Cirjan Statut Juridique de Potaissa

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  • SCRIPTA CLASSICA. RADU ARDEVAN SEXAGENARIO DEDICATA

  • BOOK EDITED WITH THE FINANCIAL SUPPORT OF THE ROMANIAN NATIONAL AUTHORITY FOR SCIENTIFIC RESEARCH

    (ANCS)

  • BABE-BOLYAI UNIVERSITY, CLUJ-NAPOCA DEPARTMENT OF ANCIENT HISTORY AND ARCHAEOLOGY

    CENTRE FOR ROMAN STUDIES

    SCRIPTA CLASSICA. RADU ARDEVAN SEXAGENARIO DEDICATA

    Editors:

    ioan PisoViorica rusu-Bolinde

    rada VargasilVia Musta

    EugEnia BEu-dachinLigia ruscu

    MEGA PUBLISHING HOUSECLUJ-NAPOCA

    2011

  • Descrierea CIP a Bibliotecii Naionale a Romniei

    SCRIPTA CLASSICA : Radu Ardevan sexagenario dedicata /editors : Ioan Piso, Viorica Rusu-Bolinde, Rada Varga, ... Cluj-Napoca : Mega, 2011.

    ISBN 978-606-543-196-6.

    I. Piso, Ioan (ed.)II. Rusu-Bolinde, Viorica (ed.)III. Varga, Rada (ed.)

    082.2 (Ardevan, R.)902 (498) (082)904 (498) (082)

    COPYRIGHT: 2011, MEGA PUBLISHING HOUSE & THE AUTHORS OF THE ARTICLES

    DTP: Andreea MacaveiCover: Romeo Crjan

    Plates and figures: Silvia Musta

    MEGA PUBLISHING HOUSECluj-Napoca

    e-mail: [email protected]

  • SCRIPTA CLASSICA.Radu Ardevan sexagenario dedicata

    Cluj-Napoca 2011 239245

    LE STATUT JURIDIQUE DE POTAISSA SOUS SEPTIME SVRE ET CARACALLA

    Romeo CRJAN

    Resum: Aprs avoir tent dvoquer les plus importantes opinions sur le rapport vicus canabae Potaissa, on sinterroge sur les possibilits de promotion juridique de chacun de ces tablissements. On se pose la question desrapports IIviri / IIIIviri quon peut tablir partir du dossier pigraphique trs limit de Potaissa. Ensuite on discute la vraisemblance dune transition constitutionelle qui peur dcouler des mentions simultans des IIviri/ IIIIviri. laide du texte de Domitius Ulpianus (liber 1 decensibus dans D.50, 15, 1, 9) on voque les nouveaux contextes juridiques qui peuvent merger dans lhypothse daltration de cette source par les compilateurs du Digeste. Onaborde enfin les possibles analogies avec le dvelopemment urbain de Lauriacum (Norique).

    Mots-cls: Potaissa; vicus; canabae; IIviri / IIIIviri; statut juridique; Ulpianus.

    Selon que lhistorien ou le juriste porte son attention sur le nombre des cits ou laspect citadin, sur les institutions ou les coutumes reprables des inscriptions, sur la permanence des indignes ou leur assimilation dans le milieu urbain romain, ils sont amens de parler de developement urbain, voire de municipalisation, de acculturation ou, finalement, de romanisation. Dans cette constelation de domaines, voquer lactivit scientifique du Professeur Radu Ardevan, cest naturellement sintresser en premier lieu aux divers manifestations de la vie municipale notamment dans la province de Dacie. Mises en vidence la fois par lpigraphie et larchologie, les recherches du Prof. Ardevan commences dans les annes 1980 ont le grand mrite de relancer les tudes sur la ladministration municipale de la Dacie romaine, dans un moment o lhistoriographie roumaine parat sarrter valoriser ce champ dinvestigation. Depuis lors, les articles du Prof. Ardevan posent un certain nombre de problmes qui dailleurs dbordent largement la seule histoire de la Dacie romaine et saccordent aux grands thmes de lhistoire des institutions de lOccident romain.

