. Des activits minires ciel ouvertsont pourtant actuellement prvues dansles dix ou quinze annes venir. Ces ac-tivits dtruisent les sols, polluent les eauxavec des mtaux lourds, laissant une na-ture strile et inhospitalire, mettant dan-gereusement en pril les gnrationsfutures.

    Le renne est au cur de la culture dupeuple smi. Mon peuple vit avec lesrennes depuis des milliers dannes, ditun pasteur smi. Nous sommes devenus

    trs proches ; on peut dire que nos messe touchent ou mieux encore, quelles nefont quune. L'levage du renne est uneactivit respectueuse de l'environnement,et qui souvent, se perptue chez les le-veurs smi de gnration en gnration,crant des emplois durables, dans unenature respecte.

    Le prsident du Parlement Smi es-time que la seule alternative pour leSpmi et son peuple est celle du dve-loppement durable qui rpond aux be-soins du prsent, sans compromettre lacapacit des gnrations futures satis-faire leurs propres besoins.

    La Sude, contrairement dautrespays scandinaves, na toujours pas rati-fi la Convention 169 relative aux peuples

    indignes et tribaux de lOIT, un trait in-ternational contraignant qui protge etreconnat les droits des peuples indig-nes et tribaux la proprit foncire ainsique leurs droits tre consults sur lesprojets qui affectent leurs terres ou leursmoyens de subsistance. La Sude saura-t-elle couter la voix des Smi ?

    Au march de Jokkmokk Norrasjl

    Mon peuple vit avecles rennes depuis des

    milliers dannes. Noussommes devenus trsproches; on peut dire

    que nos mes setouchent, ou mieux

    encore quelles ne fontquune.

    Manifestante au march de Jokkmokk Norrasjl

  • 10

    Les Mro sont un peuple in-digne du Bangladesh ap-partenant au groupeethnique jumma (termedriv de jhum, en rf-

    rence leur pratique d'agriculture surbrlis). Forts dune population estime environ 50 000 personnes, les Mro vi-vent dans la rgion des Chittagong HillTracts (CHT), des collines recouvertesde jungle qui s'tendent l'est du delta duGange et du Brahmapoutre, au-del de la

    plaine de Chittagong, cheval entre leBangladesh et la Birmanie. C'est sur lespentes d'un contrefort de la chane hi-malayenne, prs des rivires qui y cou-lent, que les Mro pratiquent lagriculture,l'levage, la chasse, la pche et la cueil-lette. Ils construisent eux-mmes leurshabitations sur pilotis en vannerie. Leurmode de vie traditionnel leur permet devivre en quasi-autonomie.

    La musique, chante ou danse, est aucur de la culture et de l'identit mro.Elle rsonne toujours Kwangua kwa,village au sud de Bandarban. Seuls quel-ques hommes savent encore confection-

    ner le tro, violon deux cordes, ainsi queles plung et rina plung, orgues--bouche fa-briqus partir de bambou et de cale-basses cultives dans les jum (jardins flanc de colline). Aussi entend-on, lorsde la saison des pluies, les chants deshommes accompagns au tro et au rinaplung dans les kim-tom (pices de vie desmaisons traditionnelles). Les plung, quant eux, sont dcors et jous en orchestrepour accompagner les danses commu-nautaires (plai). Mais pour combien detemps ?

    En perptuant la fabrication de cesinstruments traditionnels, les Mro assu-rent la prennit d'un grand nombre derituels et de crmonies. Mais cette pra-tique est aujourd'hui menace par la ra-rfaction des matriaux ncessaires leurfabrication en raison d'une dforestationmassive, de laccaparement des terres etde lappauvrissement des sols. En outre,ces savoirs se transmettent de plus en plusdifficilement, les nouvelles gnrations,tant peu intresses ou trop loignesdes villages.

    Les Chittagong Hill Tracts ont t por-tes sur la scne internationale dans lesannes 1980 la suite du conflit armqui clata en 1977 entre les forces ar-mes du Bangladesh et le parti politiquejumma, le Jana Samhati Samiti. En 1997,la guerre civile prit fin et des accords depaix furent signs entre les leaders jummaet le gouvernement du Bangladesh, re-connaissant le systme de gouvernancetraditionnel et posant les bases de lau-todtermination des populations autoch-tones. Cela fait maintenant plus de 15ans et ces accords ne sont toujours pasappliqus. Aujourd'hui encore, des viola-tions des droits de l'homme et des conflitsviolents perdurent dans cette rgion si-nistre. Les populations jumma y sont

    Quand la musique s'arrtera...Quel avenir pour les Jumma du Bangladesh ?

