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Résumé Le but de cette étude est de décrire, transmettre, conserver et perpétuer l'atmosphère, les coutumes, l'œuvre poétique des communautés juives du Tafilalet, en mettant l'accent sur les communautés du Sud désignées par l'ancien nom de Sijilmassa, tel qu'il était inscrit dans les actes de mariage et de divorce jusque vers 1950. La ville de Tafilalet, connue aussi sous le nom de Rissani, fut le centre spirituel de toutes les communautés juives de la région, notamment Erfoud, fondée en 1918, et Colomb-Béchar en Algérie, fondée en 1903 et dont la majorité des habitants sont originaires de Tafilalet ainsi que d'autres petites localités de la région du Sud comme Shifa, Jorf, Mazguida, Guirlan, Bouzmalla, El-Rarfa et Irara. Cet ouvrage traite également des coutumes d’autres communautés du Tafilalet : Ksar Esouk, Rich, Gourrama, Talsint et Goulmima. Ce volume est consacré aux cérémonies, aux coutumes, aux exégèses et aux poèmes liés au cycle de la vie de l'homme, de la naissance au décès, dans les communautés du Tafilalet. Il contient dix chapitres : 1. Le mariage. 2. Le contrat de mariage et de dot. 3. Le lévirat. 4. La naissance et la circoncision (brit mila). 5. Les noces enfantines. 6. La bar mitsva. 7. L'inauguration du Sefer Tora. 8. Le jeûne hebdomadaire de six jours. 9. Le hadrat zekenime (fête marquant le soixantième anniversaire). 10. Le décès. Cette étude est basée sur des sources orales : entrevues, rencontres et conversations téléphoniques, ainsi que sur des sources écrites, comme détaillé plus loin. La description du mariage et de son contrat repose sur le livre Melitz tov de Rabbi Shalom Abehssera et sur une variété de contrats de mariage et de dot. Le chapitre traitant de la circoncision est fondé sur plusieurs manuscrits de poèmes du Tafilalet ; le chapitre sur la bar mitsva, principalement sur des poèmes et des exégèses qui figurent, en partie, dans Yagel Ya'akov de Rabbi Ya'akov Abehssera et Ani Ledodi de Rabbi Yihia Dahan, ainsi que dans des manuscrits publiés ici pour la première fois. Le chapitre portant sur l'inauguration du Sefer Tora contient des poèmes importants extraits de Yagel Ya'akov édités ici, ainsi que des opinions exprimées dans les œuvres de Rabbi Ya'akov Abehssera. Le chapitre du jeûne hebdomadaire repose sur différentes sources comme les écrits de Rabbi Mena'hem

tafilalte

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Livre d'histoire

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  • Rsum

    Le but de cette tude est de dcrire, transmettre, conserver et perptuer

    l'atmosphre, les coutumes, l'uvre potique des communauts juives du Talalet,

    en mettant l'accent sur les communauts du Sud dsignes par l'ancien nom

    de Sijilmassa, tel qu'il tait inscrit dans les actes de mariage et de divorce jusque

    vers 1950. La ville de Talalet, connue aussi sous le nom de Rissani, fut le centre

    spirituel de toutes les communauts juives de la rgion, notamment Erfoud, fonde

    en 1918, et Colomb-Bchar en Algrie, fonde en 1903 et dont la majorit des

    habitants sont originaires de Talalet ainsi que d'autres petites localits de la rgion

    du Sud comme Shifa, Jorf, Mazguida, Guirlan, Bouzmalla, El-Rarfa et Irara. Cet

    ouvrage traite galement des coutumes dautres communauts du Talalet : Ksar

    Esouk, Rich, Gourrama, Talsint et Goulmima.

    Ce volume est consacr aux crmonies, aux coutumes, aux exgses et aux

    pomes lis au cycle de la vie de l'homme, de la naissance au dcs, dans les

    communauts du Talalet. Il contient dix chapitres : 1. Le mariage. 2. Le contrat

    de mariage et de dot. 3. Le lvirat. 4. La naissance et la circoncision (brit mila). 5.

    Les noces enfantines. 6. La bar mitsva. 7. L'inauguration du Sefer Tora. 8. Le jene

    hebdomadaire de six jours. 9. Le hadrat zekenime (fte marquant le soixantime

    anniversaire). 10. Le dcs.

