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Recherches préhistoriques et eth no-archéologiques à Uvéa Christophe SAND FRIMIGACCI Laboratoire d'Ethno-Archéologie Océanienne de Nouméa INSTITUT FRANÇAIS DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE POUR LE DËVELOPPEMENT EN COOPËRATION Centre de Nouméa RAPPORTS D'ACTIVITE SCIENCES SOCIALES ARCHEOLOGIE 1989

Recherches préhistoriques et ethno-archéologiques …horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/...RECHERCHES PREHISTORIQUES ET ETHNO-ARCHEOLOGIQUES A UVEA L'île d'Uvéa,

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Recherches préhistoriques etethno-archéologiques à Uvéa

Christophe SAND

D~1eI FRIMIGACCI

Laboratoire d'Ethno-Archéologie Océanienne de Nouméa

INSTITUT FRANÇAIS DE RECHERCHE SCIENTIFIQUEPOUR LE DËVELOPPEMENT EN COOPËRATION

Centre de Nouméa

RAPPORTS D'ACTIVITE

SCIENCES SOCIALES

ARCHEOLOGIE

1989

RAPPORTS D'ACTIVITE

SCIENCES SOCIALES

ARCHEOLOGIE

1989

Recherches préhistoriques etethno-archéoloçiques à Uvéa

Christophe SAND

Daniel FRIMIGACCI

Laboratoire d'Ethno·Archéologle Océanienne de Nouméa

INSTITUT FRANCAIS DE RECHERCHE SCIENTIFIQUEPOUR LE DEVELOPPEMENT EN COOPERATION

CENTRE DE NOUMEA

Stage effectué au Centre ORSTOM de Nouméadu 15Juillet au 15octobre 1988

Préambule

L'étude présentée dans les pages suivantes est une courte synthèse destravaux menés depuis 1982 par une équipe de chercheurs ORSTQJl-CIRS dans lecadre d'un progrwme d' ethno-archéologie océanienne. lios recherches ont puêtre réalisées grâce au concours des plus hautes instances coutumières et del'Association pour l'Art Wallisien et Futunien. Ious tenons à remerciertoutes les personnes qui nous ont aidé durant notre travail à Wallis.

La construction prochaine d'un Jlusée permettra de préserver le patrimoinede cette île ainsi que de sauvegarder et de mettre en valeur les grandsmonunents anciens présentés dans ce Ïascicule. Hous souhaiterions que notretravail contribue au développement de la préservation du patrimoine cultureld'Uvéa.

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RECHERCHES PREHISTORIQUESET

ETHNO-ARCHEOLOGIQUESA UVEA

L'île d'Uvéa, plus connue sous le nom de Wallis, Territoire françaisd' Outre-Mer, est un royaume de Polynésie occidentale. Entourée à l'est parles îles Samoa, au sud-ouest par les îles Fidji et Futuna et au sud par lesîles Tonga, elle se situe dans une région géographique considérée comme leberceau de la culture polynésienne.

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Protégée par une barrière coral1enne, Uvéa possède un somptueux lagon.Découverte en 1767 par le capitaine anglais Samuel Wallis, ses habitantsvirent débarquer les premiers missionnaires français en 1837.

Mais d'où vienent les habitants d'Uvéa? Depuis quand sont-ils là? Latradition orale, relevée pour la première fois à la fin du siècle dernierpar le R. père Henquel et publiée en 1937 par E.G. Burrows dans un livre surl'ethnologie d'Uvéa, voulait que les premiers occupants aient été desnavigateurs arrivés des î les Tonga au XVème siècle. Mais avant le XVèmesiècle, l'île était-elle déserte?

Autant de questions auxquelles des recherches préhistoriques et ethno­archéologiques de plusieurs années, menées conjointement par l'DRSTDK et leCNRS, souhaitaient donner des réponses. Ce petit fascicule se propose deprésenter brièvement les résultats de ces recherches.

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L.es objectifs et les méthodes de notre recherche

Avant de débuter notre travail, nous avions des données précises sur lepremier peuplement et la préhistoire d'autres î les du Pacifique sud. Lesobjectifs de notre prograIDIDe étaient de savoir comment Uvéa s'inscrivaitdans ce peuplement général.