    Elodie Simon & Franois Cazenave-Loustalet*

    Ci-dessus : joueurs de rina plung etde tro Kwangua Kwa.Page de droite, en haut : Plai (danse)lors dune fte communautaire ; enbas : kim tom, pice de vie dunemaison communautaire mro. Engraphein

    * Co-fondateurs de l'associationEngrapheinwww.engraphein.org

  • les minorits les plus perscutes. Leursdroits sont rgulirement bafous, en t-moignent les nombreux et rcurrents ac-tes d'intimidation et de torture dont ilssont l'objet. Outre le pillage et la destruc-tion d'habitations comme de lieux sacrs,les viols et les meurtres restent encoretrop souvent impunis, quelle que soit laproximit entretenue par les coupablesavec l'Etat.

    Cette impunit s'inscrit dans un climatde rpression instaur par le gouverne-ment qui poursuit sa politique d'accapa-rement des terres indignes. Il attise ainsiles conflits interethniques et touffe peu peu les populations jumma, aujourd'huiminoritaires sur leurs terres ancestrales.Mais cette situation est passe sous si-lence et tout est fait pour que ces peu-ples et leurs modes de vie s'teignentprogressivement. En 2011, un amende-ment de la Constitution nationale faisaitrfrence aux groupes indignes du paysen tant que races mineures.

    Le gouvernement impose un contrletrs fort sur la rgion des CHT o sontinstalls de nombreux camps militaires. Ilva mme jusqu' refuser l'entre sur leterritoire aux organisations internatio-nales. La discrimination l'encontre despopulations autochtones implique de for-tes restrictions sur les dplacements. En

    outre, dans le district de Bandarban, quiabrite la plus grande diversit des com-munauts jumma de la rgion, l'admi-nistration locale des collines a donn desinstructions interdisant aux ressortissantstrangers de parler avec les groupes au-tochtones ou religieux sans la prsenced'un officier responsable. Ces restrictions,officiellement mises en place pour assurerla scurit des visiteurs, contribuent en-tretenir un climat d'intimidation et depeur pour les rsidents des CHT.

    Dans ces conditions, comment envi-sager sereinement l'avenir des peuplesindignes de la rgion ? Le climat actuelasphyxie progressivement leurs modesde vie traditionnels et leurs cultures. La

    surpopulation de la rgion, programmepar le gouvernement dans sa politiquedaccaparemment des terres, rduitinexorablement les surfaces cultivableset le temps de repos de la terre. C'estl'abandon progressif de lagriculture surbrlis et de tout le systme rituel l'accom-pagnant. En dtruisant l'un des symbolesidentitaires des diffrentes communau-ts jumma, c'est le maintien du mode devie et de la reproduction sociale de cespeuples qui est en pril.

    Quand ils seront bout de force,quand l'hritage d'une politique de discri-mination recouvrira leur mode de vie etleur systme rituel, quand la musiques'arrtera, il sera trop tard.

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    Les Mikea sont le dernierpeuple de chasseurs-cueil-leurs nomades de Mada-gascar. Bien quils viventessentiellement de la

    chasse et de la cueillette, ils ont au-jourd'hui tendance se sdentariser. Leurterritoire, situ au sud-ouest du pays, estrecouvert dune fort sche pineuse. Lesconditions climatiques rendent la vie par-ticulirement difficile dans cette partiede l'le o la fort, singulirement inhos-pitalire, fournit trs peu d'ombre et ol'eau est quasiment inexistante.

    L'histoire des Mikea est assez com-plexe. Ils restent trs peu connus, voiremme souvent inconnus des autres Mal-gaches de l'le et il n'existe que trs peu

    d'tudes leur sujet. Les hypothses avan-ces de leurs origines diffrent sensible-ment, certains allant jusqu nier leurexistence.

    Les premires descriptions des Mikearemontent 1936. Pour les premiersauteurs, les Mikea taient les dernierschasseurs-cueilleurs de Madagascar.Selon certaines ides traditionnelles mal-gaches, les Mikea seraient une popula-tion primitive distincte des Malgaches.

