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Richard Carter Sommaire : Cet essai discute de I’autonomie financibre des localitks qu6b6coises. L’auteur souligne que m&mesi la reforme de la fiscalitk municipale (Loi 57) a atteint ses objectifs, le degrk d’autonomie financihre des localitks au Qukbec demeure un des plus faibles en Amhrique du Nord. PIusieurs scharios sont pr6- sent& dans I’optique d‘une plus grande d6centralisation des pouvoirs de finance- ment et de dkpense au QuBbec. Abstract: This paper focuses on the degree of financial independence of local governments in the province of Quebec. The author shows that even if the Municipal Finance Reform (Bill 57) succeeded in achieving its goals, the level of financial dependence of local governments in Quebec remains among the highest in North America. Scenarios for further decentralization of financing and spending powers in Quebec are then briefly investigated. “... N’est-ce pas une chose vhritablement stupkfiante de voir une nation, plusieurs nations, toute I’humanitk bientdt, dire 1 ses sages, 1 ses sorciers : “Je vous aime- rai et je vous ferai grands, si vous me persuade2 que nous progressons sans le vouloir, inCvitablement - en dormant; dbbarrassez-vous de la responsabilitk, voilez pour nous I’humiliation des comparaisons, sophistiquez l’histoire, et vous pourrez vous appeler les sages des sages’.” Charles Beaudelaire Vers une plus grande decentrali- sation du financement gouverne- mental au Quebec Introduction : le debat de la decentralisation La dernihe dkcennie fut marquee par une vaste remise en question du partage des dkpenses et des capacitks fiscales entre les differents paliers de gouvernement au Canada. Qu’il s’agisse du dkbat constitutionnel et des arrangements fiscaux concernant le partage des pouvoirs entre le gouver- nement fkdkral et les provinces ou qu’il s’agisse du debat sur la dhcentrali- sation municipale au Qukbec, la question du partage des pouvoirs a 6tk et demeure au premier plan de la s c h e politique. L’auteur est professeur h l’Ecole nationale Cadministration publique, h QuBbec. 1 Club du libraire, 1958. Notes liminaires h la traduction du ScarabSe D’Or, d’Edgard Allan Poe, Le livre du CANADIAN PUBLIC ADMINISTRATION / ADMINISTRATION PUBLIQUE DU CANADA VOLUME 28, NO. 1 (SPRING/PRINTEMPS 19851, PP. 47-69.

Vers une plus grande décentralisation du financement gouverne-mental au Québec

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Page 1: Vers une plus grande décentralisation du financement gouverne-mental au Québec

Richard Carter

Sommaire : Cet essai discute de I’autonomie financibre des localitks qu6b6coises. L’auteur souligne que m&me si la reforme de la fiscalitk municipale (Loi 57) a atteint ses objectifs, le degrk d’autonomie financihre des localitks au Qukbec demeure un des plus faibles en Amhrique du Nord. PIusieurs scharios sont pr6- sent& dans I’optique d‘une plus grande d6centralisation des pouvoirs de finance- ment et de dkpense au QuBbec.

Abstract: This paper focuses on the degree of financial independence of local governments in the province of Quebec. The author shows that even if the Municipal Finance Reform (Bill 57) succeeded in achieving its goals, the level of financial dependence of local governments in Quebec remains among the highest in North America. Scenarios for further decentralization of financing and spending powers in Quebec are then briefly investigated.

“... N’est-ce pas une chose vhritablement stupkfiante de voir une nation, plusieurs nations, toute I’humanitk bientdt, dire 1 ses sages, 1 ses sorciers : “Je vous aime- rai et je vous ferai grands, si vous me persuade2 que nous progressons sans le vouloir, inCvitablement - en dormant; dbbarrassez-vous de la responsabilitk, voilez pour nous I’humiliation des comparaisons, sophistiquez l’histoire, et vous pourrez vous appeler les sages des sages’.”

Charles Beaudelaire

Vers une plus grande decentrali- sation du financement gouverne- mental au Quebec

Introduction : le debat de la decentralisation

La dernihe dkcennie fut marquee par une vaste remise en question du partage des dkpenses et des capacitks fiscales entre les differents paliers de gouvernement au Canada. Qu’il s’agisse du dkbat constitutionnel et des arrangements fiscaux concernant le partage des pouvoirs entre le gouver- nement fkdkral et les provinces ou qu’il s’agisse du debat sur la dhcentrali- sation municipale au Qukbec, la question du partage des pouvoirs a 6tk et demeure au premier plan de la s c h e politique.

L’auteur est professeur h l’Ecole nationale Cadministration publique, h QuBbec. 1 Club du libraire, 1958.

Notes liminaires h la traduction du ScarabSe D’Or, d’Edgard Allan Poe, Le livre du

CANADIAN PUBLIC ADMINISTRATION / ADMINISTRATION PUBLIQUE DU CANADA VOLUME 28, NO. 1 (SPRING/PRINTEMPS 19851, PP. 47-69.

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A l’kchelle municipale, plusieurs changements furent introduits au Quk- bec depuis la prksentation du rapport du groupe de travail sur l’urbanisa- tion (Rapport Castonguay)2. On notera en particulier l’introduction de la Loi 125 qui crka les Municipalitks Rkgionales de Comtk et la Loi 57 qui, faisant kcho au Rapport Castonguay, consacre l’hkgkmonie municipale en matiitre dimpbt foncier. Si on parle encore aujourdhui de dkcentralisation des responsabilitks (dkpenses) et capacitks fiscales (revenus), cela suppose qu’on juge la situation actuelle comme n’ktant pas “optimale”. Bien qu’il soit impossible de dkfinir avec exactitude la distribution “optimale” des pouvoirs dans une f6dkration3, c’est la realisation des coQts associks i la centralisation croissante des activitks gouvernementales qui a crkk un prk- jug6 favorable A la dkcentralisation des responsabilitks financibres et des capacitks fiscales.

Parler de dkcentralisation fiscale, c’est reconnaitre implicitement soit que, ktant donnk les fonctions qui leur sont actuellement assignkes, les gou- vernements locaux ne possedent pas les sources de financement adkquates pour assumer leurs fonctions, soit qu’on pourrait accroitre I’efficacitk dans la production de divers biens et services publics (c’est-8-dire rkduire les coQts dorganisation) en les plaGant sous juridiction locale et partant, en confiant aux localitks de nouvelles sources de financement.

Le discours de la dkcentralisation au Qukbec a principalement empruntk la premibre voie. Soulignant “l’incapacitd” fiscale des municipalitks face aux responsabilitks qui leur ktaient confikes, acceptant de fait le rble des municipalitks tel que dictk par le discours traditionnel des Cconomistes, les recherches et les efforts de rkforme porterent presque exclusivement sur les faqons d’accroltre les ressources locales sans modifier sensiblement les res- ponsabilitks de dkpense. Sans reprendre ici le dktail des recommandations qui dkcoulent dune telle approche, on peut la r6sumer succinctement en soulignant que la solution gknkralement envisagke consistait A accroitre le champ &application de l’impbt foncier municipal et de la tarification A l’usager pour les biens et services rendus4. Les arguments de fond qui justi- fiaient ces recommandations s’articulent autour des concepts defficacitk et d’kquitk engendrks par la taxation et la tarification selon les bkn6fices requs. C‘est dans cette perspective d’accroissement de la capacitk fiscale que s’ins- crit la Loi 57. En ktendant le champ de l’impat foncier accessible aux muni- cipalitks, cette loi a permis de rkduire le problbme de “pression fiscale” qui

2 L’Urbanisation au QuSbec, Rapport du groupe de travail sur l’urbanisation, QuBbec, fkvrier 1976. 3 Voir R. Carter, “SBparation, Annexion et FBdBralisme”, Actualit6 kconomique, vol. 59, no 3, septembre 1983, pp. 596-619. 4 Le lecteur intBressB consultera par exemple G. BBlanger, “Questions de base d toute reforme du financement municipal”, AdminBtration PubZique du Canada, vol. 20, no 2, BtB 1977, p. 379 et le Rapport du groupe de travail sur l’urbanisation, op. cit.

