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DROIT D’ASILE EN FRANCE : CONDITIONS D’ACCUEIL ÉTAT DES LIEUX 2012 RAPPORT DE LA COORDINATION FRANÇAISE POUR LE DROIT D ASILE

Droit Da Sile

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DROIT DASILE EN FRANCE : CONDITIONS DACCUEIL TAT DES LIEUX 2012

RAPPORT DE LA COORDINATION FRANAISE POUR LE DROIT DASILE

DROIT DASILE EN FRANCE : CONDITIONS DACCUEIL TAT DES LIEUX 2012

RAPPORT DE LA COORDINATION FRANAISE POUR LE DROIT DASILE

COORDINATION FRANAISE POUR LE DROIT DASILE

Ne au dbut de lanne 2000 de la fusion de la Commission de Sauvegarde du droit dAsile, de la Coordination Rfugis et du Comit de liaison, quelle remplace, la Coordination franaise pour le droit dasile (CFDA) rassemble une vingtaine dorganisations qui, en France, sont engages dans la dfense et la promotion du droit dasile, en rfrence la Dclaration Universelle des Droits de lHomme et la Convention de Genve sur les rfugis ainsi que, notamment, la Convention Internationale sur les Droits de lEnfant et la Convention Europenne de Sauvegarde des Droits de lHomme et des Liberts Fondamentales. Dans ce cadre, la CFDA intervient dans le dbat public sur les questions relatives lasile, en France et en Europe, et fait connatre ses positions et le fruit de ses travaux auprs des administrations charges de laccueil et de la protection des demandeurs dasile et des rfugis.

LA COORDINATION FRANAISE POUR LE DROIT DASILE RASSEMBLE LES ORGANISATIONS SUIVANTES ACAT (Action des chrtiens pour labolition de la torture), Amnesty International France, APSR (Association daccueil aux mdecins et personnels de sant rfugis en France), ARDHIS (Association pour la Reconnaissance des Droits des personnes Homosexuelles et transsexuelles lImmigration et au Sjour), CAAR (Comit dAide aux Rfugis), CASP (Centre daction sociale protestant), Centre Primo Levi (soins et soutien aux personnes victimes de la torture et de la violence politique), La Cimade (Service cumnique dentraide), Comede (Comit mdical pour les exils), DomAsile, ELENA (Rseau davocats pour le droit dasile), FASTI (Fdration des associations de solidarit avec les travailleureuse-s immigr-e-s), GAS (Groupe accueil solidarit), GISTI (Groupe dinformation et de soutien des immigrs), JRS-France (Jesuit Refugee Service), LDH (Ligue des droits de lHomme), Mdecins du Monde, MRAP (Mouvement contre le racisme et pour lamiti entre les peuples), Secours Catholique (Caritas France), SNPM (Service National de la Pastorale des Migrants).La reprsentation du Haut Commissariat pour les Rfugis en France et la Croix Rouge Franaise, sont observateurs des travaux de la CFDA.

OBJECTIF & MTHODOLOGIE Lobjectif de ce rapport est de dresser un tat des lieux des conditions daccueil des demandeurs qui ne peuvent tre pris en charge en centre daccueil pour demandeurs dasile (CADA) et qui dpendent entirement des plateformes daccueil (PADA). Ont t cibles les principales rgions daccueil soit 31dpartements de 15rgions (Bas-Rhin, Bouchesdu-Rhne, Cte-dOr, Essonne, Gironde, Guyane, Haut-Rhin, Haute-Garonne, Hauts-deSeine, Ille-et-Vilaine, Isre, Loire-Atlantique, Loire, Loiret, Maine-et-Loire, Moselle, Nord, Oise, Paris, Pas-de-Calais, Puy-de-Dme, Rhne, Sarthe, Savoie, Seine-et-Marne, SeineMaritime, Seine-Saint-Denis, Tarn-et-Garonne, Val-de-Marne, Val-dOise et Yvelines).Le rapport se donne galement pour objectif de rappeler les normes de droit au niveau national et europen en matire de procdure dasile. La mission (organisation, enqute, traitement des donnes, analyse et rdaction du rapport) sest tale de mai 2012 novembre 2012. La phase denqute (questionnaire et visite) sest droule entre juin et juillet 2012 auprs des acteurs associatifs ayant une activit dans la demande dasile. Aprs traitement des donnes recueillies, les informations, sous une forme synthtique, ont t soumises entre aot et septembre2012 ces mmes acteurs. La rdaction a dbut fin aot et sest acheve dbut novembre2012. Les observations sont issues dune enqute de terrain une priode prcise. Il se peut que certaines donnes factuelles aient volu par la suite.

publication ralise par Franck OZOUF organisations ayant particip la relecture du rapport La Cimade, Amnesty International France, Comede, DomAsile, Ligue des droits de lHomme, Gisti, Secours Catholique, JRS, FASTI et Centre Primo Levi remerciements Les salaris et bnvoles des organisations, membres ou non membres de la CFDA, qui ont, dune part accept de rpondre au questionnaire, support de lenqute, et, dautre part, accueilli le salari pour les besoins de la mission. couverture Dessin utilis avec laimable autorisation de Plantu 2012. Titre du dessin de couverture: Croissance des Jeunes Nations, novembre 1976, Labyrinthe de laccueil en France conception graphique Dorothe BEAUVAIS impression Corlet| 14110 Cond-sur-Noireau

SOMMAIRE

INTRODUCTION .01.LACCS LA PROCDURE DASILE: UN PARCOURS DU COMBATTANT1.1.LE DISPOSITIF DE PREMIER ACCUEILALes missions des plateformes daccueil: un nivellement par le bas BUne prise en charge variable Laccueil dans les PADA gres par lOFII Les plateformes associatives: une grande disparit CLa surcharge des plateformes rgionales DLes associations sollicites de plus en plus tt EDe timides retours en arrire

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1.2.LA DOMICILIATIONALagrment, un outil de contrle BLe rle de lOFII Les nouvelles rgles Les incidences de pertes de financement Les incidences dune seule association agre par dpartement CLa domiciliation hors dispositif conventionn: une chance pour le demandeur mais DLa saturation du systme et ses consquences pour les demandeurs

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1.3.LES CONDITIONS DACCUEIL DANS LES PRFECTURESADes modalits daccueil trs diffrentes selon les prfectures BLe mythe du chanage harmonieux entre les prfectures et les associations CLinformation des demandeurs DLenregistrement de la demande: des exigences illgales ELoffre de prise en charge

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.02.LA PROCDURE DASILE2.1.LE PRINCIPE DE LADMISSION AU SJOURALe rappel de la procdure BUn dlai dadmission variable CDes pratiques juges illgales par les juridictions DLe renouvellement du rcpiss: une formalit pas si simple Lexigence dun justificatif de rsidence Lexigence du reu de recours la CNDA

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2.2.LA PROCDURE DUBLINIIALe rappel du principe de DublinII BLa prise dempreintes EURODAC CLe sjour des demandeurs sous rglement Dublin Les convocations une grande disparit et des conditions matrielles daccueil rduites voire inexistantes DUne information encore dfaillante, pourtant dterminante pour le demandeur EUne procdure de transfert aux modalits variables Une prodcure pour rien?

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2.3.LA PROCDURE PRIORITAIREALe rappel rglementaire BUn recours massif la procdure prioritaire CLes pays dorigine srs Entre volont tatique de matrise des flux et contentieux des associations: une liste en perptuelle mutation Une application systmatique de la mesure DLe recours abusif et frauduleux Un motif unique pour une multitude de situations Llargissement de la notion de fraude dlibre: une extension ouverte aux interprtations ELes modalits de la procdure prioritaire Une absence de refus au sjour explicite Le dossier OFPRA Le sjour Labsence de recours suspensif la CNDA

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2.4.LEXAMEN DE LA DEMANDE DASILEALa procdure devant lOFPRA Le rappel rglementaire Le rcit, pice matresse de la demande dasile Le rle (trs) limit des plateformes Le recours aux associations et aux tiers La prparation lentretien, une tape-cl exclue de laccompagnement BLaide juridictionnelle Le rappel rglementaire Laccompagnement pour la demande daide juridictionnelle CLa procdure devant la CNDA Le rappel rglementaire Une fin de prise en charge des pouvoirs publics La place de lavocat dans la procdure

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.03.LES CONDITIONS DACCUEIL ET DE VIE DURANT LATTENTE DE LA DCISION3.1.LES MOYENS DEXISTENCE DES DEMANDEURS DASILE: LATAALe rappel rglementaire sur le bnfice de lATA BDes modalits daccs lATA multiples Lintrt ou les limites du partenariat CUne gestion anarchique de lallocation DLaccs au compte bancaire, un obstacle supplmentaire ELes besoins urgents et les aides diverses FLe droit au travail

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3.2.LACCS LHBERGEMENTALe rappel rglementaire BLaccs au CADA Les commissions dadmission Les critres dadmission: des priorits diffrentes Les dlais dadmission observs CLurgence, principal dispositif dhbergement des demandeurs dasile Un dispositif divers et dsquilibr Des critres dentre diffrents selon les rgions DLes associations face la crise de lhbergement Le dveloppement du contentieux des conditions matrielles daccueil Les rseaux de solidarit Le recours aux rquisitions de lieux

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3.3.LACCS AUX SOINS ET LA COUVERTURE MALADIEALe rappel rglementaire BLa disparit daccs la protection maladie CQuel droit pour quel statut en pratique? DDes obstacles de plus en plus nombreux ELaccs aux soins FLa (mauvaise) sant, dernier recours pour un accs la procdure normale

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3.4.LACCUEIL DES MINEURS ISOLS TRANGERSALa dfinition et le rappel rglementaire BUne prise en charge de plus en plus difficile dans le droit commun Des modalits de prise en charge diffrentes La multiplication des dispositifs drogatoires: la politique du tri CLe recours lexpertise mdicale comme un outil dexclusion DLes associations, seules issues pour les mineurs isols trangers ELaccs la procdure dasile

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PRINCIPAUX SIGLES UTILISS CONDITIONS MINIMALES POUR QUE LASILE SOIT UN DROIT REL