Afin de répondre à ces questions, il était necessaire de rechercher lesvestiges laissés au cours du passé par les habitants d'Uvéa. Pour celà,trois methodes scientifiques ont été utilisées.

La recherche ethna-archéologique et ethna-historique devait permettred'enregistrer sur bande magnétique les récits de la tradi ti on orale et deretrouver les emplacements décrits dans les textes.

- Le travail archéologique avait pour but de noter et de dessi ner toutetrace matérielle visible sur le salau enfouie sous terre, comme par exempledes fortifications, des monuments et des sépultures ou des habitationsanciennes.

Enfin, la fouille devait mettre au jour des vestiges préhistoriquesenfouis sous la terre.

Equille méticuleuse d'une sépultyre

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l LA PREHISTOIRE ANCIENNE D'UVEA

(a) Le premier peuplement du Pacifique occidental insulaire

Le Pacifique occidental insulaire a été peuplé au cours du secondmillénaire avant Jésus-Christ par des populations venues de l'ouest. Partisdes côtes de la Nouvelle Guinée et des îles avoisinantes, ces grandsnavigateurs peuplèrent l'ensemble des archipels jusqu'à Samoa et à Tonga enmoins de cinq siècles.

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Carte de lQcalisation de toys les sites Lapita actuellement connys(d'après Kirch et al 1988)

Le fil conducteur de ce premier peuplement est un type de poterie trèscaractéristique appelé poterie Lapita. Ces poteries de formes variéescomportent des décors réalisés à l'aide d'un peigne appliqué sur la pAteavant la cuisson. Tous les sites archéologiques de cette période, aussi bienen Mélanésie qu'en Polynésie occidentale, renferment des tessons de cettecéramique Lapita. Découvertes aux îles Fidji, Samoa et Tonga, les traces dece premier peuplement n'avaient pas encore été mises au jour à Uvea.

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Fragment de poterie Lapita trouvé à Uvéa

<b) Le plus ancien peuplement d'Uvea

Le premiere volet de nos recherches consistait donc à trouver les plusanciennes traces du peuplement d'Uvea. Tous les espoirs furent comblés parla découverte lors de nos fouilles à Utuleve, sous plus de deux mètres desédiments sableux, d'une grande plate-forme d'habitat et de poteries Lapita.Les premiers arrivants, désireux de s'installer sur un site particulièrementfavorable face au lagon et à la passe d'Avatolu, avaient aménagé ungigantesque espace en bordure du marais Ta' ogatoto. Ils y avaient construitune plate-forme en amoncelant des blocs de basalte.

La fouille minutieuse permit d'individualiser des foyers, des restesd' habi tations avec des trous de poteaux ainsi que d'abondants déchets decuisine associés à de la céramique Lapita. Cet ensemble de données attestede l'importance du site. Cette plate-forme se range parmi les plus anciensvestiges de constructions connus à ce jour en Polynésie occidentale.

La poterie dégagée, comparable à celles découvertes aux îles Fidji, Samoaet Tanga, peut être datée des environs de mille avant Jésus-Christ. Cettedécouverte permet donc d'associer Uvéa à la première occupation des îles dela Polynésie occidentale.

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La plate-forme d'habitat de la période Lapita

Cc) Evolution de lB société, de la culture et échanges entre les îles

De la fin du second millénaire avant Jésus Christ au XVème siècle, lasociété Lapi ta évol ua lentement et se transforma parallèlement aux autresî les de la région. Il y eut sans doute, comme ailleurs, un changementéconomique et passage d'une économie axée principalement sur les ressourcesmarines puisées dans le lagon à une économie horticole et la culture detubercules. L'augmentation de la population entraina progressivementl'occupation de l'ensemble de l' île. A l' arri vée des tongiens aux XVèmesiècle, celle-ci divisée en plusieurs ensembles politiques controlés par deshauts dignitaires.

Les foui Iles effectuées dans l'ensemble de la Polynésie occidentalemontrent une certaine constante dans l'évolution des formes des céramiques.Après quelques siècles, les pots Lapi ta n'ont plus été décorés, les formessont devenues plus simples. L'une après l'autre à partir du début du premiermillénaire après Jésus-Christ, les îles de la région ont arrêté de faire dela poterie. Les échanges de matières premières, en particulier del'obsidienne de Tonga ou de Futuna et de la céramique de Fidji, prouvent quedes relations régulières existaient entre les diverses îles.