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DECENTRALISATION DU FINANCEMENT GOUVERNEMENTAL AU QUEBEC

TABLEAU 1 Importance des ddpenses publiques dans rkconomie et rdpartition des ddpenses par ad- ministration avant et aprds transferts, difdrentes ann.s’es, de 1926 d 1982 (en pourcentage)

1926 1931 1941 1951 1961 1971 1981 1982

Dkp. publiques par rapport au P.N.B.

15,7 23,8 27,O 24,2 30,8 37,3 42,7 47,4

Avant paiements de transferts” Aprh paiements de transferts f

Part fddkrale

39,6 36,6 69,3 60,l 56,7 49,9 52,3 53,s

Part provinciale

20,s 25,6 15,8 22,8 25,9 35,O 36,l 35,l

Part locale

39.9 37;7 14,9 17,l 17,4 15,l 11,6 11,4

Part fdddrab

Part provinciale

~

37,8 31,6 669 56,2 50,o 37,s 42,O 43,7

20,2 26,7 17,2 23,2 25,6 37,3 31,7 359

Part locate

42,o 41,7 l6,O 20,7 24,s 25,2 20,9 20,4

Notes : O Les transferts entre administrations sont attribuks Q l’administration qui les

f Les transferts entre administrations sont soustraits des dkpenses de celle qui

Source : F.H. Lacey, Statistiques historiques du Canada, 2e kdition, Ottawa, Statistique Canada, 1983; Ministere des Finances, Revue kconomique, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, avrill983.

effectue.

les effectue et ajoutks aux dkpenses de celle qui les recoit.

Ctait vBcu par les gouvernements municipaux. On s’est peu interrogk cepen- dant sur la pertinence d’ktendre le champ d’activitb des gouvernements locaux et on s’est peu demand6 comment l’extension des responsabilitks locales, combinhe B un financement approprik, pouvait contribuer B l’effi- cacitb et B 1’CquitB. C’est dans cette optique plus vaste que nous aborderons ici les avantages qui pourraient rksulter d’une nouvelle vague decentralisa- trice au QuBbec.

Possibilites d’une plus grande decentralisation au niveau des municipali tes

L’argumentation Bconomique ne permet pas &identifier le partage optimal des responsabilitks financikres et des capacitBs fiscales entre divers paliers de gouvernement. Tout au plus, les kconomistes peuvent presenter des arguments en faveur ou contre une plus grande dkcentralisation ou une plus grande centralisation; ils ne peuvent mesurer une distribution opti- male. Si bien qu’il est toujours difficile, face A une distribution existante de ces pouvoirs, face au statu quo, de recommander soit une plus grande cen- tralisation, soit une plus grande dkcentralisation. Ceci dit, l’kconomiste peut nbanmoins souligner les avantages dune plus grande dbcentralisation s’il existe un certain mkcontentement politique face au statu quo. Par la suite,

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il peut indiquer les modifications les plus approprikes, du point de vue kconomique, pour atteindre les objectifs poursuivis.

Depuis la grande crise, on a enregistrk une centralisation accrue des dk- penses gouvernementales dans plusieurs pays occidentaux. Ainsi, le tableau 1 dkmontre clairement que les gouvernements locaux (municipalitks, com- tks et commissions scolaires) ont totalement perdu le rdle prkpondkrant qu’ils jouaient au Canada au dkbut du sibcle. Alors qu’ils ktaient responsa- bles de 39,9 % des ddpenses gouvernementales (avant transferts) en 1926, ils ne contrdent gubre plus que 11,4 % de ces mdmes dkpenses en 1982. Face B un tel constat, et jugeant que la centralisation observke prockde davan- tage d‘une dynamique politique que d‘une quelconque rationalitk kcono- mique, plusieurs analystes recommandent aujourdhui un transfert des compktences en faveur de gouvernements locaux5.

Nous examinerons donc les modifications rkcentes dans le financement municipal au Qukbec afin dkvaluer leur impact sur l’autonomie locale. Par la suite, quelques scenarios de dkcentralisation seront envisagks selon qu’on desire ou non maintenir le statu quo B I’Bgard des responsabilitds locales en matibre de dbpenses.

Changements recents dans le financement municipal

Certes la principale modification apportke au financement municipal au cours de la derniitre dkcennie fut l’introduction de la Loi 57 qui permit un klargissement de Pimpdt foncier et une reduction marquke des transferts. Sans reprendre ici les diffkrentes modifications apportkes par la loi6, il suf- fira de noter qu’elles accroissent l’autonomie municipale en klargissant les sources de revenu autonomes et en rkduisant l’ktat de dkpendance finan- cibre dans lequel se trouvaient les municipalitks.

Cette rkforme de financement, dont les principaux effets sont present& dans le tableau 2, ktait en quelque sorte le couronnement des nombreuses ktudes effectukes sur le sujet pendant les anndes 1970. Ces ktudes ktaient gknkralement unanimes pour conclure qu’on devait respecter un certain statu quo dans les secteurs de dkpenses et rkduire la dkpendance des muni- cipalitks B l’kgard des transferts provinciaux en augmentant les sources de revenus autonomes. Comme l’illustre le tableau 2 pour l’annke 1980, l’ac- croissement de l’autonomie fiscale s’est principalement traduit par le trans- fert du champ de l’impdt foncier scolaire et par l’abolition de la part de la

5 Par exemple, voir G. BBlanger, “Fhdkralisme et Gouvernement local”, Notes pour une prksentation au colloque canado-italien B Perugia, septembre 1984. 6 Pour une discussion des cons6quences de la loi, voir P.A. Letartre, “La gestion ur- baine municipale a p r h la reforme de la fiscalitk locale”, Gestion, fbvrier 1982, pp. 25- 32 et La Reualorisation du pouuoir municipal, Rapport du cornit6 QuBbec-Municipalit&, QuBbec, octobre 1982.

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TABLEAU 2 Evaluation du transfert net de ressources aux municipalite's pour l'exercice ter- mine' le 31 de'cembre 1980 et rappel des simulations 1979 (en millions de dollars)

Modifications aflectant les revenus autonomes 0 Transfert du champ de l'impbt foncier scolaire norma-

0 Blargissement de l'assiette fonci&re lisk percu

- Au lieu de taxe sur la pleine valeur des immeubles des rkseaux de l'kducation et des aff aires sociales

- Au lieu de taxe additionnelle sur les immeubles gouvernementaux - En raison du transfert de I'impbt foncier scolaire

normalisk - immeubles du gouvernement du Qukbec - immeubles du gouvernement du Canada

- En raison de I'blargissement du programme de compensations tenant lieu de taxes fonciPres sur les immeubles publics

- Au lieu de taxe d'affaires municipale sur les im- meubles du gouvernement

- Imp& foncier sur les biens-fonds prksentement exemptks

- Modifications au regime &imposition des sociktks de tklkcommunications, d'klectricitk et de gaz

- Compensation de l'effet de plafonnement des taxes fonci6res sur les terres agricoles

Rkamknagement des taxes d'affaires et surtaxes - Taxe sur la valeur locative des places d'affaires - Abolition de la taxe de locataires - Abolition de la surtaxe de la Ville de Montreal

Transfert net de revenu autonome Modifications portant SUT l'aide gouvernementale

Abolition des subventions inconditionnelles - Part de la taxe de vente - Part de la taxe sur les repas et l'h6tellerie - Subventions per capita - Au lieu de taxe actuelle sur les immeubles des rB-

seaux, selon le nombre de lits ou d'btudiants et l'bvaluation

- Abolition de la subvention spkciale B Qukbec - DBficit da la Place des Arts et financement du Con-

seil des Arts Fonds de pkrbquation Formule de transfert minimum

Transfert net d'aide gouvernementale

Rbsultat Simulation re'el 1979 1980

529 424

160 154

6 10

4

22

18

74

5

94 - (7)

915

3 23

7

(518)

5 9

5

20

12

82

8

78 -

( 5 ) 792

(33) (4)

3 17 12

( 549 1

Source : Rapport du Comitk Qukbec-Municipalitks, La revalorisatlion du pouvoir municipal, bilan et suivi de la nouvelle fiscalite', Qukbec, octobre 1982.

