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lLLLl. S.\QN (LA J L LA GRANDE ILLUSION )( 1 q3l) Fi lm de J ean RENOIR I- GENERIQJE Scénario et dialogue •• •• •• . ••. •• . ••• ••• ••• ••• o Réalisation •••••• •• •••••••••••••••••••••••••• •• O-pérateurs •••••• ..• •..•• .• •••••••••..• o • ••••• Décors •••••• •••••• • ; . •.••••••••• ••• o• •••••••• Nontage •. .•..••• •• ••• ••• •••••• ••• •••••• . ••••.• Musique •••••••••••.•• . •••• •• •.• •••• •• •••• o ••••• o Interprètes •••• •• •• •• ooo ooo ooooooo eo ••••• •• II - L'AUTEUR a) Vie et ovuvre. Charles Spaak. Jean Renoir. Claude Renoir et Christian Matras LourMarguerite Reno ir Josepb Cosma Jean G abin , Pierre Frenay, Dita Parlo, Eric von Stroheim, Doliop Carette , GastonModoto le 15 septembre 1898: fils du grand peintre Auguste Renoiro Aspirant pendant la guerre, blessé, céramiste puis réalisateur en 19Z4 o Ses princi pale s oeuvres: pa r t i e de campagne" (l 9J6) , WLa grande il- lusionm (1937), La bête humaine (1938) 9 la r ègle du jeu (1939) o Puis en Francep d'une femme ttLe fleuve"(l952) , et "Le caross8 d'or"o b) Caracté#istigue . "Selon le mot fameux, l à où l ' on croirait rencontrer un auteur , on trou- ve un homme, L' apport extraordinaire de Renoir au cinéma, c' est cette saisie et cette transmission toute chaude du qui ne peuvent être a cc omplies que par celui qui se met tout entier dans son travai l de créa teur o Le se cret de Renoir, c' est d' étreindre cette réalité, de la saisir dans ses mains vi goureuses et d ' en communiquer au specta- teur la vibration , le b oUitdonnement, et jusqu l' oere odeur o" III - JUGEMmTS SUR "1A GRANDE ILLUSION s'attachait mo i ns! la netteté de ses lointaints qu'à la jus- tesse de ses types soci aux. grande montrait avec v érité un mécanicien, un banquier, un aristocr ate et surtout un Gunker, qui alliait la sentimentalité d'une fleur de géranium cou pée à la féro cité fro i de q . ui abat à coups de revolver un rail- leur joueur de flÛtem • • o On y trouve grande recherche de la caractérisation le." Gem-ges Sadoulo "Malgré le lieu ttt l e temps de 1 ' action qui se déroule dans un moment exceptionnel exigeant de la part .des individus des part il semble que Renoir ait ici une fois de pJu médi tés ur l' homme et sa condition." e et réalisme pourrai ent paraître les cons tantes dans lesqael- les se déroule la dest i née de l'homme sm s qu 1 il pût vraiment chodlsir 1 'une ou 1 'autre o

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lLLLl.S .\QN (LA J LLA GRANDE ILLUSION )( 1 q3l)

Fi lm de Jean RENOIR

I - GENERIQJE

Scénario et dialogue •• •• • •• . ••. • •• . ••• ••• ••• • ••• o

Réalisation •••••• • •• •••••••••••••••••••••••••• • • O-pérateurs •••••• ..• • •..•• .• •••••••••..• o • • • •••••

Décors •••••• • •••••• • ; . •.••••••••• • ••• o • •••••••• • Nontage • . .•..••• • •• ••• • • • •••••• • • • •••••• . ••••.• • Musique •••••••••••.•• . •••• •• •.• •••• •• •••• o ••••• o

Interprètes • •••• • •• •• • •• • ooo ooo ooooooo eo ••••• • ••

II- L'AUTEUR

a) Vie et ovuvre.