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Tableau synthétiqye de l'~yolytion des formes de poteries en Polynésie occidentale(d'après Green 1979)

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II LES RECHERCHES ETHNO-ARCHEOLOGIQUES

Un second volet de notre recherche était de vérifier par les fouilles etles relevés de monuments la véracité des informations données par latradition orale.

(a) L'expansioD.D.isme tongien et l'invasion d'Uvéa

Il est connu qu'au cours des siècles, certaines î les exercèrent uneprépondérance politique indéniable sur des îles voisines. Ainsi raconte-t'onqu'au XVème siècle, Kauulufonua, de la dynastie des Tui Tonga, rois deTongatapu, prétextant l'assassinat de son père, essaya d'annexer toutes lesîles de la région. Battus à Futuna et aux îles Samoa, les tongiensréussirent cependant ~ s'implanter durablement à Uvéa.

La tradition orale nous rapporte que l'invasion de l'île se fit enplusieures étapes. Les tongiens arrivèrent sur leurs grandes pirogues ets'implantèrent tout d'abord sur plusieurs îlots et dans le sud de l'île. Unefois débarqués, les chefs de guerre tongiens firent construire un certainnombre de grandes places fortifiées, notamment Lanutavake et Kolonui, afinde se protéger des attaques des populations locales. A partir de cesretranchements, reliés entre eux par des routes fortifiées gardées par desguerriers en armes, ils mirent en place une politique de conquête del'ensemble de l'île.

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Les pressions incessantes de l'occupant aboutirent à la rébellion despopulations locales. Les troupes coalisées avaient pour but de restaurer lesanciennes chefferies et de libérer le pays de la tutelle tongienne. Cesrebelles partirent d'Alele dans le Nord de l'île et provoquèrent la guerrede Molihina. Après avoir battu les tongiens à plusieurs reprises, la grandebataille finale vit la victoire des occupants, soutenus par une partie de lachefferie. Il s'en suivit de terribles massacres, dont le plus sanglant eutlieu dans la tarodière To'ogatoto, -la tarodière de sang", où les vainqueursexterminèrent les guerriers d'Alele.

Le marais Iologatoto

<b) Les fortifications, les routes et les villages anciens d'Uvéa

Les grands monuments que lIon rencontre auj ourd' hui dans l'intérieurd'Uvéa datent de la présence tongienne. Les forts sont parmi les structuresles plus spectaculaires. Leur étude démontre une connaissance parfaite desmoyens défensifs. Les murs pouvaient atteindre 10 mètres d'épaisseur et 4mètres de haut. Des portes basses comportaient des chicanes et des systèmesde palissades. De gigantesques fossés, parfois profonds de plusieurs mètres,entouraient les murs. D'autres, aménagés avec des pieux aiguisés et jouantle rôle de pièges, complétaient le tout.

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Entrée du fort de Makabu

L'intérieur de ces forts était divisé en plusieurs structuresconstruites. Certaines servaient de plates-formes d'habitat, d'autresd'espaces cérémoniels et poli tiques. L'exemple le plus frappant se trouvedans l'enceinte du fort de Kolonu1. Il s'agit du gigantesque monument deTalietumu, long de 80 mètres, large de 45 mètres et haut de 5 mètres. Noussavons qu'il fut constuit par des tongiens au début de leur présence à Uvéa.C'est sur cette plate-forme que Kalafilia. Hoko et Fakate décidèrent lepartage de l'île.

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Enfin nous avons relevé plusieurs villages anciens. Le plus grand setrouve à Lauliki. Il comporte un ensemble de tertres d'habitations entourésde murets. Ce lieu servait de point de jonction à plusieurs routesanciennes.