51 ADMINISTRATION PUBLIQUE DU CANADA

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TABLEAU 3 Evolution de la structure des revenus des municipalite's du Que'bec selon bs prge'visions budgge'taires

Variation 1979 1981 1979- (milliers $) % (milliers $) % 1981

-Taxe Foncikres gCnkrales 723 714 Affaires 147 265 Surtaxes 65 555 Locataires 8 342 Autres taxes 666 301 Total partiel 1611 177

lieu de taxes Gouvernement fkdkral 18 722 Gouvernement d u QuCbec 17 774 Immeubles des rkseaux 45 700 SociCtCs de tk1Ccommunications de gaz et d'Clectricit6 37 685 Total partiel 119 881

-Services rendus d dautres municipalite's 30 385

-Autres services rendus 95 777 -Autres revenus de

-Compensations tenant

sources locales Appropriation de surplus 58 206 Autres 155 095 Total partiel 213 301

26,7 524 2,4 0,3

24,6 59,4 __ -

291 537 7,9

1369 159 274 885 16 800

775 596 2 436 440

-

37 457 51 368

160 500

124 091 373 416

44 276 143 921

88 897 206 066 294 963

39,5 7,9 0,5

22.3 - - 70,2 -

3 3 10,8 -

1,3 4 J

2,6 5,9 895

100,l 189,O 251,2

229,3 211,5

45,7 50,3

52,7 32,9 38.3

taxe de vente qui Ctait traditionnellement versCe aux municipalitCs; le solde pour 1980 fut un transfert net de 243 millions de dollars'. Les changements dans la structure des revenus des municipalitch du Qukbec pour la pkriode 1979-1981 sont prksentks dans le tableau 3. On observe facilement la crois- sance des revenus autonomes, principalement obtenue par l'augmentation

7 Notons ici que par les restrictions qu'elle imposait au financement des commissions scolaires, la Loi 57 a vu sa constitutionnalitc! mise en doute. La constitutionnalite de ces restrictions par rapport Q l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 fut confirmke par la Cour supMeure du Quebec dans Laoigne v. P.G. du Qudbec (1981) C.S. 337 puis infirmhe par la Cour d'appel (1983) C.A. 370. et la Cour suprbme du Canada (20 dkcembre 1984). Le jugement defavorable de la Cour suprbme necessite qu'on repense la methode utiliske pour accroitre le financement municipal. Les modes de financement present& dans la section 2.2 peuvent 6tre consus comme des mkcanismes de remplace- ment.

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DECENTRALISATION DU FINANCEMENT GOUVERNEMENTAL AU QUEBEC

TABLEAU 3 (suite)

Variation 1979 1981 1979- (miUiers $) % (milliers $) % 1981

~ ~

-Total des revenus de sources locales 2 070 512

-Transferts inconditionnels Taxe de vente 387 678 Taxe sur les repas et hBtellerie 28 950 Subventions per capita 68 911 Formule de transfert minimum - Formule de pkrkquation - Autres 10 793 Total partiel 496 332

-Transferts conditionnels 147 601 -Total des revenus

de transferts 643 933 Total des revenus 2 714 454

76,3 -

14,3

1,1 2.5

0,4 18,3 -

5,4

23,7 100,o __ - __

3 293 016

11 329 18 002 2 109

31,440

144 341

175 781 3 468 797

94,9 - 59,O

Source : Comitk QuBbec-Municipalitks, op. cit.

des revenus de I’impbt foncier et des compensations tenant lieu de taxes. On note aussi la quasi-disparition des transferts inconditionnels et une diminution moindre de la part des transferts conditionnels.

A la lecture de ces statistiques, on pourrait &tre tent6 de conclure qu’un vent de dkcentralisation fiscale a soufflk sur le QuBbec et que le gain d‘au- tonomie enregistre au niveau municipal a aussi marque la scene regio- nale. Le tableau 4 illustre simultan6ment la reduction des transferts incon- ditionnels et la croissance des transferts conditionnels de 1979 B 1982 au niveau regional (incluant les commissions scolaires). On observe que la part totale des transferts (conditionnels et inconditionnels) demeure tres elevke au Quebec (pr8s de 60 % des revenus des gouvernements locaux) comparativement aux autres provinces (environ 45 %).

Lorsqu’on inclut les depenses des commissions scolaires dans les acti- vitb des gouvernements locaux, on observe que la rBforme municipale n’a occasionne qu’une faible diminution de la part des transferts dans le finan- cement local au Quebec. Le rapport transfert-revenu est pass6 de 62,17 % en 1979 B 61,B % en 1982 alors que pour l’ensemble des autres provinces, ce rapport s’etablissait B 47,14 % en 1979 et Btait r6duit B 43,74 % en 1982. Si on parle d’autonomie locale ou regionale plutbt que strictement munici-

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TABLEAU 4 Revenus des gouvernernents locaux, Que'bec (en rnilliers de dollars)

1979 1980 1981 1982

Revenus de sources locales 2348077 3071502 3120105 3557213

Transferts 3860295 4384193 5081942 5630939

- Inconditionnels 595 238 382 458 288 130 323 896 - Conditionnels 3 265 057 4 011 735 4 793 812 5 307 043

Total des revenus 6208372 7455695 8202047 9188152

% % % %

Transferts/Revenus ( Quhbec) 62,17 583 61,95 61,28 Transferts conditionnels/Revenus 52,59 53,8 58,4 57,75

(Quhbec) Transferts/Revenus 47,14 44,52 43,51 43,74 (autres provinces)

Transferts conditionnels/Revenus 37,4 36,92 36,38 37,OO (autres provinces)

Note : DonnCes actuelles pour 1979 et 1980, prhliminaires pour 1981 et estimees pour 1982. Sources : Statistique Canada, Financement des gouvernements locaux, cata- logues 68-203 et 68-204.

pale, on comprend qu'en matiCre de dkcentralisation, le Quebec a encore un kcart B combler pour atteindre le niveau d'autonomie locale qu'on re- trouve dans les autres provinces, Constatation plus inquiktante, alors que la part des transferts a diminuk, celle des transferts conditionnels (6duca- tion) a augment6 au QuBbec, passant de 52,59 % en 1979 B 57,75 % en 1982. Dans les autres provinces, cette part des transferts conditionnels est beau- coup plus faible et a l6gCrement diminuk pendant la mkme pkriode, pas- sant de 37,4 % en 1979 B 37 % en 1982.

L'importance relative des subventions conditionnelles et le nombre im- portant d'organismes provinciaux qui interviennent dans les champs dacti- vitk locales ne permettent pas de croire B des gains importants en matikre d'autonomie rkgionale au niveau des dkpenses et des revenus. La rkforme confirme la reconnaissance dune plus grande autonomie municipale par

8 Pour ne citer que quelques organismes provinciaux intervenant sur la schne munici- pale, notons la Commission de police, la Socibtb $Habitation, le Haut Commissariat Q la Jeunesse, les ministhres de I'Environnement, des Affaires municipales, des Affaires culturelles, des Finances, du Transport, de 1'Education et des Affaires sociales.

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DECENTRALISATION DU FINANCEMENT GOUVERNEMENTAL AU QUEBEC

le gouvernement provincial; dans cette perspective, il est indkniable que la Loi 57 a permis l'atteinte des objectifs qui lui furent assignks. Cette rkforme laisse cependant persister une dkpendance rkgionale kvidente en matikre de financement scolaire. Les principales ktudes du financement local ont recommandk de rkduire les transferts conditionnels et d'ktendre l'usage des revenus autonomes B l'6chelle rkgionale. On assiste cependant A une reduction des transferts inconditionnels et A une croissance des transferts conditionnels (tableau 4). Comme les transferts conditionnels sont synonymes d'un contr6le provincial sur la gestion rkgionale, les rk- sultats prksentks dans le tableau 4 ne permettent pas de croire A un gain rkel d'autonomie rkgionale.

Dans la mesure oh les avantages de la dkcentralisation sont d6sirks par le gouvernement provincial, il reste donc encore une bonne partie du trajet A parcourir. On devra cependant remettre en cause l'allocation actuelle des responsabilitks et envisager une dkcentralisation simultanke des res- ponsabilitks de dkpense et des capacitks de financement. Mais avant Zen- visager la possibilitk d'accroitre les pouvoirs de dkpense des gouvernements locaux, consid6rons la possibilitk d'accroitre les revenus sans modifier les responsabilitks locales.