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DROIT DASILE : UN DISPOSITIF DACCUEIL RFORMER DE FOND EN COMBLE !En 2011, le nombre de demandeurs dasile a atteint le chiffre de 57000, en comptant les mineurs, soit un peu plus de 45000 nouvelles demandes dposes par des adultes. En 1989, ce chiffre avait dpass les 60000. Ainsi,malgr les discours, malgr les politiques diverses menes en plus de deux dcennies, malgr les volutions ou les basculements politiques intervenus dans le monde, le volume de la demande de protection au titre de lasile est globalement stable en France et a oscill de 30000 tiage bas 60000 tiage haut sur les trente dernires annes. A-t-on pour autant dj connu une telle ptaudire? Rarement. Ce rapport, tabli partir de lenqute de terrain initie par la CFDA, est difiant. Il confirme les mille informations des rgions faisant tat dans plusieurs grandes villes de centaines de personnes et de familles la rue; dautres hberges sans accompagnement dans les dispositifs durgence du 115; de demandeurs dasile attendant des mois de pouvoir disposer dune adresse agre pour pouvoir enfin solliciter un rendez-vous en prfecture; de personnes ayant enfin un premier rendez-vous en prfecture, mais dans trois mois, et donc dpourvues de toute autorisation de sjour et de toute aide sociale durant ce temps; de personnes qui sont places sous convention Dublin et qui attendent, des mois, sans aucun subside, de savoir si elles seront ou non renvoyes dans un autre pays dEurope; de personnes originaires de la corne de lAfrique et qui voient leur demande rejete sans examen au seul motif que leurs empreintes digitales ne sont plus ou sont mal exploitables; de personnes domicilies doffice dans le Finistre alors que la prfecture comptente est Rennes; de personnes qui nont pas les moyens de payer la traduction de documents importants pour leur dossier; dautres qui nont pas les moyens de se rendre Fontenay-sous-Bois et Montreuil pour lentretien OFPRA ou pour laudience de la CNDA; dautres encore qui obtiennent un avocat au titre de laide juridictionnelle mais qui apprennent que celui-ci ne rdige pas le recours pour la CNDA; de personnes recevant un rejet de lOFPRA et qui, radies de la domiciliation postale de la plateforme daccueil car elles taient en procdure prioritaire, ne peuvent plus exercer leurs dmarches; etc. Inspires depuis des annes par une volont de prserver le droit dasile, plusieurs rformes, conues et mises en uvre en quelques annes par le nouveau ministre de limmigration, ont profondment dsorganis et complexifi le parcours daccueil des demandeurs dasile. Les normes et accords europens, entre Dublin, procdures prioritaires et autres notions de ce type nont rien arrang. Le rsultat, aujourdhui, est pitoyable: des prfectures de rgion dbordes, des dispositifs 115engorgs voire bloqus du fait de limpritie du ministre en charge de lasile, des centaines voire des milliers de demandeurs dasile dpourvus de tout accompagnement srieux pour lexamen des craintes quils voquent, des milliers de personnes dboutes, sans papiers, sans droits, et qui ne savent ni comment ni o elles pourraient reconstruire leur vie.

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Tout cela pour un cot de plus en plus lev alors que le service rendu aux demandeurs dasile est de plus en plus dfaillant. Pendant ce temps, les associations de dfense et daide aux demandeurs dasile sont soumises une pression voire un chantage de plus en plus fort de la part des pouvoirs publics: soit elles cooprent et se soumettent aux conditions poses par loffice franais de limmigration et de lintgration (OFII) bras mal arm du ministre, soit elles sont ignores et renvoyes leur action caritative, quand elles ne sont pas prives de tout soutien financier pour leur action. Les premires victimes de cette profonde dtrioration du dispositif daccueil des demandeurs dasile sont bien videmment toutes les personnes qui ont besoin dune protection et qui sont venues en France en pensant la trouver. La France, terre dasile, nest plus que lombre du pays des droits de lhomme qui savait accueillir les perscuts et les victimes des dictatures. Aujourdhui, elle les tolre, faute de savoir quoi en faire, en les traitant trs mal quand elle ne les maltraite pas. Il y a, dans cette volution, leffet dun tat desprit gnral beaucoup plus rtif que jadis laccueil de ltranger, et donc du rfugi. Mais il y a aussi une logique technocratique, parfois sourde et aveugle, qui nentend pas ou ne veut plus entendre ce que la socit civile peut dire et conseiller, ce que les associations dans leur diversit, leurs forces, leurs fragilits ou leurs maladresses peuvent analyser et comprendre des raisons de cette dgradation, ce que les associations peuvent imaginer comme propositions concrtes pour y faire face. Aprs le changement de majorit issu des lections du printemps 2012, on peut penser quune rforme de lasile verra le jour en 2013. Elle est indispensable. Ce rapport, accompagn des propositions de la Coordination franaise pour le droit dasile, se veut tre un outil pour les associations, les syndicats, mais galement pour les nouveaux responsables en charge de ces questions, afin que, dun diagnostic prcis, puissent tre labores, dcides et mises en uvre des mesures permettant de restaurer un accueil digne et respectueux de ceux qui demandent le bnfice dun des principaux outils de protection des droits de lHomme: la Convention de Genve sur les rfugis.

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LACCS LA PROCDURE DASILE : UN PARCOURS DU COMBATTANT

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Les personnes en recherche de protection arrivent gnralement en France dans un contexte de fuite prcipite, parfois sans mme savoir dans quel pays elles se trouvent lorsquelles ont d confier leur transport des filires. Si certaines peuvent sappuyer sur des liens familiaux ou communautaires, la majorit en est dpourvue. En France, ce sont les plateformes daccueil pour demandeurs dasile (PADA) qui ont la charge de ce premier accueil. Leurs missions, dcoulant du droit europen en matire dasile, sont mises mal, bien quessentielles pour un accs effectif aux garanties au droit dasile. Pour dposer une demande dasile, il faut obligatoirement indiquer une adresse accepte par la prfecture ou une domiciliation postale pour recevoir son courrier administratif. Si des dispositifs ont t mis en place, laccs ce droit est loin dtre simple et la prise en charge est trs htrogne. Enfin laccs la prfecture, devenue tape incontournable pour voir une demande dasile enregistre, est particulirement difficile: au cur du contrle migratoire, cet accs est devenu le symbole des dysfonctionnements du systme dasile franais.

1 . 1 . LE DISPOSITIF DE PREMIER ACCUEILLa premire plateforme daccueil pour demandeurs dasile a vu le jour en 2000: progressivement, 56dpartements furent couverts jusquen 2007. Le concept de plateforme de services inter-associatifs sest dvelopp dans divers dpartements pour mutualiser les moyens et pallier les dfaillances du dispositif daccueil, les dlais sallongeant pour accder en centre daccueil pour demandeurs dasile (CADA). Les directions dpartementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) de lpoque furent incites organiser des coordinations pour faire face aux obligations introduites par la directive europenne sur laccueil1: valuation sociale, domiciliation, aide la constitution des dossiers dasile, accs aux soins, information sur les droits et devoirs affrents la procdure et orientation vers un hbergement. Les DDASS conventionnaient souvent une association pilote (en gnral lorganisme charg de lhbergement durgence) finance alors pour cette coordination par crdits dconcentrs et aussi avec laide du fonds europen pour les rfugis (FER), voire avec le soutien local de collectivits territoriales pour certains services. La baisse de la demande dasile incita le ministre stopper tout soutien l o la demande tait moindre (23fermetures de plateformes en 2008) et la rgionalisation acclra le retrait (9autres fermetures en 2009) lorsque la prfecture ntait plus comptente pour ladmission au sjour des primo-demandeurs. Dans un souci dharmonisation des pratiques, le ministre recueillit les suggestions associatives en 2009 et monta un cahier des charges, impos alors aux plateformes restantes. Le nouvel office franais de limmigration et de lintgration (OFII) hrita en 2010 de lensemble du dispositif dasile (CADA et plateformes) et singnia rationaliser ces dispositifs,

1.Directive n2003/9 du 27 janvier 2003 relative des normes minimales sur les conditions matrielles daccueil des demandeurs dasile.

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notamment par la mise en place de rfrentiels avec des missions rduites au regard des normes minimales imposes, et donc en multipliant les exclusions. En 2012, lOFII en assure la gestion directe ou par convention: 34plateformes subsistent dont 13 en dlgation une association, 10 en cogestion avec une association et 11 en gestion directe par loffice.

ALES MISSIONS DES PLATEFORMES DACCUEIL: UN NIVELLEMENT PAR LE BASDs janvier 2010, un premier cahier des charges a t impos par le ministre et loffice sans concertation relle avec les associations pour la mise en uvre du dispositif de premier accueil. LOFII a souhait nanmoins faire un audit de toutes les plateformes. Lobjectif tait dtablir un rfrentiel commun de leurs missions de faon encadrer les prestations proposes aux demandeurs dasile. Dans une logique de rduction des cots des plateformes daccueil, lOFII a mandat cette fin le cabinet Ernst and Young. labor en juin 2011 puis soumis larbitrage du ministre de lintrieur, ce rfrentiel a t diffus par une note ministrielle du 22 dcembre 20112, non publie. Alors quil prtend satisfaire aux normes minimales de la directive europenne sur laccueil des demandeurs dasile, ce rfrentiel rduit singulirement les missions des plateformes. Les demandeurs dasile sous procdure dexception3 (les procdures prioritaires et les procdures Dublin) sont les grands perdants de ce nouveau rfrentiel, tant exclus de laide de ces PADA un mois aprs la notification de la dcision de loffice franais de protection des rfugis et apatrides (OFPRA) ou de la dcision de radmission, ce qui, pour les premiers, porte atteinte au droit au recours effectif et, pour les seconds, est contraire la jurisprudence du Conseil dtat4 et de la Cour de justice de lUnion europenne5 (CJUE). Le suivi social et juridique propos a t considrablement rduit. Lessentiel du travail des plateformes se rsume ce jour de lorientation, de linformation et linscription sur le logiciel DN@6. Laide la rdaction du rcit pour la demande auprs de lOFPRA et du recours pour la Cour nationale du droit dasile (CNDA) en cas de rejet, travail traditionnel des plateformes, ont t quasiment supprims. Laccs aux droits sociaux et lhbergement nest plus prvu que sous la forme dune orientation vers les dispositifs de droit commun. Sous couvert dune galit de traitement sur tout le territoire national en matire de premier accueil, ce nouveau rfrentiel semble tre conu pour une situation o les personnes entrent immdiatement en CADA alors que les dlais dattente pour y tre admis sont a minima de quatre mois et en moyenne de quatorze mois. Le contraste est saisissant au regard de la proposition de rfrentiel labore par la CFDA7 ou mme avec les revendications plus modres des principaux oprateurs du dispositif8.

2.Note du ministre et rfrentiel labor par lOFII. 3.Cf.partie2 sous parties 2 et 3 sur les procdures Dublin et prioritaire. 4.Conseil dtat, 20octobre2009, n332631. 5.Cour de justice de lUnion europenne, 27septembre2012, nC-179/11. 6.Fichier informatique gr par lOFII de gestion des places en CADA (cf.encart page89). 7.Proposition CFDA de contre-rfrentiel des plateformes daccueil pour demandeurs dasile, 17novembre2011. 8.Conclusions des assises de lasile, 24octobre2011.