Charles Spaak. Jean Renoir. Claude Renoir et Christian Matras Lourié Marguerite Renoi r Josepb Cosma Jean Gabin, Pierre Frenay, Dita Parlo, Eric von Stroheim, Doliop Carette, GastonModoto

Né le 15 septembre 1898: fils du grand peintre Auguste Renoiro Aspirant pendant la guerre, blessé, céramiste puis réalisateur en 19Z4o

Ses principales oeuvres: ~une par t i e de campagne" (l 9J6) , WLa grande il­lusionm (1937), La bête humaine (1938) 9 la r ègle du jeu (1939) o Pui s en France p ~Journal d'une femme dà chambre~(l946) , ttLe fleuve"(l952) , et "Le caross8 d'or"o

b) Caracté#istigue .

"Selon le mot fameux, l à où l ' on croirait rencontrer un auteur, on trou­ve un homme, L'apport extraordinaire de Renoir au cinéma, c'est cette saisie et cette transmission toute chaude du réel~ qui ne peuvent être accomplies que par celui qui se met tout entier dans son travai l de créa teuro Le secret de Renoir , c' est d ' étreindre cette réalité, de la saisir dans ses mains vigoureuses et d ' en communiquer au specta­teur la vibration, le b oUitdonnement, et j usqu'à l ' oere odeuro"

III- JUGEMmTS SUR "1A GRANDE ILLUSION

~noir s'attachait moins! la netteté de ses lointaints qu ' à la jus­tesse de ses types soci aux. ~ grande illusion~ montrait avec v érité un mécanicien, un banquier, un aristocr ate et surtout un Gunker, qui alliait la sentimentalité d'une fleur de géranium cou pée à la férocité froi de q .ui abat à coups de revolver un rail­leur joueur de flÛtem • • o On y trouve ~e grande recherche de la caractérisation soci~ le." Gem-ges Sadoulo

"Malgré le lieu ttt l e temps de 1 ' action qui se déroule dans un moment exceptionnel exigeant de la part .des individus des réa~ticns part iculi~res , il semble que Renoir ait ici une fois de pJu médités ur l ' homme et sa condition."

~anWsl e et réalisme pourrai ent paraître les cons tantes dans lesqael­les se déroule la desti née de l'homme sm s qu 1 il pût vraiment chodlsir 1 'une ou 1 'autre o

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l. LLU s\ orJ \

1 .. C-1

LA GRANDE ILLUSION.

(Film de Jean Renoir )

-I-

"RENOIR n'apprend pas au sp~etate~ à voir le monde selon telle ou telle optique, il lui apprend à le voir tout court: à le voir, à l ' écouter et à le sen-tir de tout son être. Il n'impose rien à notre esprit, il le pénètre~ l'imprègne 3ubtilement~ au point qu'il a'est guère de films qui gagnent plus que les siens à être revus plusieurs fois. Lui-même sait se rendre perméable au maximum. Fait ca­ractéristique, son univers ne se limite pas, comme celui de tant de grands noms du ciné­ma ac+uel . à la vie citadine. Il nous a souvent promenés à travers les larges campagnes, et la tona.~.ité ela ire de ses images semble traduire un esprit aéré, ouvert à tout ce qui vit sous le ciel, comme son découpage aux incessants mouvements de caméra révèle un regard d'observateur paisible et curieux de tout, mené par l'instinct plus que par la volonté (d'où son inadaptation aux tempéraments violents, extrêmes, des personnages russes des BAS-FONDS). A la vie encore il a pris son mélange de drame et de comédi ~ , voire de farce, qu'elle est si souvent, et il est presque seul à pratiquer cette alli­ance parmi les cinéastes de notre pays, à la différence des Italiens, des Russes, des Mexicains, des Japonais, voire même parfois des Anglais si convenables (mais ils ont eu la truculence de Shakespeare)." (1)

-II-

BREF RESUME DU SCENARIO.

"En 1918, au cours d'une mission de reconnaissance, un avion français est a­battu dans les lignes ennemies. Le capitaine et le lieutenant sont internés dans un camp allemand où ils doivent vivre au milieu de prisonniers français de différentes condi­tions. La guerre a rapproché ces hommes, mais "la grande illusion" c'est de croire que tous peuvent fraterniser complètement par l'abolition des frontières entre les classes sociales, les races, et par la croyance que leur guerre sera la dernière." (2)

-III-

REALISATION.