Decentralisation fiscale et statu quo au niveau des depenses

L'hypothkse courante dans l'analyse du financement local est de supposer le statu quo en matikre de dkpenses, d'observer l'kcart existant entre les revenus autonomes et les dkpenses (c'est-A-dire la pression fiscale), et de recommander les changements qui permettraient de rkduire cet kcart en augmentant les revenuse. Dans cette optique, les principes kconomiques sont relativement simples. Premikrement, tout ce qui peut dtre tarifik (taxe assignke, taxe de secteur, frais d'usage, ticket modkrateur) doit l'dtre afin de permettre un meilleur usage des ressources. Deuxikmement, lorsque la tarification est impossible et que les bknkfices d'un bien ou service sont partagks 6galement par une communautb locale (bien public), un imp6t relativement neutre (au sens de l'allocation des ressources ) tel que l'impat foncier est B recommander. Finalement, s'il existe des effets de dkborde- ment importants (pollution) dont l'internalisation est rendue impossible par l'existence de coQts de transaction et de coordination entre les munici-

9 Voir G. Bhlanger, op. cit. et Groupe de travail sur l'urbanisation, op. cit. La faveur accordbe au statu quo dans ces 6tudes rel&ve plus d'un certain pragmatisme politique que de principes kconomiques. Par exemple, le groupe de travail sur l'urbanisation a maintes fois insist&, dans son rapport, sur le maintien de l'allocation actuelle des res- ponsabilids en matiere d'6ducation et de sant6. Pourtant, l'argumentation 6conomique en w e Tune meilleure allocation des ressources ne permet pas d'accepter un tel statu quo.

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palitks indkpendantes, des transferts ou des taxes en provenance d'un niveau de gouvernement supkrieur sont requis.

Ces principes ktant ktablis, il demeure que les dkpenses locales peuvent croftre plus rapidement que les revenus. Pour rCduire la pression fiscale qui en rksulte, les localitbs peuvent alors faire appel A cinq grands types de solution. Premikrement, elles peuvent intensifier l'usage des mCcanis- mes de march6 afin de rationaliser leurs choix budgktaires. Un usage plus Ctendu de la tarification, de l'adjudication de sous-contrats et dans cer- tains cas de la privatisation des services reprksente les principaux mCca- nismes de march6 auxquels l'administration locale peut avoir recours. DeuxiBmement, les gouvernements locaux peuvent chercher A diversifier leur assiette fiscale tel qu'en tkmoigne l'usage de la taxe de vente et de l'impbt sur le revenu par certaines grandes villes amkricaines. Troisikme- ment, elles peuvent rkclamer des transferts additionnels de la part des gouvernements supkrieurs. Quatrikmement, elles peuvent emprunter da- vantage, si elles perqoivent les problkmes de financement actuels comme ktant transitoires. Finalement, elles peuvent accroftre le taux d'imposition sur la propriktk foncikre.

Tant au Canada qu'aux Etats-Unis, ces diffkrentes possibilitks furent explorkes par les administrations locales au cours de la dernikre dkcennie. L'kvolution historique de ces modes de financement laisse cependant entre- voir que les avenues les plus prometteuses, si on dCsire maintenir l'autono- mie locale, consistent B recourir davantage aux mCcanismes du march6 et B diversifier l'assiette fiscale.

En effet, on peut kliminer l'emprunt car il s'agit d'une source de finance- ment transitoire qui ne peut rCsoudre un problbme de pression fiscale chronique. Deuxikmement, les hausses des taux d'impbt sur la propriktC foncikre reprksentent l'kquivalent d'un suicide politique. Si bien qu'his- toriquement, la part de l'impbt foncier dans les revenus locaux a toujours diminuk. Aux Ctats-Unis par exemple, l'impbt foncier reprksentait 78 % des revenus locaux (excluant les transferts) en 1932 alors qu'en 1981 il ne reprksentait plus que 42 % des recettes localeslO. Au Canada, l'impbt fon- cier constituait 69 % des recettes locales autonomes en 1967 (656 % pour le QuCbec) alors qu'en 1982 ce ratio Ctait de 60 % pour le Canada (57 % pour le QuCbec). I1 y a donc un mouvement marquk B la baisse quant B l'usage relatif de l'impbt foncier comme source de revenu autonome. Dans cette optique, la Loi 57 ne reprksente qu'un bref ajustement car, B long terme, si l'expkrience des localitks amkricaines se rCpkte au Canada, c'est B une reduction dans l'usage relatif de l'impbt foncier qu'il faut s'attendre et non B une hausse. La visibilitk de l'impbt foncier joue contre un usage

10 Voir "Local Alternatives to the Property Tax: User Charges and Nonproperty Taxes", Working Paper, no 4, The Academy for State and Local Government, Washing- ton, D.C., dbcembre 1983.

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intensif de celui-ci comme en tkmoigne la proposition 13 en Californie. De plus, bien que cet imp& puisse procurer des augmentations de revenu considkrables en pkriode dinflation (1970-1980) il faut noter qu’on anticipe peu d’inflation dici la fin de la dkcennie, de telle sorte qu’on ne peut esperer de hausses considkrables au chapitre de l’imp6t foncier si ce n’est que par des augmentations des taux dimposition. Ce qui permet de conclure que la Loi 57 a vraisemblablement procure des gains B court terme aux muni- cipalites et a augment6 leur dkpendance B l’kgard dune source de revenu qu’il sera difficile d’accroltre B moyen et long terme, tant pour des con- sidkrations politiques qu’Cconomiques.

En ce qui concerne les transferts, on notera qu’ils sont justifiables soit pour permettre une distribution plus kquitable des revenus, soit pour in- ternaliser les effets de dkbordement B caractitre rhgional (pollution). Dans le premier cas, ce sont des transferts inconditionnels aux individus et non aux regions ou localitks qui sont prkfkrables. I1 est Btonnant de constater que les rkgions sont souvent considkrkes comme des organismes qui “souf- frent” dune mauvaise distribution des revenus. Ce sont les individus qui souffrent de la pauvrete, pas la region qui les regroupe. En conskquence, des transferts favorisant les individus dkmunis et non pas les rkgions sont justifiables. Des individus favorisks par des transferts peuvent alors decider en assemblke municipale si de nouveaux services ou infrastructures de- vraient Qtre mis en place. Une subvention conditionnelle accordhe aux mu- nicipalites pour favoriser la production des services jug& “nkcessaires” par l’administration provinciale ne peut se justifier par un besoin d’kquite puisqu’on enlbve aux dkmunis le droit de choisir ce qu’ils considitrent comme la depense la plus approprike, les incitant B consommer le service subventionnk au dktriment d’autres biens et services qu’eux-mbmes considit- rent prioritaires. Dans cette optique, les subventions conditionnelles aux municipalites procitdent dun jugement paternaliste B l’effet que l’Etat central, mieux que le gouvernement municipal et les citoyens eux-mbmes, sait ce qui est “bon” pour les individus. Dans le deuxihme cas, celui des effets de debordement, des subventions conditionnelles sont plus appro- prikes. Par exemple, si l’usage de la tarification des services de bibliothkque municipale conduit B des deficits dans certaines municipalitks, le gouver- nement provincial peut financer le deficit au nom des benkfices culturels qui dkpassent le cadre gkographique de la municipalitk. Un raisonnement similaire peut btre utilisk pour justifier le partage du financement d’infra- structures (ponts, routes) et de frais d’entretien (voirie, aqueduc, etc).

Notons finalement que les transferts furent frkquemment utilisks pour rksoudre les problitmes de pression fiscale tant au Canada qu’aux Etats- Unis. Au debut du siitcle, les transferts des autres paliers de gouvernement ne reprbentaient guitre plus que 10 % des revenus des gouvernements 10- caux. En 1980-1981 ils totalisaient environ 39 % des revenus des gouverne-

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ments locaux aux Btats-Unis, 43 % au Canada et 62 % au Quebec. Le pro- blbme, c'est kvidemment qu'on sacrifie alors l'autonomie locale A l'obtention de ressources financibres qui, politiquement du moins, sont trbs avanta- geuses. On peut croire cependant que l'expkrience rkcente tkmoigne d'une volontk de rkduire les transferts et d'accroltre les sources de revenu auto- nomes. C'est dans cette perspective que le recours aux mkcanismes du march6 et le partage des impbts rev6tent un intkr6t particulier pour l'avenir.