    Lvolution du statut juridique de Potaissa (Turda, dp. Cluj, Roumanie) pose des problmes difficiles qui nont pas encore reu une solution acceptable lunanimit. Je me propose dans cette note de systmatiser les interprtations, ce qui permettra dintroduire une certaine cohrence dans les donnes apparemment contradictoires livres par un dossier pigraphique trs limit.

    Pour souligner le succs de la politique municipale au temps des Svres dans les provinces frontalires de lmpire, il serait facile de rappeler les promotions des provinces africaines et danubiennes, ce qui donne lapparence dune politique assez cohrente de promotion juridique, la dernire en fait dans lhistoire du Principat1.

    1 Pour un rapide tour dhorizon des problmes fondamentales de la municipalisation des provinces africaines et danubiennes la fin du IIe sicle v. Mcsy 1974; Gascou 1982; Crjan 2010.

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    Dans ce contexte gnral, la situation de Potaissa trouve un caractre de paradigme pour le destin des cits romaines la fin du IIe sicle. Mener une recherche sur le problme de la municipalisation destablissements de Potaissa ncessite dtre lafft de tout document pouvant tre affrent de prs ou de loin cette enqute. cet gard on a sollicit principalement les donnes de lpigraphie et letexte deDomitius Ulpianus dans D.50, 15, 1, 9 ; ce sont encore au prsent les seuls dont on dispose au sujet des statuts juridiques, car les fouilles archologiques menes ds 1993 ont privilgi la recherche ducamp lgionnaire2.

    Il est bien connu que Potaissa tait lune des plus anciennes communauts tablies sur le sol dela Dacie romaine. Cependant on a peu des informations sur lvolution du site pendant la premire moiti du IIe sicle3. Ce fut linstallation de la Ve lgion Macedonica au cours des annes 168170 qui transformait ce site dans lune des plus importantes cits de la province4. Peu temps aprs, plusieurs inscriptions attestent lexistence dun municipe Potaissa5 constitution duumvirale6. Lpithte Septimium indique le moment de la promotion municipale au temps du Septime Svre, antrieurement lanne 1997. Dautres trois inscriptions mentionnent le titre de colonie ayant les duumvirs au sommet du systme administratif. Pourtant les inscriptions qui mentionnent le statut colonial ne sont jamais accompagnes dun pithte imperial quelconque8. Mais par connexion des informations fournies par D.50, 15, 1,9 (Ulp. 1 de censibus: et Patavissensium vicus qui a divo Severo ius coloniae impetravit) on aadmis que letitre de colonie (honoraire) fut octroy par le mme empereur. Cest la thorie couramment accepte par leshistoriens roumains depuis la Seconde Guerre Mondiale9.

    La difficult dexpliquer lvolution du statut juridique des tablissements de Potaissa dcoule, dune part, de la chronologie contradictoire et trs restreinte des mentions conserves sur la promotion municipale et coloniale, dautre part du dossier des magistratures attestes dans les inscriptions. Enbonne logique, il me semble qu partir de la ralit sur lexistence de deux communauts10 lune remontant lpoque de la fondation de la province, lautre arrive Potaissa sur les traces dela Ve lgion Macedonica, dont on ne sait pas si elles ont fusionn , on peut retracer des situations juridiques diverses, plus ou moins concevables. Il importe donc de rviser les arguments et den tirer les conclusions qui simposent, mme si celles-ci drangent quelque peu le schma historique propos par mes professeurs de lUniversit de Bucarest.

    Une proposition de reconstitution de lvolution juridique de Potaissa appartient C.C. Petolescu, quy suppose une dualit urbaine par analogie avec la situation dApulum. Selon C.C. Petolescu ctait au vicus daco-romain que Septime Svre octroyait le statut colonial; la mme poque, les canabae de la Ve lgion Macedonica taient promues au titre de municipe. Cette configuration expliquerait lamention pigraphique du municipium Septimium sous Caracalla, qui existerait donc paralllement avec la colonie de Septime Svre11.