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QuestcequelOFII. Loffice franais de limmigration et de lintgration (OFII) est, avec lOFPRA, lun des 2 oprateurs du ministre de lintrieur pour lasile. Ainsi baptis depuis mars 2009, cest le nouveau nom de lagence nationale daccueil des trangers et des migrations (ANAEM), issue de la fusion de deux structures, loffice des migrations internationales (OMI) et le Service social daide aux migrants (SSAE), qui avaient jusqualors jou un grand rle dans laccueil des demandeurs dasile. La mission principale de lOFII est de contrler les procdures lgales dimmigration (travail, regroupement familial), de mettre en uvre le contrat daccueil et dintgration et de grer le dispositif daide au retour des trangers dans leur pays dorigine. En ce qui concerne les demandeurs dasile, la loi lui confie comme missions laccueil des demandeurs dasile (les plateformes) et la gestion du dispositif national de leur accueil (coordination des CADA). LOFII met donc en uvre le rfrentiel des missions des plateformes, la rationalisation tant le matre mot de son application.

BUNE PRISE EN CHARGE VARIABLELe nouveau rfrentiel sest donn pour objectif de proposer un service uniforme aux demandeurs dasile. En ralit, il existe une grande disparit en matire daccueil et de prestations offertes selon la rgion o est dpose la demande dasile et selon le type de plateforme prsente.

LACCUEIL DANS LES PADA GRES PAR LOFIIAujourdhui, les missions minimales prvues par le rfrentiel ne sont pas appliques par les directions territoriales de lOFII elles-mmes. En gnral, lOFII limite son intervention aux seules personnes ligibles en CADA et ne reoit ni les personnes places en procdure prioritaire ni celles faisant lobjet de la procdure prvue par le rglement Dublin. De plus, trs peu dinformations sur la procdure dasile et sur les conditions daccueil sont fournies et sont disponibles dans les antennes alors quil sagit dune mission essentielle prvue par le rfrentiel. Aucune aide la rdaction du dossier OFPRA, mme sur la base restrictive du rfrentiel (traduction), nest propose par lOFII et aucune prise en charge du transport nest, de fait, accorde aux demandeurs pour se rendre lOFPRA mme pour ceux dont les droits lallocation temporaire dattente (ATA) ne sont pas ouverts. Une instruction9 du directeur gnral de lOFII davril 2010 dfinissait pourtant les contours dune telle aide.

9.Instructions n2010-04 du 8avril2010: aides matrielles aux demandeurs dasile.

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Ainsi, les antennes de loffice dans lEssonne, le Val-dOise, les Yvelines et les Hauts-deSeine ne proposent aucun accompagnement social et juridique et se contentent dorienter les demandeurs vers dautres structures dont les associations du dpartement, la seule mission remplie tant lenregistrement de la demande de CADA sur le logiciel DN@. linverse, dans le Loiret, le Puy-de-Dme et la Haute-Garonne, une aide est apporte aux personnes admises au sjour pour laccs aux droits sociaux (protection maladie et ATA). Dans les dpartements o loffice intervient en complment dune plateforme associative comme le Nord, les Bouches-du-Rhne ou lIsre, ce sont galement ses agents qui soccupent de louverture des droits sociaux.

LES PLATEFORMES ASSOCIATIVES: UNE GRANDE DISPARITLa prise en charge des demandeurs dasile par les plateformes associatives varie beaucoup: depuis un niveau daccompagnement social et juridique assez lev pendant toute la procdure jusqu un niveau de prestations infrieur au rfrentiel impos par lOFII. Des diffrences notoires existent donc entre les plateformes associatives. Si lhistoire et le niveau dengagement militant de chaque association peuvent expliquer certaines diffrences, on ne peut luder linsuffisance des moyens disponibles au regard du nombre de demandeurs dasile accueillis. Paris, en Cte dOr, en Gironde, dans les Bouches-du-Rhne ou encore dans lOise, les demandeurs ont la possibilit de solliciter la plateforme jusqu la rponse de la CNDA quelle que soit la procdure, ou jusqu la radmission effective pour ceux sous application du rglement Dublin. En revanche, en Loire-Atlantique, dans les deux dpartements dAlsace ou bien en Ille-etVilaine, la prise en charge est faite dans le cadre strict du rfrentiel. En Seine-Saint-Denis, la plateforme applique avec zle le cahier des charges, notamment pour les fins de prise en charge (dont la domiciliation) et ne propose aucune aide pour le rcit OFPRA pourtant prvue dans sa mission. Des dlais daccs la plateforme elle-mme peuvent exister comme cela est le cas Paris sagissant de la plateforme pour les familles o il faut attendre plusieurs semaines voire mois afin dobtenir un rendez-vous de prise en charge, sans domiciliation ni document attestant dune demande dasile. Des plateformes ont sur certains aspects de la prise en charge une approche plus favorable et sur dautres ne remplissent pas les missions pourtant prvues par le rfrentiel. Ainsi en Seine-Maritime et dans le Val-de-Marne, lassociation en charge a fait le choix de ne pas exclure les demandeurs sous procdure prioritaire et sous rglement Dublin mais ne propose pas, en revanche, daide au rcit, faute de moyens humains et financiers suffisants. Enfin, certaines plateformes continuent de faire les demandes de couverture maladie, de prparer aux entretiens OFPRA et de faire les recours devant la CNDA.

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Largionalisationdelaccueil Dans llan de la rgionalisation de ladmission au sjour pour le dpt de la demande dasile o seules 33 prfectures sont restes comptentes pour dcider de cette admission, le ministre de limmigration a dcid de supprimer les plateformes associatives dpartementales afin de ne prvoir quun lieu daccueil par rgion. Lobjectif de cette rgionalisation du dispositif de premier accueil est de rationaliser le cot de la prise en charge, de faire face la complexit croissante de la rglementation mais aussi de concentrer lensemble des enregistrements des demandes de CADA sur un seul lieu. Il demeure encore des exceptions pour des rgions dans lesquelles plusieurs points dentre ont t conservs : en Rhne-Alpes (trois plateformes : Lyon, Grenoble et Saint-tienne), en Alsace, dans les Pays-de-la-Loire et en Provence-Alpes-Cte-dAzur avec deux structures daccueil et deux prfectures comptentes . La suppression de plateformes a parfois donn lieu des cacophonies mettant tout le monde en difficult, comme lillustrent les alas de la plateforme de Montauban, gre par lAssociation Montalbanaise dAide aux Rfugis (AMAR). En septembre 2008, lassociation apprend la suppression de sa plateforme pour la fin danne et doit procder divers licenciements. Le 28 dcembre 2008, il lui est demand de r-ouvrir la plateforme ! Fin 2011, lassociation apprend que son activit ne serait plus finance pour 2012 : un nouvel arrt de rgionalisation confiait la comptence dadmission au sjour au seul prfet de Haute-Garonne. Tant lassociation que la direction territoriale de lOFII ont t surpris par cette nouvelle fermeture prcipite car le nombre de premires demandes en 2011 avait augment de 54 % par rapport 2010. Cette refonte du dispositif sest faite sans prendre en compte les ralits gographiques et sans prvoir systmatiquement par exemple une prise en charge du transport pour se rendre dans les prfectures de rgion pour le dpt de la demande ou bnficier dun suivi social et juridique la plateforme rgionale. Ainsi, un demandeur dasile domicili Pau doit se rendre Bordeaux situe 200 km, et celui domicili Rodez doit aller Toulouse, 150 km. Cette logique administrative et dconomies, qui a prvalu dans les deux volets de la rgionalisation, laisse labandon des personnes en recherche de protection et dstabilise tant le tissu associatif local que les plateformes rgionales.

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CLA SURCHARGE DES PLATEFORMES RGIONALESAprs quatre annes, lun des principaux effets de la rgionalisation de ladmission au sjour et de laccueil des demandeurs dasile est sans nul doute lengorgement des prfectures de rgion dans divers domaines; cest la consquence de la concentration des premires dmarches pour demander lasile sur un territoire sans quaient t prvus des moyens suffisants pour laccueil social et juridique ainsi que pour lhbergement. Ce phnomne est accentu par laccroissement constant de la demande dasile depuis 2008. Ainsi en Cte-dOr, avec laugmentation du nombre de premires demandes dasile de 64% entre 2010 et 2011, la plateforme a t dborde; faute de moyens, lassociation SOS Refoulement a d arrter son activit de domiciliation, avec des bnvoles, de ceux qui navaient pas dadresse. La prfecture, qui doit veiller ce que le droit dasile soit respect, a alors charg la plateforme de ce service pour les demandeurs quelle lui adressait, Les dlais pour tre reus en prfecture se sont allongs, passant de cinq jours en 2007 un mois et demi en 2012. Cela a abouti une saturation totale des dispositifs dhbergement durgence mais aussi des associations de soutien et caritatives. Cette saturation se produit aussi dans plusieurs autres prfectures de rgion comptentes pour la premire admission, dont lHrault, lOise ou lIlle-et-Vilaine. En parallle, les demandeurs qui, pour diverses raisons, sont domicilis dans les autres dpartements, sont dpourvus de solution pour bnficier dun accompagnement social et juridique. En effet, laccs un hbergement durgence, dont les 11510, est trs compromis: les moyens ddis lasile ayant t orients vers la prfecture de rgion les diverses structures sont dans lincapacit de proposer une solution. Les structures associatives qui domicilient ne sont souvent pas quipes pour assurer un suivi social et administratif et se bornent dlivrer une adresse postale. Si les demandeurs veulent esprer un minimum daide, ils doivent alors se rendre la plateforme rgionale quand cette structure peut les recevoir et quils ont les moyens financiers de sy dplacer: deux conditions souvent difficiles runir. En Haute-Garonne, la plateforme OFII a prvu des plages spcifiques pour laccueil des demandeurs dasile des autres dpartements de la rgion. Dans les faits linformation est mal connue et la plupart sont financirement incapables de se rendre loffice de Toulouse depuis Montauban ou Tarbes. En Savoie, les demandeurs dpendent de la plateforme de Grenoble qui ne les reoit pas et la situation est identique pour ceux du Morbihan, dpendant de celle de Rennes.

10.Numro du dispositif de veille sociale pour laccs un hbergement durgence.

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Lecasbreton:oucommentaggraverleds-accueildesdemandeurs. Face la saturation de la prise en charge des demandeurs dasile Rennes, prfecture de rgion, le prfet de Bretagne a pris linitiative de rpartir la demande de domiciliation sur les dpartements, avec des contingents de places, afin de soulager la capitale de rgion. Le Morbihan reoit donc 20 personnes par mois, le Finistre 20 et les Ctes-dArmor 15. Ce choix impos envoie les demandeurs vers une situation de forte prcarit sociale et administrative dans des dpartements non prpars pour leur accueil. En plus dtre un aveu dchec sur la politique mene, cette dpartementalisation par la domiciliation pour dsengorger la prfecture de rgion a vu les autres dpartements bretons dbords par cette nouvelle demande, aucun moyen suffisant ne leur ayant t allou pour lhbergement et laccompagnement social et juridique. Ce systme impacte fortement les collectivits locales et les associations de soutien et caritatives tout en laissant la situation rennaise trs tendue, beaucoup de demandeurs revenant sur la mtropole rgionale, esprant y trouver des solutions. Le tout a cr une mobilisation trs forte des associations et des citoyens face labandon des demandeurs par les pouvoirs publics avec des crations de collectifs depuis 2011 et le dveloppement de squats et occupations travers toute la Bretagne.

