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François Cusin Maître de conférences (HDR) IRISSO (UMR 7170 – CNRS/ Codirecteur de la Chaire Ville [email protected] Docu Eléments de réflexio du Ha I/ Retour sur le diagnost 1/ La compétitivité ......... 2/ L’attractivité ............... 3/ La qualité territoriale .. 4/ L’inclusion économiqu 5/ La gouvernabilité ....... II/ Quelles stratégies pou 1/ Comment diversifier l’ 2/ Renforcer la gouvernan 1 en Sociologie à l’Université Paris-Dauphine /Université Paris-Dauphine) e & Immobilier ument de synthèse de l’étude : n en vue de l’élaboration du pro avre Pointe de Caux Estuaire tic territorial ........................................ ......................................................................... ......................................................................... ......................................................................... ue et sociale ..................................................... ......................................................................... ur l’avenir ? ......................................... ’économie et l’offre urbaine pour promouvoir nce : à quelle échelle ? .................................... ochain SCOT ......................... 3 ............................. 3 ............................. 4 ............................. 6 ............................. 7 ............................. 8 ......................... 8 r l’attractivité ? .... 9 ........................... 11

"Éléments de réflexion en vue de l'élaboration du prochain SCoT LHPCE" - François Cusin, Université Paris Dauphine

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François Cusin Maître de conférences (HDR) IRISSO (UMR 7170 – CNRS/Université ParisCodirecteur de la Chaire Ville & [email protected]

Document de synthèse

Eléments de réflexion en vdu Havre Pointe de Caux Estuaire

I/ Retour sur le diagnostic territorial

1/ La compétitivité ................................

2/ L’attractivité ................................

3/ La qualité territoriale ................................

4/ L’inclusion économique et sociale

5/ La gouvernabilité ................................

II/ Quelles stratégies pour l’avenir

1/ Comment diversifier l’économie et l’offre urbaine pour promouvoir l’attractivité

2/ Renforcer la gouvernance

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Maître de conférences (HDR) en Sociologie à l’Université Paris-Dauphine /Université Paris-Dauphine)

Codirecteur de la Chaire Ville & Immobilier

Document de synthèse de l’étude :

Eléments de réflexion en vue de l’élaboration du prochaindu Havre Pointe de Caux Estuaire

I/ Retour sur le diagnostic territorial ................................................................

................................................................................................

................................................................................................

................................................................................................

4/ L’inclusion économique et sociale ................................................................

................................................................................................

II/ Quelles stratégies pour l’avenir ? ................................................................

1/ Comment diversifier l’économie et l’offre urbaine pour promouvoir l’attractivité

2/ Renforcer la gouvernance : à quelle échelle ? ..............................................................

ue de l’élaboration du prochain SCOT

................................ 3

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1/ Comment diversifier l’économie et l’offre urbaine pour promouvoir l’attractivité ? .... 9

.............................. 11

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Le SCOT adopté en 2012 a été l’occasion de dresser un diagnostic détaillé du territoire du

Havre Pointe de Caux Estuaire (agglomération du Havre et communauté de communes de

Saint-Romain de Colbosc). Le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD)

adopté a permis de fixer les grandes orientations du projet de développement du territoire en

affichant une ambition de « métropole maritime internationale » à l’échelle de l’Estuaire de la

Seine. Les deux intercommunalités s’engagent aujourd’hui dans l’élaboration d’un nouveau

SCOT dont l’adoption est prévue pour 2017.

La période actuelle est marquée par de profondes transformations avec, d’une part, la

réforme territoriale engagée par l’Etat et, de l’autre, le renforcement des structures

intercommunales.

S’appuyant sur des données d’études récentes, des entretiens auprès d’acteurs locaux et

des traitements statistiques réalisés par l’équipe de la Chaire Ville & Immobilier de

l’Université Paris-Dauphine, ce document de synthèse a fait l’objet d’une présentation le 21

novembre 2014 devant les élus des deux intercommunalités. Son objectif est :

• De rappeler des éléments de diagnostic de l’agglomération havraise et du territoire du

SCOT en les interprétant à lumière d’une grille de lecture distinguant cinq dimensions du

développement urbain et territorial (cf. schéma ci-dessous) : la compétitivité,

l’attractivité, la qualité territoriale, la capacité à inclure l’ensemble des habitants et la

gouvernabilité. Le renforcement de la gouvernabilité du territoire est essentiel pour

enclencher une nouvelle dynamique territoriale et promouvoir de façon articulée la

compétitivité, l’attractivité, la qualité territoriale et l’inclusion des habitants.

