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François Cusin Maître de conférences (HDR) IRISSO (UMR 7170 – CNRS/Université ParisCodirecteur de la Chaire Ville & [email protected]
Document de synthèse
Eléments de réflexion en vdu Havre Pointe de Caux Estuaire
I/ Retour sur le diagnostic territorial
1/ La compétitivité ................................
2/ L’attractivité ................................
3/ La qualité territoriale ................................
4/ L’inclusion économique et sociale
5/ La gouvernabilité ................................
II/ Quelles stratégies pour l’avenir
1/ Comment diversifier l’économie et l’offre urbaine pour promouvoir l’attractivité
2/ Renforcer la gouvernance
1
Maître de conférences (HDR) en Sociologie à l’Université Paris-Dauphine /Université Paris-Dauphine)
Codirecteur de la Chaire Ville & Immobilier
Document de synthèse de l’étude :
Eléments de réflexion en vue de l’élaboration du prochaindu Havre Pointe de Caux Estuaire
I/ Retour sur le diagnostic territorial ................................................................
................................................................................................
................................................................................................
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4/ L’inclusion économique et sociale ................................................................
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II/ Quelles stratégies pour l’avenir ? ................................................................
1/ Comment diversifier l’économie et l’offre urbaine pour promouvoir l’attractivité
2/ Renforcer la gouvernance : à quelle échelle ? ..............................................................
ue de l’élaboration du prochain SCOT
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1/ Comment diversifier l’économie et l’offre urbaine pour promouvoir l’attractivité ? .... 9
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Le SCOT adopté en 2012 a été l’occasion de dresser un diagnostic détaillé du territoire du
Havre Pointe de Caux Estuaire (agglomération du Havre et communauté de communes de
Saint-Romain de Colbosc). Le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD)
adopté a permis de fixer les grandes orientations du projet de développement du territoire en
affichant une ambition de « métropole maritime internationale » à l’échelle de l’Estuaire de la
Seine. Les deux intercommunalités s’engagent aujourd’hui dans l’élaboration d’un nouveau
SCOT dont l’adoption est prévue pour 2017.
La période actuelle est marquée par de profondes transformations avec, d’une part, la
réforme territoriale engagée par l’Etat et, de l’autre, le renforcement des structures
intercommunales.
S’appuyant sur des données d’études récentes, des entretiens auprès d’acteurs locaux et
des traitements statistiques réalisés par l’équipe de la Chaire Ville & Immobilier de
l’Université Paris-Dauphine, ce document de synthèse a fait l’objet d’une présentation le 21
novembre 2014 devant les élus des deux intercommunalités. Son objectif est :
• De rappeler des éléments de diagnostic de l’agglomération havraise et du territoire du
SCOT en les interprétant à lumière d’une grille de lecture distinguant cinq dimensions du
développement urbain et territorial (cf. schéma ci-dessous) : la compétitivité,
l’attractivité, la qualité territoriale, la capacité à inclure l’ensemble des habitants et la
gouvernabilité. Le renforcement de la gouvernabilité du territoire est essentiel pour
enclencher une nouvelle dynamique territoriale et promouvoir de façon articulée la
compétitivité, l’attractivité, la qualité territoriale et l’inclusion des habitants.
• D’identifier un certain nombre d’enjeux stratégiques pour le développement territorial et
de proposer des pistes visant à nourrir la réflexion qui va être engagée dans le cadre de
l’élaboration du nouveau SCOT.
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Les cinq dimensions du développement territorial
I/ Retour sur le diagnostic territorial
1/ La compétitivité
La compétitivité est la capacité à tirer parti de la concurrence territoriale en créant des
richesses grâce à la production de biens et services exportés en dehors du territoire (économie
productive).
La particularité de l’agglomération havraise, dans un contexte national de déclin des
industries traditionnelles, est le renforcement de sa position en tant que complexe industrialo-
portuaire (CIP). Peu de villes françaises n’ayant pas le rang de métropole disposent d’une
spécialisation aussi forte et concentrent de tels activités et savoir-faire jouant un rôle clé dans
une économie mondialisée. Le revers de la médaille cette spécialisation est la dépendance à la
conjoncture mondiale et à des décideurs extérieurs au territoire, la prédominance de grands
établissements industriels et un développement économique insuffisamment pourvoyeur
d’emplois locaux. Le CIP représente 42,5% de la richesse créée pour 22,5% de la main
d’œuvre salariée du bassin d’emploi (32 000 salariés).