    Cette tude est base sur des sources orales : entrevues, rencontres et

    conversations tlphoniques, ainsi que sur des sources crites, comme dtaill plus

    loin. La description du mariage et de son contrat repose sur le livre Melitz tov de

    Rabbi Shalom Abehssera et sur une varit de contrats de mariage et de dot. Le

    chapitre traitant de la circoncision est fond sur plusieurs manuscrits de pomes

    du Talalet ; le chapitre sur la bar mitsva, principalement sur des pomes et des

    exgses qui gurent, en partie, dans Yagel Ya'akov de Rabbi Ya'akov Abehssera et

    Ani Ledodi de Rabbi Yihia Dahan, ainsi que dans des manuscrits publis ici pour

    la premire fois. Le chapitre portant sur l'inauguration du Sefer Tora contient des

    pomes importants extraits de Yagel Ya'akov dits ici, ainsi que des opinions

    exprimes dans les uvres de Rabbi Ya'akov Abehssera. Le chapitre du jene

    hebdomadaire repose sur di#rentes sources comme les crits de Rabbi Mena'hem

  • Les communauts de Talalet / Sijilmassa6

    Azaria de Fano, Michnat 'Hassidim de Rabbi Emmanuel 'Ha Riki et des pomes

    composs pour l'occasion. A propos du dcs, la partie traitant des rites de deuil

    sinspire de Melitz Tov de Rabbi Shalom Abehssera, et la partie des exgses et des

    lgies, sur des ouvrages de sages de Talalet.

    Chaque chapitre dbute par un avant-propos et sachve par un rsum. Une liste

    bibliographique gure la n du livre.

    Nous remercions ici tous nos informateurs et toutes les personnes qui nous ont

    communiqu des livres, des documents, des actes et des manuscrits. Leurs noms

    gurent la n de louvrage dans la liste des informateurs, ainsi qu la n de

    l'introduction.

    Nous exprimons galement notre reconnaissance aux Institutions nationales

    Jrusalem qui nous ont transmis manuscrits et documents, la Bibliothque

    Nationale Universitaire, l'Institut Ben-Zvi, au Muse d'Isral et aux Archives

    Centrales de l'histoire du peuple juif.

    1-2. Le mariageLes contrats de mariage (ketouba) et de dotLes noces, qui constituent le principal vnement familial, durent environ un

    mois, soit quatre chabbatot de fte : trois avant le mariage : le Sbat Lfal (le chabbat

    de l'annonce) et le sbat larta (le chabbat de l'omelette) les deux se droulant au

    domicile du anc. Elles sont suivies du chabbat kala (chabbat de la ance). Entre

    chaque chabbat, ont lieu des vnements secondaires, tels que la crmonie du

    trou'h zra ou etsyer (dpt de grains de bl), symbole de fcondit tenue le jeudi

    suivant le chabbat de l'annonce. La deuxime semaine a lieu le henn le lundi soir au

    domicile de la ance, suivi le lendemain matin par la procession des cadeaux vers

    la maison de la ance. Le lundi soir, une semaine avant le mariage, a lieu la soire

    de la Sil'ha chez la ance. Aprs le chabbat kala, commencent les rjouissances de

    la semaine du mariage : la rdaction du contrat de dot au domicile de la ance

    le dimanche soir et la fte du henn la nuit chez le anc. Le lendemain a lieu la

    remise de la dot au domicile du anc et la procession de la ance aux bains. Le

    droulement du mariage, le lundi soir, est particulier : d'abord a lieu le repas de

    noces pendant la journe chez la ance, puis la procession du anc vers la maison

    d'une proche de la ance et, nalement, la crmonie des noces au domicile du

    anc. Aprs le mariage a lieu le chabbat 'hatan. Dans le Talalet, contrairement

    la coutume juive habituelle, les cheva berakhot (ou sept bndictions), prononces

    au cours de la crmonie, ne sont formules aucun repas, pas mme en prsence

    de nouveaux invits, lexception de la sortie du chabbat o l'on prononce les sheva

    berakhot en prenant une lgre collation.

  • Rsum 7

    Le contrat de ketouba des anciennes communauts du Talalet est particulier.

    Sa formulation est courte et ne comporte ni clauses nancires, ni garanties de

    paiement, ni conditions de la ketouba, notamment le serment du mari de ne pas

    pouser une autre femme. Cependant, toutes les clauses manquantes restent en

    vigueur et le mari s'y engage comme il se doit. Deux autres dtails caractrisent ce

    contrat : le jour du mariage est le "le troisime jour du chabbat" (autrement dit le

    lundi soir) et le lieu des noces n'est pas mentionn au nom de la localit mais au

    nom du district de Sijilmassa, l'ancien nom de Talalet : kan bmata Sijilmassa d'al

    nehar Ziz motava ("Ici en la ville de Sijilmassa, sur le =euve Ziz"). Une exception :

    Colomb-Bchar et Boudnib dont les noms taient inscrits dans la ketouba.