'''Le sujet de "La Grande Illusion" est profondément attachant, si bien qu'à la première vision on ne prête guère attention à la ~~hnique de réalisation. Mais si cel­le-ci ne s'impose pas au spectateur, c'est justement un signe de sa qualité. Elle sert le sujet sans jamais lui manquer par son insuffisance, ou le submerger par son insis­tance.

Cette réalisation cepend&t J est loin d 1 être sobre. En particulier le décou­page s'applde sur de nombreux mouvements d'appareil dont la complexité et l'amplitude pounraient être taxées d'a~-usive virtuosité technique s'ils ne venaient, au mom~t où ils sont utilisés, exprimer avec justesse l'événement, le cadre ou le personnage que RENOIR veut nous faire saisir.

Par exemple, dans la première partie du film, le mouvement d'appareil qui, par­tant de l'affiche annonçant la prise de Douaumont, se termine sur le cadrage de la fe­nêtre d'où les prisonniers assistent, la mort dans l'âme, aux réjouissances des Allemands victorieux. Dans la deuxième partie du film, le long mouvement qui fouille la chambre de Rauffenstein dans la forteresse_avant de cadrer celui-ci.

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Ces nombreux mouvements d'appareil expriment bien cette patiente recher­che de l'auteur qui veut, au-delà des apparences, percer et nous découvrir le secret du comportement dea hommes qu'il nous présente.

Son découpage est attentif~ rapide et insinuant. Il opère f~équemment par des séries de cadrages parallèles qui permettent d'exprimer les différences ou les similitudes de comportement: au début, d'un côté Boieldieu et von Rauffen~tein parlant de communes relations, et de l'autre Maréchal et un officier allemand se reconnaiesant tous deux mécanos. Boieldieu et Maréchal bâillant, chacun à sa manière, de part et d'au­tre de la m~ma image.

Les cadrages sont rarement gratuits, et d'une façon générale les divers éléments techniques n'interviennent que pour permettre à l'auteur d'exprimer vigoureuse­ment toutes les nuances de sa vision. Si certaines images sont plastiquement belles (dana la forteresse en particulier), ce n'est que par surcrott~ les éclairages ne sen­tant pas la recherche, sauf peut~atre certains éclairages des visages d'El~a et Maréchal dans la dernière partie, et le plan moyen de Maréchal et Rosenthal quittant la maison d 1Els~

Les décors. ---- Il faut signaler les deux premiers décors du film: le mess de l'escadrille française et celui de l'escadrille allemandè. D'un

côté murs clairs, tablee dispersées, affiches disposées avec fantaisie. De l'autre, murs sombres, une seule table centrale et des affiches bien alignées.

La chambre de Rauffenstein~ dans la forteresse, installée dans la chapelle, campe bien son aristocratique habitant, à la fois enfermé dans un ordre à la hiérarchie bien établie (le crucifix, le Kaiser, le sabre) et attaché à un mode de vie plein de raffinement mondain (Casanova, le cha-mpagne, levaporisateur, les gants, le géranium). Le fait de faire sa chambre de la chapelle du ch!teau et d'y m~ler avec ostentation les éléments guerriers et mondains aux objets religieux est une sorte de bravade envers Dieu, d'apologie très allemande de la force (~Gott mit uns ••• ").

Dans la cha mbrée de prisonniers aussi, les éléments de décora­tion typent les occupants. Remarquons, dans la chambrée de la forteresse~ la place qu'oc­c-upe Boieldieu, au fond, à l'écart et surélevée.