A l’échelle de l’aire urbaine, on note un déficit d’emplois tertiaires et d’emplois de cadres
des fonctions métropolitaines très créateurs de valeur ajoutée (prestations intellectuelles,
conception-recherche, commerce inter-entreprises, gestion, culture). La capacité à attirer des
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sièges sociaux d’entreprises, à stimuler l’essor des PME/PMI et à favoriser le développement
des services avancés aux entreprises est clairement un enjeu pour le développement du
territoire du SCOT.
2/ L’attractivité
L’attractivité est la capacité à faire converger toute sorte de ressources nécessaires à
l’économie locale, à l’action des collectivités territoriales et la dynamique démographique.
Ces ressources peuvent être des capitaux, des entreprises, des habitants (actifs ou non), des
résidents secondaires ou encore des touristes.
Le manque d’attractivité résidentielle du territoire est un sujet récurrent de préoccupation.
A toutes les échelles (commune du Havre, agglomération, aire urbaine), le territoire présente
un solde migratoire déficitaire depuis 1975. C’est certes le cas de la plupart des aires urbaines
de la moitié nord du pays. Mais pour l’aire havraise, le déficit migratoire n’est plus
aujourd’hui compensé par l’excédent naturel. Le territoire perd donc des habitants.
L’attrait du périurbain pour des ménages qui quittent la ville-centre et l’agglomération
afin d’accéder à la propriété dans des zones moins chères joue, mais il n’est pas le facteur
déterminant des dynamiques havraises. L’analyse des flux résidentiels à l’échelle de l’aire
urbaine permet de mettre en évidence les principales caractéristiques du déficit d’attractivité
de l’ensemble du bassin de vie.
En comparant, pour différentes variables (voir graphique ci-dessous), le classement de
l’aire urbaine havraise au sein du groupe des 100 principales aires urbaines françaises, il
ressort que :
• Le déficit migratoire de l’aire havraise est fort comparativement aux autres aires urbaines.
30e aire urbaine française par la population (291 000 habitants), elle se situe au fond du
classement des villes attractives : les soldes migratoires (1999-2006) en nombre et en
pourcentage de la population la classent respectivement en 97e et 96e place.
• En nombre d’entrants sur la période 2001-2006, l’aire havraise remonte dans le
classement (52e place). Mais lorsque ce chiffre est rapporté à sa population, l’aire chute à
nouveau à la 97e place.
• En revanche, la situation de l’aire havraise apparaît bien meilleure relativement à bien des
autres aires urbaines françaises du point de vue du nombre de sortants (35e place) et
surtout lorsque l’on rapporte ce nombre à la population locale (14e place).
• Enfin, le nombre des cadres et professions intellectuelles attirés durant la période 2001-
2006 positionne l’aire havraise à la 42e place, à comparer à sa 30e place en termes de
population. Cela confirme la difficulté du territoire à capter des catégories
socioprofessionnelles supérieures.
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Classement de l’aire urbaine du Havre selon plusieurs critères d’attractivité résidentielle au sein
du groupe des 100 principales aires urbaines françaises (période 1999-2006)
Source : INSEE, Recensement de la population. Traitement Paris-Dauphine.
Bref, l’aire urbaine havraise, et a fortiori la ville-centre et le territoire du SCOT, ne sont
pas tant pénalisés par une hémorragie de population due aux migrations que par une faible
capacité à en attirer de nouvelles. Le territoire se situe aujourd’hui à l’écart des grands circuits
de mobilité résidentielle.
Les conséquences de ce manque d’attractivité risquent à terme d’être les suivantes :
• Un vieillissement accéléré de la population avec un impact sur le solde naturel (hausse
des décès et baisse des naissances).