• D’identifier un certain nombre d’enjeux stratégiques pour le développement territorial et

de proposer des pistes visant à nourrir la réflexion qui va être engagée dans le cadre de

l’élaboration du nouveau SCOT.

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Les cinq dimensions du développement territorial

I/ Retour sur le diagnostic territorial

1/ La compétitivité

La compétitivité est la capacité à tirer parti de la concurrence territoriale en créant des

richesses grâce à la production de biens et services exportés en dehors du territoire (économie

productive).

La particularité de l’agglomération havraise, dans un contexte national de déclin des

industries traditionnelles, est le renforcement de sa position en tant que complexe industrialo-

portuaire (CIP). Peu de villes françaises n’ayant pas le rang de métropole disposent d’une

spécialisation aussi forte et concentrent de tels activités et savoir-faire jouant un rôle clé dans

une économie mondialisée. Le revers de la médaille cette spécialisation est la dépendance à la

conjoncture mondiale et à des décideurs extérieurs au territoire, la prédominance de grands

établissements industriels et un développement économique insuffisamment pourvoyeur

d’emplois locaux. Le CIP représente 42,5% de la richesse créée pour 22,5% de la main

d’œuvre salariée du bassin d’emploi (32 000 salariés).

A l’échelle de l’aire urbaine, on note un déficit d’emplois tertiaires et d’emplois de cadres

des fonctions métropolitaines très créateurs de valeur ajoutée (prestations intellectuelles,

conception-recherche, commerce inter-entreprises, gestion, culture). La capacité à attirer des

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sièges sociaux d’entreprises, à stimuler l’essor des PME/PMI et à favoriser le développement

des services avancés aux entreprises est clairement un enjeu pour le développement du

territoire du SCOT.

2/ L’attractivité

L’attractivité est la capacité à faire converger toute sorte de ressources nécessaires à

l’économie locale, à l’action des collectivités territoriales et la dynamique démographique.

Ces ressources peuvent être des capitaux, des entreprises, des habitants (actifs ou non), des

résidents secondaires ou encore des touristes.

Le manque d’attractivité résidentielle du territoire est un sujet récurrent de préoccupation.

A toutes les échelles (commune du Havre, agglomération, aire urbaine), le territoire présente

un solde migratoire déficitaire depuis 1975. C’est certes le cas de la plupart des aires urbaines

de la moitié nord du pays. Mais pour l’aire havraise, le déficit migratoire n’est plus

aujourd’hui compensé par l’excédent naturel. Le territoire perd donc des habitants.

L’attrait du périurbain pour des ménages qui quittent la ville-centre et l’agglomération

afin d’accéder à la propriété dans des zones moins chères joue, mais il n’est pas le facteur

déterminant des dynamiques havraises. L’analyse des flux résidentiels à l’échelle de l’aire

urbaine permet de mettre en évidence les principales caractéristiques du déficit d’attractivité

de l’ensemble du bassin de vie.

En comparant, pour différentes variables (voir graphique ci-dessous), le classement de

l’aire urbaine havraise au sein du groupe des 100 principales aires urbaines françaises, il

ressort que :

• Le déficit migratoire de l’aire havraise est fort comparativement aux autres aires urbaines.

30e aire urbaine française par la population (291 000 habitants), elle se situe au fond du

classement des villes attractives : les soldes migratoires (1999-2006) en nombre et en

pourcentage de la population la classent respectivement en 97e et 96e place.

• En nombre d’entrants sur la période 2001-2006, l’aire havraise remonte dans le

classement (52e place). Mais lorsque ce chiffre est rapporté à sa population, l’aire chute à

nouveau à la 97e place.

• En revanche, la situation de l’aire havraise apparaît bien meilleure relativement à bien des

autres aires urbaines françaises du point de vue du nombre de sortants (35e place) et

surtout lorsque l’on rapporte ce nombre à la population locale (14e place).

• Enfin, le nombre des cadres et professions intellectuelles attirés durant la période 2001-

2006 positionne l’aire havraise à la 42e place, à comparer à sa 30e place en termes de

population. Cela confirme la difficulté du territoire à capter des catégories

socioprofessionnelles supérieures.