    Regardons de plus prs la question de la dualit urbaine. Dans lhypothse quon reconat lautenticit absolue du texte de lUlpien, il faudrait discuter dans quelle mesure un vicus peut recevoir le statut colonial la fin du IIe sicle. Dans le cas particulier de Potaissa une autre question merge: est-ce quil sagit de vicus civil (romain) ou de vicus canabarum? mon avis, il est impossible den trancher. Dune part, il est bien connu qu la fin du IIe sicle, les canabae peuvent recevoir le droit decit12. tant donn que le mot canabae nest utilis jamais en sens technique dans la jurisprudence

    2 Voir les rapports de fouilles publis dans CCA partir de lanne 1999 (http://www.cimec.ro/Arheologie.html).3 Brbulescu 1994, passim.4 Brbulescu 1987, 2224; Brbulescu 1994, 40 sqq.5 CIL III 913 = 7689; AE 1934, 17; AE 1950, 14; AE 1973, 457; AE 1974, 550.6 Art 28, 1908, 3161 (I. Tglas); AE 1950, 14.7 CIL III 913 = 7689 ; ILD 465 = AE 1950, 14 ; ILD 466 ; ILD 490 = AE 1974, 550 ; ILD 496 = AE 1934, 17.

    Une promotion au temps du rgne simultan du Septime Svre et Caracalla supposerait que Potaissa porte lpithte Septimium Aurelium (voir quelques exemples africaines dans Gascou 1982, 210 sqq.).

    8 CIL III 7709; ILD 508; ILD 604 = AE 1910, 132.9 Daicoviciu 1945, 129; Petolescu 1995, 76; Ardevan 1998, 115; Protase 2001, 6465.10 Brbulescu 1994, 4143.11 Petolescu 1991; Petolescu 2007, 163. Cf. Brbulescu 1994, 4549.12 Vittinghoff 1994.

  • Le statut juridique de Potaissa sous Septime Svre et Caracalla 241

    du Digeste13, il resulte quon pourrait accepter lexplication de N. Gostar qui identifiait le vicus deUlpien avec les canabae de la Ve lgion Macedonica (vicus canabarum)14. Dautre part, il ne faudrait paratre hors du commun quune communaut de citoyesns romains structure en conventus c. R.15, qui venait renforcer lgalement une cit prgrine (le vicus romain?), ait t promue directement au statut decolonie honoraire sans passer par le titre de municipe. Cette situation est accepte par ladogmatique juridique16.

    De toute faon, lhypothse de la dualit urbaine et de lauthenticit absolue du texte dUlpien permettrait de suponner une autre schma dvolution juridique: si le premier et le plus ancien destablissements (le vicus civil ) cessait son volution au statut de municipium (Latinum?), lesecond (les canabae) pourrait tre promu au statut de colonie vers la fin du rgne de Septime Svre ou, au plus tard, avant cca 213 ap. J.-C., cest dire avant que Ulpien finisse la rdaction du livre Decensibus17. O linverse on peut intrpreter la promotion des canabae au statut demunicipe et levicus civil au titre de colonie honoraire la suite de lapport des immigrants venus avec la Ve lgion Macedonica. Cette solution parat namoins oppos lexperience des promotions municipales dans les provinces danubiennes o, lexception (discutable) dOescus18, les colonies honoraires sont issues des municipes.

    Il faut laisser de cot les considrations concernant la dualit urbaine et aborder la question desmagistratures municipales. Une autre difficult dinteprtation de lvolution du statut juridique dePotaissa rsulte de linscription CIL III 7678 qui mentionne un IIIIviralis Potaissae, sans prciser le statut juridique de la communaut o il fonctionnait19. Selon Prof. Ardevan, ladministration dumunicipium Septimium tait gre par les IIIIviri et la mention des IIviri doit tre regarde comme un accident pigraphique 20.

