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L’ÉTERNEL HYMNE À L’AMOUR D’ÉDITH PIAF Supplément gratuit à la Dernière Heure Les Sports du 10 octobre 2013

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Supplément DH du 10 octobre 2013 : Edith Piaf

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L’ÉTERNELHYMNEÀL’AMOURD’ÉDITHPIAF

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2013

“Édith Piaf est morte ce jeudi matin dansson appartement parisien, au 67 bis, boule-vard Lannes.” Ainsi, le 11 octobre 1963,le monde apprenait le décès de celle qui

fut la chanteuse la plus populaire de son épo-que. Plusieurs années plus tard, il apparut quel’information était fausse. Certes, Édith Piafétait bel et bien décédée. Mais pas le 11 octo-bre ni à son domicile…

Piaf n’avait que 47 ans. Petite, ratatinée,avançant péniblement au bras de ce belhomme de 25 ans qui était devenu son mari,Théo Sarapo, on lui aurait donné le double.

Le public a considéré que son drame person-nel était à dater de la mort du boxeur MarcelCerdan, le 28 octobre 1949. En réalité, ses véri-tables malheurs ont commencé deux ans plustard. À 35 ans, pendant sa tournée d’été, en1951, elle fut hospitalisée après un accident dela route. Le bras gauche était tordu. Fracturede l’humérus. Mais, pour calmer les douleursinsupportables, on la soigna à la morphine.Le début d’une redoutable dépendance.

À cela s’ajoutaient des crises sporadiquesd’alcoolisme qui se succédaient depuis sa jeu-nesse. Et tôt dans la vie, des rhumatismes. Piafétait persuadée qu’elle guérirait plus vite enprenant trois fois ses doses de médicaments.

En 1958, en plus d’un traitement lourd, à ba-ses de piqûres intramusculaires, d’ampoules etde différents comprimés, ses médecins lui fai-saient avaler cinq somnifères une demi-heureavant le coucher, cinq autres comprimés et unsuppositoire. Le matin, en plus d’une dizaine decafés pour émerger, trente gouttes d’énergéti-que et vingt autres avant chaque spectacle. Cerégime va détruire l’estomac et les intestins.

Le 19 février 1959, à New York, elle a un ma-laise sur scène. En coulisses, elle crache dusang. Elle est opérée d’un ulcère à l’estomacmais, à peine sortie de l’hôpital, seconde crise.Et seconde opération. On lui met un bridge auxintestins.

Le 22 septembre, à Paris, troisième hospita-lisation : une pancréatite. En novembre, elle re-prend la route des tournées. À Maubeuge, troude mémoire. Le premier d’une longue série.

En décembre, ses admirateurs la voient le vi-sage enflé. Il lui faut de nouveau entrer à l’hôpi-tal pour une hépatite virale. Cette fois, on luiimpose une cure de sommeil.

Désormais, le processus de la dégénéres-cence physique et du vieillissement prématuréest enclenché. Juin 1960, nouvelle hospitalisa-tion et deux jours dans le coma. En décembre,elle retrouve l’Olympia pour trois mois. Mais le

24 mai 1960, des douleurs au ventre et des vo-missents la ramènent en clinique. De nouveau,on craint pour sa vie dont la suite sera une suc-cession de séjours à l’hôpital et de rentrées surscène. Elle donnera le dernier spectacle de savie le 31 mars 1963 à l’Opéra de Lille. Le10 avril, on la transporte à nouveau aux soinset on annule la suite de sa tournée. Elle ne pèse

plus que 30 kilos. Dès le 31 mai, elle se trouveen convalescence dans la villa Séréna à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Trop de monde autour d’elle.Fin juin, un de ses visiteurs lui fait manger uneomelette, interdite par les médecins. Coma hé-patique. Le 1er août, on la déménage vers Mou-gins. Le 21 août, on lui place un implant dans laparoi abdominale. Pendant deux jours, elleperd l’usage de la parole.

Une mort douceIl lui faut absolument le plus grand calme.

Nouveau déménagement vers l’Enclos de laRourée, à Plascassier, un faubourg de Grasse.Piaf s’y trouve seule avec sa secrétaire et uneinfirmière. Même Théo Sarapo n’est pas là. Iltourne un film à Paris, Judex. Selon Danielle Bo-nel, sa secrétaire, Piaf souffre tant qu’ellepousse des cris inhumains. Ses dents ne tien-nent plus. Elle perd la mémoire.

Le 10 octobre, dans l’après-midi, la chan-teuse a une crise qui la prive de la parole. Puiselle sombre dans une espèce de coma. “Ce futune mort douce, dans une manière de som-meil.”

Elle souhaitait mourir chez elle. Ses prochesestiment qu’il faut la ramener à Paris et faireconstater le décès dans l’appartement du bou-levard Lannes. Ce qui est totalement illégal.Danielle Bonel prévient l’impresario de Piaf. Ilsse parlent à mots couverts : ils craignent quela ligne téléphonique ne soit sous écoute. C’estlui qui va préparer l’appartement.

Danielle Bonel s’adresse ensuite aux reli-gieuses d’une clinique de La Bocca où Piaf aété soignée. Elles vont lui procurer l’ambu-lance qui, dans la nuit du 10 au 11 octobre, ra-mènera le corps d’Édith Piaf dans sa chambre.Édith Piaf n’est pas morte le 11 octobre à Pa-ris, mais le 10 octobre à Grasse.

ON CRAIGNAIT QUE SON TÉLÉ-PHONE SOIT SOUS ÉCOUTE

La photo qui avait fait scandale. Théo Sarapo, 25 ans, posa à côté du lit de mort de sa femme, 47 ans. [DR]

SAMORT : UNE FOLLE MISE EN SCÈNEÉdith Piaf est morte le 10 octobre 1963 près de Grasse.On a ramené le corps dans son appartement à Paris.Et on n’a annoncé la nouvelle que le lendemain

“Jean Cocteau est mort d’un œdème du poumon. Il aimait beaucoup Édith, mais je nepense pas que ce soit la mort d’Édith qui ait provoqué la mort de Jean.” Celui qui parle,dès le 12 octobre, le lendemain, est l’acteur Jean Marais, l’homme de la vie de JeanCocteau.

Le fait est que l’écrivain, qui avait déjà surmonté deux alertes cardiaques, est mort le11 octobre 1963, deux heures après avoir appris le décès de celle qui était une trèsgrande amie. Il avait été prévenu par un journaliste de Paris Match qui lui proposaitd’écrire un article, en hommage à cette femme qu’il avait tellement aimée. Cocteau avaitaccepté. Il n’a pas eu le temps de s’y mettre, mais on prétend qu’il a eu celui de dire unephrase extraordinairement prémonitoire : “C’est le bateau qui achève de couler. C’est madernière journée sur cette terre.”

Jean Cocteau avait 74 ans. Il était devenu célèbre en 1929 grâce à un roman, Les en-fants terribles. Quand Édith Piaf apparaît, en 1935, dans le cabaret Le Gerny’s, exploitépar Louis Leplée, Cocteau est une célébrité. Les deux affichent leur homosexualité et seconnaissent. Cocteau fréquente le Gerny’s où il tombe sous le charme de cette chan-teuse de 20 ans. On est à l’époque où Cocteau vient de rencontrer Jean Marais est il estoccupé à écrire, pour lui, une pièce qu’il va intituler Les parents terribles. Elle sera crééeen 1938. Cocteau s’intéresse alors à cette Môme Piaf. En 1939, elle est tombée amou-reuse d’un jeune artiste, Paul Meurisse. En 48 heures, Cocteau va concocter pour ce cou-ple une pièce en un acte, Le bel indifférent, qui va révéler Piaf dans un exercice nouveau,le théâtre, et qui sera un énorme succès.

Cocteau et Marais resteront toujours très proches de la chanteuse. Et après son opéra-tion d’avril 1963, Piaf va choisir d’aller passer sa convalescence à Saint-Jean-Cap-Ferratoù Cocteau a ses habitudes depuis 1950. Il y a amené de nombreuses stars parmi lesquel-les Picasso et Charlie Chaplin.

Dans la région parisienne, à 50 km au sud de la capitale, à côté de Fontainebleau, ils’était acheté un petit château, la Maison du Bailly, à Milly-la-Forêt. C’est ici qu’il est dé-cédé. Le lieu, aujourd’hui, est devenu un musée.

Cocteau avait écritune pièce de théâtre

sur mesure pourÉdith Piaf.

[REPORTERS/PHOTO12]

Cocteau apprendetmeurt à son tourIl aurait eu une phrase prémonitoire : “C’est lebateau qui achève de couler. C’estma dernièrejournée sur cette terre.”

Ce jeunemari grecK En février 1959, c’en est fini desamours d’Édith Piaf avec le jeuneGeorges Moustaki. Elle se trouve àNew York d’où elle revient avec unpeintre américain, Doug Davis, dont onsait qu’il est homosexuel. Pour Piaf, cen’est pas la chose la plus importantedu monde. Elle est amoureuse, maispeu sexuelle. Cerdan, lui-même, avaitconfié à un ami qu’avec Piaf, ça s’étaitpassé très peu souvent. Quatre ou cinqfois pas plus. D’autres amants avaientraconté qu’elle leur imposait les rela-tions dans le noir complet ou qu’ellegardait sa robe de nuit. Aucun ne l’avue nue.Le 5 octobre 1960, c’est un coup defoudre professionnel qu’elle a, lorsqueCharles Dumont vient lui donner NonJe ne regrette rien. Il lui fera aussiMon Dieu et, en duo, ils chanterontLes amants. Il sera désormais son com-positeur exclusif, ce qui éloigne del’aréopage, un autre homosexuel amide Piaf, Claude Figus : Dumont et lui nepeuvent pas se supporter.Mais en janvier 1962, Dumont prenddes vacances sans l’autorisation de lapatronne. C’est la disgrâce. Aussitôt,Claude Figus revient. Et il présente sonnouveau compagnon à Piaf, qui a46 ans mais qui, malade, en fait le dou-ble. Ce petit ami de Figus est un jeunecoiffeur grec de 24 ans qui voudraitfaire de la chanson. Le 9 octobre 1962,Théo Sarapo le deuxième épouxd’Édith Piaf. Il sera aussi son uniquehéritier. Il se tuera dans un accident dela route en 1970.

ÉdithPiaf : 50 ans après samort2

Le 10 octobre, dans l’après-midi, la chan-teuse a une crise qui la prive de la parole. Puiselle sombre dans une espèce de coma. “Ce futune mort douce, dans une manière de som-meil.”

Elle souhaitait mourir chez elle. Ses prochesestiment qu’il faut la ramener à Paris et faireconstater le décès dans l’appartement du bou-levard Lannes. Ce qui est totalement illégal.Danielle Bonel prévient l’impresario de Piaf. Ilsse parlent à mots couverts : ils craignent quela ligne téléphonique ne soit sous écoute. C’estlui qui va préparer l’appartement.

Danielle Bonel s’adresse ensuite aux reli-gieuses d’une clinique de La Bocca où Piaf aété soignée. Elles vont lui procurer l’ambu-lance qui, dans la nuit du 10 au 11 octobre, ra-mènera le corps d’Édith Piaf dans sa chambre.Édith Piaf n’est pas morte le 11 octobre à Pa-ris, mais le 10 octobre à Grasse.

SAMORT : UNE FOLLE MISE EN SCÈNE

“Jean Cocteau est mort d’un œdème du poumon. Il aimait beaucoup Édith, mais je nepense pas que ce soit la mort d’Édith qui ait provoqué la mort de Jean.” Celui qui parle,dès le 12 octobre, le lendemain, est l’acteur Jean Marais, l’homme de la vie de JeanCocteau.

Le fait est que l’écrivain, qui avait déjà surmonté deux alertes cardiaques, est mort le11 octobre 1963, deux heures après avoir appris le décès de celle qui était une trèsgrande amie. Il avait été prévenu par un journaliste de Paris Match qui lui proposaitd’écrire un article, en hommage à cette femme qu’il avait tellement aimée. Cocteau avaitaccepté. Il n’a pas eu le temps de s’y mettre, mais on prétend qu’il a eu celui de dire unephrase extraordinairement prémonitoire : “C’est le bateau qui achève de couler. C’est madernière journée sur cette terre.”