    Dans les annes 1920, les deux groupesprsents dans cette rgion taient les Vezoet les Mikea, chacun avec un mode devie bien particulier. Les Vezo taient despcheurs qui vivaient sur la cte. Les Mi-kea taient des nomades chasseurs-cueil-leurs qui vivaient dans la fort situe entre

    Vivre sans eauLes Mikea de Madagascar

    Entre lgende et ralit, lesMikea sont lun des peuples lesplus mystrieux de Madagascar.Pour certains, ils sont assimi-ls des Pygmes de par leurpetite taille et leur mode devie, pour d'autres ce sont desVazimba, les premiers habitantshypothtiques de l'le. Certainsparlent mme de petits trespoilus qui deviennent invisiblesquand des trangers, les Vazaha,approchent. Ils sont aujourdhuimenacs par la dforestation deleur territoire.

    * Ethnobotaniste/naturalistehttp://marielecoze.wix.com/zampela

    La joie de vivre des enfants autour d'un morceau de babo fraichement rcolt. Marie Le Coze

    Marie Le Coze*

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    le littoral et la Route nationale 9. Puisarrivent les Masikoro, une autre ethniedu Sud dont l'activit principale est l'le-vage de zbu. Les trois groupes cohabi-tent, chacun avec sa spcialit : les Vezo,pcheurs sur la bande ctire, les Mikea,chasseurs-cueilleurs dans la fort, et lesMasikoro, leveurs en savane.

    Les Mikea ont une culture qui leur estpropre, cependant ils ont de nombreuxchanges avec les Vezo et les Masikoro.De fait, il n'y a pas de lignage rellementmikea. Les Mikea seraient issus de grou-pes des Masikoro d'aprs les similitudesde leur dialecte, et un nom gnriqueleur aurait t donn. Dans cette rgion,on trouve plusieurs groupes de mmedescendance appartenant aux Mikea.Donc, deux hypothses se ctoient surleur origine.

    Pendant longtemps, les Mikea n'atti-raient pas l'attention, ce qui leur conve-nait trs bien. Ils ont cherch chappersuccessivement au contrle et aux agres-sions des dynasties malgaches depuis leXVIIe sicle, puis des colons franais et,finalement, des gouvernements indpen-dants successifs de Madagascar. Au-jourd'hui, leur stratgie s'inverse. Ilsdoivent se faire connatre et se faire en-tendre. Ils ne peuvent plus fuir et se ca-cher. Leur survie en dpend.

    Vivre sans eauLes Mikea sont le seul peuple capable

    de se passer totalement d'eau. Les plan-tes qui poussent spontanment dans leurfort sont une des principales ressourcesqu'ils utilisent. Le babo (Dioscorea beman-dry), est la plante essentielle leur surviedans cette rgion aride o l'eau est unedenre rare, voire quasi inexistante. LesMikea ont russi pallier le manqued'eau par les tubercules de babo.

    Lorsque l'eau fait dfaut, le jus de baboest utilis dans les prparations. Le jusde ce tubercule est extrait en rpant sachair avec une petite rpe, ou une co-quille d'escargot de grande taille. Le baborp est ensuite filtr avec un morceaude tissu et press afin d'en exprimer lejus utilis en solution aqueuse. Sa chairest blanche avec une texture crue pro-che de celle de la pastque, mais non su-

    cre. Le babo est consomm cru princi-palement, car c'est sous cette forme qu'ilhydrate le plus. Il peut aussi tre cuit sousla cendre ou grill au feu de bois.

    Identit en dangerComme toutes les forts malgaches, la

    fort des Mikea n'est pas pargne parla dforestation. Malgr sa protectionpar sa mise en statut d'aire protge etla cration officielle du Parc national Mi-kea en 2011, cette fort est en train dedisparatre, entranant avec elle la mo-dification du mode de vie mikea et uneperte de leur savoir traditionnel. Cesconnaissances font pourtant partie dupatrimoine de Madagascar.

    Actuellement, la socit mikea subitde nombreuses transformations. Ils ontrussi s'adapter pour vivre dans unezone au climat sec et aride grce au babo.Cependant, malgr leur adaptation, leursurvie est difficile. Leur mode de vie tra-ditionnel est de moins en moins viabledans les conditions actuelles. La fort nepeut plus leur apporter suffisamment deressources pour qu'ils puissent en vivreconvenablement. Malgr la mise en r-serve et la cration du Parc national mi-kea, la dforestation continue et la fortdes Mikea se rduit. Les Mikea sont donccontraints de quitter peu peu leur modede vie forestier, malgr leur dsir d'ind-pendance et leur indiffrence au confort

    des villages. Ils deviennent sdentairesplus ou moins rapidement selon les sites.Cette sdentarisation rapide entrane unedifficult d'adaptation. L'adaptation unnouveau milieu et un nouveau modede vie est le dfi majeur auquel ils doi-vent aujourd'hui faire face. Comme ledplore un pre de famille mikea : Lesenfants ont la peau fripe comme desvieux lorsquils n'ont pas de babo. Je suisinquite, comment vont-ils tenir jusqu'auxprochaines pluies ? Il se peut que des en-fants meurent de faim avant la prochainesaison. Ils ne mangent pas assez.