• Une baisse du nombre de ménages dans la commune du Havre avec mécaniquement une
diminution de la demande de logements et une hausse de la vacance dans la ville-centre,
ainsi qu’une baisse des effectifs scolaires.
• Une baisse de la population active dans l’ensemble du bassin d’emploi à l’horizon 2030.
Ceci provoquera une compression du marché du travail de l’aire urbaine, avec de
nombreux emplois restant vacants, même en tenant compte de l’augmentation du taux
d’emplois des femmes1.
1 AURH-INSEE, « Perspectives démographiques de l’agglomération havraise à l’horizon 2030 », Dossier d’Aval Haute-Normandie, mai 2014.
30e
97e 96e
52e
97e
35e
14e
42e
0
20
40
60
80
100
Population
Solde migratoire en
nombre
Solde migratoire en
% de la population
Entrants en nombre
Entrants en % de la population
Sortants en nombre
Sortants en % de la population
Cadres attirés
en nombre
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Le déficit d’attractivité et ses conséquences sont-ils une fatalité ? Plusieurs exemples
montrent que ce n’est pas le cas. Des agglomérations comme Nantes, Bordeaux ou Saint-
Nazaire qui ont particulièrement souffert sur le plan industrialo-portuaire ont opéré une
diversification de leur économie et développé des projets urbains qui leur ont permis de
retrouver l’attractivité qui leur faisait défaut.
3/ La qualité territoriale
La qualité territoriale dépend de l’ensemble des aménités (paysages et environnement,
institutions, infrastructures, équipements, services, ambiance urbaine, patrimoine, climat
social, sécurité, etc.) qui participent au bien-être des usagers du territoire et facilitent leur
activité au quotidien, qu’il s’agisse des habitants, des entreprises ou encore des gens de
passage (touristes, résidents secondaires).
Si l’on se limite aux éléments de qualité de vie, l’agglomération possède des atouts
indéniables : qualité paysagère de l’Estuaire, du littoral et de la campagne cauchoise (ceinture
verte et agricole) ; un faible étalement urbain et l’absence de congestion urbaine ; une offre
culturelle (danse, théâtre, musique, MuMa, fort de Tourneville, Port Center, etc.), une offre de
loisirs autour des activités nautiques et du nouveau stade. Le classement UNESCO de 2005 a
par ailleurs fortement contribué à changer le regard porté sur le patrimoine urbain du Havre.
En outre, l’agglomération a beaucoup changé en 20 ans. Elle a fait peau neuve et s’est
modernisée. Des politiques ont été menées pour promouvoir la qualité de vie dans tous les
quartiers. La reconquête des bassins et quartiers sud est en cours (bains des Docks, Docks
Vauban, nouvelle offre résidentielle). Enfin, à la rénovation des quartiers, des espaces publics
et de l’habitat (politique de renouvellement urbain et de rénovation urbaine) s’ajoute en
matière d’aménagement la mise en service du tramway. Il reste néanmoins encore à faire pour
le logement : la question est plutôt qualitative que quantitative. Un des objectifs pour l’avenir
est la diversification de l’offre et l’amélioration des éléments vétustes du parc.
S’il est important de continuer à promouvoir la qualité de vie et la qualité des
équipements et institutions locaux pour les habitants et usagers, l’enjeu pour le
développement urbain et pour l’attractivité est que ces qualités soient connues et reconnues à
l’extérieur. Il faut donc faire et faire savoir.
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4/ L’inclusion économique et sociale
L’inclusion renvoie à la notion de cohésion sociale. Celle-ci dépend du niveau des
inégalités économiques et socio-spatiales et des disparités en termes d’accès à l’emploi, au
logement et aux éléments de qualité de vie.
La capacité à mieux inclure l’ensemble de la population dans la dynamique économique
du territoire est un enjeu majeur pour l’agglomération havraise. Si les efforts accomplis durant
la dernière décennie ont permis d’améliorer les conditions d’habitat et l’offre urbaine,
l’intégration par l’économique butte encore sur au moins trois réalités : 1/ le primat d’activités
industrialo-portuaires qui sont moins demandeuses de main-d’œuvre ; 2/ la faiblesse des
emplois administratifs et des services marchands non liés à l’industrie, au port et la
logistique ; 3/ l’insuffisance de qualification d’une partie de la population active (en
particulier les jeunes).