Le dialogue ou la situaation dramatique peuvent donner au décor un relief particulier: la mitrailleuse sur le rempart, lors de la visite de la forteres­se, derrière Maréchal qui déclare: "Et puis c'est gai, ici", ou encore les toitures som­b res, les e~caliers du haut desquel Boieldieu, armé de sa flûte (comme le personnage de "La flûte enchantée" de Mozart) domine ses poursuivants de toute la grandeur de son sacrifice, le tube à transfusions sanguines que coupe l'infirmière et le géranium que coupe P!uffenstein quand Boieldieu vient d'expirer.

~e montage. --- Très elliptique, il donne vigueur et légèreté à ~on style. Les liaisons entre séquences so~t aisées et énergiques~ souvent

facilitées par la musique qui intervient en contre-point. Signalons la liaison entre la première et la deuxième partie du film qui se fait sur une suite de fondus enchatnés très lents sur des pancartes de ca mp des officiers prisonniers et sur des vues de gares. Ils ont pour ob jet d'exprimer le temps qui passe et le passage de Maréchal et Boieldieu dans plusieurs offlags. En fait, cette succession de fondus, qui semble très logique, n'est guère appréciée par les spectateurs, qui n'en saisissent pas le sens pour la plupart.

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Le son. ~ La musique est d'un grand i ntér8t dans le film , non par son inspira-t ion, mais par la valeur expressive de son utilisation. Par exemple,

dans les deux premièr es séquences, elle double les oppositions de décors déjà citées: du côté français, le phonograph·e joue "Frouf'Frou" et du côté allemand une valse viennoi­se. Dans la dernière partie, au moment de la querelle entre Maréchal et Rosenthal, ils chanteront "le petit navire" dont l'air était joué à la flûte par Boieldieu attirant à sa poursuite les sentinelles allemandes pour faciliter l'évasion de ses camarades.

Comme utilisation du bruitage, citons les renforcements du bruit des pas lorsque les prisonniers contemplent de leur fen8tre le défil é des recrues alleman­des da_ns la cour, le son des cloche! qui, dans la cellule de Maréchal, annoncent la re~ prise de Douaumont par les Allemands, et l'ex~ération systématique du bruit de tumul­te lors de la poursuite de Boieldieu par les sentinelles.

Les dialogues. --- Ils ont, dans ce f i lm, une trè5 grande importance, sans qu'ils nous paraissent bavards. SPAAK et RENOIR ont réussi à enfer­

mer des phrases chargées de profondes résonance~ dans une forme concise et très naturel• le. Citons les discussions des prisonniers dans la première partie; dans la deuxième partie, les conversations entre Maréchal et Rosenthal, Boieldieu et celui- ci; et à la fin les quelques paroles qu'échan~ent Maréchal et Rosenthal avant de traverser la fron­tière. Les paroles se répondent d'un passage à l'autre: ex. le "Streng verboten" (stric­tement interdit) prononcé par le commandant allemand du camp, repris à la fin par GABIN qui plaisante lorsque la fillette de Dita Parlo veut manger le petit Jésus en pain d'é­pices de la crèche. Noter aussi la langue anglaise utilisée à plusieurs reprises par les deux aristocrates: la culture est intPrnationale pour des gens qui représentent cepen­dant l'incarnation d'une certaine forme de patriotisme intransigeant. C'est en anglais qu'ils parlent au moment qui les oppose le plus 9 quand Rauffenstein tire sur Boieldieu, car leur code, qui n'est pas celui du commun des mortels, les lie dans la vie comme dans la mort. Dans un ordre d'idées semblables, Rosenthal 9 avec ses attaches internationales de Juif riche, est le seul Français à parler allemand à l'occaRion, et sert aussi de truchement pour faciliter le rapprochement d'Elsa et de Maréchal, c'est-à-dire entre les peuples. " (3)

IV- PERSONNAGES

" Tous (admirablement interprétés) témoignent de l'amour de Renoir pour l'acteur, qui, loin d'être une vedette, apparaît tout pétri du héros qu'il doit incarner. Ils représentent'à peu prèe toutes les figures d'une société.

DALIO-Rosenthal, le juif étranger, propriétaire d'immenses terres françaises. Nouvelle aristocratie, au demeurant généreuee, mais dénuée de tout panache.