DLES ASSOCIATIONS SOLLICITES DE PLUS EN PLUS TTPour pallier les carences et faire en sorte que les demandeurs dasile accdent une aide ds leur arrive, ce sont finalement les associations avec des permanences bnvoles qui reoivent de plus en plus les personnes au fur et mesure que laccompagnement diminue dans le dispositif financ. LOFII a bien senti lintrt de ce transfert de responsabilit et a intgr ces orientations vers le caritatif et les associations de soutien aux trangers dans les cahiers des charges successifs, en prconisant des partenariats. Les associations sont donc sollicites par les plateformes pour des aides qui ne sont pas dans leurs attributions directes par le cahier des charges mais aussi pour certaines inscrites dans le rfrentiel comme les aides durgence, laide au rcit OFPRA, le transport vers lOFPRA ou le suivi des demandeurs mis sous application du rglement Dublin. Pour ce faire, il peut tre remis, ds larrive du demandeur la plateforme, une liste trs prcise des lieux et des horaires des associations (en Loire-Atlantique ou dans le Maine-et-Loire), parfois traduite dans la langue du demandeur (Nord). Dans un souci des personnes, les associations rflchissent avec les plateformes en vue de travailler ensemble et dorganiser des partenariats pour une meilleure orientation, comme en Guyane, dans le Rhne, dans la Loire ou en CtedOr par exemple. Si les associations sont ainsi sollicites dans les prfectures de rgion, celles qui agissent dans les autres dpartements sont encore plus sous pression, les demandeurs ny ayant pas de structures finances pour les accompagner au quotidien ou dans leurs dmarches, du fait de la rgionalisation de laccueil. En Savoie, dans le Morbihan ou dans le Tarn-et-

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Garonne, ce sont les associations qui assument lintgralit du suivi des personnes domicilies dans leur dpartement dfaut de solutions existantes. Cette dpendance du demandeur par rapport aux associations peut tre inconfortable pour tous. Les permanences, sans moyen financier, ont des difficults pour rpondre aux besoins, notamment pour satisfaire les demandes dhbergement. ecasduCollectifdAccueilpourlesSolliciteursdAsileStrasbourg L (CASAS)oudeDomAsileenle-de-France. Deux exemples illustrent particulirement la volont de ltat de rationaliser laccueil des demandeurs dasile par les plateformes tout en arrtant de subventionner les associations, pourtant trs sollicites par les demandeurs mais aussi par les partenaires. CASAS, association cre en 1983, accompagne les demandeurs dans le cadre de laide au dossier OFPRA / CNDA mais propose galement diffrentes aides matrielles et intervient auprs des personnes sous Dublin et de plus en plus sur laccs un hbergement. Elle emploie six personnes et environ 200 bnvoles reprsentant plus de 18 quivalents temps plein. Lassociation avait des financements de la direction dpartementale de la cohsion sociale (DDCS, ex DDASS) et galement du fonds europen pour les rfugis. Pour lanne 2012, lassociation a perdu la totalit de ces subventions publiques (tat et Europe), soit les 2 / 3 de son financement, ltat voulant concentrer ses financements sur les plateformes respectant le nouveau rfrentiel. Lassociation va devoir se priver de deux postes malgr une demande croissante des demandeurs. Pourtant CASAS, partenaire historique Strasbourg, reste galement trs sollicit par la plateforme daccueil gre par une autre association. Paradoxalement, celle-ci continue de lui orienter les demandeurs quelle nest pas en mesure de prendre en charge pour la domiciliation ou les missions sur lesquelles elle nest plus finance (comme laide au recours CNDA). En 2011, CASAS a enregistr 15 534 passages sur 143 permanences, reu 1 328 personnes pour une aide au dossier et domicili 357 demandeurs. DomAsile est un rseau de domiciliation et daccompagnement administratif et social des demandeurs prsents dans toute lle-de-France (except la Seineet-Marne), cr en 2000 et devenu une association en 2003. Les financements de ltat et du FER reprsentaient 70 % de son budget global mais ces crdits ont disparu au motif que lassociation ne se conformait pas au nouveau rfrentiel. Lassociation emploie 5 salaris et environ 170 bnvoles. Cette perte de financement, si elle se confirme, risque dentraner une baisse trs importante des forces salaries. Pourtant, lassociation a domicili et accompagn 9 300 personnes sur toute lle-de-France en 2011 et tient aussi des permanences daccs aux droits sociaux ouvertes pour lensemble des demandeurs dasile de la rgion. Les personnes domicilies dans les plateformes sont nombreuses les solliciter pour pallier les manques ailleurs. Lantenne OFII du Val-dOisenhsite pas orienter les demandeurs vers la permanence Dom

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Asile de Cergy, prouvant ainsi les failles de ses services. DomAsile participe informer, former les administrations recevant les demandeurs dasile dans leurs dmarches et joue un rle fondamental en matire de veille sur les pratiques des organismes en charge de laccueil.

Ces deux situations ne semblent pas isoles et rvlent lobjectif dun accueil a minima. Ltat limite ainsi drastiquement sa prise en charge mais veille galement ce que les associations apportant un complment ncessaire cet accueil dfaillant ne le fassent pas sur des crdits tatiques.

EDE TIMIDES RETOURS EN ARRIREConscientes des failles de la rgionalisation de laccueil et de la ncessit dun accompagnement social et juridique, des structures ont perdur ou voient le jour. Ainsi, dans la Sarthe, en Vende ou en Mayenne, les associations agres pour la domiciliation ont reu une subdlgation de financement de la plateforme rgionale (Nantes) afin dassurer un minimum daccompagnement. Cependant, le financement propos par lOFII pour cette mission est infrieur aux subventions antrieures et il nest pas certain quil rponde aux besoins. Il en va de mme dans les Pyrnes-Atlantiques o la plateforme rgionale de Bordeaux souhaite terme dlguer des crdits pour assurer un peu daccompagnement via la structure de domiciliation. Lactualit rcente aura-t-elle raison de la rgionalisation? Divers lus locaux sen plaignent explicitement et des bornes EURODAC pour relever les empreintes digitales des demandeurs dasile lors de la premire admission au sjour sont annonces ici ou l: ce serait un signe que la comptence pour cette admission serait largie des prfectures plus nombreuses avec, par voie de consquence, esprons-le, autant de plateformes pour une prise en compte de laccompagnement social et juridique des demandeurs localement, sans oublier lhbergement.

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1 . 2 . LA DOMICILIATIONEn France, une adresse est ncessaire pour accder aux droits civiques, civils ou sociaux. En mars 2007, la loi sur le droit au logement opposable (DALO)11 a dailleurs facilit ces accs pour les personnes sans domicile stable en introduisant le droit une adresse, mais elle a exclu de cette domiciliation de droit commun les cas dadmission au sjour des demandeurs dasile et daccs laide mdicale dtat (AME). leur arrive en France, la plupart des personnes en recherche de protection vivent dans le plus grand dnuement et ne disposent pas toujours dun hbergement ou dun domicile stable. Pour rpondre lexigence lgale de prsenter une adresse afin de dposer sa demande dadmission au titre de lasile12 et recevoir son courrier, la domiciliation postale dans les associations sest beaucoup dveloppe au cours de ces vingt dernires annes. Lindication dune adresse, porte dentre oblige pour le demandeur dasile, est devenue aujourdhui lun des cueils de lasile et lun des outils dajustement.

ALAGRMENT, UN OUTIL DE CONTRLEJusquen 1993, chaque demandeur dasile sollicitait directement lOFPRA et indiquait ladresse o lui faire parvenir son courrier. La loi Pasqua de 1993 (article45) a modifi la procdure: Loffice ne peut tre saisi dune demande de reconnaissance de la qualit de rfugi quaprs que le reprsentant de ltat dans le dpartement [] a enregistr la demande dadmission au sjour du demandeur dasile, obligeant alors tout demandeur tre dabord admis au sjour. Pour ce faire, les prfectures eurent le monopole daccorder le formulaire OFPRA ncessaire pour demander lasile. Les associations dvelopprent des domiciliations postales pour fournir une adresse pour la prfecture ceux qui en taient dmunis et en profiter pour conseiller les demandeurs. Quelques prfectures refusrent des adresses juges peu fiables ou sources de drives et, en aot 200413, un dcret disposa que les adresses associatives devraient obtenir un agrment spcifique (avec exigence de gratuit). Au-del de quatre mois, le demandeur devrait fournir son adresse relle. Sur injonction du Conseil dtat, les prfectures durent accepter ces adresses associatives pour les demandeurs en prcarit (prouve) dhbergement. Le code de lentre et du sjour des trangers et du droit dasile (CESEDA) prvoit dsormais que les adresses associatives spcifiques lasile soient agres par le prfet. Lagrment est accord pour une dure de trois ans renouvelable. Depuis le dcret daot 2004, les critres dagrment14 exigent des associations: une existence depuis trois ans, une exprience dans laccueil des trangers, une aptitude effective la rception et la transmission des courriers.11.Article51 de la loi n 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable. 12.ArticleR.741-2 du CESEDA. 13.Article2 du dcret n2004-813 du 14aot2004. 14.ArticleR.741-2 4 du CESEDA.