    Quelques rfrences Plan de sauvegarde sociale et envi-

    ronnementale du Parc National Mikea,Repoblikan'I Madagasikara, Ministrede l'Environnement, des Forts et duTourisme, Madagascar National Parks.

    Dina J, Hoerner JM, 1976. tude surles populations Mikea du sud-ouest de Madags-car. Omaly sy anio 3, 269-286.

    Molet L, 1958. Aperu sur ungroupe nomade de la fort pineuse desMikea. Bulletin de l'Acadmie malgache,XXXVI, 241-243.

    Razafindrazaka H. 2010. Le peuple-ment humain de Madagascar : Anthropologiegntique de trois groupes traditionnels, Thsede doctorat en Biotechnologie, Anthropo-biologie, Universit Toulouse III PaulSabatier, 279 p.

    Zeny, une des anciennes qui raconte comment c'tait avant. Marie Le Coze

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    KenyaExpulsion des SengwerEn janvier, Survival a appris que legouvernement kenyan projetait d'tendrejusquaux collines de Cherangany sonprogramme d'expulsion des Sengwer, lunedes dernires tribus de chasseurs-cueilleursdAfrique de lEst. Loffensive sur cettetribu, qui prserve ce territoire du Kenyaoccidental depuis des centaines dannes, estcatastrophique, le gouvernement visant promouvoir des projets de conservation desressources forestires destines aux zonesurbaines. Dans la fort Embobut, sur lescollines de Cherangany, un millier demaisons ont dj t incendies, desdizaines de milliers de Sengwer natifs de largion seront expulss de chez eux. LOfficedes forts qui mne les expulsions estfinanc par la Banque mondiale et legouvernement finlandais. Les Sengwerappellent lopinion publique internationale soutenir leur cause.

    Violente viction des OgiekEn fvrier, Survival a reu des rapportsinquitants selon lesquels les autoritskenyanes avaient dtruit les maisons desOgiek, une tribu de chasseurs-cueilleurs quivit dans la fort de Mau, des politicienslocaux et leurs influents partisans ayantdemand lexpulsion de la tribu. Legouvernement kenyan viole ainsi nonseulement les droits constitutionnels desOgiek mais aussi une dcision rendue par laCour de lUnion africaine des droits delhomme et des peuples. En mars 2013,cette dernire avait ordonn augouvernement de mettre un terme auxexpulsions du peuple ogiek.

    BotswanaAppel au boycott du tourismeA loccasion de la journe mondiale dutourisme, le 27 septembre, Survival a lancun boycott touristique au Botswana enrponse la politique gouvernementalevisant expulser de force les Bushmen de laRserve du Kalahari central (CKGR) touten promouvant cette rgion comme unedestination touristique de premier plan. Surle site officiel du Botswana, le tourisme dansla rserve est dcrit comme une exprienceunique dans une nature sauvage intacte etprsente une image idyllique des Bushmenen tenue traditionnelle. Aucune mentionnest faite sur lacharnement dont faitpreuve le gouvernement pour expulser deforce les Bushmen au nom de laconservation. Survival a crit des dizainesde tour-oprateurs en Afrique, en Europe et

    aux Etats-Unis leur demandant desuspendre leurs circuits au Botswana eugard aux mauvais traitements infligs cesderniers chasseurs bushmen dAfrique quisont perscuts par le gouvernement depuisdes dcennies.

    Fracturation hydrauliqueSelon une enqute ralise pour le filmdocumentaire The High Cost of Cheap Gas (Lecot lev du gaz bon march) et lequotidien britannique The Guardian, unegrande partie de la Rserve du Kalaharicentral au Botswana a t ouverte descompagnies nergtiques internationales quivont utiliser la technique controverse defracturation hydraulique. Une carte rvlepar une fuite montre que des concessionsdexploration ont t accordes sur la moitide la Rserve un territoire plus grand quela Suisse ce qui fait craindrelaccaparement des terres, la baisse et lacontamination des eaux et des dommagesirrparables au fragile cosystmeindispensable la survie des Bushmen et dela faune. Ces rvlations clairent surlhypocrisie du prsident du Botswana, IanKhama, qui est membre du conseildadministration de lONG ConservationInternational. Le gouvernement de Khamafait activement la promotion du tourismedans la rserve tout en expulsant lesBushmen de leurs terres au nom de laconservation.