    Personellement je serais plus prudent croire dans un tel accident pigraphique . Sans pouvoir lier le quattuorvirat tout prix du statut de municipe, il faudra chercher parmi toutes les moments dvolution juridique de la cit pour le fixer (sil est possible) dun statut prcisement determin. Assurment il nest pas possible lassigner aux canabae; un IIIIvir [canabaensium?] serait un exemple unique dans lpigraphie de lHaut Empire21. Le quattuorvirat est mentionn en Dacie seulement dans les cits ayant le statut de municipe : Apulum II22, Porolissum23 et Drobeta24. Nulle part dans lesprovinces danubiennes le quatturovirat nest mentionn dans les cits prgrines mais seulement dans les municipes et colonies25. Par consquence, linscription ne peut renvoyer qu ltablissement qui avait t promu au statut de municipe ou de colonie26.13 Cf. CIL XIII 5967 = ILS 7074, Argentorate (Strasbourg), Germania Superior et ILS 9450 = AE 2002, 1016, Augusta

    Treverorum (Trier), Germania Inferior, o le mot canabae est associ avec vicus ([G]enio vici ca/[n]abar(iorum) et vi/[ca]nor(um) cana/bensium), respectivement avec un toponime (canabis Bonensibus), sans aucune reference lunit militaire statione. Brard 1993; Cf. Suceveanu 1998.

    14 Gostar 1969, 131.15 On ne connat pas exactement la communaut o fonctionnaient les magistri mentionns dans AE 1992, 14681469

    (canabae ou ltablissement civil).16 Voir e. g. Vittinghoff 1951, 454: In diesen Kolonialrang [cest dire dans le rang de colonie honoraire n.n.] konnten

    nicht nur (bis zum 2. Jh. in seltenen Ausnahmefllen) jene Stdte aufsteigen, die bisher Gemeinden peregrinen Rechts gewesen waren, sondern auch rmische Municipien .

    17 Honor 1982, 167.18 Crjan 2010, 8889.19 CIL III 7678: I(ovi) O(ptimo) M(aximo) / M(arcus) Ulp(ius) / Magnus / IIIIvira/lis p(osuit) v(otum) [m(erito)].20 Ardevan 1998, 61.21 Les magistrats des canabae sont dnomms dans les inscriptions sous le nom de magistri (IDR III/5, 74, Apulum ;

    RIU1425, Matrica (Szzhalombatta); ISM V, 154, Troesmis), quinquennales (ISM V, 155; 158, Troesmis), ventuellement curatores (AE 1909, 81, Lugdunum).

    22 IDR III/4, 60; IDR III/5, 19; 52; 144; 303; 447; 485; AE 1977, 656; AE 1992, 1485.23 AE 2001, 1707.24 IDR II 21a; IDR III/1, 118a.25 Poetovio (AIJ 280), Carnuntum (CIL III 4554; 11253; TPSSR 37), municipium Iasorum (ILJ II, 1132).26 Thoriquement rien nous empche ni lonomastique, ni la datation, ni le formulaire pigraphique de supposer que

    M. Ulpius Magnus de inscription CIL III 7678 exerait la fonction de IIIIvir cit prgrine vers la fin du IIe sicle, avant

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    Selon lopinion du Prof. Ardevan, les mentions des IIviri dans le municipium Septimium peuvent signifier le moment de transition vers le statut de colonie27. Cest une supposition formule vaguement qui soulve la question sur les mcanismes constitutionnels qui rendaient possible lexistence dune transition des magistratures suprmes Potaissa.