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Dans sa circulaire de 2005 de mise en place de ces agrments de domiciliation associative15, le ministre de lintrieur avait rappel aux prfets la ncessit den prvoir au moins une dans chaque dpartement. La tentation est pourtant grande pour un prfet dutiliser cet outil de ladresse pour grer les flux de demandes dasile sur son territoire: ainsi des prfectures innovent avec des suspensions ponctuelles de domiciliation, des circuits obligs, des exigences supplmentaires dans le cahier des charges, des agrments deux vitesses, voire des retraits ou des non-renouvellements dagrment, etc., ce qui va inciter les demandeurs aller dans un autre dpartement. Ces drives risquent de prosprer en labsence de rappel ferme du ministre. La domiciliation devient ainsi petit petit un outil de rgulation. Elle engendre pourtant pour les demandeurs une situation de prcarit sociale et juridique aux consquences lourdes et parfois cyniques. Dans cette logique, certaines prfectures nhsitent pas retirer ou ne pas renouveler lagrment dassociations qui exeraient cette activit depuis de nombreuses annes mais qui ne semblent plus correspondre aux attentes de ladministration en la matire. En Moselle, le CASAM16 et la Croix Rouge Franaise nont pas eu de renouvellement dagrment: seul subsiste celui de la plateforme daccueil. la diffrence de celle-ci qui applique les consignes dexclusion, les deux organisations domiciliaient tous les demandeurs sans restriction. En Loire-Atlantique, une association locale, le GASPROM17, a galement perdu son agrment pour des raisons similaires et aujourdhui la plateforme a le monopole de la domiciliation associative dans le dpartement. Dans les Yvelines, si la prfecture a bien agr deux associations pour la domiciliation en 2005, cet agrment na jamais t renouvel et les associations, qui lont pourtant demand, exercent leur mission depuis 2008 dans la plus grande incertitude. Dans le Maine-et-Loire, aprs un refus de renouveler lagrment de lAPTIRA18, la prfecture (redevenue comptente pour ladmission au sjour) a impos la plateforme diverses suspensions ponctuelles en fonction des flux darrive et, depuis fin 2011, le renvoi des isols primo-arrivants pour leur domiciliation vers la plateforme de Nantes. La demande dasile a ainsi diminu de plus de 20% entre 2011 et 201219 Angers. En Cte-dOr et en Isre, les personnes ne peuvent sadresser directement aux organismes en charge de la domiciliation et doivent dabord passer par la prfecture. Si ce systme parat anodin, il convient de souligner quil permet de contrler le nombre de domicilis et donc de demandeurs susceptibles de se prsenter avec les pices requises. Paris, les associations agres doivent accepter un systme discutable de rendez-vous donn lectroniquement sous peine pour leurs domicilis de se voir refuser laccs la prfecture. Toutes les associations agres nont pas voulu adopter ce fonctionnement impos sans concertation et, bien que toujours agres, leurs adresses ne sont plus acceptes par la prfecture de police20 de Paris qui invente un dsagrment implicite. En outre,

15. Circulaire nNOR: INT/D/05/00014/C du 21 janvier 2005 (pages 2et3). 16. Collectif dAccueil des Solliciteurs dAsile en Moselle. 17. Groupement, Accueil, service et Promotion (du travailleur immigr). 18. Association pour la Promotion et lIntgration dans le Rgion dAngers. 19. Source Ofpra. 20.Ce refus a t considr comme une atteinte manifestement illgale au droit dasile par le juge des rfrs du tribunal administratif de Paris (2mai 2011, n1107729 et 26 juillet 2011, n1112620). Mais la prfecture fait comme si de rien ntait

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les demandeurs domicilis chez un particulier se voient rgulirement refuser laccs la prfecture, les agents refusant, sans en expliquer les raisons, lattestation de domiciliation. En Bretagne dabord, puis en Picardie et dans le Languedoc-Roussillon, les prfectures de rgion rpartissent par contingents les candidats lasile sur tous les dpartements de leur rgion. Rien nest prvu dans les dpartements sans plateforme rgionale, quil sagisse du suivi administratif ou de laccs aux conditions matrielles daccueil. Cette organisation peut avoir des consquences dramatiques. Quimper, le centre communal daction sociale (CCAS) devait, selon le plan du prfet de rgion (voir encadr page15), domicilier vingt demandeurs par mois sans tre en capacit de le faire. Des demandeurs envoys par Rennes nont pu y tre domicilis ni donc commencer leur procdure dasile. Dpourvus de documents justifiant de leur qualit de demandeur, certains ont t placs en centre de rtention administrative (CRA). La CFDA a dnonc plusieurs reprises ces pratiques21 qui limitent illgalement le droit dasile et le ministre, par sa circulaire sur les agrments de janvier 2005, avait demand aux prfets de veiller une offre de domiciliation associative suffisante. Trop souvent, le ministre se fige dans son expertise que lafflux de demandeurs dasile provient de filires et de fraudeurs22.

BLE RLE DE LOFIISi lagrment des associations est de la comptence du prfet, lOFII intervient depuis 2012 en finanant cette activit et en imposant une restriction de laccueil. Loffice souhaite que les plateformes se chargent de la domiciliation directement ou passent convention avec une ou plusieurs association(s) pour cette activit par dlgation de mission, Mme si lagrment prfectoral est conserv, loutil pour contraindre une association limiter son activit de domiciliation ou la contrler va passer par son financement. Le ministre de lintrieur a ainsi dcid de rserver les crdits de ltat aux organismes qui appliqueraient ses prconisations, contribuant ainsi larrt de financement des autres associations, Pour ce faire, il peut mme utiliser son rle de filtre afin de refuser de transmettre la commission europenne les projets dassociations peu dociles qui postuleraient laide du fonds europen pour laccueil des demandeurs dasile (voir encadr page16 sur le CASAS et DomAsile).

LES NOUVELLES RGLESLes associations, ayant pass une convention avec lOFII pour exercer leur activit de domiciliation, sont aujourdhui devenues des oprateurs tenus de respecter dabord les rgles nonces dans le cahier des charges de loffice. Leur action va alors jusqu limiter laccs et la dure de prise en charge des demandeurs de manire trs stricte. Citons ainsi

21. Communiqu du 4novembre 2010. 22.Cf.dossier de presse du 25 novembre 2011 et le contre-dossier produit par la CFDA en rplique en avril 2012.

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titre dexemples: les demandeurs en rexamen sont exclus de la domiciliation et celle des demandeurs placs en situation prioritaire est interrompue aprs la rponse de lOFPRA, alors que le recours devant la CNDA est un droit que cette perte dadresse entrave. Le requrant ne reoit plus les courriers de la Cour, notamment sa convocation laudience. Ces rgles imposes par le ministre et lOFII sont trs contestables, tant dun point de vue humain que juridique. En effet, radier du bnfice de la domiciliation les personnes faisant lobjet dune procdure prioritaire aprs la dcision de rejet de lOFPRA pourrait conduire les prfets et lOFII porter atteinte au droit au recours effectif. ce jour, certaines plateformes ne respectent pas le cahier des charges sur ces radiations, de manire assume ou discrte, en maintenant linscription des personnes sous procdure prioritaire et Dublin au regard de la prcarit que ces exclusions entraneraient. En revanche, aucune naccepte daccorder une domiciliation pour les demandes de rexamen, except de manire exceptionnelle. Les associations hors plateforme mais conventionnes pour cette activit de domiciliation peuvent conserver une pratique plus librale comme en Guyane. Pour les autres associations sans lien financier avec lOFII, ce cahier des charges est sans porte.

LES INCIDENCES DE PERTES DE FINANCEMENTLassociation DomAsile qui domicilie des demandeurs dans sept dpartements dle-deFrance a vu tous ses financements publics (70% de son budget) arrts en mai 2012, remettant ainsi en cause la prennit de lassociation et de ses activits, pourtant relativement peu onreuses pour ltat car portes par de nombreux bnvoles. Le CASAS Strasbourg se trouve dans une situation identique (lire encadr page16). Dans les Bouches-du-Rhne, ce sont la Croix Rouge Franaise et La Cimade qui domicilient les demandeurs dasile. Depuis janvier2012, lOFII sest substitu la direction dpartementale de la cohsion sociale, service dconcentr de ltat, pour les financer. Ce changement a entran une diminution de 20% de la subvention alloue, entre autres, la domiciliation, ce qui force les associations des choix difficiles. noter quune association parisienne agre a trouv une parade (illgale) en instituant une cotisation (ce qui revient faire payer laccs la domiciliation) et en facturant ensuite ses services.

LES INCIDENCES DUNE SEULE ASSOCIATION AGRE PAR DPARTEMENTLa pire situation pour le demandeur savre tre le cumul de trois variables: un agrment accord une seule association dans le dpartement qui signe une convention avec lOFII et respecte strictement son cahier des charges. Cette situation existe en Moselle, en Loire-Atlantique, dans le Haut-Rhin ou encore dans le Rhne. Seules les plateformes sont agres et les associations gestionnaires respectent le rfrentiel, ce qui signifie lexclusion de nombreux demandeurs placs en situation prioritaire aprs un rejet OFPRA ou ceux en procdure Dublin, qui doivent alors se

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dbrouiller sans aide pour accder leurs droits ou faire un ventuel rexamen de leur demande. De mme, les personnes qui, pour diverses raisons, sont en rupture de domiciliation peuvent galement tre en difficult, certaines associations refusant les changements dadresse, considrant que leur service est exclusivement rserv aux primo-arrivants. Cest le cas Nantes o la plateforme ne domicilie que les demandeurs arrivs en France depuis moins de trois mois.LeHaut-Rhin:unedomiciliationsoussurveillance. Lassociation en charge de la plateforme pour demandeur dasile est seule agre pour la domiciliation sur le dpartement et le changement rcent qui lui a t impos est un bon exemple de la coopration entre les services de ltat pour mettre mal la domiciliation des demandeurs dasile. Lagrment associatif a t renouvel en avril 2012 en intgrant un cahier des charges reprenant certaines consignes de la circulaire du 21 janvier 2005 23 et en y ajoutant le rfrentiel OFII de dcembre 2011. Le demandeur ne peut sadresser directement lassociation : il doit passer par lOFII pour recevoir le document ncessaire pour le domicilier aprs un entretien qui dtermine sil naurait pas une autre solution, la domiciliation associative tant juge comme lultime recours. LOFII exclut ainsi les personnes dans les cas de : prsence de famille en France, que le lien familial soit effectif ou non ; changement dadresse dun tiers vers lassociation ; lOFII demande une attestation de rupture dhbergement et un appel au 115 pour justifier de la fin de toute possibilit de domiciliation ; retour en France aprs un sjour dans le pays dorigine ou demande de rexamen de la demande dasile ou demande dadmission au sjour aprs lexpiration des dlais de transfert dune procdure Dublin , lOFII estimant que le droit la domiciliation ne sapplique quune seule et unique fois. Lassociation nest pas autorise expliquer la teneur des courriers lors de leur remise aux domicilis. Lors de chaque renouvellement de la domiciliation, lOFII vrifie lavance des procdures normales avant de renouveler toute domiciliation et des procdures prioritaires et Dublin , si elles ont t identifies. Le renouvellement du titre de sjour en prfecture ne peut se faire quavec lautorisation domicilier tablie par lOFII et lattestation de domiciliation fournie conscutivement par lassociation. LOFII envoie par la suite des listes de radiation lassociation sagissant des demandeurs nentrant plus dans le cadre du rfrentiel, lui laissant ainsi la tche ingrate dinformer ces derniers de larrt de leur domiciliation. Cette pratique est dautant plus difficile dans la mesure o il nexiste aucune autre possibilit de se voir domicilier et donc de poursuivre sa demande dasile.

23.Rappelons que cette circulaire est abroge car non publie en ligne sur le site ddi la publication de tel texte.

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Les solutions alternatives sont alors de trouver une adresse chez un compatriote ou quelquun de connaissance, hypothtiquement dans un CCAS (le demandeur rpond strictement aux exigences de la loi DALO mais la majorit des CCAS refusent ce cas de figure), ou bien de changer de dpartement.