Le taux de chômage supérieur à la moyenne nationale (15% dans l’aire urbaine, 17%
dans l’agglomération et 19% au Havre), l’augmentation du nombre d’allocataires du RSA et
les indicateurs globaux d’inégalités révèlent les difficultés économiques d’une partie
importante de la population. L’approche territorialisée souligne la concentration de ces
difficultés économiques (chômage, travail précaire, faiblesse des revenus) et des difficultés
sociales (sorties du système scolaire sans diplômes, déstructurations familiales, problèmes
sanitaires, isolement social, etc.) dans certains quartiers centraux et péricentraux. La prise en
charge de ces problèmes est rendue difficile en raison de structures d’accompagnement encore
insuffisantes, en particulier dans le domaine de la santé et de l’éducation.
Le marché immobilier est certes détendu comparativement à de nombreuses aires
urbaines françaises, mais la hausse des prix a été de 103% pour les appartements anciens et
de 49% dans le neuf entre 2000 et 2011. Il en résulte un problème d’adéquation entre l’offre
et la solvabilité des candidats à l’accession. Depuis la crise économique, le contexte est peu
favorable à la construction, donc à l’amélioration qualitative du parc. Le parc social havrais
est quant à lui conséquent mais spécialisé dans l’accueil des populations les plus fragiles
(70% des demandeurs ont des revenus inférieurs à 60% des plafonds PLUS), ce qui ne
favorise pas la mixité sociale.
Si à l’échelle nationale, il n’y a pas d’agglomérations qui ne soient confrontées au
renforcement des inégalités socio-spatiales, le degré d’inclusion est variable d’un territoire à
l’autre. L’aire lyonnaise, par exemple, apparaît sur ce point en bien meilleure position que
Marseille-Aix. L’aire havraise se situerait entre les deux. Quoi qu’il en soit, la capacité à
mieux inclure l’ensemble de la population dans la dynamique économique locale est un enjeu
majeur pour l’avenir du territoire du SCOT.
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5/ La gouvernabilité
La capacité d’un territoire à être gouvernable dépend d’abord de l’adéquation de son
système de gouvernance aux différentes échelles territoriales à prendre en compte. Elle repose
ensuite sur l’intégration et la mobilisation des différentes parties-prenantes dans la démarche
d’élaboration d’une stratégie commune de développement local. Enfin, elle suppose de plus
en plus une capacité à s’inscrire dans des réseaux de territoires et de villes afin de pouvoir
mettre œuvre des relations de coopération et renforcer les complémentarités (plutôt que la
concurrence directe).
Les nombreux projets urbains qui ont vu le jour dans le territoire du SCOT durant la
dernière décennie témoignent d’un renforcement de la gouvernance urbaine et de la capacité
de mobilisation collective des acteurs politiques, administratifs et économiques locaux. Mais
comme dans la plupart des villes françaises, la capacité à promouvoir un développement
équilibré articulant compétitivité, attractivité, qualité et inclusion dépendra : d’une meilleure
adaptation du système de gouvernance au territoire d’emploi et de vie ; de sa capacité à
intégrer l’ensemble des acteurs du développement économique et social ; de sa participation à
des partenariats et à des projets d’aménagement à une échelle plus large (Grande Normandie,
axe Seine).
II/ Quelles stratégies pour l’avenir ?
Dans la période récente, l’image du territoire s’est améliorée, notamment grâce au
classement au patrimoine mondial de l’UNESCO et au coup de projecteur mis sur
l’agglomération lors des débats sur le Grand Paris. Cela n’a cependant pas suffi pour inverser
la tendance. La cause n’est pas seulement liée à l’image du territoire. Elle est également
économique. L’insuffisance de développement d’emplois non liés au complexe industrialo-
portuaire limite l’arrivée de nouveaux habitants, en particulier celle des jeunes, des cadres et
des professions intellectuelles supérieures. La diversification économique et l’amélioration de
l’attractivité résidentielle ont donc partie liée. Leur promotion dépendra de la capacité de
mobilisation des élus et des acteurs économique au sein d’un système de gouvernance
renforcé sur le plan interne et élargi à d’autres territoires sur le plan externe.