    Je ne reviens pas sur lexprience romaine dans ce domaine, ni sur la pertinence de la dnomination des magistratures dans les cits de droit romain et latin. Il suffit de rappeler que lhistoire des institutions municipales dans lOccident romain prouve quil y ait une multitude dessituations locales ou rgionales, ce qui rend impossible tablir des rgles immuables dans ce domaine. Dans la situation particulire de Potaissa, puisquon a tabli que le quatturovirat ne peut exister que dans ltablissement civil, lexplication dune transition constitutionnelle peut tre envisage non seulement comme une promotion du statut de municipe au statut de colonie, mais aussi comme transformation du municipe (ou de la structure prgrine sans statut prcisement dtermin) de droit latin en muncipe de citoyens romains dans lesprit des situations trouves dans les provinces gallo-germaniques28. cet gard, il me semble utile rappeler que dans Gaule Narbonnaise, le duumvirat remplaait le quattuorvirat la suite de la promotion au statut de colonie romaine29. Dune manire plus laxe, dans les Trois Gaules le duumvirat parat tre plutt la marque de la promotion dune cit prgrine au statut romain et latin30. Quune ancienne lite municipale, avec les origines qui relvent de la premire colonisation civile, ait exist Potaissa comme le croit Prof. Ardevan31 et quelle tait renforce par des citoyens romains issus la suite de la Constitution Antonine me parat donner un argument pour cette interprtation. coup sr le dossier onomastique de llite municipale32 plaide en faveur de lexistence dune communaut prgrine Potaissa qui surgit dans les inscriptions la suite de la Constitution Antonine. Peut-on alors envisager linscription de Manlius quaestor33 comme argument pour lexistence dune communaut de droit latin (structure rurale adtributa ou mme municipe) Potaissa? On nest pas sr, car si ce personnage tait vraiment un magistrat prgrin on a faire avec plusieurs situations qui nimpliquent forcement le statut latin de la communaut

    quelle soit promue au statut de municipe. Mais les preuves concernant les cits prgrines en Dacie, avant de lessor dusystme municipal, manquent. Toute supposition de lexistence des cits prgrines dans cette province restent sur leterrain des conjectures.

    27 Ardevan 1998, 145.28 Cf. Gascou 1997, 122 sqq. Voir les possibles analogies hors de la rgion danubienne: 1). Asido (Medina Sidonia) dans

    Btique est municipe en 2 ap. J.-C. ; sous Auguste reoit le statut de colonie. On nest pas dcid si le changement duquattuorvirat en duumvirat doit tre associ avec la promotion au statut de colonie, puisque linscription CIL II 1315 o sont mentionns la fois les municipes Caesarini et les IIIIviri peut faire rfrence lpoque coloniale (cf. Galsterer 1971, 20) ; 2). Sabora (Cerro de Sabora) : epistula Vespasiani ad Saborenses (FIRA I, 74) qui autorise letransfert delacommunaut des Saborenses dans une rgion voisine et la reconstruction de la cit sous le nom imprial est adresse aux IIIIviri et dcurions, mais publie par les IIviri (Imp(erator) Caes(ar) Vespasianus Aug(ustus) pontifex maximus tribuniciae potestatis VIIII imp(erator) XIIX consul VIII p(ater) p(atriae) salutem dicit IIIIviris et decurionibus Saborensium IIviri C(aius) Cornelius Severus et M(arcus) Septimi/us Severus publica pecunia in aere inciderunt). Selon H.Galsterer, Sabora doit tre privilegie ds lpoque dAuguste, mais le rescrit nest pas un argument irrfutable pour lestatut demunicipium Latinum. En outre il est davis que la formule usite (Vespasien sadresse aux IIviri, mais le rescrit sera publi par les IIIIviri) sagt nichts ber eine in der Zwischenzeit erfolgte Organisationsnderung, da alle flavischen Reskripte, soweit sie an Municipien gerichtet waren, an IIIIviri et decuriones adressiert sind (Galsterer 1971, 4142; cf. les situations de Munigua (Btique), Falerio (Regio V). Galsterer mentionne aussi Vanacini (Corse) qui doit tre laseule cit prgrineoVespasien sadresse aux magistrats et non aux IIIIviri (Galsterer 1971, 42, no. 40). Ce dernier exemple montre que la formule IIIIviri et decuriones couvre des ralits administratives relles qui peuvent renvoyer aux changements constitutionnels accompagns des nouveaux types de magistratures.