CLA DOMICILIATION HORS DISPOSITIF CONVENTIONN: UNE CHANCE POUR LES EXCLUS MAISDans certains dpartements, lagrment accord na pas de lien conventionnel avec lOFII. Cest le cas en Haute-Garonne, en Ille-et-Vilaine ou en Savoie. Dans dautres dpartements, les agrments sont accords plusieurs associations, certaines tant conventionnes, dautres non, comme Paris, dans le Nord ou dans le BasRhin. Ces configurations doffres de domiciliation sont un rel avantage pour le demandeur. Celui-ci, domicili dans lune delles, pourra conserver sa domiciliation tant que sa procdure est en cours, voire plus longtemps, et si lassociation de domiciliation est conventionne, il pourra ventuellement avoir une solution alternative en allant vers une autre. Cependant, cette situation disparate cre un dsquilibre entre rgions et pse sur ces associations, la plupart tant dpourvues de financement public ou finances chichement et fonctionnant essentiellement avec des bnvoles. Les associations doivent pallier les carences de ltat et il leur est trs difficile de refuser les personnes en rupture de domiciliation, ce qui gnre une surcharge de travail. En Haute-Garonne, la Croix Rouge Franaise est seule agre et inscrit environ 400nouveaux domicilis par an: avec plusieurs distributions de courrier par semaine, cela ncessite plusieurs quipes de bnvoles pour la rception du courrier, le tri et laccueil des personnes lors de louverture du courrier. En Isre, lAccueil pour Demandeurs dAsile (ADA) est la seule association agre en plus de la plateforme; elle pr-domicilie les demandeurs dasile en prvision dune future exclusion par cette plateforme. LADA reoit donc tous les exclus du systme conventionn. Dans le Maine-et-Loire, le Secours Catholique dispose dun agrment pour les procdures prioritaires en recours devant la CNDA, et pour les rexamens. Lassociation nest pas en capacit de recevoir tous les exclus potentiels de la plateforme malgr une forte sollicitation.

DLA SATURATION DU SYSTME ET SES CONSQUENCES POUR LES DEMANDEURSToutes ces restrictions, financires ou concernant la prise en charge, aboutissent une situation de saturation de la plupart des associations exerant une activit de domiciliation, quelle que soit leur nature, conventionnes ou uniquement bnvoles, avec des consquences importantes pour les demandeurs. Lors de cette enqute, les dlais doctroi dune adresse variaient ainsi de quelques jours plus de cinq mois.

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En Seine-Saint-Denis, la plateforme daccueil propose des rendez-vous pour une domiciliation en 2013, dans un dlai suprieur cinq mois, alors que les autres associations agres du dpartement non conventionnes sont galement satures. Dans lEssonne, les associations donnent des rendez-vous des dlais de trois ou quatre mois. En Loire-Atlantique ou dans lOise, il faut un minimum de trois semaines pour obtenir une adresse postale. En Seine-et-Marne, il faut un mois et demi pour accder une adresse. Dans les Hauts-de-Seine, aucune des quatre associations agres nest en mesure de fournir une adresse, sauf exceptions, tout comme dans les Yvelines. Paris, laccs est trs variable selon les associations et reste sous tension, les personnes devant attendre plusieurs jours ou plusieurs mois pour tre domicilies par les associations agres. La plateforme daccueil pour les demandeurs dasile primo-arrivants isols nest pas en mesure de tous les accueillir. Elle renvoie certaines nationalits parmi les plus nombreuses (Bangladesh par exemple) vers la plateforme du Val-de-Marne qui nest pas davantage en mesure de les prendre en charge. La plateforme daccueil pour les familles ne peut proposer une domiciliation avant un dlai variant de trois quatre mois. Les autres structures, gres par des associations comme DomAsile, sont en grande difficult. Trois dentre elles ne prennent plus de nouvelles inscriptions (Entraide et Partage, Entraide des Batignolles, DomAsile Gobelins). Pour les trois autres (Solidarit Jean Merlin, DomAsile CEDRE, DomAsile Grenelle), les dlais pour obtenir une domiciliation sont dimportants et peuvent dpasser quatre mois. Dans le Val-de-Marne, la plateforme daccueil finance a arrt les nouvelles inscriptions depuis plusieurs mois. Trois associations domiciliaient moindre chelle des demandeurs sur le dpartement mais lune dentre elles a cd sous le poids de la pression: arrt complet de lactivit. Les deux associations restantes ont des dlais de deux mois. Quand les associations arrivent dlivrer rapidement une domiciliation, cest souvent au prix dune surcharge dactivit entranant des conditions de travail et daccueil difficiles pour tous. Ces dlais anormalement longs sont lourds de consquences pour les demandeurs ne pouvant justifier dune prsence en rgle: la convocation dans une association nest quune avant-premire tape et, pendant ce laps de temps, il arrive quils soient contrls et se voient notifier une mesure dloignement alors que cette convocation indique le dbut dune dmarche dasile. Cette pratique contrevient au principe de non-refoulement prvu par la Convention de Genve qui protge les demandeurs dasile de tout risque de renvoi dans leur pays tant que leur besoin de protection na pas t examin. Une fois domicilis et donc en capacit de se rendre en prfecture (sil ny a pas eu dloignement entre temps), les demandeurs contrls antrieurement sans-papiers sont systmatiquement placs en procdure prioritaire. La situation est absurde puisquil appartient ladministration de mettre en uvre les moyens ncessaires pour que la domiciliation ne soit pas un obstacle la prise en compte de la demande, une obligation rappele par le Conseil dtat24. Un prfet a refus de prendre en compte une demande dasile, arguant quune mesure dloignement a t notifie par celui dun autre dpartement et estimant avoir alors perdu toute

24.Conseil dtat, 5aout2011, n351247.

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comptence alors mme que le demandeur venait dobtenir une domiciliation dans son dpartement. Ces dysfonctionnements sont en contradiction avec les discours visant carter des pratiques dviantes et rduire les dlais dexamen des demandes dasile. Alors que le ministre souhaite la gratuit des domiciliations, des officines profitent de cette pnurie pour proposer aux demandeurs un service payant adresse+rcit dasile. Les dlais dattente les conduisent se dplacer dans plusieurs prfectures (donc chercher autant de domiciliations) pour accder plus rapidement la procdure. Certains se voient appliquer la procdure prioritaire de faon intempestive, ce qui est source de contentieux devant les juridictions administratives et dstabilise linstruction de la demande dasile par lOFPRA. Comme laccs aux conditions matrielles daccueil nest accord quune fois la qualit de demandeur reconnue par ladministration, la priode dattente de cette premire tape se vit dans les pires difficults. Laccs un hbergement, des ressources et une couverture maladie est retard pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois. La personne dpend alors totalement des associations caritatives ou de la solidarit (dsintresse ou non) de compatriotes, une situation incompatible avec les garanties prvues par les directives europennes en la matire25. Il convient pourtant de rappeler les principes qui avaient prsid en 2004 la nouvelle faon dagir pour la domiciliation selon la circulaire du 21 janvier 2005: La modification du dcret du 30 juin 1946 en son titre III consacr au sjour des demandeurs dasile vise essentiellement lamlioration qualitative de la procdure doctroi des documents de sjour aux demandeurs dasile. Cette modification porte sur deux axes recouvrant respectivement la rduction et lharmonisation des dlais de traitement de ces demandes par les prfectures, et la facilitation comme la plus grande fiabilit des procdures de domiciliation. [] Assure avec rigueur au profit de demandeurs dasile connaissant rellement cette forme de prcarit administrative, la mission de domiciliation reprsente une vritable plus value dans la recherche de qualit qui accompagne la rforme. En revanche, lorsque cette mission savre dficiente, ou ne comprend aucun service rel, les procdures individuelles se trouvent fortement perturbes, et dautres consquences comme linstauration de flux secondaires de demandeurs peuvent galement se manifester.

25.La cour de justice de lUnion europenne dans larrt prcit du 27 septembre 2012 a considr que les conditions daccueil doivent tre fournies ds que le demandeur dpose sa demande dasile, cest--dire en France, ds sa premire prsentation en prfecture.

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1 . 3 . LES CONDITIONS DACCUEIL DANS LES PRFECTURESDepuis 1993, toute personne souhaitant accder la procdure dasile doit passer pralablement par la prfecture afin de dposer une demande dadmission au sjour. Ladministration prfectorale est donc le premier interlocuteur officiel pour une protection en France et ce premier contact sera dterminant pour la suite. Or, laugmentation des demandes depuis 2008, la rgionalisation et la mise en place de systmes de rendez-vous dans plusieurs grandes prfectures ont gnr une dgradation des conditions daccueil. ce jour, il faut de plusieurs semaines plusieurs mois pour y accder et pour quune demande dadmission au sjour au titre de lasile soit prise en compte.

ADES MODALITS DACCUEIL TRS DIFFRENTES SELON LES PRFECTURESAprs quatre annes de rgionalisation de ladmission au sjour, le constat est alarmant tant il est devenu difficile et compliqu daccder au guichet des prfectures et de dposer une demande de protection internationale. Si dans la plupart des prfectures le comportement des personnels aux guichets est correct, les tensions sont prsentes et la suspicion est relle vis--vis de supposs faux demandeurs dasile qui abuseraient du systme.Largionalisationdeladmissionausjour. Exprimente depuis 2006 dans deux rgions (Bretagne et Haute-Normandie) puis tendue dix-sept autres, la rgionalisation de ladmission au sjour consiste confier par arrt ministriel un ou deux prfets par rgion la comptence dadmettre ou non au sjour les demandeurs dasile. Le prfet de rgion est gnralement dsign, sauf en Picardie o le prfet de lOise reoit plus de demandeurs que celui de la Somme. En Rhne-Alpes, en ProvenceAlpes-Cte-dAzur et dans les Pays-de-la-Loire, deux prfets par rgion ont t dsigns. Lle-de-France, lAlsace, la Corse et les DROM ne sont pas concerns. Daprs le ministre de lintrieur, cette modification importante du dispositif daccueil est justifie par une rationalisation de limplantation des 38 bornes EURODAC qui permettent de relever les empreintes digitales des demandeurs et par la volont de spcialiser des fonctionnaires du fait de la complexification des textes. Cette rgionalisation ne concerne que la phase initiale de la demande dasile : la dlivrance de lautorisation provisoire de sjour. Les prfets de dpartements restent comptents pour les phases suivantes : dlivrance, renouvellement et retrait du rcpiss. Ils le sont galement pour dicter les dcisions dloignement (obligation de quitter le territoire franais OQTF), les dcisions de radmission Dublin et pour les demandes de rexamen.