à toute gravité . CARETTE» l'artiste de music-hall» titi parisien ee refusant

GASTON MODOT, l'ingénieur~ et JEAN DASTE, l'instituteur, campent avec eaucoup d'humilité et de talent des silhouettes qu'on ne fait que !e· marquer au passage.

DITA PABLO, seul élément féminin du f i lm, tient le rôle d'une paysanne allemande: tous les hommes de sa famille ont été tués , et pourtant elle succom­bera à la présence de Jean Gabin. Au-delà de sa téalité sociologique 9 elle est la femme, et elle en incarne tout l'élément de douceur enfantine? dè lumière douce, de vie aima­ble, d'une certaine insouciance aussi.

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FRESNAY-Boeildieu èt VON STROHEIM~Rauffenstein ~e Detrouve au-delà de la guerre dans une fraternité de classe. Aristocrates pleins de dérisoire grandeur, ayant parfaitement conscience de leur inutilité et de la nécessité de leur disparition. Mais ne pouvant adhérer profondément à une humanité autre que la leur et jouant jusqu'au bout un jeu noble et tragique, basé sur le maintien de la tenue 9 de l'élégance et de la tra­dition.

GABIN-Maréchal, enfin, est peut-~tre le porte-parole de Renoir. Il est l'homme pesant de toute sa chair d'homme, sans problème! superflus, réaliste sans amer­tume ni ostentation, pariant pour la vie, et sincère dans chacun de ses actes. Etranger à la notion même du jeu. " (4)

V- PORTEE DU FILM

"Toute l'oeuvre concourt ~à exprimer une idée: l'ineptie de la guerre na­tionale, et s'attache à nous représenter la guerre de 1~14 comme la dernière guerre na~ tionale. Sa force provient de la vérité des scènesp qui ne semblent pas composées pour le développement d'une thèse. La thèse ne surgit que dans un approfondissement du com­portement de ces hommes, qui reste toujours vraie

po_tr BARDECHE et BRASILLACH, "La grande illusion li~ . quoique faite par un interna.tionalbte. est une oeuvre nationaliste., Rien de plus faux que ce jugement. Ile n'ont pae eu pén~~rer le message de "La grande illusion~. En effet, le thème central est bier. L'inanité de ces guerres opposant deux peuples~ et ce-ci souligné constamment, par cet autre aspect, que la séparation entre le~ horr~es est plus forte à l'intérieur d'un même pays, entre mem~es de classes sociales différentes~ qu'entre ceux de nations différent-es , avec cette nuance que l'estime réciproque peut les rapprocher un ins­t ant.

Dans la séquence précitée, B:ARDECHE et. BRASILLACH na ont pas vu qu'elle 5e rattachait à deux autres passage~ qu 9on ne peut séparero En effet~ il n 9y a pas deüx pri~es de Dôuaumont ~ mais trois g 1a première p8.r le~ Alremands 9 qui entririë ··le·ilr~

-·manifestations de ·jo1e·; ·J.a deuxième par les Français qui éprouvent le juste beso:i.n d'ex­primer leur revanche, et la troisième qui les trouve tou~ lassés et, de ce fait 9 indifQ férentt'l. "Tu as vu, c'est terrib le"·n dit un Français; 19'Pour ce qu'il doit en restern-, répond 1' autre . "Douaumont"·, dit U!)e sentinell e en montrant 1 'affiche à un Allemand qui passee ttYa, ya."·, répond 1 1 interpellé sans s'arrêter. Et cette indifférence trouve son é­cho dans l'explication des cris poussés par Ma_réch&J dans sa cellule, que donne une sentinelle à l'un de ses ca.m&rades~ "C'est cette guerre qui dure trop longtemps." Elsa dira aussi à Maréchal, au moment de leur séparation: ~~ai attendu tellement, tellement longtemps. Tu ne peux savoir quelle joie m'a apporté ton pas d 9homme d~ns la maison.n-