    AfriqueEthiopie et Botswana sur la selletteLa Commission africaine des droits delhomme et des peuples (CADHP), laprincipale autorit en matire de droits delhomme sur le continent africain, a appelen novembre la suspension du processusde relocalisation force des tribus de lavalle infrieure de lOmo en Ethiopie et aexprim sa proccupation face la violationdes droits fondamentaux des Bushmen duBotswana. La politique thiopienne devillagisation est appuye par larme et denombreux rapports ont fait surface sur lesassassinats, mauvais traitements, viols, etdtention arbitraire des peuples indignesde la rgion. L'un, rcent, de lOaklandInstitute, a rvl que, malgr les enqutesmenes par les bailleurs de fonds qui ontdcouvert les graves violations des droits delhomme commises lencontre des peuplesde la valle de lOmo, ceux-ci nont prisaucune mesure et sont les complices et lespartisans obstins dune stratgie dedveloppement qui, non seulement, aurades effets dvastateurs et irrversibles surlenvironnement et les ressources naturelles,

    mais dtruira les moyens de subsistance decentaines de milliers dautochtones. LaCADHP a galement lanc un appel urgentau prsident du Botswana pour avoir privles Bushmen de leur droit dtre assists parun avocat. Me Gordon Bennett a tinterdit dentre dans le pays en juilletdernier pour lempcher de plaider dans leprocs opposant les Bushmen augouvernement sur la question de leurs droitsterritoriaux.

    EthiopieAveuglement de lUSAIDLe Congrs amricain a pris des mesuresafin dempcher que laide humanitaireapporte par l'USAID en Ethiopie ne soitutilise pour financer lexpulsion force destribus de la valle de lOmo qui sontviolemment expulses de leurs villages pourfaire place de lucratives plantations decoton, palmiers huile et canne sucre,dont lirrigation sera rendue possible par lebarrage controvers Gibe III. Transfresdans des camps de relocalisation, les tribusautrefois auto-suffisantes nauront plus accs leur btail ni leurs terres et, enconsquence, ne seront plus capables desubvenir leurs besoins. Des actesdintimidation accompagns de mauvaistraitements et de viols sont frquemmentcommis contre ceux qui rsistent larelocalisation. Suite un rapport deSurvival, la Commission africaine des droitsde lhomme et des peuples a crit augouvernement thiopien lexhortant mettre fin aux relocalisations forces destribus de la valle infrieure de lOmo.

    ParisNouvelle vente dobjets sacrs hopiUne maison de vente aux enchres aannonc en novembre la mise en vente deplusieurs Katsinam objets sacrs de latribu hopi dArizona quelques mois aprsune vente similaire qui avait provoqulindignation de lopinion internationale(voir Nouvelles 88). Les Hopi et Survival,reprsents par Me Pierre Servan-Schreiberont une nouvelle fois saisi le tribunal pourobtenir le retrait des objets sacrs hopi.Ignorant notre requte, le tribunal amaintenu la vente qui a eu lieu endcembre. Une fondation nord-amricainea heureusement acquis la presque totalitdes objets pour les restituer aux Hopi.

    MalaisieRpression des Penan1400 Penan ont t informs quils devaienttre dplacs pour faire place au barrage de

    Echos des campagnes

  • Murum, le premier de 12 nouveauxcomplexes hydrolectriques prvus danslEtat du Sarawak. Les Penan de deuxvillages, Long Wat et Long Malim, ont djt dports dans lun des sites derelocalisation, mais les autres villagesrsistent en exigeant plus de terres et demeilleures compensations. Les Penanbloquent le site du barrage de Murumdepuis le mois de septembre. Ce barrageinondera les maisons forestires des Penanet des Kenyah. Une dizaine de Penan, dontun enfant de 13 ans, ont t arrts sur lesite du barrage et placs en garde vue.Survival qui a condamn larrestation et ladtention des Penan appelle legouvernement malaisien suspendre lamise en eau du barrage jusqu ce que lesrevendications des Penan soient satisfaites etquils aient donn leur consentement libre,pralable et clair au processus derelocalisation.