    Paralllement la ketouba tait galement rdig un contrat de dot appel "Na'hla",

    comportant le dtail des biens apports par la ance et qui tait accompagn de

    garanties et de la signature de tmoins. De ce point de vue, le contrat de dot, avec

    ses garanties et ses tmoins, complte la ketouba.

    A partir de 1948, des changements interviennent dans les coutumes du mariage

    comme cest le cas Erfoud et Colomb-Bchar : la rduction du nombre de

    garons d'honneur, des cadeaux de anailles et des crmonies ; la suppression des

    crmonies du "dpt de gerbes de bl" et du "chabbat kala". D'autres nouveauts

    font leur apparition, comme l'lvation de l'ge du mariage et la permission des

    autorits de clbrer le mariage, ainsi que la ncessit du consentement de la jeune

    lle au mariage. A Colomb-Bchar, les ancs se rencontrent la mme table de

    anailles, le mariage se dplace de la maison la synagogue et la piste de danse

    devient mixte. Des changements interviennent galement dans la formulation du

    contrat de mariage : mention du nom de la localit comme kan bemata Erfoud ('Ici

    en la ville d'Erfoud'), le jour de la semaine est dplac du mardi au jeudi, le contrat

    de mariage s'allonge et contient des paragraphes portant sur des clauses nancires

    dtailles assorties de garanties, de la signature des tmoins et de la validation du

    contrat par le juge de la ville, avec tampon du beth-din (le tribunal rabbinique) et

    cachet du gouvernement en place. Dans ce chapitre, sont prsents des exemples de

    contrats de mariage et de dot de l'ancienne poque et de la nouvelle.

    3. Le lviratLe lvirat est une coutume de la Tora qui contraint un homme pouser la femme

    de son frre dfunt an de perptuer son souvenir. A lenfant n de cette union est

    donn le nom du frre dfunt. Cette coutume est voque dans le Deutronome

    25, 5-6 : Si des frres demeurent ensemble et que l'un d'eux vienne mourir sans

    postrit, la veuve ne pourra se marier au dehors un tranger ; c'est son beau-frre

  • Les communauts de Talalet / Sijilmassa8

    qui doit s'unir elle. Il la prendra donc pour femme , exerant le lvirat son gard.

    Et le premier 'ls qu'elle enfantera sera dsign par le nom du frre mort, a'n que son

    nom ne prisse pas en Isral. Le lvirat tait pratiqu dans toutes les communauts

    de Sijilmassa et de Talalet, en gnral de faon temporaire. Le frre consacrait sa

    belle-sur sous le dais nuptial et par les kiddoushin, et ne restait avec elle que trois

    jours. Le beth-din (tribunal rabbinique) s'assurait qu'il y avait eu consommation

    susceptible de donner une descendance au frre dfunt. Dans ce chapitre, des

    exemples de la coutume du lvirat dans les communauts de Sijilmassa et de

    Talalet au XXe sicle sont fournis par des informateurs, ainsi que des dtails sur

    ces beaux-frres et belles-surs. De mme, sont fournis des exemples de ketoubot

    remises des veuves de Talalet/Sijilmassa au cours des annes 1838, 1916 et

    1943. Toutefois, dans certains cas, le lvirat ne fut pas simplement temporaire mais

    dnitif, une descendance ayant t donne au frre dfunt. Le lvirat complet a t

    appliqu vraisemblablement aussi dans d'autres communauts du Maroc. La preuve

    en est le pome indit Yedidi sim'hat sessonay, compos par Rabbi Yaakov Berdugo

    de Mekns en l'honneur du beau-frre et de la belle-sur, que nous citons ici, et

    qui est assorti dun avant-propos, de sources et de commentaires.

    4. La naissance : brit mila et rjouissancesAu terme de sept mois mois de grossesse les parents de la jeune marie font une

    fte familiale appele en arabe kliya (torrfaction, friture) qui comprend des fruits

    secs grills et des mets frits, tels des beignets qui, disposs sur des plateaux ronds

    de cuivre ou d'argent appels swana, taient transports en n d'aprs-midi chez les

    parents du jeune mari en procession festive de femmes et de jeunes lles, les reliefs

    tant distribus aux connaissances et aux voisins. Cette fte est une action de grce