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Bordeaux ou Marseille, les associations relvent un bon accueil et des conditions daccs faciles. Bordeaux, la publication dun rapport inter-associatif en mars 2012 ny est sans doute pas trangre26. Clermont-Ferrand, les demandeurs attendent de longues heures avant daccder au bureau Asile et protection de la prfecture et, selon les observations des associations, les agents sont peu respectueux des personnes. Lors de leur premire prsentation, avant mme dtre orients vers une domiciliation, les demandeurs sont reus en entretien et soumis un vritable interrogatoire sur les raisons de leur venue et sur leur parcours. Les bnvoles des associations peuvent entrer en prfecture mais ne peuvent pas assister ces entretiens. loppos, Calais, les demandeurs doivent tre accompagns par des bnvoles des associations pour tre reus cause des problmes de langue. Grenoble27 ou Toulouse, un interprte est exig pour pouvoir accder la prfecture quand bien mme le demandeur vient dun dpartement distant de centaines de kilomtres et en dpit dune condamnation du Conseil dtat28. Cette exigence est observe galement dans le Val-de-Marne et Paris. Strasbourg, Nanterre, Melun et Lyon, il est ncessaire de venir trs tt le matin et de passer souvent une ou plusieurs nuits pour esprer y entrer, car les prfectures ont mis en place un numerus clausus. Si la personne a la chance dy pntrer, lattente se prolonge plusieurs heures avant quelle soit reue. Ces situations de files dattente gnrent des tensions entre demandeurs, avec la constitution de listes entre eux et lapparition dun phnomne de revente de places dans ces files. Il y a gnralement peu de considration pour les situations particulires, comme les femmes enceintes ou avec enfants. Certaines prfectures refusent catgoriquement laccs pour certaines demandes. Ainsi, la prfecture de Grenoble refuse les demandes de rexamen et les personnes dont la procdure Dublin a expir. Versailles, des demandeurs dont les empreintes sont illisibles sur la borne EURODAC, se sont vu notifier une mesure dloignement et un refus daccs lOFPRA. Une saisine des juges des rfrs est ncessaire pour faire valoir les droits des demandeurs. Au regard des pratiques des prfectures, nous sommes loin de la charte Marianne daccueil affiche dans les administrations communes tous les administrs:LacharteMarianne Lance en mai 2005, la charte Marianne contient cinq engagements pour lensemble des services de ltat accueillant du public : 1. un accs plus facile aux services. 2. un accueil attentif et courtois. 3. une rponse comprhensible aux demandes dans un dlai annonc. 4. une rponse systmatique aux rclamations. 5. une coute pour faire progresser laccueil. En outre, le gouvernement demandait aux fonctionnaires de simplifier le langage des dcisions administratives.

26.Tmoignages en Prfecture de Gironde, collectif inter-associatif, mars 2012. 27.Observations en prfecture de lIsre, inter-associatif juin 2012. 28.Conseil dtat, 13fvrier2012, n356457.

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BLE MYTHE DU CHANAGE HARMONIEUX ENTRE LES PRFECTURES ET LES ASSOCIATIONSPour viter les files dattente devant leurs locaux, certaines prfectures utilisent les structures de domiciliation plateformes conventionnes ou autres associations agres comme un pr-guichet: seuls les demandeurs dasile ayant pris un rendez-vous auprs delles sont reus sans encombre une date fixe. Ce systme est largement encourag par le rfrentiel de mission des plateformes, do limage dun chanage harmonieux voqu par certaines prfectures pour imposer leur systme. Nantes, Rouen et Crteil, les plateformes ont accs un planning partag avec la prfecture et dlivrent les rendez-vous et une convocation aux demandeurs domicilis auprs delles. Paris, les plateformes reportent les noms des candidats sur un fichier lectronique et le transmettent la prfecture. En retour, elles reoivent des dates de convocation transmettre aux demandeurs. Les personnes domicilies chez des tiers doivent toujours se prsenter directement au service de la prfecture pour voir leur demande dadmission prise en compte. La rgionalisation de ladmission au sjour a favoris ce type dorganisation pour les demandeurs domicilis dans des dpartements o le prfet nest plus comptent. Ainsi, Chambry, le Secours Catholique, agr pour la domiciliation, doit appeler la prfecture de lIsre afin de prendre les rendez-vous. Le procd est identique dans la Somme pour la prfecture de lOise, dans lAin pour celle du Rhne ou dans le Morbihan pour celle dIlle-et-Vilaine. En apparence innovant, le dispositif a en pratique des consquences dsastreuses pour les demandeurs dasile, quelle que soit la nature de leur domiciliation (associative ou chez un tiers). Les arguments dfavorables sont multiples: ce fonctionnement fait porter aux associations une mission qui est pourtant du ressort de la prfecture; de plus, en cas dabsence de convocation par la prfecture, le demandeur na aucune motivation de refus; ce dispositif institutionnalise une pratique illgale du numerus clausus, le nombre de convocations tant adapt aux moyens que la prfecture veut bien mettre pour laccueil des demandeurs et non au nombre rel de sollicitations; les files dattente existent toujours mais elles sont reportes devant les associations, devenues passage oblig pour laccs en prfecture; ce systme exclut les demandeurs domicilis chez des particuliers ou dans une association certes agre mais qui refuse ce systme: laccs la prfecture peut alors leur tre rendu encore plus difficile; les dlais de convocation pour lenregistrement de la demande sont de plus en plus longs, bien au-del du dlai de 15jours; ce systme est un change automatis de donnes confidentielles et devrait tre dclar la Commission nationale de linformatique et des liberts (CNIL), ce qui na pas t le cas29.

29.Suite une saisine de DomAsile, la CNIL a valid le fait que le dispositif devait tre dclar auprs de ses services, ce que la prfecture de police de Paris sest engage faire.

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ParisetCrteil:commentajouterdelillgalitlillgalit. PARIS En avril 2011, alors que laccueil direct des personnes induisait des files dattente devant le centre de rception, la prfecture a impos un nouveau systme aux associations. Les demandeurs obtiennent une domiciliation auprs dune association, celle-ci envoie par mail la liste de ses domicilis la prfecture qui lui renvoie des dates de convocation nominative dans des dlais trs variables. Exemples : le demandeur domicili chez France Terre dasile (FTDA) plateforme daccueil des personnes isoles doit revenir, sous une dizaine de jours aprs lobtention de son adresse, sinformer de la date de sa convocation au centre asile de la prfecture. cette premire convocation, la prfecture lui remet une nouvelle convocation 3 ou 4 mois lors de laquelle seuls sont relevs son tat civil et ses empreintes digitales. Lui sont remis le formulaire de demande et une nouvelle convocation 3 ou 4 semaines lors de laquelle est tudie sa demande ; le demandeur domicili au Centre daction sociale protestant (CASP) plateforme daccueil des familles attend entre 30 et 45 jours pour obtenir son premier rendez-vous. Il reoit une convocation pour 30 45 jours plus tard, pour le relev de ses empreintes et la remise du formulaire dadmission et dune nouvelle convocation 3 ou 4 semaines, lors de laquelle est tudie sa demande ; Entre la date de domiciliation et la premire prsentation en prfecture, il scoule ainsi 4 5 mois durant lesquels les personnes ne peuvent justifier de leur qualit de demandeur dasile. Le jugeant illgal, des associations comme DomAsile ont refus dentrer dans ce dispositif. Les services du prfet refusent depuis lors laccs du centre asile aux demandeurs munis des attestations de ces associations bien quils les aient agres et que cette pratique ait t condamne par le juge des rfrs du tribunal administratif. Les personnes domicilies chez des particuliers peuvent en thorie se prsenter directement mais elles rencontrent de grandes difficults, la priorit tant donne aux rendez-vous attribus par le systme. Ils doivent se rendre de nombreuses reprises au service pour obtenir une convocation, ce qui parfois savre mission impossible sans un contentieux. En raison de son dispositif, le nombre de personnes reues la prfecture de police est dune remarquable stabilit.

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CRTEIL Depuis janvier 2011, la plateforme daccueil et la prfecture ont un planning de domiciliation et de rendez-vous la prfecture (40 domiciliations et rendezvous par semaine). Pour les demandeurs domicilis dans une autre association ou chez un tiers, la prfecture est accessible uniquement le mercredi matin soit une demijourne (contre cinq en janvier 2011). Chaque semaine, il est observ une file dattente de 100 personnes qui se constitue pour lensemble des demandes (1res demandes et rexamens). Les personnes entrent dans la prfecture munies des pices exiges mais leur demande nest pas forcment prise en compte alors que certaines se prsentent pour la quatrime ou cinquime fois. Selon nos observations, ce sont rarement plus de quatre personnes qui sont reues par semaine. Cette situation peut durer jusqu cinq ou six mois et seule est remise une liste de pices tamponne la date de chaque passage. Les demandeurs sollicitant le rexamen de leur demande ne sont plus reus actuellement. Rsultat : le nombre de demandeurs reus a baiss de 28 % dans le dpartement entre 2011 et 2012. Dans les deux prfectures de Paris et de Crteil, les consquences sont lourdes pour les demandeurs qui ne peuvent voir leur demande enregistre ; certains se voient notifier une mesure dloignement avec un placement en rtention administrative. Le bnfice des conditions matrielles daccueil repouss dautant de mois laisse les personnes dans une situation de prcarit sociale et administrative. Face cette situation, le groupe asile en le-de-France 30 a men au printemps 2011 une campagne de sensibilisation sur ce problme double dune action contentieuse devant les tribunaux administratifs de Paris et de Melun. Les deux prfectures ont t condamnes pour leur pratique 33 reprises pour violation du droit dasile. Cependant les dispositifs perdurent.

CLINFORMATION DES DEMANDEURSLinformation est essentielle pour la personne qui arrive en France et en gnral ne connat ni la procdure dasile, ni ses droits et obligations, ni le rle des diffrents intervenants. Les directives europennes31 prvoient que cette information soit faite dans une langue que le demandeur peut comprendre. Depuis un dcret du 23aot2005, cette information sur les conditions daccueil doit tre dlivre ds la premire prsentation en prfecture. Un guide du demandeur dasile avait t publi mais il ntait que rarement distribu32 aux demandeurs. Il a t actualis en juin 2009 par le ministre mais le Conseil dtat33 a estim que la transposition du droit

30.Collectif compos de Domasile, SC, Cimade, Comede, GAS, AIF et ACAT. 31. Article 10-1 (a) de la directive du 1erdcembre 2005 n2005/85/CE relative des normes minimales concernant la procdure doctroi. et de retrait du statut de rfugi et article5 de la directive n2003/9 du 27 janvier 2003 prcite. 32.Rapport Cimade Main basse sur lasile page4. 33.Conseil dtat, 10dcembre2010, la Cimade, LDH et APSR n326704.