    IndonsieEnqute sur un massacreUn tribunal civil australien, saisi quinze ansaprs laffaire du massacre qui a eu lieu en1998 sur lle de Biak en Papouasieoccidentale, a rapport en dcembre queles soldats et la police avaient tu un grandnombre dhommes, de femmes et denfants,qu'ils les avaient torturs et mutils, que desfemmes et des jeunes filles avaient tvioles et sexuellement mutiles et que desprisonniers taient morts en dtention. Il aconclu que le gouvernement indonsienavait tent de minimiser la gravit de cedrame et quaucune mesure navait tprise contre les personnes qui staientrendues coupables de crimes contrelhumanit perptrs contre des civilsinnocents. Des tmoins ont dit avoir vu dessoldats et des policiers tirer sur la foule etdes navires chargs de cadavres prendre lelarge. Le massacre a t perptr lors de laleve du drapeau de la Papouasieoccidentale interdit sur Biak. Survivalespre que les tats-Unis et lesgouvernements britannique et australienqui entranent larme indonsienne,prendront cette enqute au srieux.

    GuyanaUn barrage destructeurUn rapport publi en novembre rvle quele gouvernement du Guyana projette deconstruire plusieurs barrages en amont dela rivire Mazaruni qui inonderont latotalit du territoire des Indiens akawaioainsi que celui dune communautdIndiens arekuna. Le gouvernement duGuyana a maintenu ce projet dans le plusgrand secret. Il avait t suspendu dans lesannes 1970 suite au retrait de plusieursinvestisseurs dont la Banque mondiale qui avaient t alerts par une vaste

    campagne de protestation des Akawaio etde Survival. Ce projet porterait de gravesprjudices aux Indiens et dtruirait jamaisla biodiversit dune rgion de fortsluxuriantes rendue clbre par louvragedArthur Conan Doyle Le Monde Perdu.Devant linvasion de leurs terres par unnombre croissant dorpailleurs guyanais etbrsiliens, les Akawaio appellent depuisplusieurs annes le gouvernement duGuyana reconnatre leurs droitsterritoriaux collectifs. En 1998, ils ont portlaffaire devant la Haute Cour du Guyana,mais 15 ans plus tard, aprs de nombreuxajournements et dlais, la Cour na toujourspas rendu sa dcision.

    ProuRue mortelle sur le ptrole et le gazSurvival a exhort en dcembre JamesAnaya, Rapporteur spcial des Nations-Unies sur les droits des peuplesautochtones, qui devait se rendre au Prou, intervenir pour protger les Indiens isolsde la course agressive au ptrole et au gazsur leurs terres. Cet appel est soutenu parprs de 130 000 sympathisants de Survivalqui ont appel le prsident du Prou arrter linvasion des terres des Indiensisols. Les projets dexploitation ptrolireet gazire couvrent dj 75 % delAmazonie pruvienne, plaant les intrtstrangers au-dessus de la vie des Indiens.En mars 2013, le Comit des Nations-Unies pour llimination de ladiscrimination raciale avait demand lasuspension immdiate des projetsdexpansion de Camisea suite une plaintedes organisations indiennes pruviennes.

    ParaguayUne rserve de biosphre en prilLe Paraguay a provoqu lindignation enaccordant en dcembre des leveurs debtail une licence les autorisant raser aubulldozer une rserve de biosphre delUnesco qui est galement le dernierrefuge des Indiens isols ayoreo. Les Ayoreoont exprim leur indignation devant cettenouvelle violation de leurs droits. Lesimages satellite rvlent que la compagniebrsilienne dlevage bovin Yaguarete adj commenc dtruire de vastestendues de fort habite par les Ayoreoisols. La viande de son cheptel tantdestine au march europen, Survival asaisi la Commission europenne sur sesactivits illgales.

    Une autre victime du progrsChiri Etacore, un Indien ayoreo-totobiegosode a succomb en octobre unemaladie pulmonaire. Il est la dernirevictime dune pidmie de tuberculose et demaladies similaires qui dvastent les villagesayoreo-totobiegosode du Paraguay. La

    plupart des Ayoreo du nord du pays et de laBolivie ont t contacts et rinstalls deforce, mais certains restent encore isolsdans la fort, vitant tout contact avec lemonde extrieur. Chiri faisait partie dunimportant groupe dAyoreo capturs lorsdune chasse lhomme en 1986, uneexpdition dans laquelle une organisationmissionnaire fondamentaliste taittroitement implique. Cet incident avaitprovoqu une vague dindignationmondiale ainsi quune campagnevictorieuse de Survival visant empchertoute autre incursion missionnaire chez lesIndiens isols. Chiri, comme de nombreuxautres Ayoreo qui ont t chasss de lafort, souffrait depuis dune maladiepulmonaire chronique, victime de langligence des services de santparaguayens vis--vis des communautsayoreo rcemment contactes.