Jean Cocteau avait 74 ans. Il était devenu célèbre en 1929 grâce à un roman, Les en-fants terribles. Quand Édith Piaf apparaît, en 1935, dans le cabaret Le Gerny’s, exploitépar Louis Leplée, Cocteau est une célébrité. Les deux affichent leur homosexualité et seconnaissent. Cocteau fréquente le Gerny’s où il tombe sous le charme de cette chan-teuse de 20 ans. On est à l’époque où Cocteau vient de rencontrer Jean Marais est il estoccupé à écrire, pour lui, une pièce qu’il va intituler Les parents terribles. Elle sera crééeen 1938. Cocteau s’intéresse alors à cette Môme Piaf. En 1939, elle est tombée amou-reuse d’un jeune artiste, Paul Meurisse. En 48 heures, Cocteau va concocter pour ce cou-ple une pièce en un acte, Le bel indifférent, qui va révéler Piaf dans un exercice nouveau,le théâtre, et qui sera un énorme succès.

Cocteau et Marais resteront toujours très proches de la chanteuse. Et après son opéra-tion d’avril 1963, Piaf va choisir d’aller passer sa convalescence à Saint-Jean-Cap-Ferratoù Cocteau a ses habitudes depuis 1950. Il y a amené de nombreuses stars parmi lesquel-les Picasso et Charlie Chaplin.

Dans la région parisienne, à 50 km au sud de la capitale, à côté de Fontainebleau, ils’était acheté un petit château, la Maison du Bailly, à Milly-la-Forêt. C’est ici qu’il est dé-cédé. Le lieu, aujourd’hui, est devenu un musée.

Cocteau avait écritune pièce de théâtre

sur mesure pourÉdith Piaf.

[REPORTERS/PHOTO12]

Cocteau apprendetmeurt à son tourIl aurait eu une phrase prémonitoire : “C’est lebateau qui achève de couler. C’estma dernièrejournée sur cette terre.”

Ce jeunemari grecK En février 1959, c’en est fini desamours d’Édith Piaf avec le jeuneGeorges Moustaki. Elle se trouve àNew York d’où elle revient avec unpeintre américain, Doug Davis, dont onsait qu’il est homosexuel. Pour Piaf, cen’est pas la chose la plus importantedu monde. Elle est amoureuse, maispeu sexuelle. Cerdan, lui-même, avaitconfié à un ami qu’avec Piaf, ça s’étaitpassé très peu souvent. Quatre ou cinqfois pas plus. D’autres amants avaientraconté qu’elle leur imposait les rela-tions dans le noir complet ou qu’ellegardait sa robe de nuit. Aucun ne l’avue nue.Le 5 octobre 1960, c’est un coup defoudre professionnel qu’elle a, lorsqueCharles Dumont vient lui donner NonJe ne regrette rien. Il lui fera aussiMon Dieu et, en duo, ils chanterontLes amants. Il sera désormais son com-positeur exclusif, ce qui éloigne del’aréopage, un autre homosexuel amide Piaf, Claude Figus : Dumont et lui nepeuvent pas se supporter.Mais en janvier 1962, Dumont prenddes vacances sans l’autorisation de lapatronne. C’est la disgrâce. Aussitôt,Claude Figus revient. Et il présente sonnouveau compagnon à Piaf, qui a46 ans mais qui, malade, en fait le dou-ble. Ce petit ami de Figus est un jeunecoiffeur grec de 24 ans qui voudraitfaire de la chanson. Le 9 octobre 1962,Théo Sarapo le deuxième épouxd’Édith Piaf. Il sera aussi son uniquehéritier. Il se tuera dans un accident dela route en 1970.

P’tit Louis. Le 11 février 1933,Édith Gassion, 17 ans, inscrite au321 rue de Belleville, est mamand’une petite Marcelle. Cécelle.

Elle va reproduire exactementce que sa mère avait fait avec elle.S’occuper du bébé avec insou-ciance. Jusqu’à ce que P’tit Louis

tera comme si elle était sa sœur.C’est l’époque aussi où elle

quitte le domicile de papa, le 115de la rue Belleville. Pour vivre, ilfaut qu’elle travaille. Elle sera ser-veuse dans deux crémeries, ave-nue Victor Hugo et rue de Bourgo-

gne. Ça ne dureraguère.

“On ne vivaitpas mal”

Elle demandeà Momone, quitravaille enusine depuisl’âge de 11 ans,de laisser tom-ber et de s’as-socier à elle.Édith Piafs’instituechanteusede rue. “Onne vivait pas

mal. On vi-vait au jour le jour. Mais on ne

vivait pas mal.”Piaf racontait mille histoires de

braves agents de police, rivalisantd’astuces pour ne pas appliquerles règlements et la laisser chan-ter. Puisqu’elle le faisait si bien…

Dans la rue, elle a rencontré ungarçon de son âge, Louis Dupont.

Le “profond dénuement”, évo-qué sur la plaque commé-morative de la soi-disantmaison natale de Piaf, paraît

exagéré aussi. La petite n’a jamaismanqué de rien et elle se souve-nait d’une “poupée de riche”qu’elle avait regardée, avec desyeux gros commeça, dans la vi-trine d’un ma-gasin. Le lende-main, son père lalui offrait.

En tournée, il luifallait certes fairele ménage et lavaisselle. Maiscette vie lui plaisait.Et lorsqu’elle chan-tait dans les rues,elle était heureuse.Elle a raconté quec’est son père qui lui aenseigné l’art d’api-toyer le public.

À 15 ans lui naît unedemi-sœur, Denise. C’est surtoutqu’Édith n’aime pas la maman dubébé. C’est l’époque où Édith ren-contre Simone Bearteaut, Mo-mone. Qui aime aussi chanter.Pendant toute sa vie, même siMomone finit par être une vérita-ble charge pour elle, Piaf la trai-C

hez Piaf, il y aura toujours une part lais-sée à la légende. Celle de la naissance dela chanteuse est tellement jolie qu’elleest officiellement attestée par une pla-

que commémorative fixée sur la façade de cequi était alors la maison de ses parents, au 72,rue de Belleville, dans le 20e arrondissement deParis. Ce n’est pas loin du périphérique, à hau-teur de la Porte des Lilas. Que lit-on sur cetteplaque ? “Sur les marches de cette maison naquitle 19 décembre 1915 dans le plus grand dénue-ment Édith Piaf dont la voix, plus tard, devaitbouleverser le monde.”

Cette histoire de naissance sur les marchesde l’immeuble est un conte de journaliste à sen-sation qui précisait même que l’enfant a été ré-chauffé par les pelisses de deux agents de po-lice du quartier. Le récit plaisait à Piaf qui ne l’ajamais démenti.

Mais l’administration, elle, a beaucoup moinsd’imagination et de lyrisme. Il s’avère que la fillede Louis Gassion et de Jacqueline Maillard, ins-crite sous le nom d’Édith Gassion, est née –matricule 13238 – à l’hôpital Ménilmontant-Te-non au 4, rue de la Chine, également dans le20e. L’hôpital Tenon existe toujours.

En décembre 1915, c’est la guerre. On donneà l’enfant le prénom de l’héroïne du moment,une Anglaise de Bruxelles, Édith Cavell. Le père

n’est pas là : il est dans les troupes, du côté deSens.

Un frère d’ Édith va naître à Marseille le31 août 1918. Même mère, même père. Maislui, il sera abandonné aussitôt à l’Assistance Pu-blique.

La mère d’Édith Piaf, s’appelait JacquelineMaillard. Père français, mère italienne, grand-parents marocains. Tous issus du monde du cir-que. Jacqueline, pour sa part, voudra devenirchanteuse et elle prend le pseudonyme de LineMarsa. Elle va écumer les cabarets de Paris,avec un certain succès. L’acteur Michel Simon,qui l’a connue avant la guerre, a toujours pré-tendu qu’elle avait une voix plus belle et plus vi-brante que celle de sa fille. “C’était une femmequi avait de la classe et qui ne chantait que deschansons tristes.” Le père de Michel Sardou,Fernand Sardou, avait aussi participé à unetournée au Maroc dont elle faisait partie.

Édith Piaf ne parlait jamais de sa mère. Outrès peu. Quand elle le faisait, c’était pour direqu’elle l’avait abandonnée à l’âge de trois moiset qu’elle ajoutait régulièrement du vin blanc àson biberon.

Les années papaOn sait que la grand-mère marocaine de Piaf,

Aïcha, s’est occupée du bébé avant que le père

ne soit libéré par l’armée et puisse entrepren-dre de l’élever. Édith Piaf a toujours vénéré sonpère. Louis Gassion est lui-même issu du cir-que. Son père était écuyer de haute voltigemais, pour ce qui le concerne, sa petite taille –1 m 54 – favorisa ses progrès dans une disci-pline très spectaculaire et moins encombrée.Le père d’Édith Piaf était contorsionniste.

Le temps de se réorganiser, après sa libéra-tion de l’armée, Louis Gassion confia la petiteà sa propre mère qui tenait… une maison close,à Bernay, en Normandie. C’est là d’ailleurs quela petite a chanté pour la première fois. On la

hissait sur une table. Elle faisait une chansonpour les clients puis passait avec la casquette.Des sous pour grand-maman…

En 1925, papa vint récupérer sa fille qui avaitalors 9 ans. La petite a connu la vie des cirqueset des tournées. Piaf se souvenait d’un long sé-jour à Bruxelles. Et lorsque papa n’avait pas decontrat, il faisait son numéro de contorsion-niste sur les places publiques et Édith passaitavec la casquette pour ramasser les sous.

Louis Gassion essaya de la former à son artde contorsionniste. Elle n’y arrivait pas. Mais unjour, elle a fait ce qu’elle faisait dans le bordelde grand-maman. Elle s’est mise à chanter.Dans la rue. Avec papa à côté d’elle.

ON LA HISSAIT SUR UNE TABLE DE LA MAISON CLOSE

Simone Berteaut futsa partenaire

entre 1930 et 1935.Elles chantaient

dans les rues.L’une a réussi.

L’autre a longtempsvécu à ses crochets.[REPORTERS/PHOTO12]

UN JOUR, ELLE S’EST MISEÀ CHANTER DANS LA RUESa mère, qui l’a abandonnée, était chanteuse; elle a faitune tournée au Maroc avec le père de Michel Sardou

Piaf a eu, avec sa mère (enmédaillon) des relations

conflictuelles. Par contre,elle a toujours vénéré son

père. [D.R.]

Lamort de sa filleInsouciante, à 19 ans, Édith n’est pas marquée par le drame. C’est plus tard que lepoids du remords va venir la hanter…

Dans le bordel de grand-mèreK Lorsqu’en sortant de la guerre, Louis Gassion s’est retrouvéavec, sur les bras, une fillette de deux ans, au moment où il luifallait réorganiser toute sa vie professionnelle, il n’entrevitqu’une perspective : confier provisoirement l’enfant à sa propremère, Léontine Gassion, qui vivait à Bernay, en Normandie, à30 km de Lisieux.Seulement voilà, à Bernay, la maison de Léontine n’avait riend’un lieu-saint. Grand-mère était patronne de bordel ! Édith Piafa toujours soutenu qu’elle gardait, de cette époque, des souve-nirs de tendresse. Toutes les filles qui travaillaient là lui appor-taient des tonnes d’affection.Manifestement, la petite avait des problèmes de vision. Ellen’ouvrait jamais vraiment les yeux. Un médecin diagnostiquaune kératite, due probablement à une syphilis héréditaire. Elle areçu tous les soins indispensables. Mais, en plus, le bordel deBernay a fermé pour un jour et toutes les filles ont emmené à lapetite à Lisieux et ont prié ensemble Sainte-Thérèse qui, bienqu’elle n’était pas du même monde, semble les avoir entendues.La petite a été guérie et Piaf, qui était très croyante et aimait al-ler déposer un cierge dans les églises, a toujours vénéré Sainte-Thérèse-de-Lisieux.

vienne le lui prendre, sans qu’elleproteste. Mais le 7 juillet 1935,Cécelle, 2 ans, meurt victimed’une méningite. Âgée de 19 ans,Édith ne paraît pas trop marquéepar le drame. C’est plus tard quele poids du remords va venir lahanter.

ÉdithPiaf : 50 ans après samort4

P’tit Louis. Le 11 février 1933,Édith Gassion, 17 ans, inscrite au321 rue de Belleville, est mamand’une petite Marcelle. Cécelle.