Le partage des imp6ts Au Canada, les taxes locales autres que l'impht foncier reprksentaient prbs de 10 % des revenus locaux (excluant les transferts) en 1972. Les donnkes prkliminaires pour 1981 soulignent une baisse considkrable puisque ces autres taxes ne reprksentaient plus que 0,3 % des revenus locaux. Pour la province de Qukbec, ces autres taxes reprksentaient 12 % des revenus locaux en 1972 et 0,6 % en 1981. Par cornparaison, les gouvernements locaux amk- ricains enregistrbrent une lkgbre hausse de ces sources de revenus pour la m6me pkriode; de 10,7 % en 1970-1971, ces taxes ont atteint 13,l % des revenus locaux autonomes en 198111. On peut donc noter ici une diver- gence dans l'kvolution du financement local entre le Canada et les Etats- Unis. L'assiette fiscale des gouvernements locaux amkricains s'est graduelle- ment diversifike pour inclure des taxes de vente, des taxes sur les salaires et le revenu ainsi que certaines taxes d'accise sur l'alcool, l'essence et le tabac. Au Canada, l'assiette fiscale s'est rktrkcie pour n'inclure que l'impbt foncier. D'un point de vue strictement financier il semble donc que les gouvernements locaux canadiens sont et seront dans une situation plus difficile pour accroitre leurs revenus autonomes. I1 faut noter cependant que les localitks amkricaines dktiennent des responsabiliths en mati&re d'kducation et de santk qui kchappent actuellement aux administrations locales canadiennes et que les bases fiscales supplkmentaires dont elles disposent correspondent vraisemblablement A une pression fiscale plus grande. En somme, ceci tkmoigne de la plus grande centralisation des pou- voirs au Canada et d'un certain manque d'autonomie des localitks cana- diennes en matibre de santk de d'kducation.

Par ailleurs, si on accepte le statu quo B l'kgard des dkpenses munici- pales, on voit difficilement la nkcessitk d'ajouter de nouveaux impbts ?i

caractbre gknkral pour financer les services dont les bknkfices sont indivi- sibles entre les membres des communautes locales. L'impbt foncier est suffisant pour accomplir cette fonction. Des revenus additionnels peuvent toujours &re obtenus par l'augmentation des taux dimposition. I1 va sans dire cependant que d'un point de vue strictement politique, les administra- teurs municipaux peuvent dhsirer une plus grande diversitk dans l'assiette

11 Les pourcentages canadiens furent calculis z i partir des donnkes fournies par Sta- tistique Canada (cat. 68 203 et 68 204). Pour les Etats-Unis, les risultats sont ceux de 1'Academy for State and Local Government, op. cit.

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fiscale, mmme leurs collAgues des gouvernements provinciaux et fkdkraux et comme certaines grandes villes amkricaines. Cela permet d’amoindrir le cobt fiscal total p e r p mentalement par la population et rkduit d’autant la rationalitk collective. Tel que not6 par The Academy for State and Local Government : “In the real world, appearances count. There is a long tradi- tion of hostility to the property tax, especially on the part of home-owners, who are much readier to tolerate the less visible sales tax. Moreover, most voters and legislatures seem to find it less objectionable to pay a given amount of money in the form of several low rate taxes rather than in the form of one high-rate tax, perhaps in the belief that the others bear high shares of at least one of the components of the whole package12.”

Les possibilitks de partage fiscal peuvent cependant Ctre envisagkes dans l’optique des taxes assignkes en vue d’amkliorer l’allocation des ressources. Par exemple, comme une partie des travaux de voirie est effectuke par les municipalitks, un partage de la taxe sur l’essence pourrait Ctre recom- mandk. Dans cette optique de taxation selon les bknkfices, des taxes de stationnement plus klevkes pourraient Ctre instaurkes pour financer les travaux de voirie. De mCme, les taxes dimmatriculation pourraient Ctre partagkes entre la province et les municipalitks.

MCme avec un statu quo en mati&re de dkpenses, on pourrait donc en- visager une certaine dkcentralisation des impbts dans l’optique d’une meil- leure allocation des ressources par la province et les municipalitks. Notons cependant qu’il s’agit de certaines taxes d’accise dont l’usage peut Ctre assign6 B certaines fonctions municipales actuelles (voire, etc.). Du point de vue kconomique, il y a peu de raisons en termes d‘efficacitk ou d‘kquitk pour transfkrer partiellement la taxe de vente ou l’imp6t sur le revenu.

L’usage des mhcanismes de march6 La voie la plus prometteuse en matikre de financement local au cours des prochaines annkes consiste vraisemblablement B recourir davantage aux mkcanismes de march& Trois options principales sont B dkvelopper : les sous-contrats, la privatisation et la tarification des services municipaux.

1. Sous-contrats et privatisation : L’usage de services contractuels pour la production de certains services (enlkvement des ordures, de la neige, entretien des rues, ambulances, etc.) s’inshe dans l’optique dune reduction des coQts de production pour une mCme qualitk de services. Les sommes ainsi libkrkes peuvent alors Ctre consacrkes au financement d’autres acti- vitks. Evidemment, le remplacement du personnel interne par des contrac- tuels presume que des kconomies rkelles peuvent Ctre enregistrkes dans les services dksignks. Par ailleurs, on doit reconnaitre qu’une telle approche peut occasionner des probkmes de main-d’oeuvre et qu’elle ouvre la porte B des probldmes de fraude et de favoritisme. 12 The Academy for State and Local Government, op. cit.

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La privatisation se distingue dune politique contractuelle par l’iden- tit6 de celui qui paie les factures. Une politique contractuelle signifie que le gouvernement local paie les services dune entreprise pride. Lorsqu’on parle de privatisation, c’est le consommateur et contribuable qui paie directement les services. De la m&me faqon que Bell Canada tarifie les utilisateurs des services t&lkphoniques, une municipalit6 peut privatiser les services daqueduc. Une entreprise privee est alors responsable de ven- dre ce service directement aux consommateurs. Le gouvernement local peut subventionner les usagers de son territoire qui sont les plus d6munis ou encore rkglementer l’entreprise afin qu’elle rkalise certains objectifs collectifs. Pour Bviter le favoritisme, la fraude et l’abus resultant dune posi- tion monopoliste, un systbme de soumissions pbriodiques doit &tre Qtabli. Ceci pourrait &re le cas du transport scolaire oh les parents paient directe- ment le coct du transport de leurs enfants mais avec l’assurance que le transporteur est choisi sur une base annuelle par le gouvernement local. Le gouvernement local devient alors un nkgociateur pour les consommateurs et contribuables plutdt qu’un fournisseur de services ou un employeur de services contractuels. Par exemple, certaines municipalitks du Vermont fournissent des bons d‘achat scolaire qui permettent aux citoyens de finan- cer ainsi les 6tudes de leurs enfants dans des institutions priv6eslS.

2. La tarification : Un recours plus important B la tarification sous toutes ses formes repr6sente 6galement une solution intkressante aux problbmes de financement local. Une grande part des biens et services fournis par les localit6s peut &tre assujettie B une tarification quelconque. Qu’il s’agisse des taxes de secteurs pour les investissements dinfrastructure urbaine, dune charge annuelle pour les services de protection contre l’incendie14 ou les services de protection B la pibce pour certains services de police, des frais dusage pour les services deau, d’kgout et denlbvement des ordures et de la neige, des tickets mod6rateurs ou dune tarification h l’usage pour les services de loisir (arbne, bibliothitque, etc.), les possibilitks de “vendre” les services municipaux sont nombreuses.

Les avantages de la tarification sur les taxes gkn6rales sont multiples. Premibrement, la tarification, lorsqu’elle est possible, permet une plus grande rationalit6 collective car elle transmet une information vitale au consommateur et contribuable en lui permettant de prendre conscience des coQts de production des diffkrents services. Comme le consommateur et contribuable ne consomme que les services pour lesquels son bknkfice personnel excbde le prix de vente, cela permet une meilleure gestion muni- cipale car on peut alors identifier les services dkficitaires et rationaliser le budget. Par exemple, si la bibliothbque municipale est dkficitaire, on peut

13 14 bltiment utilis&s par les compagnies d’assurance.