    Dieu pour l'annonce de la grossesse et de la naissance prochaine. Le lendemain

    matin, c'tait au tour des parents du mari de rendre grce Dieu. A loccasion tait

    prpare une ptisserie appele lh'ebz di lidam (pain de graisse), sorte de pizza

    la viande de recette lalienne. Entre deux couches de pte taient disposs de ns

    morceaux de graisse et des oignons mincs. Ce plat, appel aussi sedaka, tait

    destin aux jeunes lves. Dans les derniers mois de la grossesse, la jeune marie

    bncie de toute lattention de son entourage, de mets et de vtements censs lui

    viter une fausse-couche. L'accouchement a lieu chez la future maman en prsence

    de sages-femmes juives locales. Parfois, lorsque l'accouchement tait long et di@cile,

    il tait accompagn de cris et d'appels de la parturiente aux tsadikim (justes) pour

    quils apaisent ses sou#rances. Non loin du lieu de l'accouchement, les proches se

    runissaient, lisaient des Psaumes et rptaient plusieurs fois le Psaume 20 Ya'anh'a

  • Rsum 9

    Hachem beyom tsara (Que Dieu te rponde les jours de peine). A la sortie de la

    tte du nouveau-n du ventre de sa mre, les hommes chantaient en cur le chant

    connu de la Akeda : et shaarei ratson lehipata'h (Au moment o les portes de la grce

    s'ouvrent). Au son des cris du nouveau-n, on arrtait de chanter la Akeda et les

    cris de joie fusaient de partout. L'annonce de la bonne nouvelle prenait son envol

    et la maison se transformait en lieu de visite de femmes qui venaient prsenter

    leurs vux et souhaiter la famille bark massou'd. Le jour-mme on appelait le

    hazan pour rdiger des talismans, et le soir-mme on prononait les actions de

    grce appeles Nuits de Bar-Yoha, du nom du chant Bar Yoha nimsha'hta ashreh'a

    (Bar Yoha heureux sois-tu d'avoir t choisi). Les six premires soires suivant la

    naissance, les membres de la famille venaient aprs la prire darvit (la prire du

    soir) se joindre au chant des pomes qui tait accompagn de th et d'amandes. Ces

    nuits-l on chantait d'autres pomes dits dans ce chapitre, assortis dun avant-

    propos et de sources. La nuit prcdant la circoncision, trs joyeuse, tait appele lilt

    l'hadka, du nom du paragraphe lu cette occasion, lequel commenait en arabe et

    nissait en hbreu, sur le thme de la prire pour le nouveau-n et la jeune maman.

    Le jour de la ciconcision on priait chaharit (la prire du matin) chez le jeune pre et

    les dles de toutes les synagogues de la ville se rassemblaient pour assister la brit

    mila. Avant la crmonie de la circoncision, on chantait une srie de pomes dits

    ici pour la premire fois. Puis l'o@ciant bnissait l'assemble (mi cheberah), aprs

    quoi se droulait la circoncision au terme de laquelle tait o#erte aux invits une

    collation traditionnelle, suivie, midi, par un repas. Si le nouveau-n circoncis tait

    lan, on organisait la crmonie du pidion haben (rachat du premier-n) le matin

    de son trentime jour, qui tait accompagne d'un repas. La naissance d'une lle

    tait marque le troisime jour par une crmonie appele tsmiah (nomination),

    analogue au zeved habat en hbreu.

    5. Les noces enfantines Le troisime vnement marquant du cycle de la vie de l'homme lalien est appel

    al-kttab. Il survenait lorsque l'enfant atteignait l'ge de cinq ans et quil entrait au

    'heder (cole), comme il est crit dans les Maximes des Pres 5,21 : ben 'hamech

    chanim lamikra ( l'ge de cinq ans on commence la lecture de la Tora). Cet

    vnement tait accompagn d'une noce enfantine symbolique, au cours de laquelle

    tait anc le garon de cinq ans une llette du mme ge. Cette crmonie

    traditionnelle tait pratiqu dans toutes les communauts de Talalet et par la

    plupart des familles. Le chapitre traitant de la signication idologique de la noce

    enfantine et de ses sources, propose des explications du phnomne, la fois en

  • Les communauts de Talalet / Sijilmassa10

    tant qu'acte symbolique concrtisant le lien entre l'enfant et la Tora, conformment

    la description du lien conjugal entre Isral et la Tora tel qu'il est voqu dans

    di#rentes sources, ainsi quen tant que vertu destine endiguer la mortalit

    de ancs et ances avant leur mariage, ou encore comme acte symbolique

    garantissant la clbration des noces ds l'ge de 18 ans. De toutes les explications

    cites, la meilleure, celle de la vertu endiguant la mortalit, est fonde sur le fait