Toute! ces râactione sont v·raies, aussi bien la réaction des Allemand! et des Français aux deux premières prises de Douaumont que leur commune réaction A la troisième. Les deux premières montrent une réaction supe~ficie_lle dans l'euphorie pa­triot·· -1ue; la troisième fait intervenir le· te mp5, qui redonne aux choses l eur place réelle; ce sont les sentiments profonds de ces hommes qui s'expriment. De m@me si, dans le camp de prisonniers, RENOIR s'attache à nous montrer la communauté qui~ crée entre ces hommes amenés à vivre dans une promisc~it-é forcée et aspirant à une m~me liber­

té, au ret-our da-ns un même pays, il s'attache à nous montrer que cela n'est qu'un aspect de la réa-lité. Ces hommes, tendus vere une commune évasion, partageant la mê­me table dans une fraternité virile, restent des étrangers les une pour les autres • ~'est-ce que Paris pour eux? Pour ~oieldieu et Rosenthal9 c 9est le "Fouquet 'e", le Maxim'~!!"· Po ur CARETTE_p les théâtres du b oulevard9 Pour le professeur, l'appartement

de son beau-frèreo Leur3 rai3ons de s 1évader9 elles aussia lesdi3tinguent. L'acteur

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s'ennuie trop dans ce camp; l'ingénieur du ~•dast re le fait par esprit de contradis~ tion; Boieldieu pour 2>especter une règle (on va dans un club de tennb pour jouer au tennis, sur un terrain de golf pour jouer au golf1 un camp de prisonniers 9 c 9est fait pour s'évader) o Rosentbal9 par une pirouette9 ex- plique qu'il veut défendre lesbiens de sa famille; quant â Marécr.tal? ·> 'e~t pour faire comme tout le monde, et par solidarité: "C:ela m'embête d'être là â ...... rien faire pendant que les a-utre!! se battento"' ldisi petit à petit, RENOIR démonte .Les rouages; il nous montre que si ces hommes pensaient sincère ment à se battre pour défendre leur patrie 9 en fait, l~analyse profonde de leurs réactions prouve qu 9ils n 'y croient plus tellement~ et, à la fin, lorsque Maréchal dira à Rosenthal son désir de voir rapidement cette guerre finir pour retrouver Eltt5a 9

celui-ci lui fera remarquer l'ineptie de leur oomportementg il~ vont passer la front­tière et chacun retournera au comb-at contre ces mêmes Allemandsl. Dans ce passage 9 Maréchal demand~ à Rosenthal si la SUisse est bien en face 9 alors q ue rien ne la dis~ tingue, et Rosenthal répond~ nLes frontières sont une invention des hommes 9 la nautre S'en fouto" De même nou!'! verrons, un instant pl us tard 9 la patrouille allemande s'ar~ r~t~r de tirer lorsque les deux évadés auront franchi cette ligne conventionnelle 9 et un Allemand conclura le film en disant: lfTant mieux pour eux.n

Renoir ae propose pas de solution~ il constate le drame. Ses per~nna­ges, s'il!'! arrivent à prendre conscience de ces oontradietion~ qu 9ils vivent9 ne sa­vent pas quelle solution adopter. ''Il faut b-ien la finir 9 cette gue:r:"l"eii. Seul~ 1 'es­poir leur est permis "en espérant que ce sera la derni~ret<~o Espoir difficile~ riTu te fais des illusions"o

Il y a cependant un moment dan! le film que l'on peut interpréter comme une intervention de l 9auteur qui propose à certains tan~ aristocrate!) une solution. C'est le passage de la mort de Boieldieuo Ne faut-il pas y voir un message aux classes que l'évolution sociale condamne? Au lieu de s 9imposer» comme le fait Rauf­fenstein, doivent-elles plutôt se sacrifier en servant jusquvau bout~ comme le fait de Boieldieu? C'est la tradition au sens étymologique 9 l'ancienne classe dirigeante trans­met le flambeau à celle qui monte 9 en l ' aidant dans !On essor.~ (5)

NOUVEAU REALISME FRANCAIS: JEAN RENOIR.