    29 Gascou 1997.30 Dondin-Payre 1999, 187 sqq.31 Ardevan 1998, 183.32 Selon Ardevan 1998, 183 il est remarquer la majorit des descendants des colons venus Potaissa au cours de la premire

    moiti du IIe sicle. Mais les notables auxquels on a octroy la citoyennet romaine par la Constitution Antonine sont aussi attests, ce qui incite penser quil y ait une diversit plus accrue des statuts de la population que les inscriptions laissent entrevoir. Cf. Brbulescu 1994, 52 sqq; Brbulescu 1995, 123.

    33 CIL III 888: I(ovi) O(ptimo) M(aximo) / Manl(ius) / quaes(tor?) / v(otum) s(olvit) l(ibens) m(erito).

  • Le statut juridique de Potaissa sous Septime Svre et Caracalla 243

    oilexerait la questure34. Il faudrait donc rester prudent, car le droit latin nest pas explicitement attest dans cette rgion35.

    Autre explication pour lucider la prsence du quattuorvirat Potaissa est lexistence des collges separs de IIviri avec attributions jurisdictionelles, respectivement financires. Il est bien connu que laconfiguration de lapparat bureaucratique dans une cit romaine est lobjet dune loi municipale36 cequi fait concevable ce type de transition entre le statut de municipe et celui de colonie dans lambiance du systme constitutionnel local. Cest le modle attest dans les provinces hispaniques37 et dans la Gaule Narbonnaise38. Il est retenir que labsence de lindividualisation des deux collges est assez frquent dans leformulaire pigraphique des cits de lOccident romain39. Dans ce contexte on comprend donc pourquoi lamention des IIIIviri peut reprsenter la marque dune relle constitution quatturovirale Potaissa. Pourtant une telle division du collge des IIIIviri dans la colonie de Potaissa serait une situation exceptionelle pour lesprovinces danubiennes, car on connat seulement la colonie de Poetovio o le quatturovirat tait divis en deux collges de IIviri40. Cest pourquoi par analogie avec les autres muncipes dots des IIIIviri, il faudra attribuer le IIIIvirat plutt lpoque municipale qu celle coloniale de Potaissa.

    Outre lexplication de la prsence du quatturovirat, la question du statut colonial doit tre regle partir dun examen critique du texte de Ulpien dans l. 1 de censibus (D. 50, 15, 1, 9) qui est la seule source qui renvoie au Septime Svre comme conditor de la colonie de Potaissa. Jai montr que ce texte examin dans lensemble du titre D.50, 15 qui prouve une manifeste insuffisance de systmatisation gographique et chronologique de la matire est souponn daltration au temps du Justinien. Le fragment a t conserv seulement dans Codex Florentinus, crit dans la seconde moiti du VIe sicle dans un centre culturel byzantin de lItalie41. Sa prsence dans le corps du titre D.50, 15 doit tre explique comme leresultat dune transcription mcanique dun texte qui ne regardait plus les provinces du Bas Empire42. Unabrg de lvolution du statut de Potaissa ntait pas donc le resultat dune mconnaissance par Ulpien des ralits juridiques dailleurs difficile le croire pour ce juriste qui tait magister libellorum autour de lanne 213 quand il crivait de censibus , mais par la main des compilateurs du Digeste43.