Elle va reproduire exactementce que sa mère avait fait avec elle.S’occuper du bébé avec insou-ciance. Jusqu’à ce que P’tit Louis

tera comme si elle était sa sœur.C’est l’époque aussi où elle

quitte le domicile de papa, le 115de la rue Belleville. Pour vivre, ilfaut qu’elle travaille. Elle sera ser-veuse dans deux crémeries, ave-nue Victor Hugo et rue de Bourgo-

gne. Ça ne dureraguère.

“On ne vivaitpas mal”

Elle demandeà Momone, quitravaille enusine depuisl’âge de 11 ans,de laisser tom-ber et de s’as-socier à elle.Édith Piafs’instituechanteusede rue. “Onne vivait pas

mal. On vi-vait au jour le jour. Mais on ne

vivait pas mal.”Piaf racontait mille histoires de

braves agents de police, rivalisantd’astuces pour ne pas appliquerles règlements et la laisser chan-ter. Puisqu’elle le faisait si bien…

Dans la rue, elle a rencontré ungarçon de son âge, Louis Dupont.

Le “profond dénuement”, évo-qué sur la plaque commé-morative de la soi-disantmaison natale de Piaf, paraît

exagéré aussi. La petite n’a jamaismanqué de rien et elle se souve-nait d’une “poupée de riche”qu’elle avait regardée, avec desyeux gros commeça, dans la vi-trine d’un ma-gasin. Le lende-main, son père lalui offrait.

En tournée, il luifallait certes fairele ménage et lavaisselle. Maiscette vie lui plaisait.Et lorsqu’elle chan-tait dans les rues,elle était heureuse.Elle a raconté quec’est son père qui lui aenseigné l’art d’api-toyer le public.

À 15 ans lui naît unedemi-sœur, Denise. C’est surtoutqu’Édith n’aime pas la maman dubébé. C’est l’époque où Édith ren-contre Simone Bearteaut, Mo-mone. Qui aime aussi chanter.Pendant toute sa vie, même siMomone finit par être une vérita-ble charge pour elle, Piaf la trai-

Piaf a eu, avec sa mère (enmédaillon) des relations

conflictuelles. Par contre,elle a toujours vénéré son

père. [D.R.]

Lamort de sa filleInsouciante, à 19 ans, Édith n’est pas marquée par le drame. C’est plus tard que lepoids du remords va venir la hanter…

Dans le bordel de grand-mèreK Lorsqu’en sortant de la guerre, Louis Gassion s’est retrouvéavec, sur les bras, une fillette de deux ans, au moment où il luifallait réorganiser toute sa vie professionnelle, il n’entrevitqu’une perspective : confier provisoirement l’enfant à sa propremère, Léontine Gassion, qui vivait à Bernay, en Normandie, à30 km de Lisieux.Seulement voilà, à Bernay, la maison de Léontine n’avait riend’un lieu-saint. Grand-mère était patronne de bordel ! Édith Piafa toujours soutenu qu’elle gardait, de cette époque, des souve-nirs de tendresse. Toutes les filles qui travaillaient là lui appor-taient des tonnes d’affection.Manifestement, la petite avait des problèmes de vision. Ellen’ouvrait jamais vraiment les yeux. Un médecin diagnostiquaune kératite, due probablement à une syphilis héréditaire. Elle areçu tous les soins indispensables. Mais, en plus, le bordel deBernay a fermé pour un jour et toutes les filles ont emmené à lapetite à Lisieux et ont prié ensemble Sainte-Thérèse qui, bienqu’elle n’était pas du même monde, semble les avoir entendues.La petite a été guérie et Piaf, qui était très croyante et aimait al-ler déposer un cierge dans les églises, a toujours vénéré Sainte-Thérèse-de-Lisieux.

vienne le lui prendre, sans qu’elleproteste. Mais le 7 juillet 1935,Cécelle, 2 ans, meurt victimed’une méningite. Âgée de 19 ans,Édith ne paraît pas trop marquéepar le drame. C’est plus tard quele poids du remords va venir lahanter.

La carrière professionnelle d’ÉdithPiaf a commencé comme unconte de fées, à l’automne de1935. Elle a 19 ans. Elle chante

dans la rue de Bruyère, près de Pigalle,vêtue d’un manteau rouge, avec unequeue-de-rat au cou et un chapeau clo-che à plume. Deux hommes passent.L’un ne ralentit pas. L’autre, oui. Il s’ap-pelle Louis Richard et il rappelle sonami, Louis Leplée.

Leplée est un homme dumétier. En ce temps-là,deux hommes se parta-gent le marché dumusic-hall à Paris. Àdeux, ils possèdenttous les grands théâ-tres. Le Casino de Paris,le Concert Mayol, l’Alca-zar, l’Empire, l’Ambassa-deur… Le premier s’ap-pelle Henri Varna etl’autre, Oscar Dufrenne. Ilest homosexuel et il a permis àun autre homosexuel, Louis Leplée,d’entrer dans le club fermé en ouvrantun établissement, le Palace, puis un ca-baret de luxe, le Gern’ys, qui se trouvedans les sous-sols d’un hôtel, près desChamps-Élysées, au 54, rue Pierre-Charron.

Retour rue de Bruyère. Leplée estrappelé par son ami. Il entend et appré-cie cette petite chanteuse des rues. Illui donne sa carte de visite, puis il val’engager dans son cabaret et c’est luiaussi qui lui suggérera de prendre unnom de scène. Il y a déjà la Môme Per-venche et la Môme Moineau. C’est unemode. Pervenche, Moineau, ce sont desoiseaux. Les oiseaux, ça piaffe. Voici laMôme Piaf !

Leplée est un homme qui exerce sonmétier avec passion. Il adore les artis-tes. Singulièrement, il va être envoûtépar cette voix. Il invite des journalistes,des stars, il fait venir l’immense Mau-rice Chevalier afin qu’il entende ce phé-nomène. Et aussi Mistinguett. Et l’avia-teur Jean Mermoz, le plus célèbre desFrançais de son époque. Et Joseph Kes-sel. Et un autre écrivain, Carlo Rim, quiparle d’une “petite bonne femme mina-

ble dans sa robe à quatre sous, l’air tra-qué… Mais quand sa voix s’élève, monte,se déchire, la Môme Piaf devient la plusbelle fille du monde.” Leplée invite éga-lement le patron de Radio-Cité, ce quivaut à la Môme d’être invitée à chanterà la radio. Le directeur artistique de Ra-dio-Cité s’appelle Jacques Canetti. Il

travaille aussi pour une maisonde disques, Polydor. C’est lui

qui va amener la MômePiaf à enregistrer ses

premiers disques. Ca-netti fera pareil avecCharles Trenet puis,beaucoup plus tard,dans les années 50, ilsera l’homme qui vadécouvrir quelques

autres artistes de di-mension : Georges

Brassens, Jacques Brel,Raymond Devos, Gains-

bourg….Édith mesure parfaitement

tout ce qu’elle doit à ce Louis Leplée.Elle a 20 ans et lui, 48 ans : elle l’appellePapa.

Une balle dans la bouche

Le lundi 6 avril, Louis Leplée est dé-couvert assassiné, dans son apparte-ment, au 83 avenue de la Grande Ar-mée. Il a été frappé, bâillonnées puisabattu d’un coup de revolver dans labouche. La concierge de l’immeuble avu monter quatre hommes. Un desquatre devait connaître parfaitementles lieux et savoir aussi que Leplée dis-posait, chez lui, à ce moment-là, d’unegrosse somme d’argent.

Les possibilités étaient nombreuses.La mafia, le racket, un amant de pas-sage… Leplée adorait aller à la recher-che de ses partenaires d’un soir dansles urinoirs et les autres endroits glau-ques.

Mais la police remarqua aussi que ladernière à l’avoir vu vivant était laMôme Piaf. Dans la nuit, en quittantl’établissement, ils avaient pris lemême taxi qui avait d’abord déposé lachanteuse à Pigalle. Et cette Môme Piafa notoirement de très mauvaises fré-quentations. En conséquence, elle serala première à être interrogée. Elle vamême passer deux journées complètesen garde à vue.

EN AVRIL 1935, ELLEA PASSÉ DEUX JOURNÉES

EN GARDE À VUE

SUSPECTÉE…DEMEUR TRE !Elle adorait la victime, Louis Leplée, et ellele surnommait papa. Mais il est vrai qu’elleavait alors de très mauvaises fréquentations

“Papa Leplée disait que j’étais sa petite plante, qu’il soi-gnait lui-même chaque matin et qui poussait, poussait,allait devenir très grande…” La Môme Piaf était incon-solable. Elle jurait : “Je vengerai Leplée !”

La police l’a suspectée : elle fréquentait de très mauvaisgarçons. Elle aurait pu planifier le coup, l’organiser. Tout sepasse comme si Piaf, elle-même, n’était pas trop sûre que letueur était un de ses amants d’alors. Car il y en avait plu-sieurs. Elle va tous les citer aux policiers.

Le premier est Henri Valette, 24 ans, petit soutenir qui aessayé de l’entraîner sur le trottoir. Il ala réputation d’être un violent.Lorsqu’Édith est tombée amou-reuse d’un autre, Jean Rosnay,dit Jeannot le Mataf, 20 ans,celui-ci a dû racheter lajeune fille qu’il convoitait. Ila donné trois mille francsde l’époque à Valette. Ceque Jeannot le Matafignore, c’est qu’il partagesa maîtresse avait GeorgesCalendras, dit Georges leSpahi. La Môme parlera aussid’un Marcel et d’un Jacques.Tous avaient un alibi. La police acherché ailleurs et n’a jamais identifiéles assassins de Louis Leplée.

Après les funérailles, le magazine Détective, qui avait étélancé naguère par Joseph Kessel, fait sa une du 16 avril 1936en publiant une photo de Piaf entourée de trois autres fem-mes, lors des obsèques, et ce seul titre : Les quatre tueurs.

Les petitsmaquereauxde PigalleUn de ses premiers amoureuxavait tenté de lui faire fairele trottoir

La leçon deMistinguettK Le 17 février 1936, Louis Lepléeétait parvenu à glisser sa débutantedans le programme d’un immensespectacle, au Médrano : un gala debienfaisance auquel participaienttoutes les plus grandes vedettes dumoment : Maurice Chevalier, Mis-tinguett, Fernandel, Tino Rossi, Mi-relle… La Môme chantait devant2800 personnes.Elle avait 20 ans et toujours ce ca-ractère sauvage et insouciant de lachanteuse de rue qu’elle était en-core six mois plus tôt. Ce soir-là,elle y alla d’une remarque désabu-sée comme, jamais plus, elle ne s’enpermettra dans sa vie. Du style :“Regardez-les,tous cescons…” La re-marque futentendue parquelqu’un quilui fit uneverte leçon.Ce quelqu’unn’était pasn’importe qui.C’était la stardes stars de son époque, Mistin-guett, herself. Qui lui fit remarquerqu’il convenait de porter un maxi-mum de respect aux gens quipayaient pour venir écouter un ar-tiste.Édith Piaf était encore jeune. Maiselle retenait les leçons.

Aujourd’hui, le numéro historique duDétective du 16 avril 1936 se vend à

300 euros. En médaillon, Louis Leplée,la victime de l’assassinat. [DÉTECTIVE]

Elle a l’équipe !En avril 1936, lorsque tous ces événe-ments se sont produits, la Môme Piafn’est pas une vedette, mais, grâce àLouis Leplée, elle a un nom connudans le milieu. Ce qui lui permettrade trouver des engagements dansd’autres cabarets à Paris (l’O’dett etl’Ange Rouge) puis à Lausanne.Surtout, elle a rencontré, au Gerny’s,un auteur et un compositeur qui vontlui rester fidèles. Raymond Asso et lapianiste Marguerite Monnot viennentd’écrireMon légionnaire que Marie Du-bas a créée en avril 1936. Édith va l’en-registrer à son tour en janvier 1937 etce sera son premier succès.Raymond Asso va devenir sonhomme, son professeur, son parolieret même son manager. Il va lui obte-nir d’être programmée en mars 1937 àl’ABC. Ici, on est bien dans une salled’où on peut sortir avec le statut devedette. Et ce sera le cas !

ÉdithPiaf : 50 ans après samort6

SUSPECTÉE…DEMEUR TRE !

“Papa Leplée disait que j’étais sa petite plante, qu’il soi-gnait lui-même chaque matin et qui poussait, poussait,allait devenir très grande…” La Môme Piaf était incon-solable. Elle jurait : “Je vengerai Leplée !”