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(c) Le Xala:ma Tagata

Un des intérêts du relevé systématique des traditions orales est de nousrenseigner sur l'histoire événementielle des différents monumentsabandonnés. C'est ainsi qu'au dessus de la plate-forme construite à Utulevepar les potiers Lapita au premier millénaire avant Jésus-Christ, se trouvele Malama Tagata, un monument érigé avec des blocs de basalte. Ce nom veutdire littéralement "homme torche" et fait référence à un épisode del' histoire de l' île. C'est sur ce monument qu'au cours du XVlème siècle lafille du Kalafilia mit au monde un fils, le Tui Alagau connu sous le nomd'Alokuaulu. Afin d'éclairer l'accouchement et de donner plus d'éclat à la·naissance de ce futur chef, son père, Taimalelagi, frère du souverain deTonga, ordonna que plusieurs hommes soient enterrés debout dans des cavitésaménagées sur la plate-forme. Ils furent ensui te décapités, enduits derésine et servirent de torches humaines pour éclairer la scène. Nous avonstrouvé les.restes de ces suppliciés. dans les anfractuosité~ du monument.

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III L'ETUDE DES SEPULTURES

Le dernier volet de notre recherche, toujours sous-tendueorale, fut l'étude des différentes sépultures d'Uvéaarchéologique de plusieurs tombes.

(a) La typologie des IIDDUJEDtS funéraires

par la traditionet la fouille

Les tongiens ont introduit à Uvéa la tradition de construire desmonuments funéraires surélevés. Ils avaient coutume de bâtir pour leurssouverains et leurs hauts dignitaires de gigantesques sépultures, nomméesLangi, dont la plus admirable, le Paepaeotelea, se trouve à Tongatapu. LesTui Tonga étaient enterrés dans des grands caveaux funéraires amménagés àl'intérieur du monument.

Au cours de notre relevé des différents monuments de surface, nous avonsrecensé pl us de 70 ensembles de sépultures à travers toute l' île d'Uvéa.Nous les avons dessinées et étudiées. Ce travail nous a permis de dresser untableau typologique des différentes formes que pouvaient avoir cesmonuments. Mais nous ne savions pas comment étaient enterrés les gens àl'intérieur de ces sépultures. Ainsi était-il nécessaire de fouillerplusieurs tombes.

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(b) La fDuille d'une toDbe à Atuvalu

Il fut décidé d'étudier plus particulièrement l'ensemble funéraire situédans la partie sud-ouest d'Uvéa, à Lausikula dans le district de Xua. Lepromontoire autour. de la pointe de Lausikula est délimi té dans sa partieorientale par un fossé défensif de plus de 600 mètres de long qui se termineà chaque extrémité par un à pic sur le bord de mer. Erigéperpendiculairement à la pente naturelle, il atteint 12 mètres dans sa plusgrande largeur et 6 mètres de profondeur. Cinq voies d'accès le traversentet aboutissent sur un terre-plein aménagé avec des murets et des restesd'habitations.

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Huit grandes sépultures royales, dont sept de même type, sont alignées ausommet d'une éminence qui domine la mer. Elles lui donnent son nom, Atuvalu,H huit tombes alignées".

Nous savons par une lettre publiée en 1937 par E.G. Burrows qu'une de cestombes fut ouverte par des missionnaires à la fin du siècle dernier. Ilstrouvèrent " .. les squelettes de huit chefs <., ,), Ils étaient étendus sur ledos selon la manière habituelle. A leurs pieds reposaient les ossements dedouze esclaves qui avaient été accroupis ou attachés".

Ce type de découverte et de description a été réalisé à plusieursreprises lors de l'ouverture des grandes sépultures au cours de la secondemoi tié du siècle dernier. Elles confirment les traditions orales selonlesquelles le roi, comme à Tonga, était inhumé dans un caveau rectangulaire.Un certain nombre de serviteurs, assis le long des murs de la chambremortuaire, la dépouille royale sur leurs jambes, étaient enterrés vivantsavec lui. ~~ caveau était ensuite fermé par une lourde dalle de corail ou debasalte atteignant parfois plus de' 7 mètres de long et 3 mètres de large.

La huitième sépulture d'Atuvalu est différente des sept autres. L'espacefunéraire, situé au sommet d'un gigantesque tertre aménagé long de 60mètres, large de 20 mètres et haut de 4 mètres, était matérialisé par unrectangle formé de pierres basal tiques fichées de chant dans le sol etrecouvert de galets de bord de :mer. La fouille a montré que lesconstructeurs de la sépulture avaient ramené de la terre le long de la pentenaturelle du cratère afin de réaliser une grande plate-forme. Pour empêchercette terre de s' effondrer, ils avaient ensui te ammassé des pierres contrela nouvelle pente plus abrupte.