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Classement de l’aire urbaine du Havre selon plusieurs critères d’attractivité résidentielle au sein

du groupe des 100 principales aires urbaines françaises (période 1999-2006)

Source : INSEE, Recensement de la population. Traitement Paris-Dauphine.

Bref, l’aire urbaine havraise, et a fortiori la ville-centre et le territoire du SCOT, ne sont

pas tant pénalisés par une hémorragie de population due aux migrations que par une faible

capacité à en attirer de nouvelles. Le territoire se situe aujourd’hui à l’écart des grands circuits

de mobilité résidentielle.

Les conséquences de ce manque d’attractivité risquent à terme d’être les suivantes :

• Un vieillissement accéléré de la population avec un impact sur le solde naturel (hausse

des décès et baisse des naissances).

• Une baisse du nombre de ménages dans la commune du Havre avec mécaniquement une

diminution de la demande de logements et une hausse de la vacance dans la ville-centre,

ainsi qu’une baisse des effectifs scolaires.

• Une baisse de la population active dans l’ensemble du bassin d’emploi à l’horizon 2030.

Ceci provoquera une compression du marché du travail de l’aire urbaine, avec de

nombreux emplois restant vacants, même en tenant compte de l’augmentation du taux

d’emplois des femmes1.

1 AURH-INSEE, « Perspectives démographiques de l’agglomération havraise à l’horizon 2030 », Dossier d’Aval Haute-Normandie, mai 2014.

30e

97e 96e

52e

97e

35e

14e

42e

0

20

40

60

80

100

Population

Solde migratoire en

nombre

Solde migratoire en

% de la population

Entrants en nombre

Entrants en % de la population

Sortants en nombre

Sortants en % de la population

Cadres attirés

en nombre

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Le déficit d’attractivité et ses conséquences sont-ils une fatalité ? Plusieurs exemples

montrent que ce n’est pas le cas. Des agglomérations comme Nantes, Bordeaux ou Saint-

Nazaire qui ont particulièrement souffert sur le plan industrialo-portuaire ont opéré une

diversification de leur économie et développé des projets urbains qui leur ont permis de

retrouver l’attractivité qui leur faisait défaut.

3/ La qualité territoriale

La qualité territoriale dépend de l’ensemble des aménités (paysages et environnement,

institutions, infrastructures, équipements, services, ambiance urbaine, patrimoine, climat

social, sécurité, etc.) qui participent au bien-être des usagers du territoire et facilitent leur

activité au quotidien, qu’il s’agisse des habitants, des entreprises ou encore des gens de

passage (touristes, résidents secondaires).

Si l’on se limite aux éléments de qualité de vie, l’agglomération possède des atouts

indéniables : qualité paysagère de l’Estuaire, du littoral et de la campagne cauchoise (ceinture

verte et agricole) ; un faible étalement urbain et l’absence de congestion urbaine ; une offre

culturelle (danse, théâtre, musique, MuMa, fort de Tourneville, Port Center, etc.), une offre de

loisirs autour des activités nautiques et du nouveau stade. Le classement UNESCO de 2005 a

par ailleurs fortement contribué à changer le regard porté sur le patrimoine urbain du Havre.

En outre, l’agglomération a beaucoup changé en 20 ans. Elle a fait peau neuve et s’est

modernisée. Des politiques ont été menées pour promouvoir la qualité de vie dans tous les

quartiers. La reconquête des bassins et quartiers sud est en cours (bains des Docks, Docks

Vauban, nouvelle offre résidentielle). Enfin, à la rénovation des quartiers, des espaces publics

et de l’habitat (politique de renouvellement urbain et de rénovation urbaine) s’ajoute en

matière d’aménagement la mise en service du tramway. Il reste néanmoins encore à faire pour

le logement : la question est plutôt qualitative que quantitative. Un des objectifs pour l’avenir

est la diversification de l’offre et l’amélioration des éléments vétustes du parc.

S’il est important de continuer à promouvoir la qualité de vie et la qualité des

équipements et institutions locaux pour les habitants et usagers, l’enjeu pour le

développement urbain et pour l’attractivité est que ces qualités soient connues et reconnues à

l’extérieur. Il faut donc faire et faire savoir.