“Who Says Vouchers Wouldn’t Work?”, Reason, janvier 1984, pp. 24-32. Une telle charge peut 6tre calculke selon les mesures de risque dincendie de chaque

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accepter le dkficit annuel et voter un transfert B partir du fonds consolidk pour combler le dkficit. Un vote favorable signifie que la population locale accepte le dkficit parce qu’elle considkre que la bibliothhque produit des bknkfices sociaux qui n’apparaissent pas dans la mesure financibre de la rentabilitk. Si la population refuse de subventionner la bibliothkque parce que les bknkfices sociaux (externalitks culturelles) sont jug& infkrieurs au dkficit, alors la bibliothkque doit &tre fermke. La tarification force donc la population B rkvkler l’intensitk de ses prhfkrences B l’kgard des services municipaux. Ce qui permet par ailleurs aux administrateurs municipaux d‘amkliorer la gestion du budget en kliminant les dkpenses inutiles (non valoriskes par la population) et en incitant les employ& B minimiser les coGts de production.

Un autre avantage de la tarification sur les taxes gknkrales, c’est qu’elle pqmet de reflkter une certaine forme d’kquitk. Seuls ceux qui bknkficient des services sont appelks B contribuer. Les handicapks physiques n’ont pas B financer les centres sportifs, les cklibataires n’ont pas B payer les taxes scolaires, etc. Comme la plupart des auteurs reconnaissent que la distribu- tion des revenus n’est pas du ressort municipal, les questions d’universalitk d’accks qui s’articulent derrikre la gratuitk et bloquent la tarification au coGt marginal ne devraient pas apparattre B l’kchelle m~nicipale’~. Le pro- blkme daccessibilitk est alors rksolu par un gouvernement provincial qui subventionne les usagers dkmunis et non les instances municipales.

Finalement, il semble que la tarification soit relativement sous-utiliske dans les municipalitks canadiennes par rapport aux municipalitks amkri- caines. I1 ressort dune ktude rkcente que la portion occupke par les revenus de tarification dans l’ensemble des revenus des municipalitks canadiennes varie entre 2,7 % en Nouvelle-Rcosse et 9,8 % en Alberta. Pour le Qukbec, cette portion serait de 5,4 % alors qu’aux Etats-Unis la moyenne ktait de 18 % en 1977lS. Si on ajoute les gouvernements rkgionaux (MRC, comtks) ainsi que les commissions scolaires pour former ce qu’on appelle les gou- vernements locaux, on peut obtenir quelques comparaisons grossibresl’. Ainsi, le tableau 5-A prksente l’kvolution des revenus de tarification par dollar de recette fiscale au Canada et aux Btats-Unis de 1972 B 1982.

On notera ici que la tarification est utiliske plus intendment par les gou- vernements locaux amkricains. De plus, on notera une augmentation plus

15 Voir G. BClanger et Groupe de travail sur l’urbanisation, op. cit. 16 Voir M. Lavoie, “L’6valuation de la tarification Q la Ville de MontrCal”, Conference prCsent6e a l’Association des cadres financiers niunicipaux, septembre 1982. 17 Tel que not6 par le Rapport du sous comite‘ sur la tarification et les quotes-parts du niinistAre des Affaires municipales, 12 mai 1982, il est Q toute fin pratique impossible d‘hvaluer l’usage de la tarification dans les municipalitbs quibitcoises car dans plusieurs cas, les bilans classifient coninie tarification des charges sectorielles (ordures, aqueducs, eaux, etc.) appartenant l’assiette foncikre. Ceci perniet de croire que les statistiques des tableaux 5-A et 5-B surestiment l’usage de la tarification au QuCbec ainsi qu’au Canada.

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TABLEAU 5-A Valeur de la tarification des gouvernements locaux par dollar de taxes locales

1972 1982

Moyenne aux Etats-Unis 0,22 0,34 Ensemble des provinces 0,15 0,24 Province du Quebec 0,19 0,21

TABLEAU 5-B Gouvernements locaux; vente de biens et ser- vices/revenus autonomes

1972 1982

Quebec 0,144 0,16 Ensemble des autres provinces 0,108 0,178

Sources : Donnees americaines : Calculs de 1'Advisory Commission on Intergovernemental Relations present& dans Intergovernmental perspective, printemps 1984, vol. 10, no 2, p. 21. Donnkes canadiennes : Statistiyues Canada, catalogue 68-203 et 68-204. L'item consid& reprksente les ventes de biens et services B la collectivitk.

rapide de ce mode de financement B l'extkrieur du Quebec, tant aux Etats- Unis que pour l'ensemble du Canada. C'est ce dernier aspect qui est le plus important et qui temoigne dune certaine reticence B l'usage de la tarifi- cation au Qukbec. Ainsi, on observe au tableau 5-B que la vente de biens et services representait en 1972 une proportion des revenus autonomes plus importante au Quebec que pour l'ensemble des autres provinces alors qu'en 1982 la situation ktait renversee. Ceci tkmoigne soit d'un manque d'enthousiasme des gouvernements locaux qukb6cois, lib B l'existence d'en- traves juridiques, soit d'une augmentation plus rapide de la demande pour les services tarifiks dans les autres provinces. Par exemple, si on prksume que dans les autres provinces les services d'eau et d'aqueduc sont partielle- ment finances par la tarification locale alors qu'au Quebec ces services sont souvent financks par l'impbt foncier, il est alors kvident que l'augmentation de la demande pour ces services de 1972 B 1982 se traduit par un accroisse- ment plus 61evk de la tarification locale dans les autres provinces.

Par ailleurs, l'existence d'un manque d'enthousiasme pour la tarification est illustrk par le financement des communautks urbaines et des munici- palitks rkgionales de comtks. I1 s'agit d'un systkme de quotes-parts fond6

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sur le potentiel fiscal et non d’un systhme de tarification pour services rendus. Que dire par ailleurs du fait qu’en 1980 seulement 11 % des muni- cipalitks de 5 000 habitants et plus utilisaient des compteurs pour tarifier l’eau selon l’usage des citoyens!

La tarification reprksente peut-&tre l’avenue la plus prometteuse pour accroitre les revenus municipaux. A cet kgard, et &ant donnk la rkforme rkcente de la fiscalitk municipale, tout nouvel effort de decentralisation fiscale devra kvaluer la pertinence et les possibilites d’une tarification ac- crue des services municipaux. I1 est possible qu’une simple revision du code municipal et de la loi des cites et villes afin de permettre aux municipalitks de couvrir leurs charges fixes par une forme de tarification contribue davan- tage B l’autonomie municipale qu’une rkvision en profondeur du partage des pouvoirs fiscaux au Qu6beclB.

Decentralisation simultanee des depenses et des capacites fiscales

Alors que les ktudes des finances municipales ont successivement kvite d’aborder de front la dkcentralisation de fonctions importantes au niveau municipal, l‘expkrience des dernieres annkes en finances publiques au Qukbec permet d’entrevoir une telle possibilitk. Par exemple, le groupe de travail sur l’urbanisation a maintes fois souligne qu’il ne considkrait pas approprik de confier aux autoritks municipales une quelconque autorite en matiere d’education et de santk. Cette opinion semble s’articuler A partir de deux principes. Premihrement, un principe “d’autorit6” qui confie aux gouvernements centraux le rBle d’intervenant principal pour toutes les questions d’int6rBt public. Ainsi, le groupe de travail note :

“I1 est d’ailleurs important de souligner qu’au Canada et au Qukbec, les fonctions sont ainsi partaghes que ce sont les paliers supkrieurs de gouvernement qui assu- ment les r8les primordiaux dans Pallocation gknkrale des ressources, la rkparti- tion des charges fiscales et la redistribution des revenus; quant aux administra- tions locales leurs responsabilitks sur ces plans sont clairement circonscrites par les politiques des autres paliers de gouvernement. C’est en vertu de ce partage, avec lequel nous sommes en accord, que la responsabilitb des politiques relatives aux services qui doivent Qtre accessibles B l’ensemble de la population selon des normes gbnkrales, tels les services de santk et d’kducation, appartient au gouver- nement du Qukbec. C‘est en vertu du mQme principe que la responsabilith en matihre d’assistance sociale qu’avaient autrefois les municipaliths a 8th trans- fkrke il y a quelques annkes au gouvernement du Qukbecle.”