La police l’a suspectée : elle fréquentait de très mauvaisgarçons. Elle aurait pu planifier le coup, l’organiser. Tout sepasse comme si Piaf, elle-même, n’était pas trop sûre que letueur était un de ses amants d’alors. Car il y en avait plu-sieurs. Elle va tous les citer aux policiers.

Le premier est Henri Valette, 24 ans, petit soutenir qui aessayé de l’entraîner sur le trottoir. Il ala réputation d’être un violent.Lorsqu’Édith est tombée amou-reuse d’un autre, Jean Rosnay,dit Jeannot le Mataf, 20 ans,celui-ci a dû racheter lajeune fille qu’il convoitait. Ila donné trois mille francsde l’époque à Valette. Ceque Jeannot le Matafignore, c’est qu’il partagesa maîtresse avait GeorgesCalendras, dit Georges leSpahi. La Môme parlera aussid’un Marcel et d’un Jacques.Tous avaient un alibi. La police acherché ailleurs et n’a jamais identifiéles assassins de Louis Leplée.

Après les funérailles, le magazine Détective, qui avait étélancé naguère par Joseph Kessel, fait sa une du 16 avril 1936en publiant une photo de Piaf entourée de trois autres fem-mes, lors des obsèques, et ce seul titre : Les quatre tueurs.

Les petitsmaquereauxde PigalleUn de ses premiers amoureuxavait tenté de lui faire fairele trottoir

La leçon deMistinguettK Le 17 février 1936, Louis Lepléeétait parvenu à glisser sa débutantedans le programme d’un immensespectacle, au Médrano : un gala debienfaisance auquel participaienttoutes les plus grandes vedettes dumoment : Maurice Chevalier, Mis-tinguett, Fernandel, Tino Rossi, Mi-relle… La Môme chantait devant2800 personnes.Elle avait 20 ans et toujours ce ca-ractère sauvage et insouciant de lachanteuse de rue qu’elle était en-core six mois plus tôt. Ce soir-là,elle y alla d’une remarque désabu-sée comme, jamais plus, elle ne s’enpermettra dans sa vie. Du style :“Regardez-les,tous cescons…” La re-marque futentendue parquelqu’un quilui fit uneverte leçon.Ce quelqu’unn’était pasn’importe qui.C’était la stardes stars de son époque, Mistin-guett, herself. Qui lui fit remarquerqu’il convenait de porter un maxi-mum de respect aux gens quipayaient pour venir écouter un ar-tiste.Édith Piaf était encore jeune. Maiselle retenait les leçons.

Aujourd’hui, le numéro historique duDétective du 16 avril 1936 se vend à

300 euros. En médaillon, Louis Leplée,la victime de l’assassinat. [DÉTECTIVE]

Elle a l’équipe !En avril 1936, lorsque tous ces événe-ments se sont produits, la Môme Piafn’est pas une vedette, mais, grâce àLouis Leplée, elle a un nom connudans le milieu. Ce qui lui permettrade trouver des engagements dansd’autres cabarets à Paris (l’O’dett etl’Ange Rouge) puis à Lausanne.Surtout, elle a rencontré, au Gerny’s,un auteur et un compositeur qui vontlui rester fidèles. Raymond Asso et lapianiste Marguerite Monnot viennentd’écrireMon légionnaire que Marie Du-bas a créée en avril 1936. Édith va l’en-registrer à son tour en janvier 1937 etce sera son premier succès.Raymond Asso va devenir sonhomme, son professeur, son parolieret même son manager. Il va lui obte-nir d’être programmée en mars 1937 àl’ABC. Ici, on est bien dans une salled’où on peut sortir avec le statut devedette. Et ce sera le cas !

En 1936, après l’assassinat de Louis Le-plée, Édith a coupé les ponts avec lesjeunes truands qui constituaient jus-qu’alors son unique entourage. Elle

écrit : “Mon pognon, je le garde pour moi. Mon

maquereau, ce sera mon père.”En réalité, elle a peur et, dans l’hôtel où elle

vit, se trouve aussi un habitué du Gerny’s,Raymond Asso, 35 ans. L’homme qui a écritMon légionnaire. Elle se réfugie auprès de lui.Il va l’aimer, l’entourer, la conseiller et toutlui apprendre. Comment se tenir sur scène.Mieux s’habiller. Parler. Répondre aux inter-views. “Raymond m’a fait devenir un être hu-main. Il a fallu trois ans pour me guérir.”

Il s’institue aussi manager de la Mômequ’en mars 1937, il impose à l’ABC. Où elle…s’impose !” Je ne la quittais pas une minute,pour éviter qu’elle fasse une bêtise.” Cela n’apas suffi. En 1939, elle s’éprend d’un artistede 27 ans qui fait encore le lever de rideaudans les cabarets. Il sera le premier d’unelongue liste d’artistes inconnus que Piaf vafaçonner à sa manière et mener à la gloire.Paul Meurisse ! “Vous êtes un flegmatique, luiconseillera-t-elle. Pas un geste ! Pas un sou-rire !” Lui, il dira : “À 24 ans, c’était une femmequi n’avait absolument aucun doute sur sondestin fabuleux.” Leur liaison va durer deuxans.

Pendant l’été 1941, en pleine guerre, Édiths’éprend de son pianiste juif qu’elle cache etprotège, Norbert Glanzberg. Elle va aiderbeaucoup de Juifs.

Par contre, l’épisode Glanzberg ne durera

pas. Il est bientôt remplacé par un journalistequ’elle institue aussitôt parolier de chansons,Henri Contet. Comme il est marié, elle seconsole de ses solitudes auprès d’un jeune etbeau chanteur, Yvon Jeanclaude. Dont lasœur était régulièrement reçue chez Piaf quiignorait qu’il s’agissait de la maîtresse de La-font, le chef de la Gestapo. Ce qui vaudra,après la guerre, une enquête sur Piaf desRenseignements Généraux.

Certains lui reprochèrent aussi d’être alléeplusieurs fois en Allemagne chanter pour desprisonniers. L’enquête en question détermi-nera qu’elle s’y faisait photographier au mi-lieu de ces prisonniers et que ces photos ser-vaient, la fois suivante, à leur faire de fauxpapiers qui leur permettaient de s’évader.

Les Compagnons de la ChansonPeu avant la Libération, un nouveau cheva-

lier-servant apparaît dans sa vie. Il est chan-teur et se produit sous le nom d’Yves Mon-tand. Cela va aussi durer deux ans. En 1946,voici Jean-Louis Jaubert. Il fait partie d’un

groupe de chanteurs de Dijon, les Compa-gnons de la Musique, cantonné dans un ré-pertoire folklorique. Elle veut faire avec euxce qu’elle a fait avec Paul Meurisse et YvesMontand : les lancer. Le groupe est divisé.

Huit d’entre eux décident de la suivre, maisils ne disposent pas du droit de garder lenom. Ils deviennent alors les Compagnons dela Chanson. Elle veut leur faire chanter unechanson à laquelle elle croit. Toujours obsé-dés par leur répertoire folklorique, ils n’enveulent pas. Elle leur dit : “Et si je la chanteavec vous, vous la prenez ?” Ça, ça ne se re-fuse pas. La chanson s’appelle Les trois clo-ches.

En 1947, elle les prend dans sa tournée enFrance, en Norvège, en Suède puis, en octo-bre, dans son premier voyage aux États-Unisoù, au départ, ils auront plus de succèsqu’elle. Ce sera le début de la fin pour Jean-Louis Jaubert. Elle a une liaison avec l’acteurJohn Garfield et elle connaît déjà un célèbreboxeur, Marcel Cerdan. Pour Piaf, la tournéequi a mal commencé s’achève en triomphe.

C’est à cette époque qu’elle fait la connais-sance de Marlene Dietrich.

Charles Aznavour fait maintenant partiede l’équipe mais lui, il ne sera jamais l’amantde Piaf. Par contre, il lui écrira Plus bleu que lebleu de tes yeux.

Six mois après la mort tragique de MarcelCerdan, le 28 octobre 1949, Édith Piaf estamoureuse d’un débutant américain. Il serale seul avec lequel Piaf ne gardera pas une re-lation d’amitié. Eddie Constantine est mariéet père d’une fille. Dans le clan Piaf, on pré-tend qu’il avait prévenu sa femme. “Je suisavec elle juste le temps qu’elle fasse de moiune vedette.” Piaf le sentait et l’humiliait. Ed-die supportait. Une fois son objectif atteint, ilretrouva femme et enfant.

Après, ce fut la valse des hommes. Dix endix ans. Elle eut deux brèves liaisons avec des

PENDANT LA GUERRE, ON AURAITPU EN FAIRE UNE HÉROÏNE

Par amour pour Jean-Louis Jaubert, Édith Piaf a conduitles Compagnons de la Chanson sur la route du succès.Notamment grâce à la chanson Les trois cloches. [D.R.]TELLEMENT BESOIN

D’UN HOMME…Elle ne s’est jamais laissé charmer par un amoureux.C’est elle qui les choisissait

Un tremplin pour YvesMontandK En 1944, Piaf avait 29 ans et Yves Montand, 22 ans. Elle était maintenant la starfrançaise. Il était encore un débutant. Elle devait se produire au Moulin Rouge qui,sous l’occupation, faute d’électricité, donnait trois représentations par jour dont deuxl’après-midi, à toit ouvert. Deux jours avant sa première, elle était venue répéter etelle est arrivée alors que Montand se trouvait sur scène, occupé, lui aussi, à répéter.Après, il resta dans la salle pour écouter Piaf. Lorsqu’elle eut fini et qu’il prit sa vestepour partir, elle le héla : “Monsieur Montand, ne partez pas. Je voudrais vous parler.”Quelques minutes après, elle le prit par le bras et ils quittèrent le music-hall ensemble.Elle allait le façonner à sa manière, lui imposant surtout des cours de diction. Elle ob-tint de Henri Contet, son fiancé précédent, qu’il écrive des chansons pour Montand. Ildeviendra son parolier le plus fidèle. Battling Joe, c’est lui. Les grands boulevards,aussi.Elle imposa Montand dans le film qu’elle devait tourner, Étoiles sans lumières.L’histoire dura deux ans. Édith étant de retour, après une tournée en Alsace, Montandse précipita pour la voir. La secrétaire lui fit comprendre discrètement qu’elle était là,oui, mais pas seule… “J’ai eu du mal. J’ai mis deux ans à m’en remettre. C’était la pre-mière vraie histoire d’amour que j’ai eue dans ma vie.” raconta-t-il vingt ans plus tard.

GeorgesMoustaki :monsieurMilordK En 1958, Piaf a 42 ans. Elle a une liaison avec un homme qui tientune galerie d’art, André Schoeller, qui est marié et dont lafemme est enceinte. Piaf doit partir en tournée en Suède.Lui, malade, part en convalescence à Mégève. Peu aprèsles retrouvailles, il découvre, dans la salle de bains de Piaf,du matériel de rasage qui n’est pas le sien. Il a compris.Jusqu’alors, Piaf s’est souvent choisi des hommes de sonâge et, quelquefois, des plus vieux. Cette fois, elle a jetéson dévolu sur un Grec de 24 ans, qui écrit des chansonset que nous connaissons sous le nom de Georges Mous-taki. Il a été amené chez elle par un ami compositeur,Henri Crolla. À une copine qui le trouvait beau mais esti-mait qu’il était habillé comme un clochard, Piaf répondit :“Une fois que je lui aurais donné un bain, il va être su-perbe !” Elle l’a emmené en tournée en Suède. La suite…En septembre, ils auront ensemble un terrible accident de la routequi laissera, à Piaf, une cicatrice à la lèvre. Le fils de Marcel Cerdan

se trouvait aussi dans la voiture.Au début de 1959, Piaf emmène son Jo aux États-Unis. Elles’est remise à boire. Moustaki sera le premier homme àquitter Piaf. Elle lui en voulut longtemps, mais en ajou-tant : “Il y aura toujours quelque chose qui me fera être in-dulgente à son égard : il a choisi la bonne musique de Mi-lord.”Pendant l’été de 1958, Piaf avait demandé à Moustaki delui écrire quelques chansons. Il commençait toujours parécrire les textes. Quand Piaf a lu celui de Milord, elle vou-lut absolument le donner à sa compositrice attitrée, Mar-guerite Monnot, qui se trouvait en vacances en Belgique, àSpa. Trois semaines plus tard, la pianiste vint avec deuxmélodies différentes. Personnellement, elle préférait lapremière et Piaf aussi. Mais Moustaki défendit la

deuxième mélodie avec tellement d’acharnement que Piaf se rendità ses arguments. Ce fut la mélodie du succès.