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4/ L’inclusion économique et sociale

L’inclusion renvoie à la notion de cohésion sociale. Celle-ci dépend du niveau des

inégalités économiques et socio-spatiales et des disparités en termes d’accès à l’emploi, au

logement et aux éléments de qualité de vie.

La capacité à mieux inclure l’ensemble de la population dans la dynamique économique

du territoire est un enjeu majeur pour l’agglomération havraise. Si les efforts accomplis durant

la dernière décennie ont permis d’améliorer les conditions d’habitat et l’offre urbaine,

l’intégration par l’économique butte encore sur au moins trois réalités : 1/ le primat d’activités

industrialo-portuaires qui sont moins demandeuses de main-d’œuvre ; 2/ la faiblesse des

emplois administratifs et des services marchands non liés à l’industrie, au port et la

logistique ; 3/ l’insuffisance de qualification d’une partie de la population active (en

particulier les jeunes).

Le taux de chômage supérieur à la moyenne nationale (15% dans l’aire urbaine, 17%

dans l’agglomération et 19% au Havre), l’augmentation du nombre d’allocataires du RSA et

les indicateurs globaux d’inégalités révèlent les difficultés économiques d’une partie

importante de la population. L’approche territorialisée souligne la concentration de ces

difficultés économiques (chômage, travail précaire, faiblesse des revenus) et des difficultés

sociales (sorties du système scolaire sans diplômes, déstructurations familiales, problèmes

sanitaires, isolement social, etc.) dans certains quartiers centraux et péricentraux. La prise en

charge de ces problèmes est rendue difficile en raison de structures d’accompagnement encore

insuffisantes, en particulier dans le domaine de la santé et de l’éducation.

Le marché immobilier est certes détendu comparativement à de nombreuses aires

urbaines françaises, mais la hausse des prix a été de 103% pour les appartements anciens et

de 49% dans le neuf entre 2000 et 2011. Il en résulte un problème d’adéquation entre l’offre

et la solvabilité des candidats à l’accession. Depuis la crise économique, le contexte est peu

favorable à la construction, donc à l’amélioration qualitative du parc. Le parc social havrais

est quant à lui conséquent mais spécialisé dans l’accueil des populations les plus fragiles

(70% des demandeurs ont des revenus inférieurs à 60% des plafonds PLUS), ce qui ne

favorise pas la mixité sociale.

Si à l’échelle nationale, il n’y a pas d’agglomérations qui ne soient confrontées au

renforcement des inégalités socio-spatiales, le degré d’inclusion est variable d’un territoire à

l’autre. L’aire lyonnaise, par exemple, apparaît sur ce point en bien meilleure position que

Marseille-Aix. L’aire havraise se situerait entre les deux. Quoi qu’il en soit, la capacité à

mieux inclure l’ensemble de la population dans la dynamique économique locale est un enjeu

majeur pour l’avenir du territoire du SCOT.

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5/ La gouvernabilité

La capacité d’un territoire à être gouvernable dépend d’abord de l’adéquation de son

système de gouvernance aux différentes échelles territoriales à prendre en compte. Elle repose

ensuite sur l’intégration et la mobilisation des différentes parties-prenantes dans la démarche

d’élaboration d’une stratégie commune de développement local. Enfin, elle suppose de plus

en plus une capacité à s’inscrire dans des réseaux de territoires et de villes afin de pouvoir

mettre œuvre des relations de coopération et renforcer les complémentarités (plutôt que la

concurrence directe).

Les nombreux projets urbains qui ont vu le jour dans le territoire du SCOT durant la

dernière décennie témoignent d’un renforcement de la gouvernance urbaine et de la capacité

de mobilisation collective des acteurs politiques, administratifs et économiques locaux. Mais

comme dans la plupart des villes françaises, la capacité à promouvoir un développement

équilibré articulant compétitivité, attractivité, qualité et inclusion dépendra : d’une meilleure

adaptation du système de gouvernance au territoire d’emploi et de vie ; de sa capacité à

intégrer l’ensemble des acteurs du développement économique et social ; de sa participation à

des partenariats et à des projets d’aménagement à une échelle plus large (Grande Normandie,

axe Seine).

II/ Quelles stratégies pour l’avenir ?