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1/ Comment diversifier l’économie et l’offre urbaine pour promouvoir
l’attractivité ?
Dans le cas du territoire du SCOT et de l’agglomération havraise, l’enjeu de l’attractivité
résidentielle est indissociable de celui de la diversification économique et du développement
d’un tissu local de PME et PMI. Plusieurs axes, déjà été envisagés lors de l’élaboration du
SCOT en vigueur, méritent d’être renforcés.
Si l’augmentation de l’emploi public ne représente pas une voie très prometteuse compte
tenu du statut administratif actuel de la ville-centre et des contraintes pesant sur les finances
publiques (nationales et locales), le secteur marchand peut être fortement dynamisé tant dans
le domaine de l’économie productive que dans celui de l’économie résidentielle.
Dans le domaine de l’économie productive, plusieurs pistes de réflexion méritent d’être
approfondies :
• La poursuite de la modernisation de l’appareil portuaire incluant le développement d’une
économie de filière avec le traitement et la valorisation des marchandises des conteneurs.
• La promotion de services avancés aux entreprises portuaires et industrielles
(informatique, assurances, finance, gestion, conseil à l’export, etc.).
• La constitution d’un « cluster innovant » (ou pôle technologique) dans le domaine de la
transition énergétique et de la gestion des risques environnementaux. Des atouts sont déjà
présents sur le territoire. Parmi eux, on peut souligner la mise en place d’un partenariat
avec Paris-Saclay Efficacité Energétique sur la question de la flexibilité et de l’efficacité
énergétique des installations industrielles couplées aux zones urbaines (économie
circulaire) ou encore l’arrivée prochaine d’AREVA éolien.
La stratégie de diversification du tissu économique doit passer par un resserrement des
liens entre collectivités locales, CCI et organismes de formation supérieure. Si certains d’entre
eux (Ecole de Management de Normandie, ISEL, etc.) sont bien implantés dans le paysage
havrais (qui s’est enrichi récemment avec l’implantation de Sciences Po Asie), les liens avec
l’Université mériteraient d’être renforcés.
L’Université du Havre est en grande partie généraliste et n’a pas une masse critique. Elle
pourrait à l’avenir jouer un rôle dans l’offre de nouvelles formations en lien avec les activités
économiques du territoire (transport, logistique et industrie), avec les secteurs porteurs
(transition énergétiques et économie circulaire) et avec le développement des activités
commerciales, touristiques et culturelles. Des spécialisations fortes en matière de formation et
de recherche, que l’on ne trouve pas ailleurs, seraient de nature à renforcer le rayonnement de
la ville et à attirer des étudiants qui trouveraient du travail sur place. Cette stratégie pourrait
être au cœur de la constitution du cluster ou pôle innovant évoqué plus haut.
10
Dans le domaine de l’économie résidentielle :
• L’accent pourrait être mis sur le tourisme, les commerces et l’offre culturelle.
L’augmentation des flux de croisiéristes représente une opportunité pour l’agglomération
alors que la ville s’apprête à fêter les 10 ans de son classement au patrimoine de
l’UNESCO et les 500 ans de sa fondation. Il s’agirait d’organiser un véritable secteur
économique du tourisme incluant une offre culturelle, de loisirs et de commerces
(incluant la restauration et l’hôtellerie) adaptée à ce segment de clientèle. Le tourisme
d’affaires est également un enjeu pour le développement local et le rayonnement de
l’agglomération havraise.
• L’essor des activités culturelles participe du rayonnement des villes, qu’il s’agisse de
l’offre destinée aux habitants ou d’événements ayant une portée nationale. Si l’emploi, et
donc la diversification économique, est cruciale pour attirer des cadres, des professions
intellectuelles supérieures et des professions intermédiaires, la culture, les activités
sportives et les commerces de centre-ville participant de l’ambiance urbaine font partie
des critères de choix de localisation des actifs engagés dans des mobilités longues.