C’est grâce à elle qu’Yves Montand a fait ses débutsau cinéma. [REPORTERS/RUE DES ARCHIVES]

Georges Moustaki avait24 ans lorsqu’il fut l’élu

du cœur d’une Piaf de 42ans. [REPORTERS]

Jacques Pills, lepremier à l’avoir

épousée [REPORTERS]

cyclistes, André Pousse (le futur acteur) puisLouis Gérardin. Le chanteur Jacques Pillsfut le premier à l’épouser, le 29 juillet 1952.Ils vivaient ensemble depuis moins de quatremois. Marlene Dietrich fut le témoin de lamariée. Le mariage ne durera guère que deuxans. Jean Dréjac, le parolier de Sous le ciel deParis prend le relais avec un défaut rédhibi-toire : il est extrêmement jaloux !

En 1956, Édith a une liaison avec son guita-riste – marié -, Jacques Liébrard. Ce qui pro-voque des tensions dans l’orchestre. En 1958,il est remplacé par un jeune chanteur, FélixMarten. Puis André Schoeller, qui exploiteune galerie d’art, qui est marié et dont lafemme est enceinte. Après, elle eut encoredeux jeunes grecs, Georges Moustaki etThéo Sarapo. Et entre les deux, un peintreaméricain, Doug Davis.

ÉdithPiaf : 50 ans après samort8

Huit d’entre eux décident de la suivre, maisils ne disposent pas du droit de garder lenom. Ils deviennent alors les Compagnons dela Chanson. Elle veut leur faire chanter unechanson à laquelle elle croit. Toujours obsé-dés par leur répertoire folklorique, ils n’enveulent pas. Elle leur dit : “Et si je la chanteavec vous, vous la prenez ?” Ça, ça ne se re-fuse pas. La chanson s’appelle Les trois clo-ches.

En 1947, elle les prend dans sa tournée enFrance, en Norvège, en Suède puis, en octo-bre, dans son premier voyage aux États-Unisoù, au départ, ils auront plus de succèsqu’elle. Ce sera le début de la fin pour Jean-Louis Jaubert. Elle a une liaison avec l’acteurJohn Garfield et elle connaît déjà un célèbreboxeur, Marcel Cerdan. Pour Piaf, la tournéequi a mal commencé s’achève en triomphe.

C’est à cette époque qu’elle fait la connais-sance de Marlene Dietrich.

Charles Aznavour fait maintenant partiede l’équipe mais lui, il ne sera jamais l’amantde Piaf. Par contre, il lui écrira Plus bleu que lebleu de tes yeux.

Six mois après la mort tragique de MarcelCerdan, le 28 octobre 1949, Édith Piaf estamoureuse d’un débutant américain. Il serale seul avec lequel Piaf ne gardera pas une re-lation d’amitié. Eddie Constantine est mariéet père d’une fille. Dans le clan Piaf, on pré-tend qu’il avait prévenu sa femme. “Je suisavec elle juste le temps qu’elle fasse de moiune vedette.” Piaf le sentait et l’humiliait. Ed-die supportait. Une fois son objectif atteint, ilretrouva femme et enfant.

Après, ce fut la valse des hommes. Dix endix ans. Elle eut deux brèves liaisons avec des

Par amour pour Jean-Louis Jaubert, Édith Piaf a conduitles Compagnons de la Chanson sur la route du succès.Notamment grâce à la chanson Les trois cloches. [D.R.]

GeorgesMoustaki :monsieurMilordK En 1958, Piaf a 42 ans. Elle a une liaison avec un homme qui tientune galerie d’art, André Schoeller, qui est marié et dont lafemme est enceinte. Piaf doit partir en tournée en Suède.Lui, malade, part en convalescence à Mégève. Peu aprèsles retrouvailles, il découvre, dans la salle de bains de Piaf,du matériel de rasage qui n’est pas le sien. Il a compris.Jusqu’alors, Piaf s’est souvent choisi des hommes de sonâge et, quelquefois, des plus vieux. Cette fois, elle a jetéson dévolu sur un Grec de 24 ans, qui écrit des chansonset que nous connaissons sous le nom de Georges Mous-taki. Il a été amené chez elle par un ami compositeur,Henri Crolla. À une copine qui le trouvait beau mais esti-mait qu’il était habillé comme un clochard, Piaf répondit :“Une fois que je lui aurais donné un bain, il va être su-perbe !” Elle l’a emmené en tournée en Suède. La suite…En septembre, ils auront ensemble un terrible accident de la routequi laissera, à Piaf, une cicatrice à la lèvre. Le fils de Marcel Cerdan

se trouvait aussi dans la voiture.Au début de 1959, Piaf emmène son Jo aux États-Unis. Elles’est remise à boire. Moustaki sera le premier homme àquitter Piaf. Elle lui en voulut longtemps, mais en ajou-tant : “Il y aura toujours quelque chose qui me fera être in-dulgente à son égard : il a choisi la bonne musique de Mi-lord.”Pendant l’été de 1958, Piaf avait demandé à Moustaki delui écrire quelques chansons. Il commençait toujours parécrire les textes. Quand Piaf a lu celui de Milord, elle vou-lut absolument le donner à sa compositrice attitrée, Mar-guerite Monnot, qui se trouvait en vacances en Belgique, àSpa. Trois semaines plus tard, la pianiste vint avec deuxmélodies différentes. Personnellement, elle préférait lapremière et Piaf aussi. Mais Moustaki défendit la

deuxième mélodie avec tellement d’acharnement que Piaf se rendità ses arguments. Ce fut la mélodie du succès.

Georges Moustaki avait24 ans lorsqu’il fut l’élu

du cœur d’une Piaf de 42ans. [REPORTERS]

cyclistes, André Pousse (le futur acteur) puisLouis Gérardin. Le chanteur Jacques Pillsfut le premier à l’épouser, le 29 juillet 1952.Ils vivaient ensemble depuis moins de quatremois. Marlene Dietrich fut le témoin de lamariée. Le mariage ne durera guère que deuxans. Jean Dréjac, le parolier de Sous le ciel deParis prend le relais avec un défaut rédhibi-toire : il est extrêmement jaloux !

En 1956, Édith a une liaison avec son guita-riste – marié -, Jacques Liébrard. Ce qui pro-voque des tensions dans l’orchestre. En 1958,il est remplacé par un jeune chanteur, FélixMarten. Puis André Schoeller, qui exploiteune galerie d’art, qui est marié et dont lafemme est enceinte. Après, elle eut encoredeux jeunes grecs, Georges Moustaki etThéo Sarapo. Et entre les deux, un peintreaméricain, Doug Davis.

Il faut être un réel amateur de boxe poursavoir qui, aujourd’hui, est le champion dumonde des poids moyens en titre. Un illus-tre inconnu ! Dans ces années-là, ce sport

générait, aux États-Unis, des paris multiples,rapportait des fortunes, surtout à la mafiaaméricaine qui contrôlait les jeux et, réguliè-rement, les matches. Pour attirer les joueurs,il fallait que les champions de boxe aient sta-tut de véritables stars. Jack Dempsey, SugarRay Robinson, Rocky Marciano avant CassiusClay (Mohamed Ali) et Mike Tyson ont tousleur nom dans la légende. Et aussi Jake La-Motta. C’est de lui qu’il s’agit ici.

En préalable, le 21 septembre 1948, unFrançais, Marcel Cerdan avait ravi le titremondial des poids moyens à un Américain,Tony Zale. Neuf mois plus tard, le 16 juin1949, ce Jake LaMotta récupérait la couronnesacrée en battant Cerdan par abandon à la10e reprise. Une revanche est programméepour le 28 septembre. Elle passionne toutel’Amérique et l’Europe avec elle. Mais La-Motta est malade et ce qui est présentécomme le combat du siècle (il y en eut biend’autres dans l’histoire de ce sport) est re-porté au 2 décembre.

Cerdan a quelques raisons de s’envolerpour les États-Unis plusieurs semaines àl’avance. La plus importante, c’est son entraî-nement. Il veut l’assurer sur place. L’autre,c’est Édith Piaf !

Cerdan est marié et père de trois enfantsqui vivent au Maroc : Marcel Junior va avoir 6ans; René a 4 ans et Paul est né le 1er octobre.Mais tout le monde, y compris probablementsa femme, sait que Marcel Cerdan est, depuisdeux ans, l’amant de la grande Piaf. Or, juste-ment, Piaf chante à New York en ce moment.Elle y est pour plusieurs mois. Sa nouvellechanson – son nouveau triomphe – estL’hymne à l’amour. “Si un jour la vie t’arrache àmoi Si tu meurs Que tu sois loin de moi…”

Il a entendu la nouvelle à la radio,mais il n’était pas sûr

de son anglais…Le 27 octobre 1949, six semaines avant son

combat, Marcel Cerdan prend l’avion à Orly. Iln’est pas la seule star à bord. Une virtuose duviolon, Ginette Neveu, 30 ans, embarqueaussi, accompagnée de son frère. Et un pein-tre de 65 ans, qui a une certaine cote, BernardBoutet de Monvel. Il y a aussi quelques jour-nalistes et une des directrices des studiosDisney.

L’avion quitte Paris à 20h45. À New York,Édith Piaf demande à son accordéoniste,Marc Bonel, et à son impresario, Loulou Bar-rier, d’aller chercher le boxeur à l’aéroport. “Jevais dormir. Réveillez-moi dès que Marcel seralà.”

En chemin, Loulou Barrier s’arrête dans unmagasin de nuit pour y acheter des films pourson appareil photo. Il ressort inquiet : il croitavoir entendu la radio annoncer qu’un avionavait disparu entre Paris et New York. Maisson anglais est imparfait, il n’est pas sûr…

À l’aéroport de La Guardia, il se confirmeraque l’appareil s’est écrasé aux Açores. Les45 personnes à bord sont toutes mortes.Lorsque les deux hommes rentrent à l’appar-

tement, Édith est toujours en train de dormir.

Ils étaient sept autour de son litLa chanteuse s’est levée à 13 h. 45 et elle a de-

mandé pourquoi on ne l’avait pas réveillée. Elleportait sur son front le masque – comme celuiqu’on donne dans les avions – qu’elle portait tou-jours pour dormir. Ils étaient sept autour d’elle.Sept amis. Elle voit leur désarroi. Mais aucunn’ose parler. C’est Loulou Barrière qui s’y risque.“Elle n’a pas hurlé sa douleur, elle a crié sa peine.”

Il est prévu qu’elle chante ce soir-là, à NewYork. Elle décide d’assumer. Elle annonce sobre-ment au public : “Ce soir, je chanterai pour Marcel

Cette fois-ci, pour lapremière fois, ce

n’est pas Édith Piafqui a eu l’initiative

de mettre fin à unerelation amoureuse.

Le destin s’en estchargé. La

chanteuse n’étaitpas taillée pour le

supporter.[REPORTERS]

“SI UN JOUR, LA VIE T’ARRACHE ÀMOI…”Malgré la mort de Marcel Cerdan, elle voulaitabsolument chanter ce soir-là

Après la mort du boxeur, Édith Piaf fit ve-nir Mme Cerdan chez elle, à Paris, ainsique les trois enfants qu’elle couvrait decadeaux. Pour eux, elle était tantôt tata

Édith, tantôt la putain de papa.Pour une fois, ce n’est pas Piaf qui a décidé

de quitter un homme. Le destin s’en est chargé.Elle ne pouvait pas le supporter. Mais DanielleBonel, qui travaillait pour Piaf, en est persua-dée : “S’il avait vécu, il lui serait sorti de sa têtecomme tous les autres.”

C’est tellement vrai qu’au début de leur rela-tion, peut-être parce que, marié, il n’était pasassez présent, elle l’avait trompé avec un ac-teur américain qui lui ressemblait un peu, JohnGarfield.

De son côté, Cerdan aurait pu, à l’annulationde la première date prévue pour la revancheavec LaMotta, rester en Amérique pendanttrois mois et vivre auprès de Piaf. Il préféra tra-verser les océans pour retrouver son épouse.La grande Édith l’avait très mal pris. Cerdanrestait attaché à sa femme et surtout à ses fils.Le troisième, d’ailleurs, a été conçu pendantl’ère Piaf. Il est né 27 jours avant la mort tragi-que du boxeur.