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europen ntait pas complte car linformation ntait pas faite dans les langues comprises par les demandeurs. Un dcret du 29 aout 201134 entrine dfinitivement le droit linformation du demandeur et un nouveau guide, traduit en 23langues, a t mis en ligne sur le site du ministre35. Au regard des observations ralises par cette enqute, les prfectures nont toujours pas intgr cette obligation, la plupart ne dlivrant pas aux demandeurs le guide nouvellement actualis et traduit. Dans la grande majorit, aucune information sur la procdure ou les associations susceptibles de leur venir en aide nest fournie. Les seules exceptions observes lors de lenqute sont dans le Bas-Rhin, la Gironde, le Maine-et-Loire, la Moselle et le Rhne o le guide est remis. Dans dautres dpartements, les prfectures se contentent dorienter les personnes vers les plateformes daccueil existantes comme en Isre ou bien remettent des notices en franais et en anglais ne prsentant la procdure que de faon parcellaire, comme cest le cas en Loire-Atlantique ou dans le Val-de-Marne. La prfecture du Val-dOise a innov en proposant une session dinformation collective en plusieurs langues. Les prfectures semblent peu se soucier de cette garantie fondamentale. Cette situation est dautant plus surprenante que ces mmes prfectures se font rgulirement condamner par les tribunaux pour le non respect de cette obligation. Ces dcisions les obligent rexaminer le dossier, ncessitant alors plus de temps que si le guide avait t remis au demandeur dasile ds sa premire prsentation.

DLENREGISTREMENT DE LA DEMANDE: DES EXIGENCES ILLGALESUne fois les portes de la prfecture franchies, la premire dmarche dune personne demandant lasile est de faire enregistrer sa demande dadmission au sjour en France en prsentant quatre lments36: les indications relatives son tat civil et, le cas chant, celui de son conjoint et de ses enfants charge; le titre de voyage ou, dfaut, lindication de son itinraire; 4 photos; lindication dune adresse o peut lui parvenir toute correspondance. En application de larticle 31 de la Convention de Genve, les tats ne doivent pas sanctionner le rfugi en situation irrgulire, dpourvu de documents de voyage condition quil prsente des raisons valables pour justifier cette entre irrgulire. La loi a pris en compte ces stipulations puisque le CESEDA prvoit que le prfet ne peut exiger un document de voyage37.

34.Article 6 du dcret n2011-1031 du 29 aout 2011 modifiant larticle R.741-2 du CESEDA. 35.Guide du demandeur dasile. 36.Article R.741-2 du CESEDA. 37.Article L.741-3 du CESEDA.

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Ces dispositions sont dans lensemble respectes. Depuis la circulaire du 28 aot 200738, la plupart des prfectures utilisent un formulaire uniforme afin de recueillir les renseignements relatifs ltat civil, aux conditions dentre et litinraire. Mais certaines vont audel de ces questions pendant lentretien et dautres y ajoutent des conditions illgales. Des prfectures exigent la production dune pice didentit pour enregistrer la demande. En Haute-Garonne, de nombreux cas de refus denregistrement de demandes sont relevs. Dans les Bouches-du-Rhne ou le Nord, labsence de pices nest pas oppose si la personne ne les a pas lors de sa premire demande, mais elles apparaissent comme pices obligatoires sur la liste des documents remettre imprativement et au surplus traduites en franais par un traducteur asserment. Dans le Puy-de-Dme ou en Isre, les agents insistent fortement pour que les demandeurs leur prsentent tout document en leur possession et vont jusqu en faire vrifier lauthenticit par la police aux frontires (PAF). Ce contrle est parfois fait a posteriori: la prfecture retire alors le rcpiss si elle saperoit que la personne na pas montr un document lors de sa premire prsentation, comme cest le cas Grenoble. Certaines prfectures, telle la Guyane, font figurer dans le formulaire denregistrement une rubrique sur les motifs de la demande dasile alors quil nentre pas dans leurs prrogatives de juger du bien fond de cette demande39. Dans le Nord, les motifs font partie des pices exiges. Dans les Yvelines, le rcit fait partie des pices exiges dans les convocations, la prfecture en vrifiant la teneur lors de lexamen de la demande dadmission. Paris, dans le Val-de-Marne et dans les Hauts-de-Seine, la prfecture exige une attestation originale de domiciliation date de moins de quinze jours, ce qui oblige les demandeurs retourner de multiples fois au lieu de domiciliation pour avoir un tel document, du fait des tentatives infructueuses successives pour accder la prfecture. La demande illgale de pices est encore plus courante pour les demandes de rexamen. En effet, pour les chanceux qui arrivent accder la prfecture, une seconde bataille commence par exemple dans lEssonne et dans les Yvelines, avec lobligation de prsenter les dcisions de lOFPRA et de la CNDA, voire lobligation de quitter le territoire franais (OQTF) quand bien mme celle-ci na pas encore t dicte. Dans le Rhne et la HauteGaronne, il est exig de prsenter les lments nouveaux pour voir sa demande enregistre alors que seul lOFPRA a la comptence pour en juger la teneur. Enfin, une adresse relle est demande pour le dpt par les prfectures du Val-dOise et de lOise. Tant que les pices exiges ne sont pas runies, les demandeurs peuvent tre convoqus de nombreuses reprises et sur plusieurs mois avant de voir leur demande prise en compte, comme Paris.

38.Circulaire nNOR/IMI/D/07/00004/C relative la mise en place dun formulaire uniforme. 39.Conseil Constitutionnel, 22avril1997, n97-389 DC.

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E LOFFRE DE PRISE EN CHARGEEn 2007, une nouvelle mission a t confie aux prfectures: faire une proposition doffre de prise en charge, cest--dire informer le demandeur sur les conditions daccueil et sur la possibilit de solliciter un hbergement dans un centre daccueil pour demandeurs dasile (CADA) ou, dans lattente dune place, de bnficier de lallocation temporaire dattente (ATA)40.Questcequeloffredepriseencharge? Loffre de prise en charge est la proposition de principe faite un demandeur dasile admis au sjour dtre hberg dans un centre daccueil spcialis appel CADA pendant la dure de la procdure. Si le demandeur accepte loffre, le prfet lui indique le ou les centres susceptibles de laccueillir et linvite sy prsenter lorsquune place sera disponible pour lui. Sil refuse cette offre, il ne pourra bnficier ni de lATA, ni dun hbergement en CADA : ladministration estime alors quil est pris en charge par ailleurs et quil na pas besoin non plus dallocation, alors que cette information complte nest souvent pas si explicite et que certains demandeurs peuvent tre hbergs ponctuellement chez un compatriote.

Les prfectures disposent de deux documents nationaux: le guide du demandeur dasile et une notice dinformation rdige par lOFII sur loffre de prise en charge distribue quasisystmatiquement aux demandeurs. En cas dadmission au sjour, le demandeur doit indiquer sil accepte loffre de prise en charge. En revanche, la proposition nest pas formule aux personnes qui font lobjet dune procdure Dublin ou prioritaire, non admises au sjour et non ligibles en CADA, sans pour autant tre exclues du bnfice de lATA. Si les demandeurs sont aujourdhui mieux informs de lexistence de ce systme et de lintrt de rpondre par laffirmative afin de bnficier de lallocation, certains ne comprennent pas larticulation du dispositif dautant que le formulaire doffre de prise en charge est peu traduit en prfecture. De plus, il arrive aussi que lagent au guichet oriente la rponse, comme dans les Yvelines o la prfecture explique aux demandeurs quils seront envoys trs loin en province, ce qui les dissuade daccepter cette offre de principe. Sil accepte loffre, le demandeur doit se rendre lantenne de lOFII, ou la plateforme daccueil qui loffice a dlgu sa mission, afin de faire enregistrer sa demande de CADA dans le logiciel DN@ (lire encadr page90). Linformation est inscrite sur le formulaire de loffre mais le demandeur ne comprend pas toujours quune seconde tape est ncessaire afin de se voir rellement proposer une place.

40.Cf. partie3, points3.1 et 3.2, page78 sqq, sur lATA et lhbergement.

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Le demandeur peut faire enregistrer sa demande de CADA ds quil est en possession de son autorisation provisoire de sjour (APS), signe de son admission au sjour. Mais dans le Val-dOise, lOFII en charge du premier accueil refuse denregistrer la demande de place CADA en exigeant le premier rcpiss de trois mois: pour justifier sa pratique, il argue quil veut tre certain que le demandeur a dpos une demande lOFPRA. Pour les demandeurs domicilis dans des dpartements non comptents pour ladmission au sjour, linformation sur cette deuxime dmarche est cruciale pour confirmer leur demande de CADA la plateforme rgionale, car ils doivent sy rendre par leurs propres moyens. Il arrive ainsi que certains demandeurs ne voient jamais leur demande dun tel hbergement prise en compte alors quils peuvent tre en demande. Si labsence de prsentation pour lenregistrement ne doit pas tre considre comme un refus de place CADA41, cette pratique persiste pourtant. Dans le Val-de-Marne, la prfecture oriente les demandeurs dasile vers la plateforme daccueil en leur fixant un dlai de deux semaines pour sy rendre sous peine de se voir refuser le bnfice de lATA et une proposition effective de place CADA. En Seine-Saint-Denis, la plateforme convoque tous les demandeurs admis au sjour une runion collective dans ses locaux afin denregistrer les demandes. Il est annot sur la convocation que la non prsentation entranera un refus de lATA. Les problmes peuvent aussi surgir pour les demandeurs non admis au sjour dans un premier temps par la prfecture, soit parce quils sont mis en procdure prioritaire (parfois car leur pays dorigine a t jug sr), soit parce quils sont placs en procdure Dublin. Les situations voluant (tel pays nest plus jug sr ou la demande de radmission Dublin a chou), ils deviennent alors ligibles en CADA mais la proposition de prise en charge risque de sombrer dans loubli comme linscription de leur demande dans le logiciel.

41.Conseil dtat, 7avril2011, La Cimade et Gisti, n335924 annulant la circulaire du 3 novembre 2009 sur ce point.

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LA PROCDURE DASILE

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Une fois entr en prfecture, inform de ses droits et obligations, et aprs avoir remis toutes les pices exiges pour la prise en compte de sa demande, le demandeur dasile doit voir sa demande dadmission au sjour au titre de lasile examine par les services prfectoraux; le dlai dfini par le CESEDA pour admettre ou non au sjour est de 15jours. Si seuls lOFPRA et la CNDA sont comptents pour juger du bien-fond dune demande dasile, ce sont les prfectures qui vont dcider des modalits dexamen de cette demande en admettant ou non au sjour le demandeur. Si le demandeur est admis, lOFPRA examinera sa demande en procdure normale, un rcpiss lui sera remis jusqu la dcision ventuelle de la CNDA. Si au contraire sa situation relve de lune des quatre exceptions prvues par la loi, sa demande sera examine selon la procdure prioritaire ou sera considre comme relevant dun autre tat europen selon le rglement Dublin1. Les conditions dapplication de ces exceptions sont aujourdhui remises en question par des