"Il appara1t indéniable que les oeuvres les plus prestigieuses de cet­te époque da nouveau réalisme français ont été conçues par des hommes ayant débuté dans les dernières années du "muet" mais dont le talent ne s 9est pleinement épanoui qu'au contact du film sonore. Parmi eux~ Jean Renoir ·est assurément le plu~ di3cuté et le plus inégal. D'un roman quelconque 9 LA CHIENNE~ il fit un film cruel et immoral d'un réalis­me odieux et intelligent9 pui.s il donne TONI, f resque villageoise à la manière de PagnoL Il tombe ensuite dans le b as commerce et at1ssi dans la propagande (p~ètre MARSEILLAISE communiste sous le signe du Front Populaire) pour retrouver enfin un niveau plus éle-vé avec LES BAS ... FONDS de Maxime Gorki et surtout avec cette admirable GRANDE ILLUSION, son chef-d'oeuvre authentiqueo Situé dan5 un camp de pri~onniers alliée au cours de la Grande Guerre, le scénario de Charles Spaak tendait à montrer que les différence3 de cla~se sont pl us importantes chez les humains que les différences de nationalitéo 11 (6)

CE QUE DEMANDE L9EGLISE AU CINEMA.

"Or, comprenez bien ce que demande 1 'Egliseg elle ne demar1de pas du tout des films "édifiants" dans le maw1ai5 sens du terme 9 dans le sen3 où sont édifiants la "Case de l'Oncle Tom" ou les "Cloches de Sainte Marie".

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6 C-l

Dans la mesure où il est un art~ le cinéma ne doit pas tendre à mora­liser au sene courant de ce terme~ pas plus qu'un peintre ne songe à moraliser quand il peint un paysage ou un portraito L'art ne moralise qu'en élevant, non pas en endoc­trinant: on ne vient pas au cinéma pour entsndre un sermen~ mais pour se divertir. En­core faut-il que ce divertissement reste humain, que cet art respecte la nature !piri­tuelle de l'homme, et c'est tout ce que demande l'Eglise.

Nous sommes en civilisation chrétienne9 Et cela veut dire que nous considérons comme essentielles à une vie humaine digne d 9&tre vécue, certaines bases, certaines lois morales, certaines vérités qui nous viennent du Christ. Nous croyons que le bien moral n'est pas un vain mot et qu'il appartient à l'homme de se faire en choi­sissant ce qui le rend meilleur. Mais un homme ne se fait pas sans lutte, un choix est toujours ou victoire ou défaite, selon qu'il est conforme ou non à la droite conscience. La liberté chrétienne n'est pas licence de tout goûter, de tout éprouver, de tout choi~ sir, mais de choisir ce qui favori~e en nous le progrès de l'esprit, la noblesse de la vie, le sens de la droiture intérieure, du service et du dévouement.

On croit souvent que le christianisme méprise le corps, les sens, les instincts» et certains moralistes ont parfois parlé d 'une manière qui permettait de le supposer; en réalité, le christianisme ne méprise rien de ce qui fait l'homme, il ne condamne que le désordre qui défait l'homme; et ce désordre peut &tre dans l'esprit autant que dans la cha ir, c'est parcontamination de l'esprit malade que la chair elle­mê~e succombe.

Ne ramenons donc pas le problème de la morale au cinéma à l'unique question de la morale sexuelleg le domaine est beaucoup plus vaste, il embra~se toute la vie humaine, il concerne tout ce qui fait de 1 9homme un être libre, incomplet, à qui la vie eat donnée pour qu'il s'achève selon l'ébauche que Dieu a déposée en luio" (7)

Textes colligée par Paul BERLEUR.

o o o o o o Cl o o • o o · • · o o o· o o o . o. o- •· o Ot o • o o o o • o. o o- .. fi' • •

(1) Téléciné. (2) Fiche . (3) Téléciné. (4) Préci~ d'initiation au cinéma. (5) Télé-Ciné. (6) Histoire du cinéma. (7) Les catholiques parlent du cinéma.

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