La situation n’était donc pas si idyllique queça. Mais tout le monde s’accorde à dire que,pour Piaf, il y eut un avant et un après MarcelCerdan. Ses démons – l’alcool et la drogue –étaient présents dans sa vie avant. Mais après,ils vont la ronger jusqu’à la faire vieillir avantl’âge et mourir à 48 ans en ayant l’air d’en avoirle double.

John Garfield,l’acteur avec qui Piaftrompa Cerdan. [D.R.]

Elle letrompait !Lors d’un séjourprécédent, il l’avait laissée,se hâtant de rentrerau Maroc, près desa femme et de ses enfants

ConfusiontragiqueK En 1949, les avionsn’arrivaient pas auxÉtats-Unis en une traite.Deux escales étaientprévues. Pour la pre-mière, aux Açores, il fai-sait mauvais temps surl’Atlantique et le com-mandant de l’avion dé-cida de dérouter son ap-pareil et d’approcher lesîles par une autre voie,l’aéroport de Santa Ma-ria. Rien que de la pru-dence.À 3 h 55 (heure de Pa-ris), il contacta la tour decontrôle : “Nous sommesà 1000 m. Dans quatreminutes, nous atterris-sons.” Puis aucune nou-velle. Au lever du jour,huit avions de recon-naissance survolèrentl’île sans la moindretrace de l’appareil dis-paru. On finit par le loca-liser sur une autre île,Sao Miguel, à 80 km deSanta Maria.L’appareil avait percutéle pic de Redondo. Les34 passagers et11 membres d’équipagefurent retrouvés carbo-nisés. C’est grâce à samontre que le corps deMarcel Cerdan fut iden-tifié.On sait parfaitement cequi s’est passé cettenuit-là. Aux Açores, lamétéo était idéale. Et onsait que si le temps avaitété mauvais, l’accidentn’aurait jamais eu lieu.Quand le commandantde vol a perçu un signalde radiophare, il fut per-suadé, conformément àla logique, que c’était lesignal de l’aéroport deSanta Maria et il an-nonça dès lors qu’il com-mençait sa descente. Enréalité, le radiophareétait celui de l’aéroportde Séville en Espagne. Ilétait tout à fait anormalde le capter à une telledistance. C’est le beautemps qui l’a permis. Il yeut confusion. Une con-fusion tragique. Le com-mandant a commencésa descente et bientôt lamontagne se dressa de-vant l’appareil.

Cerdan.”Au bout de quelques chansons – la cinquième

ou la sixième -, elle s’effondre sur scène. On doitfermer le rideau. Il ne se relèvera que trois joursplus tard.

A-t-elle, ce soir-là, chanté L’Hymne à l’amouret ce texte qui colle tellement à son actualité ?Ce n’est absolument pas certain. Les souvenirs àce sujet sont contradictoires. Ce qui est sûr, c’estqu’elle a commencé, comme chaque soir, par lachanson que les Américains attendaient entretoutes : La vie en rose. “Quand il me prend dansses bras Qu’il me parle tout bas Je vois la vie enrose…” Cela suffit déjà, quant aux émotions…

ÉdithPiaf : 50 ans après samort10

Cette fois-ci, pour lapremière fois, ce

n’est pas Édith Piafqui a eu l’initiative

de mettre fin à unerelation amoureuse.

Le destin s’en estchargé. La

chanteuse n’étaitpas taillée pour le

supporter.[REPORTERS]

“SI UN JOUR, LA VIE T’ARRACHE ÀMOI…”

Après la mort du boxeur, Édith Piaf fit ve-nir Mme Cerdan chez elle, à Paris, ainsique les trois enfants qu’elle couvrait decadeaux. Pour eux, elle était tantôt tata

Édith, tantôt la putain de papa.Pour une fois, ce n’est pas Piaf qui a décidé

de quitter un homme. Le destin s’en est chargé.Elle ne pouvait pas le supporter. Mais DanielleBonel, qui travaillait pour Piaf, en est persua-dée : “S’il avait vécu, il lui serait sorti de sa têtecomme tous les autres.”

C’est tellement vrai qu’au début de leur rela-tion, peut-être parce que, marié, il n’était pasassez présent, elle l’avait trompé avec un ac-teur américain qui lui ressemblait un peu, JohnGarfield.

De son côté, Cerdan aurait pu, à l’annulationde la première date prévue pour la revancheavec LaMotta, rester en Amérique pendanttrois mois et vivre auprès de Piaf. Il préféra tra-verser les océans pour retrouver son épouse.La grande Édith l’avait très mal pris. Cerdanrestait attaché à sa femme et surtout à ses fils.Le troisième, d’ailleurs, a été conçu pendantl’ère Piaf. Il est né 27 jours avant la mort tragi-que du boxeur.

La situation n’était donc pas si idyllique queça. Mais tout le monde s’accorde à dire que,pour Piaf, il y eut un avant et un après MarcelCerdan. Ses démons – l’alcool et la drogue –étaient présents dans sa vie avant. Mais après,ils vont la ronger jusqu’à la faire vieillir avantl’âge et mourir à 48 ans en ayant l’air d’en avoirle double.

John Garfield,l’acteur avec qui Piaftrompa Cerdan. [D.R.]

Elle letrompait !Lors d’un séjourprécédent, il l’avait laissée,se hâtant de rentrerau Maroc, près desa femme et de ses enfants

ConfusiontragiqueK En 1949, les avionsn’arrivaient pas auxÉtats-Unis en une traite.Deux escales étaientprévues. Pour la pre-mière, aux Açores, il fai-sait mauvais temps surl’Atlantique et le com-mandant de l’avion dé-cida de dérouter son ap-pareil et d’approcher lesîles par une autre voie,l’aéroport de Santa Ma-ria. Rien que de la pru-dence.À 3 h 55 (heure de Pa-ris), il contacta la tour decontrôle : “Nous sommesà 1000 m. Dans quatreminutes, nous atterris-sons.” Puis aucune nou-velle. Au lever du jour,huit avions de recon-naissance survolèrentl’île sans la moindretrace de l’appareil dis-paru. On finit par le loca-liser sur une autre île,Sao Miguel, à 80 km deSanta Maria.L’appareil avait percutéle pic de Redondo. Les34 passagers et11 membres d’équipagefurent retrouvés carbo-nisés. C’est grâce à samontre que le corps deMarcel Cerdan fut iden-tifié.On sait parfaitement cequi s’est passé cettenuit-là. Aux Açores, lamétéo était idéale. Et onsait que si le temps avaitété mauvais, l’accidentn’aurait jamais eu lieu.Quand le commandantde vol a perçu un signalde radiophare, il fut per-suadé, conformément àla logique, que c’était lesignal de l’aéroport deSanta Maria et il an-nonça dès lors qu’il com-mençait sa descente. Enréalité, le radiophareétait celui de l’aéroportde Séville en Espagne. Ilétait tout à fait anormalde le capter à une telledistance. C’est le beautemps qui l’a permis. Il yeut confusion. Une con-fusion tragique. Le com-mandant a commencésa descente et bientôt lamontagne se dressa de-vant l’appareil.

Cerdan.”Au bout de quelques chansons – la cinquième

ou la sixième -, elle s’effondre sur scène. On doitfermer le rideau. Il ne se relèvera que trois joursplus tard.

A-t-elle, ce soir-là, chanté L’Hymne à l’amouret ce texte qui colle tellement à son actualité ?Ce n’est absolument pas certain. Les souvenirs àce sujet sont contradictoires. Ce qui est sûr, c’estqu’elle a commencé, comme chaque soir, par lachanson que les Américains attendaient entretoutes : La vie en rose. “Quand il me prend dansses bras Qu’il me parle tout bas Je vois la vie enrose…” Cela suffit déjà, quant aux émotions…

Le boulevard Lannes où habitait Édith Piaf longe le péri-phérique à proxmité de la Porte Dauphine. L’immeublede maître du 67 bis, où elle occupait depuis 1953 unrez-de-chaussée avec jardin, était protégé par une grille

soutenue par des panneaux de bambous. Piaf y vivait à l’abrides regards des passants.

L’autre indispensable, lors d’un pèlerinage Piaf à Paris, estévidemment sa tombe, simple, en pierre grise, au cimetièredu Père Lachaise.

À la mort de Piaf, ses proches constatèrent qu’elle n’avaitlaissé aucune disposition. En fouillant, sa secrétaire appritqu’après la mort de son père, en 1944, la chanteuse avait faitconstruire un caveau au Père Lachaise. Elle y avait fait rame-ner les cercueils de son père et de sa petite fille, Cécelle,morte à l’âge de 2 ans, en 1935. On estima qu’il convenaitque la vedette repose, elle aussi, dans ce caveau. Le corps deThéo Sarapo y fut amené après son accident mortel, en1970.

Sur le côté, l’inscription indique le nom de femme mariéede Piaf, Madame Lamboukas, dite Édith Piaf, 1915-1963. Deface, en lettres dorées, ses initiales et son nom de jeune filleet celui de chanteuse : Famille Gassion-Piaf. Sur la droite,juste à côté, se trouve la tombe de Henri Salvador.

La chanteuse avaitfait transférer dansce caveau les corps

de son père et de safille. Pas celui de sa

mère. [REPORTERS]

Près de sonpère, de sa filleet de ThéoOctobre 1983 : un pèlerinage dansParis pour les vingt ans

Son frère a vécu àBruxelles et il lisait la DH

K Piaf avait une demi-sœur qu’elle préférait ne pas voir et unfrère – même mère, officiellement même père, mais livré àl’Assistance Publique dès sa naissance en août 1918 – à quielle a écrit des lettres qui n’étaient pas dénuées de tendresse.Hebert Gassion, le frère de Piaf a néanmoins mené une jeu-nesse difficile. Il a commis quelques casses, a fait de la prison.Puis il s’est rangé.Il avait 45 ans à la mort de sa sœur et on l’a vu actif, parmi lesamis de Piaf qui, aux anniversaires, venaient lui rendre hom-mage. En 1983, au sortir de la messe des vingt ans, il se préci-pita vers un homme qui venait de le photographier : “Qu’est-ceque je vous ai fait ?” Le gaillard restait éberlué et sans paroles.Hebert Gassion éclata de rire. Un espiègle. Ça tient de fa-mille…Il nous a raconté, ce jour-là, qu’il avait vécu pendant trois ansà Bruxelles, entre 1945 et 1948. “Je vivais à Schaerbeek. Je te-nais un cabaret à la Porte Louise. Et je lisais La Dernière Heure !C’était le temps où Achille Van Acker était Premier ministre. Ilzézayait. Il y avait alors une crise du charbon et il ne rataitaucune occasion de répéter : “Nous zaurons du zarbon !”Qu’est-ce que cela nous faisait rire…”Herbert Gassion est décédé voici une dizaine d’années.

Danielle, sa secrétaire, av ait épousé l’accordéonisteK Le 10 octobre 1963, Édith Piaf et morte dans les bras de sa secré-taire, Danielle Bonel. Elle ne fut pas la première à occuper l’emploi.La première secrétaire de Piaf avait été une aspirante comédiennequi était encore, à l’époque, aux cours. Elle s’appelait Suzanne Flon.Celle du film La Boum.Mais Danielle Bonel connaissait Piaf depuis le triomphe qui allait enfaire une vedette, en 1937 à l’ABC. “J’étais danseuse, dans le pro-gramme; j’avais admiré la voix de Piaf mais je la voyais comme une es-pèce d’anarchiste. Ce n’était pas du tout le genre de femmes que je fré-quentais. Je n’imaginais pas qu’on puisse devenir amies. Mais c’est cequi s’est passé et j’ai quitté la danse pour entrer à son service.”Un jour, l’accordéoniste de Piaf, Marc Bonel, révéla à la chanteuseque cette petite secrétaire lui plaisait beaucoup. “Si tu l’aimes, nepasse pas à côté de ça.” Elle fut le témoin de leur mariage.Lui, il avait vu Édith Piaf lorsqu’elle n’avait que 10 ans et que sonpère faisait le contorsionniste sur la place de la Bastille. “Cettefemme n’aimait que deux choses : chanter et rire. Elle avait besoin degens autour d’elle. Elle savait qu’elle vivait entourée de parasites, maisça l’amusait. “Ils ont connu tous les hommes de Piaf : “Elle ne pouvait aimer unhomme que si elle sentait quelque chose en lui. Alors, il entrait dans savie et elle l’aidait. Quand il était capable de voler de ses propres ailes, ilcessait de l’intéresser. Même son mariage avec Théo Sarapo n’auraitpas duré parce qu’il commençait à bien se débrouiller. Pourtant, lui, ill’aimait; ça n’était pas du tout le gigolo qu’on a parfois décrit.”Marc Bonel est décédé en 2002 et Danielle en avril 2012.