Dans la période récente, l’image du territoire s’est améliorée, notamment grâce au

classement au patrimoine mondial de l’UNESCO et au coup de projecteur mis sur

l’agglomération lors des débats sur le Grand Paris. Cela n’a cependant pas suffi pour inverser

la tendance. La cause n’est pas seulement liée à l’image du territoire. Elle est également

économique. L’insuffisance de développement d’emplois non liés au complexe industrialo-

portuaire limite l’arrivée de nouveaux habitants, en particulier celle des jeunes, des cadres et

des professions intellectuelles supérieures. La diversification économique et l’amélioration de

l’attractivité résidentielle ont donc partie liée. Leur promotion dépendra de la capacité de

mobilisation des élus et des acteurs économique au sein d’un système de gouvernance

renforcé sur le plan interne et élargi à d’autres territoires sur le plan externe.

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1/ Comment diversifier l’économie et l’offre urbaine pour promouvoir

l’attractivité ?

Dans le cas du territoire du SCOT et de l’agglomération havraise, l’enjeu de l’attractivité

résidentielle est indissociable de celui de la diversification économique et du développement

d’un tissu local de PME et PMI. Plusieurs axes, déjà été envisagés lors de l’élaboration du

SCOT en vigueur, méritent d’être renforcés.

Si l’augmentation de l’emploi public ne représente pas une voie très prometteuse compte

tenu du statut administratif actuel de la ville-centre et des contraintes pesant sur les finances

publiques (nationales et locales), le secteur marchand peut être fortement dynamisé tant dans

le domaine de l’économie productive que dans celui de l’économie résidentielle.

Dans le domaine de l’économie productive, plusieurs pistes de réflexion méritent d’être

approfondies :

• La poursuite de la modernisation de l’appareil portuaire incluant le développement d’une

économie de filière avec le traitement et la valorisation des marchandises des conteneurs.

• La promotion de services avancés aux entreprises portuaires et industrielles

(informatique, assurances, finance, gestion, conseil à l’export, etc.).

• La constitution d’un « cluster innovant » (ou pôle technologique) dans le domaine de la

transition énergétique et de la gestion des risques environnementaux. Des atouts sont déjà

présents sur le territoire. Parmi eux, on peut souligner la mise en place d’un partenariat

avec Paris-Saclay Efficacité Energétique sur la question de la flexibilité et de l’efficacité

énergétique des installations industrielles couplées aux zones urbaines (économie

circulaire) ou encore l’arrivée prochaine d’AREVA éolien.

La stratégie de diversification du tissu économique doit passer par un resserrement des

liens entre collectivités locales, CCI et organismes de formation supérieure. Si certains d’entre

eux (Ecole de Management de Normandie, ISEL, etc.) sont bien implantés dans le paysage

havrais (qui s’est enrichi récemment avec l’implantation de Sciences Po Asie), les liens avec

l’Université mériteraient d’être renforcés.

L’Université du Havre est en grande partie généraliste et n’a pas une masse critique. Elle

pourrait à l’avenir jouer un rôle dans l’offre de nouvelles formations en lien avec les activités

économiques du territoire (transport, logistique et industrie), avec les secteurs porteurs

(transition énergétiques et économie circulaire) et avec le développement des activités

commerciales, touristiques et culturelles. Des spécialisations fortes en matière de formation et

de recherche, que l’on ne trouve pas ailleurs, seraient de nature à renforcer le rayonnement de

la ville et à attirer des étudiants qui trouveraient du travail sur place. Cette stratégie pourrait

être au cœur de la constitution du cluster ou pôle innovant évoqué plus haut.

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Dans le domaine de l’économie résidentielle :

• L’accent pourrait être mis sur le tourisme, les commerces et l’offre culturelle.

L’augmentation des flux de croisiéristes représente une opportunité pour l’agglomération

alors que la ville s’apprête à fêter les 10 ans de son classement au patrimoine de

l’UNESCO et les 500 ans de sa fondation. Il s’agirait d’organiser un véritable secteur

économique du tourisme incluant une offre culturelle, de loisirs et de commerces

(incluant la restauration et l’hôtellerie) adaptée à ce segment de clientèle. Le tourisme

d’affaires est également un enjeu pour le développement local et le rayonnement de

l’agglomération havraise.