    BrsilRoccupation territorialeEn septembre dernier, les Indiens guaraniont men une courageuse retomada(roccupation) de la plantation de canne sucre installe sur leur terre ancestrale, avec leur tte une femme, Damiana Cavanha,leader de la communaut dApy Kay, dontle mari et les trois enfants sont morts sur laroute au bord de laquelle ils vivaient depuisdix ans dans des conditions misrables.Leur campement avait t mystrieusementdtruit dans un incendie le mois prcdent.Ctait la quatrime fois que cettecommunaut roccupait son tekoha(territoire ancestral) dans lEtat du MatoGrosso au Brsil depuis que les leveurs sysont installs il y a 15 ans. A chacune deleurs tentatives de roccupation, lesGuarani ont t brutalement expulss parles leveurs. Ils ont depuis reu troismenaces de mort. La situation de cettecommunaut nest pas exceptionnelle chezles Guarani du Brsil qui sont de plus enplus victimes des violentes attaques desfermiers qui occupent leur territoire. Legouvernement qui fait preuve d'une grandeinertie dans la dmarcation des terresindignes est manifestement la merci dulobby agricole, puissant et influent.

    Non au ptroleSuite une rencontre en septembre durantlaquelle les Matss, les Marubo, les Matis etles Kanamary du territoire indigne de lavalle du Javari ont discut des projets queles gouvernements brsilien et pruvienplanifient prs de leurs forts, ceux-ci ont,dans une lettre ouverte, demand auprocureur gnral du Brsil et laCommission interamricaine des droits delhomme dappeler les deux gouvernements empcher toute exploration ptroliredans la rgion. Les Indiens matss quivivent de part et dautre de la frontire

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    sopposent fermement au gant ptroliercanadien Pacific Rubiales qui a djcommenc explorer le ptrole enAmazonie pruvienne. La valle du Javariabrite la plus grande concentration detribus isoles au monde qui sontparticulirement vulnrables, dpendantentirement de leur fort pour survivre.Tout contact avec les ouvriers ptrolierspeut tre fatal pour les Indiens qui ont peudimmunit face aux maladies extrieures.Ils ne veulent pas que se rpte la tragdiedont ils ont t victimes dans les annes1970 et 1980, lorsque des projets mens parla compagnie brsilienne Petrobras avaientdtruit leurs maisons et leurs jardins, faitdisparatre les lacs et les rivires, pollu lessources des cours deau, causant la mort deplusieurs Indiens, expos leurscommunauts aux maladies et la rgion aupaludisme, et pollu la faune et la flore.

    Assassinat dun leader guaraniLe chef indien guarani et acteur de cinmaAmbrsio Vilhalva a t assassin dbutdcembre, aprs avoir lutt pendant desdcennies pour les droits territoriaux de satribu et reu de nombreuses menaces demort. ll avait tenu le rle du personnageprincipal dans le film prim Birdwatchers La Terre des hommes rouges sur les luttesterritoriales des Guarani et avait voyagdans le monde entier pour dnoncer lasituation dramatique de sa tribu et inciter legouvernement brsilien protger les terresguarani. Les Guarani de Guyra Roka ontt expulss de leurs terres par les fermiersil y a plusieurs dcennies. Pendant desannes, ils ont vcu dans la misre au borddune route. En 2004, ils ont pu roccuperune partie de leurs terres ancestrales o ilsvivent dsormais, mais la plus grande partiede leur territoire a t dforeste pour faireplace de vastes plantations de canne sucre. Les Guarani connaissent lun destaux dhomicides les plus levs au mondeet la spoliation de leur terre est au cur detoutes les violences quils subissent.

    La sant des Yanomami en pril Les Indiens yanomami du Brsil et duVenezuela se sont runis en octobre auVenezuela pour discuter de leurs droits etdes politiques nationales avec desreprsentants gouvernementaux des deuxpays, des organisations indignes et desONG de soutien aux Yanomami. Lesquestions de sant et dimpact des minesdor ont t dbattues. Les Yanomami desdeux pays sont gravement affects parl'invasion des orpailleurs clandestins surleurs terres. 'La situation la frontire du Brsilet du Venezuela est trs grave, de nombreuxcampements miniers clandestins y sont tablisgnrant violence et pidmies, la destruction de nosterres et la contamination des cours deau Notresant sera compromise tant que notre territoire nesera pas protg' ont dclar les Yanomami.

    En aot, les Nations-Unies ont exprimleur vive proccupation face limpunitdont jouissent les orpailleurs clandestins etont appel le Venezuela mener uneenqute exhaustive sur les responsables descrimes violents contre les Yanomami et lesIndiens yukpa de louest du pays.