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Comme nous supposions que les sept autres sépultures renfermaient descaveaux funéraires, il nous sembla plus intéressant de fouiller cettehuitième tombe tout à fait particulière.

L'ouverture de la sépulture permit de découvrir deux squelettes, Unhomme, colosse de plus d'un mètre quatre-vingt-quinze, était allongé sur unlit de galets. Autour du cou, il portait une huître perlière polie percée de

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deux trous, ainsi qu'une perle de corail. Une lame d'herminette était poséesur sa poitrine.

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A sa gauche, allongée sur un lit de sable blanc, se trouvait une femmequi avait été enterrée vi vante. pieds et mains liés, comme le voulait latradition. La fouille permit d'établir qu'après la mise en sépulture, lasupliciée allongée, les jambes fléchies, avait tenté de se dégager dusédiment qui l'emprisonnait. Elle fut saisie par la mort dans ses effortsdésespérés.

Cette sépulture, dont la forme particulière nous avait étonné, est doncune sépulture pré-tongienne car elle ne comporte pas de caveau. Celaconfirme un chant traditionnel qui se réfère aux sépultures d' Atuvalu etmentionne l'enterrement du roi et de la reine pré-tongiens nommés Puhi etKakahu.

Vue Qénéral~ de la sépulture fouillée d'Atuyalu

(c) La fouille de Pelapela

L'étude des monuments funéraires nous a également amrnené à pratiquer desfouilles archéologiques sur une sépulture de Alele dans le district deHihifo. La fouille a été menée sur le tertre funéraire de Pelapela, réputépour être la sépul ture collective des guerriers de la guerre de Mol ihina.Elle a permis de mettre au jour trois squelettes. Les deux individusenterrés proches de la surface avaient été partiellement détruits par lescultures de tubercules. Il s'agissait d'un homme et d'une femme.

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L'étude du troisième squeletteavait été déposé, entouré dans unle sol avant d'être recouvert dehuitre perlière polie semblabledépouille de Puhi.

a montré qu'il s'agissait d'un homme. IlSiapo, dans une fosse ovale creusée danssable blanc. Il porte autour du cou uneà celle découverte à Atuvalu sur la

Vue Qénérale de la troisième sépulture fouillée du tertre fynéraire de Pelapela

Cette fouille a mis au jour une autre forme de sépulture, très proche dumode d'inhumation pratiqué encore de nos j ours à Uvéa. Elle nous permet defaire la jonction entre le passé et le présent de cette île.

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CONCLUSION

Les objectifs du programme de recherches - connaître l' histoire dupeuplement dlUvéa en relation avec les autres îles du Pacifique occidental ­ont donc été pleinement atteints:

. .- la fouille de sites céramiques a permis de reculer de près de 2500 ans ladate du premier peuplement de 11 î le. Uvéa peut donc être associée au plusancien peuplement de la Polynésie occidentale par des potiers Lapi ta entre1500 et 1000 ans avant Jésus-Christ.

- les indications données par la tradition orale, datées par les relevésgénéalogiques à partir du XVème siècle, ont été confirmées par les relevésde monuments de surface et nos fouilles.

- llétude et la fouille de plusieurs sépultures a permis de connaître troisformes différentes de modes d'inhumation et de dresser une typologie desmonuments funéraires de 11 île qu'il est possible de comparer avec ceux desautres archipels de Polynésie occidentale.

Malgré l'ampleur des travaux effectués, un certain nombre de questionsimportantes restent en suspens. Elles ne pourront être résolues que par desétudes similaires effectuées dans l'ensemble des îles de Polynésieoccidentale. Ce type de programme, réalisé avec l'appui et la confiance despopulations insulaires, sera certainement un des grands thèmes de recherchesarchéologiques dans le Pacifique occidental durant les prochaines années.

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BIBLIOGRAPHIE DE NOS TRAVAUX

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Imprimé par le Centre ORSrOMœ~Maî1989

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Centre OR5TOM de NouméaB.P. AS Nouméa Cédex Nouvelle-Calédon ie(0 1989