La faiblesse de cet argument, c’est qu’il accepte le systeme actuel comme &ant optimal et que, sans discuter les faiblesses d’un systkme &education

18 Pour une description detaillee des entraves A l’usage de la tarification municipale au Quebec, voir le Ropport du sous comite’ SUT la tnrification et les quotes-parts, op. cit. 19 Voir le Groupe de travail sur l’urbanisation, op. cit., p. 100.

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et de santk centralisk A l'kchelle provinciale, on conclut que l'universalitk du systhme existant consacre la main mise provinciale et fkdkrale. I1 est peu logique de conclure A la nkcessitk d'un contrble provincial et fkdkral parce que, de facto, ces niveaux de gouvernement ont dkcidk que les systemes d'kducation et de santk devaient 6tre uniformes A l'kchelle provinciale ou nationale.

Le deuxikme argument, qui en apparence semble plus dkfendable, est bask sur le fait que les systhmes d'kducation et de santk actuels occasion- nent une certaine redistribution des revenus. On utilise alors le prktexte que les municipalitks peuvent difficilement effectuer la redistribution des revenus pour justifier l'intervention des gouvernements supkrieurs. Bien qu'on puisse accepter la faiblesse des gouvernements locaux en matiere de redistribution des revenus et favoriser l'intervention des gouvernements supkrieurs, cela ne signifie point que ces gouvernements doivent produire des services uniformes de santk et d'Cducation. Cela signifie uniquement qu'ils doivent redistribuer les revenus en faveur des plus dkmunis et laisser ceux-ci choisir les services qu'ils dksirent. Les arguments de redistribution des revenus ou d'accessibiliti: universelle furent souvent utilisks comme prktexte A la production gouvernementale (nationalisation de la santk et de l'kducation, par exemple) alors que la faqon la plus efficace de redistri- buer les revenus est aussi la plus respectueuse de l'autonomie des individus (sinon des localitks); elle consiste tout simplement A eff ectuer des transferts inconditionnels en faveur des plus dkmunis (revenu minimum garanti).

Les arguments du groupe de travail sur l'urbanisation pour justifier le contrble fkdkral et provincial en matikre d'kducation et de santk sont tr&s faibles du point de vue kconomique. On peut croire cependant que l'expk- rience de ces systhmes ne permettait pas d'en saisir toutes les dkficiences et que, du point de vue politique, il aurait ktk ma1 vu de remettre en question de telles institutions.

La crise rkcente des finances publiques au Qukbec laisse pourtant en- trevoir certains avantages qui pourraient rksulter d'une plus grande dkcen- tralisation du financement et de la production des services de santk et d'kducation*O.

Ainsi, par la dkcentralisation du financement, l'administrateur, le poli- ticien et la population consommatrice se trouvent rkunis de faqon beau- coup plus ktroite. En conskquence, les relations entre les consommateurs et contribuables, les politiciens et les administrateurs sont directes et moins sujettes A des distortions occasionnkes par la poursuite d'autres inter&

20 Du point de vue strictement Bconomique, la meilleure solution au probleme de redistribution des revenus est le systhme de revenu minimum garanti sans intervention gouvernementale ni en santB ni en Bducation. Un certain realisme politique laisse entre- voir I'utopie d'une telle solution au QuBbec. Aussi, une solution mitoyenne consiste ?I dbcentraliser le financement et la production.

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que ceux de la population. Cest-&dire qu’on peut s’attendre B ce que la qualitk et la quantitk des services refl4tent davantage les besoins et les capacitks de financement de la population. Ceci d‘autant plus que la popu- lation sera davantage consciente des coilts de production surtout si un impdt visible (taxe foncibre) ou une tarification est utilisk comme mode de financement. Si l’augmentation des salaires des employks d’un hdpital municipal est votke par rkfkrendum, on ne pourra plus se quereller pour savoir si ce sont les grkvistes ou les politiciens qui savent ce qui est “bon” pour le peuple.

Par le rkfkrendum, la population dkcidera elle-mBme si elle accepte le forfait services-budget que lui offre l’administrateur. On se rappellera cependant qu’une solution supkrieure s’obtiendrait avec des hdpitaux et cliniques privks oh les mkdecins se concurrencent pour vendre des services aux usagers. La localitk pourrait alors financer les usagers les moins dk- munis (si c’est le dksir de la population) et le gouvernement provincial pourrait ktablir un systbme de pkrkquation entre les individus (et non les regions) pour assurer une accessibilitk accrue aux services. Le gouveme- ment provincial pourrait aussi, s’il le dksirait, rkduire les coClts exagkrCs qui peuvent Btre cr66s par un cartel mkdical (santk) ou syndical (6duca- tion), soit en taxant les revenus, soit en kliminant le pouvoir de cartel que lui-m6me leur a accord&

L’avantage de ces alternatives sur la main mise provinciale de l’adminis- tration de la santk, c’est qu’elles rendent simultankment la population et l’administrateur public plus responsables de leurs dkcisions car ils voient plus correctement les coilts et les bknkfices de leurs actes. Par ailleurs, le gouvernement provincial n’a plus le rdle d’un “patron” mais retrouve le rdle d’arbitre qu’il avait perdu.

En somme, les problbmes financiers rencontrhs B l’kchelle provinciale rksultent en partie d’une fausse gratuitk des services produits. La dCcentra- lisation de la production et du financement de ces services reprksente un substitut au ticket modkrateur, en permettant aux consommateurs et con- tribuables d’avoir une idke plus juste du coct des services qu’ils consom- ment. Dans cette optique, la dkcentralisation permet non seulement une plus grande satisfaction des dbirs des citoyens, mais incite hgalement B une plus grande minimisation des coilts de production et partant, A une plus grande rationalitk collective.

Conclusion Quiconque s’interroge sur la pertinence Bconomique d‘une strate’gie de de‘centralisation fiscale au Quebec doit rkpondre A deux questions SOUS-

jacentes. Premibrement, il doit chercher B identifier la rkpartition des pou- voirs fiscaux entre le gouvernement provincial et les localitks qui procu- rerait un maximum de bien-Btre B la sociCt6 qukbkcoise. I1 faut determiner

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le partage des pouvoirs publics qui permet les meilleurs rksultats en termes dallocation des ressources, distribution des revenus, stabilisation et crois- sance kconomique. Cette rkpartition optimale des pouvoirs btant identifike il faut, deuxikmement, kvaluer l'kcart entre la situation actuelle et la situa- tion optimale et, troisikmement, Qtablir une stratkgie permettant dattein- dre la solution optimale au moindre coiit possible.

Dans cette optique la rkforme de la fiscalitk municipale a effectivement atteint ses objectifs en permettant un transfert net de ressources en faveur des municipalitks et en permettant une plus grande autonomie fiscale B l'kchelle municipale. En somme, la rkforme de la fiscalitb semble avoir rksolu en partie le problirme de la "pression fiscale", dont la littkrature ad- ministrative avait beaucoup parlk au cours des vingt dernikres annkes. On observe cependant que la rkforme de la fiscalitk municipale a eu un effet marginal sur la dkcentralisation A l'hchelle locale (incluant le secteur sco- laire et le secteur hospitalier). Le maintien du financement provincial des commissions scolaires et des hdpitaux au Quebec traduit toujours une forte dkpendance des localitks qukbkcoises ?I l'kgard des transferts conditionnels. Cette dkpendance est d'ailleurs parmi les plus Qlevkes au Canada et en Amkrique.

Dans la mesure oh la population qu6bkcoise exprime le dksir dune plus grande dkcentralisation et oh on cherche i atteindre la rkpartition observee ailleurs au Canada, il faut envisager un contrdle accru des localitQs sur le financement et l'administration des dkpenses scolaires et sociales (santk par exemple). Parmi les gains pouvant Btre espQrQs d'une telle dkcentralisa- tion, notons la possibilith d'un recours plus important B la tarification comme mode de financement, une plus grande efficacitk occasionnke par la concurrence interjuridictionnelle, une rQduction des responsabilitks d'em- ployeur du gouvernement provincial dans le secteur de l'kducation et une augmentation de ses responsabilitks d'arbitre dans les 6ventuels confits de travail.