    Expulsion des envahisseurs des AwEn novembre le Brsil a enfin pris lespremires mesures pour expulser les milliersde bcherons illgaux et de colons duterritoire des Indiens aw, considrs parSurvival comme la tribu la plus menace dela Terre. Mais tandis que la nouvelle desexpulsions imminentes se rpand, lesleveurs et les exploitants forestiers semobilisent et appellent ce que le territoireaw perde son statut de territoire indigne.Le ministre brsilien de la Justice a reuplus de 57 000 lettres de sympathisants deSurvival du monde entier lui demandant deprendre des mesures durgence. Suite uneptition prsente par Survival et lONGbrsilienne CIMI, le gouvernement faitlobjet dune enqute du principalorganisme de droits de lhomme desAmriques sur la situation des Aw. Denombreuses personnalits, dont la starhollywoodienne Gillian Anderson, lacratrice de mode britannique VivienneWestwood, le photographe brsilienSebastio Salgado et lacteur Colin Firthsoutiennent activement cette campagne.

    Manifestation mondialeDes manifestations ont eu lieu en octobredans tout le Brsil et dans le monde entiercontre des projets de loi visant affaiblir lesdroits constitutionnels des Indiens au nomdu progrs industriel et du dveloppement.Les sympathisants de Survival Internationalont manifest le 2 octobre devantlambassade du Brsil Londres en soutienaux milliers dIndiens brsiliens qui se sontrassembls dans tout le pays pour protestercontre le dni de leurs droitsconstitutionnels. Plusieurs projets de loisont ltude qui, sils taient adopts,rduiraient considrablement le contrledes Indiens sur leurs terres et menaceraientla survie de nombreux groupesparticulirement vulnrables, comme lesIndiens isols. La proposition dunamendement constitutionnel accorderait auCongrs brsilien fortement influenc parle lobby agricole anti-Indien le pouvoir departiciper la dmarcation des territoiresindignes. Un projet de loi en cours dediscussion ouvrirait les territoires indignesaux forces armes, lexploitation minire,aux barrages et autres projets industriels, etun autre permettrait louverture desterritoires indignes lexploitation minire grande chelle. Ces lois seraientdsastreuses pour les Indiens du Brsilcomme les Guarani qui ont t spolis de laplus grande partie de leurs territoires.

    Action urgenteLes Ayoreo du Paraguay

    Des images satellite ont prouv que lacompagnie brsilienne d'levage YaguaretePor S.A a illgalement dbois un territoirehabit par des Indiens ayoreo isols duParaguay. Les Ayoreo dj contactsrevendiquent ce territoire depuis une vingtainedannes. Mais pour les Ayoreo isols, il sagitdune question de survie. Ils risquent d'tredcims en cas de contact avec leursenvahisseurs car ils nont pas dimmunitcontre les maladies introduites par lestrangers. Nombre dentre eux sont morts suite leur premier contact avec le monde extrieur.

    Agissez

    Ecrivez au directeur de la compagnieYaguarete pour lui demander desuspendre durgence ses activits surle territoire ancestral des Ayoreo et dele restituer ses propritaireslgitimes. Inspirez-vous du modlesuivant pour crire votre propre lettre.

    M. Marcelo Bastos FerrazYaguarete Por S.A.Manuel Prez, N 579Asuncin, Paraguay

    Monsieur, Je suis extrmement proccup par les activits

    menes au Paraguay par votre compagnie. Les autorits paraguayennes ont confirm que

    votre compagnie a illgalement dtruit la fort habitepar des membres isols de la tribu des Ayoreo-Totobiegosode.

    Les Indiens isols qui n'ont aucune immunitcontre les maladies communes risquent d'tredcims en cas de contact avec des trangers.

    Les Ayoreo revendiquent depuis une vingtained'annes la zone que votre compagnie exploite aucur mme de leur territoire ancestral. En dpit del'extrme vulnrabilit de cette tribu, Yaguarete Porcontinue de dtruire sans relche leur fort pour faireplace l'levage de btail.

    Les Ayoreo ne peuvent pas survivre si leurs droitsterritoriaux, garantis par la lgislation paraguayenneet la Convention 169 de l'OIT, ne sont pas respects.

    C'est pourquoi je vous prie instamment derenoncer toute activit dans cette rgion et deprendre les mesures qui s'imposent pour restituer ceterritoire ses propritaires lgitimes, les Ayoreo.

    Dans cet espoir, je vous prie de croire messentiments les meilleurs.