    En acceptant loctroi du statut municipal au debut du IIIe sicle, la relecture du texte de Ulpien dans lesprit dune altration des compilateurs du VIe sicle nempche rien daccepter la promotion de Potaissa au titre de colonie honoraire dans une poque postrieure la rdaction du de censibus, donc pendant les dernires annes du rgne de Caracalla44. Quil sagissait du municipium Septimium, duvicus ou des canabae on ne le sait pas. Je suis tent de croire que dans lesprit courant des promotions municipales de lpoque ctait le municipe qui a reu le statut colonial. Lorsquon parle dune telle possibilit, il faut tenir compte que luniformit des magistratures au temps des Svres dans lesprovinces danubiennes traduit une sorte dossification du systme municipal romain, signe la fois de la reussite de lintegration des lites locales et de la banalisation de la municipalisation la fin du IIe sicle. Cest pour cette raison que je suis davis quen depit de la possibilit de promotion juridique dissocie des canabae et de ltablissement civil (soit-il vicus, pagus ou mme civitas) au temps des Svres,

    34 Il peut quil sagisse de lexercice de la questure dans une structure rurale (vicus), dune cit prgrine non-atteste dans les inscriptions ou mme dans les canabae. Mais il y a la possibilit que Manlius soit questeur dans un collge (v. Ardevan 1998, 146).

    35 Pour les possibles indices sur la presence du droit latin dans les cits du Danube moyen et infrior, v. Crjan 2010, 140 sqq. Cf. Ardevan 1999; Ardevan 2005.

    36 Cf. Galsterer 1987.37 Curchin 1990, 3334. On trouve une opinion plus nuance dans Galsterer 1971, 58 qui met en cause des cits o sont

    mentionns trois ou mme quatre quattuorviri iure dicundo.38 Gascou 1997.39 Voir e. g. Gascou 1997, passim.40 CIL III 4028 : I(ovi) O(ptimo) [M(aximo) D(epulsori)] / C(aius) Val[erius M(arci)? f(ilius)] / Scri[bonianus] / dec(urio)

    [c(oloniae) U(lpiae) P(oetovionensium)] /.../ eq(uo) p(ublico) pr[aef(ectus) fabrum] / IIIIvi[r aed(iliciae) pot(estatis)] / q(uin)q(uennalis) IIvi[r iur(e) dic(undo) q(uin)q(uennalis)] / votum [solvit] / l(ibens) [m(erito)].

    41 Kaiser 2001, 217218.42 Crjan 2003, 15; Crjan 2010, 141142.43 Crjan 2003, 12.44 La promotion de Potaissa sous Caracalla est accept par Gostar (1969, 132133). Cf. Daicoviciu 1953, 10161017.

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    il y a tout lieu de penser que la situation de Apulum reste exceptionelle pour les provinces danubiennes etquelque peu inapplicable (au moins dans ltat actuel des sources) sur le dveloppement urbain dePotaissa. Uneanalogie instructive en ce sens peut tre Lauriacum, qui doit aussi son dveloppement aux Svres dans circonstances comparables: prs dun vicus dont on connat peu jusquaux guerres marcomaniques est instale la IIe lgion Italica la fin du rgne de Marc Aurle. La configuration desstructures dhabitat prouve le rle infrieur jou par les canabae dans la constitution du municipe de Lauriacum45.

    Pour finir il faut remarquer que, par manque dun dossier pigraphique cohrent ou au moins des recherches archologiques qui puissent individualiser lvolution urbaine du vicus et des canabae Potaissa, la question du statut juridique reste ouverte. Dune part, lexplication de tant de faveurs accordes par Septime Svre et Caracalla durant deux dcenies au maximum (promotion au statut demunicipe, puis de colonie accompagne de ius Italicum) qui confirment la rapide romanisation et rle eminent dans le sein de la province demeure approfondir. Dautre part, il est accepter qu partir des intrrogations sur les possibilits doctroi collectif de la citoyennet romaine aux cits provinciales et par consquent du changement du statut de la communaut provinciale tout-entire, chacune deshypothses evoques plus haut reste thoriquement concevable.

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    Romeo CrjanBanque Nationale de Roumanie

    Dpartement dtudes conomiques, [email protected]