Marc Bonel, l’accordéoniste, avait vu Piaf quandelle était petite fille. Danielle, son épouse, était

danseuse à l’ABC en 1937. [D.R.]

Jacqueline Boyerétait sa belle-fille

K Avant Théo Sarapo, Édith Piaf ne s’est mariée qu’une seulefois, en 1952, avec le chanteur Jacques Pills. Il était alors divorcéd’une autre grande interprète, Lucienne Boyer, qui avait triom-phé avec Parlez-moi d’amour. Leur fille, Jacqueline Boyer, allaitaussi connaître, en 1960, un immense succès avec Tom Pilipi.Mais à l’époque du remariage de papa, elle n’avait que onze anset Édith Piaf fut sa belle-mère. Elle nous avait parlé d’elle, lorsd’une interview en 1984 : “Ma mère travaillait beaucoup. Par con-tre, lorsque son chef d’orchestre, Frank Pourcel, arrivait à l’heureoù elle devait cuisiner, le repas passait avant la chanson et c’estmoi qui, dans ces cas-là, reprenais avec les musiciens. Avec Piaf,cela aurait été inimaginable. Elle était pointilleuse. Pour préparerun tour de chant, elle répétait tous les jours, en se regardant de-vant une glace, en étudiant chaque geste et en choisissant les lu-mières. Ça se passait surtout la nuit. Piaf ne pouvait pas dormir lanuit. Elle me demandait de rester avec elle jusqu’au matin. Je mesouviens que j’étais épuisée.”Aujourd’hui, Jacqueline Boyer est présidente du Club des Amisd’Édith Piaf.

Des robes de grandepoupée : Piaf nemesurait que 1,47m.K À deux pas du cimetière du Père Lachaise, métro Ménimontant,le petit musée Édith Piaf ne communique pas son adresse pourune raison fort simple : on n’y vient que sur rendez-vous (BernardMarchois, conservateur, 0033 1 43 55 52 72) et l’après-midi, en-tre 13 h et 15 h.L’endroit avait été inauguré le 6 juillet 1977, à l’initiative d’unClub des Amis d’Édith Piaf lancé par le réalisateur de cinéma Mar-cel Blistène qui l’avait dirigée dans trois films.Aujourd’hui, ce club existe toujours. Il est présidé par la chan-teuse Jacqueline Boyer, qui avait été la belle-fille de Piaf. CharlesDumont et le chanteur des Compagnons de la Chanson, FredMella, en sont des chevilles ouvrières très actives.Le musée, lui, n’est pas très grand. Deux pièces. On y voit de nom-breuses photos, des tableaux qui représentent Piaf, plusieurs af-fiches de films et de spectacles, mais surtout des lettres manus-crites qui attestent de l’écriture, très raffinée et très jolie, decette femme pourtant sortie de la rue. C’est que Piaf écrivaitcomme elle chantait : avec son cœur.Sur des mannequins, des robes de Piaf. Des robes minuscules.Des robes pour ainsi dire de grandes poupées. C’est que la plusgrande des chanteuses ne mesurait que 1 m 47.Il y a deux robes de scène. Une en velours date de 1945. L’autreétait celle du Bobino de 1963, réalisée en plu-sieurs tissus, avec notamment de la soie.Le musée a aussi une robe de cocktail que Piafa portée aux États-Unis. Et deux robes de cham-bre, une rouge et une noire, du même modèle.C’était son habitude. Lorsqu’un vêtement lui plaisait, elle s’en fai-sait faire plusieurs, identiques. Seule la couleur changeait.

Une verrière ArtNouveau à l’entrée

du 67 bis boulevardLannes. Édith Piafoccupait le rez-de-

chaussée. [D.R.]

1983

19841993

ÉdithPiaf : 50 ans après samort12

Le boulevard Lannes où habitait Édith Piaf longe le péri-phérique à proxmité de la Porte Dauphine. L’immeublede maître du 67 bis, où elle occupait depuis 1953 unrez-de-chaussée avec jardin, était protégé par une grille

soutenue par des panneaux de bambous. Piaf y vivait à l’abrides regards des passants.

L’autre indispensable, lors d’un pèlerinage Piaf à Paris, estévidemment sa tombe, simple, en pierre grise, au cimetièredu Père Lachaise.

À la mort de Piaf, ses proches constatèrent qu’elle n’avaitlaissé aucune disposition. En fouillant, sa secrétaire appritqu’après la mort de son père, en 1944, la chanteuse avait faitconstruire un caveau au Père Lachaise. Elle y avait fait rame-ner les cercueils de son père et de sa petite fille, Cécelle,morte à l’âge de 2 ans, en 1935. On estima qu’il convenaitque la vedette repose, elle aussi, dans ce caveau. Le corps deThéo Sarapo y fut amené après son accident mortel, en1970.

Sur le côté, l’inscription indique le nom de femme mariéede Piaf, Madame Lamboukas, dite Édith Piaf, 1915-1963. Deface, en lettres dorées, ses initiales et son nom de jeune filleet celui de chanteuse : Famille Gassion-Piaf. Sur la droite,juste à côté, se trouve la tombe de Henri Salvador.

La chanteuse avaitfait transférer dansce caveau les corps

de son père et de safille. Pas celui de sa

mère. [REPORTERS]

Près de sonpère, de sa filleet de ThéoOctobre 1983 : un pèlerinage dansParis pour les vingt ans

KKKK

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Danielle, sa secrétaire, av ait épousé l’accordéoniste

Marc Bonel, l’accordéoniste, avait vu Piaf quandelle était petite fille. Danielle, son épouse, était

danseuse à l’ABC en 1937. [D.R.]

Des robes de grandepoupée : Piaf nemesurait que 1,47m.K À deux pas du cimetière du Père Lachaise, métro Ménimontant,le petit musée Édith Piaf ne communique pas son adresse pourune raison fort simple : on n’y vient que sur rendez-vous (BernardMarchois, conservateur, 0033 1 43 55 52 72) et l’après-midi, en-tre 13 h et 15 h.L’endroit avait été inauguré le 6 juillet 1977, à l’initiative d’unClub des Amis d’Édith Piaf lancé par le réalisateur de cinéma Mar-cel Blistène qui l’avait dirigée dans trois films.Aujourd’hui, ce club existe toujours. Il est présidé par la chan-teuse Jacqueline Boyer, qui avait été la belle-fille de Piaf. CharlesDumont et le chanteur des Compagnons de la Chanson, FredMella, en sont des chevilles ouvrières très actives.Le musée, lui, n’est pas très grand. Deux pièces. On y voit de nom-breuses photos, des tableaux qui représentent Piaf, plusieurs af-fiches de films et de spectacles, mais surtout des lettres manus-crites qui attestent de l’écriture, très raffinée et très jolie, decette femme pourtant sortie de la rue. C’est que Piaf écrivaitcomme elle chantait : avec son cœur.Sur des mannequins, des robes de Piaf. Des robes minuscules.Des robes pour ainsi dire de grandes poupées. C’est que la plusgrande des chanteuses ne mesurait que 1 m 47.Il y a deux robes de scène. Une en velours date de 1945. L’autreétait celle du Bobino de 1963, réalisée en plu-sieurs tissus, avec notamment de la soie.Le musée a aussi une robe de cocktail que Piafa portée aux États-Unis. Et deux robes de cham-bre, une rouge et une noire, du même modèle.C’était son habitude. Lorsqu’un vêtement lui plaisait, elle s’en fai-sait faire plusieurs, identiques. Seule la couleur changeait.

Une verrière ArtNouveau à l’entrée

du 67 bis boulevardLannes. Édith Piafoccupait le rez-de-

chaussée. [D.R.]

Le pianiste Norbert Glanzberg était Juif etÉdith Piaf l’avait caché et protégé autantque possible au début de la guerre. Ilavait été son amant. Tout ceci crée des

liens.Après la Libération, il partit accompagner

Charles Trenet mais, au cours d’une gardenparty, à Nice, il avait pianoté un air qui plaisaitbeaucoup à Piaf. C’était celui de Padam Pa-dam.

Mais Piaf apprit, un peu plus tard, que Tre-net allait enregistrer cette chanson et il avaitd’ailleurs fait le texte, Tournons Tournons Tour-nous. Colère de Piaf qui rattrapa Trenet dansun hôtel, à Lyon, et du haut de son mètre 46,

elle le coinça entre deux portes : “Qu’as-tu faitde la musique de Norbert ? Je vais te le dire : tul’as volée ! tu l’as vendue !”

Trenet n’a pas insisté. “Si Norbert veut récu-pérer sa musique, qu’il la reprenne. Une chansonde plus, une chanson de moins, ce n’est pas çaqui va empêcher la terre de tourner.”

Presque par la force des biceps, Piaf récu-péra la chanson. Cependant, elle mit encorequelques années avant de l’enregistrer. Elle netrouvait pas le texte qui lui convienne. C’estHenri Contet qui finit par trouver.

En juin 1966, en visite officielle en Union So-viétique, le général de Gaulle fut reçu auKremlin au rythme de cette musique.

Piaf a repéré Aznavourdix ans avant les autres.

[REPORTERS/RUE DES

ARCHIVES]

PADAM : À DEUX DOI GTS DE FRAPPER TRENET

Charles Dumont ne regrette rienK “Non Rien de rien Non Je ne regrette rien”… La chanson a été amenée à Édith Piafpar Charles Dumont. “Avec le recul, je me dis que c’est extraordinaire que j’ai pudonner cette chanson à Édith : elle ne m’avait pas en odeur de sainteté. Trois fois, jem’étais fait jeter. Michel Vaucaire, qui avait fait les paroles de la chanson, avait eu unrendez-vous par Danielle Bonel, la femme de confiance d’Édith qu’il avait eue au télé-phone. Quand Piaf a su qui avait fait la musique, elle lui a demandé d’annuler le ren-dez-vous. Mais il n’y avait pas de GSM à l’époque et Danielle Bonel n’a pas réussi àjoindre Vaucaire. Et donc nous y sommes allés, le 5 octobre 1960, à 17 h, au 67 Bld deLasnes. À l’entrée, Danielle Bonel était très ennuyée. “Vous n’avez pas reçu mesmessages pour annuler le rendez-vous ?” J’entends encore la voix de Piaf qui luicrie : “Bon ! Ben, puisqu’ils sont là, qu’ils entrent…” Elle nous a reçus. Et quand je luiai joué Je ne regrette rien, elle m’a dit tout de suite : “Jeune homme, ne vous inquié-tez plus pour votre avenir ! Cette chanson fera le tour du monde.” Après, en deuxans, je lui ai composé une trentaine de chansons. Elle en a enregistré 26 ou 27.”Parmi lesquelles Mon Dieu et Les amants (“Quand les amants entendront Cettechanson qui nous ressemble…”)

Elle achanté…enwallonK Charles Aznavour estdevenu une vedettegrâce à sa chanson Surma vie, en 1955. Il étaitdéjà dans le girond’Édith Piaf en 1946 et,parmi les chansonsqu’elle lui doit, il y a sur-tout Plus bleu que le bleude tes yeux. Dont Azna-vour avait fait, en 1997,une version en duo vir-tuel. Il nous en avaitparlé à l’époque : “Àl’époque où j’ai écrit cettechanson, Piaf étaitamoureuse d’un coureurcycliste aux yeux bleus.(Louis Gérardin). Lors-qu’elle m’entendit fre-donner le début de cettechanson, elle m’a de-mandé de la terminerpour elle. J’en ai fait unduo qui était effective-ment virtuel puisqu’Édithet moi, nous ne l’avonsjamais enregistrée en-semble. Mais cela auraitpu ! Nous avons faitbeaucoup de duos en-semble, sur scène, en té-lévision et surtout dansla voiture. Dans un théâ-tre de Namur, il nous estmême arrivé de chanterensemble Leyim plorez.En wallon !”