• L’essor des activités culturelles participe du rayonnement des villes, qu’il s’agisse de

l’offre destinée aux habitants ou d’événements ayant une portée nationale. Si l’emploi, et

donc la diversification économique, est cruciale pour attirer des cadres, des professions

intellectuelles supérieures et des professions intermédiaires, la culture, les activités

sportives et les commerces de centre-ville participant de l’ambiance urbaine font partie

des critères de choix de localisation des actifs engagés dans des mobilités longues.

• Faut-il un projet architectural phare ? A la recherche du célèbre « effet Bilbao »,

beaucoup de villes françaises et européennes se sont lancées dans des projets conçus par

de grandes signatures de l’architecture, visant à marquer le territoire par un bâtiment

emblématique associé à une offre culturelle à fort rayonnement. Comment porter un

projet marquant et innovant à un coût supportable pour la collectivité ? La question

mérite d’être posée.

• Enfin, le développement des services à la personne ne doit pas être oublié, qu’il s’agisse

des services aux personnes âgées (le maintien à domicile génère des besoins) ou des

services dans le domaine sanitaire et social. Le déficit de professionnels de santé est un

handicap pour les populations présentes et pour une politique visant à en attirer de

nouvelles.

Bref, le développement de l’économie résidentielle est de nature à renforcer l’attractivité

du territoire, à fournir des services améliorant la qualité de vie des populations et à diversifier

le marché du travail local. Ce dernier aspect est d’autant plus important que l’activité

portuaire et industrielle est traditionnellement peu favorable à l’emploi des femmes et qu’il

génère de moins en moins d’emplois accessibles à la main d’œuvre peu qualifiée.

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2/ Renforcer la gouvernance : à quelle échelle ?

L’évolution de la gouvernance du territoire sera également décisive du point de vue de la

stratégie de développement territorial. Plusieurs axes peuvent être proposés à la réflexion :

• Le projet de fusion des deux intercommunalités du périmètre du SCOT.

• Les perspectives d’évolution des relations entre les collectivités locales et le port, compte

tenu du changement de statut de ce dernier qui (devenu un EPIC) et de la création

d’HAROPA. Il s’agit d’une question clé pour l’avenir du territoire.

• Le resserrement des liens entre collectivités locales, CCI et organismes de formation

supérieure et de recherche.

Enfin, le développement territorial passera par une meilleure insertion dans les réseaux de

villes. Par le passé, la concurrence avec Rouen ou Caen, le primat de Paris et les grandes

politiques d’aménagement du territoire de l’Etat ont joué un rôle déterminant dans l’histoire

havraise. Aujourd’hui, l’obtention par Rouen (prévue en 2015) du statut de métropole modifie

la donne, de même que le projet de réforme territoriale devant aboutir à la réunion des deux

Normandie et que le projet de renforcement de l’axe Seine.

La recherche de complémentarités avec Rouen et Caen est un enjeu de taille, d’autant

que, si la première aura le statut de métropole, elle n’en aura pas tous les atouts en termes de

rayonnement, de fonctions métropolitaines ou encore d’offre universitaire et d’activités de

recherche. La seconde apparaît quant à elle plus excentrée, notamment dans l’optique du

développement de l’axe Seine. L’agglomération havraise a donc une carte à jouer pour

renforcer la collaboration avec ses deux voisines et pour contribuer à relancer de l’idée d’un

Grand Paris ouvert sur la mer et sur les échanges internationaux.

Parmi les scénarios envisagés dans le cadre de la Grande Normandie, celui envisagé par

un groupe de géographes de Rouen, de Caen et du Havre offre une piste intéressante2. L’idée

serait l’organisation d’une capitale tripolaire (avec un chef-lieu et une véritable répartition des

compétences entre les trois agglomérations) qui pourrait voir le jour dans le mouvement de

réforme territoriale et de constitution des « pôles métropolitains » prévus par la loi de 2010. Il

s’agirait ainsi de doter la future Grande Normandie d’une métropole qui n’imposerait pas un

système pyramidal mais s’organiserait sous la forme d’un réseau de fonctions métropolitaines

réparties entre les trois pôles.

Vu sous cet angle, les stratégies de compétitivité et d’attractivité passeraient moins par

une logique territoriale stricto sensu que par une logique de réseau dans laquelle

l’agglomération havraise chercherait à faire valoir les forces de sa spécialisation tout en

essayant de trouver des opportunités de diversification économique et d’innovation.

2 La Normandie en débat. Une métropole à inventer, n°3, octobre 2014.