Une telle dkcentralisation des responsabilitks administratives et finan- cikres permettrait d'atteindre le degrk de dkcentralisation observe dam d'autres provinces canadiennes et assurerait des gains d'efficacitk dans l'allocation des ressources tout en rQduisant Qventuellement le coiit total des systkmes d'kducation et de santk au Qukbec. Cependant il existe des contraintes importantes qui militent contre la realisation de tels gains kco- nomiques. Ces contraintes sont principalement administratives et politi- ques. Du point de vue politique, il doit &re clair qu'un recours accru i la tarification en matiirre d'kducation affectera les principaux bknkficiaires du systkme actuel dont les coiits sont rkpartis sur l'ensemble de la population (b6nkficiaires et non bknkficiaires). I1 n'est pas clair qu'une volontQ poli- tique existe au Qukbec en faveur dun systkme de tarification des bknkfi- ciaires. La philosophie des "droits acquis" semble bien enracinee.

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Par ailleurs, de nombreuses difficult& administratives doivent &re en- visagkes. Par exemple, un des gains d'une kventuelle dkcentralisation du financement scolaire consiste en une reduction des coiits par la concurrence interjuridictionnelle. Mais si le marchk du travail demeure sous l'emprise de puissants monopoles syndicaux, dont l'existence est favoriske par les lois du travail, la dkcentralisation ne fera qu'accroftre le pouvoir de ces derniers face aux localitks. Dans un tel contexte, les gains de la dkcentrali- sation ne peuvent s'envisager sans une quelconque modification de la loi du travail et un dkmantdement du pouvoir monopoliste des syndicats. De la mQme faqon que les lois antitrust cherchent 21 protkger la population contre les monopoles sur le marchk des biens et services, les lois du travail devraient garantir un minimum de concurrence sur le marchk de la main- d'oeuvre. On doit cependant comprendre qu'une telle modification des lois du travail au Quebec occasionnera des coiits administratifs et politiques importants. I1 sera donc trbs difficile de redonner un r81e d'arbitre au gou- vernement provincial sur le march6 du travail. Un tel changement peut reprksenter un suicide politique dans le contexte actuel et bien qu'il soit justifiable par des objectifs d'kquitk et d'efficacitk, un certain rkalisme poli- tique et administratif permet de croire qu'il s'agit 1 i d'un dkveloppement B long terme.

Nkanmoins, la dkcentralisation des responsabilitks et du financement doit btre envisagke d'ores et dkji comme faisant partie des scknarios pour l'ave- nir. En conskquence, mCme si une telle dkcentralisation peut sembler utopique dans la situation actuelle, on doit l'inclure dans une stratkgie de dkveloppement. Si on accepte le statu quo en matikre de dkpenses et qu'on efface arbitrairement la dkcentralisation du financement des services de santk et d'kducation des scknarios B considkrer pour l'avenir, il subsiste plusieurs autres dkveloppements qui pourraient alimenter le mouvement vers une plus grande dkcentralisation au niveau des localitks.

Premihrement, mdme si on nkglige d'ktudier une kventuelle dkcentrali- sation du financement des services de santk et d'kducation, il existe d'autres champs dactivitk du gouvernement provincial qui pourraient Ctre confiks aux gouvernements locaux. I1 en est ainsi pour diffkrents services de trans- port et d'entretien routier, de loisirs, de police, de justice et de distribution des revenus.

Deuxii?mement, m6me si on accepte le statu quo en matihe de respon- sabilitks de dkpense, on retrouve plusieurs types d'interfkrence provinciale dans les champs d'activitk qui sont confiks aux gouvernements locaux. Des rkglementations multiples imposkes par diffkrents ministbres chevauchent les activitks des gouvernements locaux et rkduisent d'autant l'autonomie locale ?I l'kgard de ces champs d'activitk. Un inventaire de ces chevauche- ments devrait Qtre klabork. Un comitk de coordination rkunissant les prin- cipaux intervenants pourrait Qtre mis en place afin de rkduire les distorsions

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occasionnkes par des decisions discrktionnaires A l'dchelle des ministeres dont les activitds interferent avec l'autonomie en matiere de gestion muni- cipale.

Finalement dans une optique 8 court terme, les changements les plus vraisemblables en matihre de dhcentralisation financidre touchent l'usage de la tarification B l'kchelle municipale. I1 fut dkjA not6 que les gouverne- ments locaux au Quebec sous-utilisent la tarification comme mode de finan- cement. Les principales raisons sont l'hkgkmonie provinciale dans les do- maines de la santk et de l'dducation, ainsi qu'une reticence des gouverne- ments rkgionaux face A la tarification, Nkanmoins, dans un contexte de con- traintes budgktaires pour tous les niveaux de gouvernement au Canada, l'usage de la tarification pour financer le dheloppement de nouvelles acti- vitks est dictk par un certain rkalisme budgktaire. A l'kchelle municipale, l'usage de la tarification se trouve rkglementk par le code municipal ainsi que par les restrictions imposdes par diffkrents ministhres. I1 est primordial, B court terme, &encourager l'utilisation de la tarification comme mode de financement. A cet effet, un inventaire des services pouvant Qtre soumis A la tarification devrait Btre klabork, un guide de la tarification dkcrivant les mkthodes destimation des prix devrait Qtre construit et une rdvision de lois qui contraignent l'usage de la tarification devrait Qtre entreprise.

Pour conclure, il ne fait aucun doute que, m&me aprks la rkforme du financement municipal, il reste plusieurs voies de dkveloppement pour dd- centraliser le financement des activitks gouvernementales au QuBbec. Avec la dkcroissance gknkraliske de l'impBt foncier comme source de financement local en Amkrique du Nord, il est utopique de croire que la rkforme a rkglk dkfinitivement le probldme de la pression fiscale au Quebec. Les politiciens locaux actuels ont peut-&tre gagnk quelques millions A court terme, mais A long terme ce sont kvidemment d'autres politiciens qui hkriteront du pro- blkme et devront qubter des subventions ou se faire hara-kiri en augmen- tant l'imp6t foncier.

S'il existe une volontk rdelle A cet effet, une stratkgie favorisant la dkcen- tralisation pourrait s'klaborer en trois points. A court terme, on peut cher- cher A favoriser l'usage de la tarification A l'kchelle municipale en amen- dant les lois qui contraignent ce mode de financement et en fournissant aux autoritks municipales l'information requise pour utiliser la tarification corn- me source de financement. Par ailleurs, certaines Cconomies peuvent &re rkaliskes par un usage plus ktendu de services contractuels (entretien routier, enlevement des ordures et de la neige) ou par la privatisation de certains services. A moyen terme, on peut envisager le transfert de respon- sabilitks qui sont actuellement sous juridiction provinciale et qui se prBtent 8 la tarification comme mode de financement. Finalement, on peut penser qu'8 long terme, le gouvernement provincial envisage de transfkrer cer- tains pouvoirs de financement et quelques responsabilitks administratives aux gouvernements locaux en matiere dkducation et de santk.

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Qu’il y ait des gains Qconomiques 2I obtenir par une plus grande dkcen- tralisation des pouvoirs de financement et des responsabilitks de d6pense ne fait aucun doute. Croire cependant qu’il y a eu par le pass6 une vkri- table dkcentralisation des pouvoirs 21 l’kchelle locale relhve plus du mythe que de la rkalit6 (voir tableau 4). Esp6rer qu’une volontk politique quel- conque provoquera kventuellement une telle dkcentralisation est peut-6tre kgalement un r6ve dans le contexte qu6bkcois et canadien. Les politiciens locaux semblent toujours rkclamer plus dautonomie tout en sacrifiant celle- ci par les subventions et transferts qu’ils convoitent. Ce comportement ne fait-il que traduire les dksirs d’une population qui veut kchapper 2I ses responsabilitks? Quel avenir nous rkserve ceux qui veulent devenir les sages des sages dont parle Beaudelaire? Peut-on espkrer qu’un jour les hommes auront appris qu’on ne peut kchapper A la realit6 et que la sagesse ne s’acquiert pas les yeux fermks?

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