L’hymne àCerdanK “Peu m’importe Si tum’aimes Je me fous dumonde entier…” Ces mots,et tous ceux de la chan-son, Édith Piaf les a écritselle-même. Elle a grandidans la rue mais elle écri-vait remarquablement.Même ses lettres ordinai-res.La musique de cettechanson est de sa pia-niste préférée, Margue-rite Monnot. Mais, apriori, Piaf ne se la desti-nait pas. Durant l’été de1949, Piaf avait fait unetournée au Proche-Orientet, à Beyrouth, elle avaitrencontré la chanteuseYvette Giraud qui lui avaitdemandé de lui faire unechanson. Ce fut Hymne àl’amour.Il était prévu qu’YvetteGiraud l’enregistred’abord. Tout au plus, Piafl’avait mise à son réper-toire à New York. Après lamort de Cerdan, Piaf me-sure la dimension quasi-ment prémonitoire de sontexte. “Si un jour La viet’arrache à moi Si tumeurs Que tu sois loin demoi…” Elle demanda àYvette Giraud de ne paschanter Hymne à l’amour.Piaf souhaitait que celareste leur chanson, à Cer-dan et à elle. Yvette Gi-raud finit par la prendre àson répertoire. Mais en1963, à la mort d’Édith.

Marguerite Monnot : Piaf lui doitles musiques de Mon légionnaire,

Milord et surtout Hymne àl’amour. [D.R.]

Un accordéonisteEn 1940, Michel Emer, 34 ans, n’avait jamais tra-vaillé avec Piaf. Pianiste, passionné de jazz et,présentement soldat, il avait déjà écrit des chan-sons pour Jean Sablon et Tino Rossi. Mais cet Ac-cordéoniste qu’il a écrite dans un dortoir de l’ar-mée lui semble taillée à la mesure de Piaf. Avecses relations, il lui est facile d’obtenir son nu-méro de téléphone. Il l’appelle pour solliciter unrendez-vous. C’est non !Michel Emer insiste et finit par jouer le pathos.Dans le style : “Je pars à la guerre et vous, vous nevoulez même pas me donner une chance !”Ça marche ! Piaf le reçoit ! Non seulement, ellecrée L’Accordéoniste dès lemois suivant à Bobino,mais elle ne lâchera plus son auteur et lui pren-dra 26 chansons.

“J’ai écrit une chanson un peu tarte”K “Quand tu me prends dans tes bras Tu me parles tout bas…” La vie enrose fut, pour Édith Piaf, le passeport pour l’Amérique. De toutes seschansons, c’est celle qui a eu le plus de succès là-bas. Elle fut commencéependant l’Occupation au départ d’une petite idée de Piaf : “Quand je voisles choses en rose…” Édith se trouvait alors chez une amie, Marianne Mi-chel, qui exploitait un cabaret près des Champs-Élysées, qui chantait el-le-même et qui lui avait demandé de lui écrire une chanson. C’est sur unenappe que Piaf nota ses premières idées. Marianne Michel lui suggéra deremplacer “les choses” par “la vie”. Pour le reste, Piaf fit la chanson touteseule, paroles et musique. Elle demanda à son amie Marguerite Monnotde la retranscrire. Manifestement, elle n’était pas pressée de la chanter.D’abord, Marianne Michel la lança dans son cabaret. Mais sans l’inten-tion d’en faire un disque. Un jour, sur les Champs-Élysées, près du Fou-quet’s, Piaf croisa Roland Gerbeau, qui était lui aussi chanteur. “Elle m’adit qu’elle avait écrit une chanson qu’elle trouvait un peu tarte pour elle.

Mais si je la désirais, je pouvais l’avoir. “Roland Gerbeau fut le premier à l’enregistrer. Marianne Michel le fit en-suite. Finalement, Édith Piaf se décida et fut la troisième à la mettre surdisque. C’était le 9 octobre 1946. La chanson n’était toujours pas proté-gée par la Sacem, la société des droits d’auteurs. Louiguy, compositeurde musiques de films, accompagnant Piaf occasionnellement, lui fit re-marquer que ça n’était pas prudent. C’est lui qui déposa la chanson : en-registrant Piaf comme auteur du texte, il mit son nom pour la musique.Piaf était d’accord. De toute façon, personne n’imaginait qu’elle rappor-terait des millions.Une autre chanson de Piaf, peu connue chez nous, Le chevalier de Paris, afait un malheur aux États-Unis. Pas dans sa version originale. Mais dansune adaptation, When the world was young, que fit Bing Crosby aprèsl’avoir entendue à Paris. Sinatra, Nat King Cole et Aretha Franklin l’ontreprise aussi.

ÉdithPiaf : 50 ans après samort14

Piaf a repéré Aznavourdix ans avant les autres.

[REPORTERS/RUE DES

ARCHIVES]

PADAM : À DEUX DOI GTS DE FRAPPER TRENET

Charles Dumont ne regrette rienK “Non Rien de rien Non Je ne regrette rien”… La chanson a été amenée à Édith Piafpar Charles Dumont. “Avec le recul, je me dis que c’est extraordinaire que j’ai pudonner cette chanson à Édith : elle ne m’avait pas en odeur de sainteté. Trois fois, jem’étais fait jeter. Michel Vaucaire, qui avait fait les paroles de la chanson, avait eu unrendez-vous par Danielle Bonel, la femme de confiance d’Édith qu’il avait eue au télé-phone. Quand Piaf a su qui avait fait la musique, elle lui a demandé d’annuler le ren-dez-vous. Mais il n’y avait pas de GSM à l’époque et Danielle Bonel n’a pas réussi àjoindre Vaucaire. Et donc nous y sommes allés, le 5 octobre 1960, à 17 h, au 67 Bld deLasnes. À l’entrée, Danielle Bonel était très ennuyée. “Vous n’avez pas reçu mesmessages pour annuler le rendez-vous ?” J’entends encore la voix de Piaf qui luicrie : “Bon ! Ben, puisqu’ils sont là, qu’ils entrent…” Elle nous a reçus. Et quand je luiai joué Je ne regrette rien, elle m’a dit tout de suite : “Jeune homme, ne vous inquié-tez plus pour votre avenir ! Cette chanson fera le tour du monde.” Après, en deuxans, je lui ai composé une trentaine de chansons. Elle en a enregistré 26 ou 27.”Parmi lesquelles Mon Dieu et Les amants (“Quand les amants entendront Cettechanson qui nous ressemble…”)

Elle achanté…enwallonK Charles Aznavour estdevenu une vedettegrâce à sa chanson Surma vie, en 1955. Il étaitdéjà dans le girond’Édith Piaf en 1946 et,parmi les chansonsqu’elle lui doit, il y a sur-tout Plus bleu que le bleude tes yeux. Dont Azna-vour avait fait, en 1997,une version en duo vir-tuel. Il nous en avaitparlé à l’époque : “Àl’époque où j’ai écrit cettechanson, Piaf étaitamoureuse d’un coureurcycliste aux yeux bleus.(Louis Gérardin). Lors-qu’elle m’entendit fre-donner le début de cettechanson, elle m’a de-mandé de la terminerpour elle. J’en ai fait unduo qui était effective-ment virtuel puisqu’Édithet moi, nous ne l’avonsjamais enregistrée en-semble. Mais cela auraitpu ! Nous avons faitbeaucoup de duos en-semble, sur scène, en té-lévision et surtout dansla voiture. Dans un théâ-tre de Namur, il nous estmême arrivé de chanterensemble Leyim plorez.En wallon !”

Un accordéonisteEn 1940, Michel Emer, 34 ans, n’avait jamais tra-vaillé avec Piaf. Pianiste, passionné de jazz et,présentement soldat, il avait déjà écrit des chan-sons pour Jean Sablon et Tino Rossi. Mais cet Ac-cordéoniste qu’il a écrite dans un dortoir de l’ar-mée lui semble taillée à la mesure de Piaf. Avecses relations, il lui est facile d’obtenir son nu-méro de téléphone. Il l’appelle pour solliciter unrendez-vous. C’est non !Michel Emer insiste et finit par jouer le pathos.Dans le style : “Je pars à la guerre et vous, vous nevoulez même pas me donner une chance !”Ça marche ! Piaf le reçoit ! Non seulement, ellecrée L’Accordéoniste dès lemois suivant à Bobino,mais elle ne lâchera plus son auteur et lui pren-dra 26 chansons.

Quarante annéesde grandes chansonsK 1935 Les mômes de la cloche (premier disque)K 1937 Mon légionnaireK 1940 L’accordéonisteK 1946 La vie en rose; Les trois cloches (avec les Compa-gnons de la Chanson)K 1948 Les amants de ParisK 1950 Hymne à l’amourK 1951 Padam Padam; Plus bleu que tes yeux, JezebelK 1953 Johnny tu n’es pas un angeK 1954 La goualante du pauvre Jean; Sous le ciel de ParisK 1955 L’accordéonisteK 1956 Les amants d’un jour; L’homme à la motoK 1957 La fouleK 1959 MilordK 1960 Non Je ne regrette rien; Mon DieuK 1961 Les amants (avec Charles Dumont)K 1962 À quoi ça sert l’amour ? (avec Théo Sarapo)K 1963 L’homme de Berlin (dernier enregistrement)

En 50 datesK 19 décembre 1915 Naissance d’Édith Gassion.K 1922 Elle est élevée par sa grand-mère qui tient unemaison close à Bernay, en Normandie.K 1925 Son père la reprend. Il est artiste dans les cir-ques et dans les rues. Elle l’accompagne.K 1930 À 15 ans, avec son amie Momone (Simone Ber-teaut), elle commence une carrière de chanteuse de rue.K 11 février 1933 À 17 ans, elle est maman d’une petiteMarcelle dite Cécelle.K 7 juillet 1935 Mort de sa fille. Elle a 2 ans.K Automne 1935 Elle est découverte, en rue, par LouisLeplée et est engagée dans son cabaret Le Gerny’sK 5 novembre 1935 Chez Polydor, Jacques Canetti l’in-vite à un essai d’enregistrement pour la maison de dis-ques Polydor.K 18 décembre 1935 Enregistrement de son premierdisque. Un 78-tours : Les mômes de la cloche.K 6 avril 1936 Assassinat de Louis Leplée.K janvier 1937 Enregistrement de Mon légionnaire, sonpremier succès.K mars 1937 Triomphe à l’ABC. Elle est une vedetteK 1940 Avec Paul Meurisse, elle crée, au théâtre desBouffes Parisiennes, Le bel indifférent, de Jean Cocteau.K 1941 Elle est la vedette d’un film, Montmartre-sur-Seine, avec Jean-Louis Barrault et Paul Meurisse.K 3 mars 1944 Décès de son pèreK 6 février 1945 Décès de sa mèreK 1946 Elle tourne Étoile sans lumière avec Yves Mon-tand dont c’est le premier film.K Octobre 1947 Première tournée aux États-Unis.K Août 1948 Deuxième tournée aux États-UnisK Août 1949 Nouveau départ pour New YorkK 28 octobre 1949 Mort de Marcel Cerdan, 33 ans.K 10 mars 1951 Comédie musicale La p’tite Lily à l’ABC.Avec Robert Lamoureux.K Été 1951 Accident de voiture. Le début de son accou-tumance à la morphine.K 29 juillet 1952 Piaf se marie ! Elle épouse JacquesPills.K 1954 Tournée avec un cirqueK 27 janvier 1955 Débuts à l’OlympiaK 4 janvier 1956 Premier récital au Carnegie Hall deNew YorkK 24 mai 1956 OlympiaK 6 février 1958 Deux mois à l’Olympia où elle crée LafouleK 1958 Tournée aux États-Unis, au Canada, aux Caraï-bes, au Brésil et en Argentine.K 19 février 1959 Malaise sur scène à New York et hos-pitalisation. Début du vieillissement précoce.K 1959 Les Amants de demain sera son huitième et der-nier film.K 28 décembre 1960 Olympia, pendant trois moisK juin 1960 Deux jours dans le comaK 27 septembre 1960 Olympia. Elle y crée À quoi ça sertl’amour avec Théo Sarapo.K 9 octobre 1962 Elle épouse Théo SarapoK 21 février 1963 Trois semaines à BobinoK 31 mars 1963 Le dernier spectacle de sa vie, à l’Opérade LilleK 10 avril 1963 Hospitalisation à ParisK 31 mai Convalescence à Saint-Jean-Cap-FerratK 1er août 1963 Installation à MouginsK 23 août 1963 Arrivée à GrasseK 10 octobre 1963 Mort d’Édith Piaf à GrasseK 11 octobre 1963 Annonce du décès et mort de JeanCocteau à Paris

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ÉdithPiaf : 50 ans après samort16