• Faut-il un projet architectural phare ? A la recherche du célèbre « effet Bilbao »,
beaucoup de villes françaises et européennes se sont lancées dans des projets conçus par
de grandes signatures de l’architecture, visant à marquer le territoire par un bâtiment
emblématique associé à une offre culturelle à fort rayonnement. Comment porter un
projet marquant et innovant à un coût supportable pour la collectivité ? La question
mérite d’être posée.
• Enfin, le développement des services à la personne ne doit pas être oublié, qu’il s’agisse
des services aux personnes âgées (le maintien à domicile génère des besoins) ou des
services dans le domaine sanitaire et social. Le déficit de professionnels de santé est un
handicap pour les populations présentes et pour une politique visant à en attirer de
nouvelles.
Bref, le développement de l’économie résidentielle est de nature à renforcer l’attractivité
du territoire, à fournir des services améliorant la qualité de vie des populations et à diversifier
le marché du travail local. Ce dernier aspect est d’autant plus important que l’activité
portuaire et industrielle est traditionnellement peu favorable à l’emploi des femmes et qu’il
génère de moins en moins d’emplois accessibles à la main d’œuvre peu qualifiée.
11
2/ Renforcer la gouvernance : à quelle échelle ?
L’évolution de la gouvernance du territoire sera également décisive du point de vue de la
stratégie de développement territorial. Plusieurs axes peuvent être proposés à la réflexion :
• Le projet de fusion des deux intercommunalités du périmètre du SCOT.
• Les perspectives d’évolution des relations entre les collectivités locales et le port, compte
tenu du changement de statut de ce dernier qui (devenu un EPIC) et de la création
d’HAROPA. Il s’agit d’une question clé pour l’avenir du territoire.
• Le resserrement des liens entre collectivités locales, CCI et organismes de formation
supérieure et de recherche.
Enfin, le développement territorial passera par une meilleure insertion dans les réseaux de
villes. Par le passé, la concurrence avec Rouen ou Caen, le primat de Paris et les grandes
politiques d’aménagement du territoire de l’Etat ont joué un rôle déterminant dans l’histoire
havraise. Aujourd’hui, l’obtention par Rouen (prévue en 2015) du statut de métropole modifie
la donne, de même que le projet de réforme territoriale devant aboutir à la réunion des deux
Normandie et que le projet de renforcement de l’axe Seine.
La recherche de complémentarités avec Rouen et Caen est un enjeu de taille, d’autant
que, si la première aura le statut de métropole, elle n’en aura pas tous les atouts en termes de
rayonnement, de fonctions métropolitaines ou encore d’offre universitaire et d’activités de
recherche. La seconde apparaît quant à elle plus excentrée, notamment dans l’optique du
développement de l’axe Seine. L’agglomération havraise a donc une carte à jouer pour
renforcer la collaboration avec ses deux voisines et pour contribuer à relancer de l’idée d’un
Grand Paris ouvert sur la mer et sur les échanges internationaux.
Parmi les scénarios envisagés dans le cadre de la Grande Normandie, celui envisagé par
un groupe de géographes de Rouen, de Caen et du Havre offre une piste intéressante2. L’idée
serait l’organisation d’une capitale tripolaire (avec un chef-lieu et une véritable répartition des
compétences entre les trois agglomérations) qui pourrait voir le jour dans le mouvement de
réforme territoriale et de constitution des « pôles métropolitains » prévus par la loi de 2010. Il
s’agirait ainsi de doter la future Grande Normandie d’une métropole qui n’imposerait pas un
système pyramidal mais s’organiserait sous la forme d’un réseau de fonctions métropolitaines
réparties entre les trois pôles.
Vu sous cet angle, les stratégies de compétitivité et d’attractivité passeraient moins par
une logique territoriale stricto sensu que par une logique de réseau dans laquelle
l’agglomération havraise chercherait à faire valoir les forces de sa spécialisation tout en
essayant de trouver des opportunités de diversification économique et d’innovation.
2 La Normandie en débat. Une métropole à inventer, n°3, octobre 2014.