    que la coutume des noces enfantines ne s'est pas propage dans toutes les familles

    mais qu'elle a t adopte uniquement dans les familles qui avaient pti du =au

    de la mortalit infantile. Pour ce qui est de l'anciennet de cette coutume et de

    ses sources, il s'avre, sur la base de documents de communauts et de responsa

    de sages, que celle-ci tait trs ancienne au Talalet. La coutume tait connue

    Sefrou au moins depuis l'anne 1735 et Fs ds 1688. Les sources relatives aux

    noces enfantines ont pour origine le dbat du Talmud de Babylone, gurant dans

    le trait Sota 12b, qui voque le dais nuptial symbolique rig par Myriam Mose

    sur son berceau et son explication : Chema lo ezke le'houpato (Peut-tre n'aurai-je

    pas le privilge dassister son mariage). Mose se trouvait alors en danger de mort

    sur l'ordre de Pharaon qui avait proclam : kol haben hayilod hayeora tashli'houhou

    (Que tout garon soit jet au Nil, Exode 1, 22). La mre de Mose n'tant pas sre

    dassister au mariage de son ls, elle anticipa la crmonie de mariage de ce dernier

    par un acte symbolique pour compenser son dpit ou marquer son espoir. En n de

    compte, Mose fut sauv et se maria. Ce sont donc ces premires noces enfantines

    qui ont inspir cette coutume. Le chapitre traite aussi de la signication symbolique

    des coutumes du kttab et de ses sources, comme la procession des enfants au bord

    du =euve, le jet de pommes l'eau, l'criture des lettres hbraques laide de miel

    et la signication de l'ge de cinq ans. Le chapitre se termine par la description du

    Kttab sans noces enfantines dans la communaut de Gardaya en Algrie, ainsi que

    par des pomes et des exgses composs cette occasion.

    6. Les festivits de bar-mitsvaJusqu'en 1940, la clbration de la majorit religieuse dans les communauts de

    Talalet se droulait lors de deux crmonies distinctes : une fte en l'honneur

    du port du talith (chle de prire) pour la premire fois l'ge de 6-10 ans, une

    autre en l'honneur de la pose des te'lin (phylactres) 13 ans. La fte du tsitsit

    tait tout aussi importante. Elle dbutait le jeudi soir avec la crmonie du henn

    destine aux garons et aux lles, suivie par un repas familial. La crmonie

    principale se droulait toujours le chabbat. Le matin la prire de cha'harit, tait

    prononce par une assemble d'hommes runis au domicile du hatan bar-

  • Rsum 11

    mitsva qui l'accompagnaient ensuite la synagogue en procession en chantant le

    pome Yigdal Elohim 'Ha. A la synagogue, la prire tait ponctue de chants, en

    lhonneur du jeune garon et de la profession de foi de son daroush (discours). A

    la n de la prire, on distribuait aux dles une lgre collation aprs laquelle on

    raccompagnait le garon en chantant jusqu son domicile, o des tables taient

    dresses pour le repas. A l'ge de 13 ans, se droulait la fte des te'lin le lundi ou

    le jeudi. La majorit se contentait dhumbles rceptions, seuls ceux qui en avaient

    les moyens faisaient de grandes ftes, le chabbat et le jour de la pose des te'lin,

    qui taient accompagnes d'un repas et d'un daroush prononc par le garon

    pour l'occasion. La fte de bar-mitsva, unie aprs 1940, comportait donc deux

    vnements proches et restreints, et une crmonie plus solennelle. Le chabbat

    prcdant cette dernire, le jeune garon s'enveloppait du talith, en souvenir de

    l'ancienne coutume. La veille du lundi se droulait le henn et, le lendemain matin,

    la crmonie de la pose des te'lin la synagogue. Aprs la prire, un apritif tait

    o#ert et le soir avait lieu le repas de mitsva. Dans ce chapitre, gurent toutes les

    exgses relatives aux tsitsit et te'lin dans deux versions : la version originelle en

    judo-arabe, et celle en aramen et hbreu, suivies de l'exgse dite en traduction

    hbraque et assortie dun avant-propos, de sources et de commentaires. Figurent

    galement des pomes pour les tsitsit et les te'lin.

    7. L'inauguration du Sefer Tora L'origine des clbrations du Sefer Tora la n de sa copie remonte la fte donne

    en l'honneur du transfert de l'Arche d'Alliance de la maison de Oved Edom le

    Guittite vers la Cit de David (I Chroniques 15-16). La clbration de l'inauguration

    du Sefer Tora dans les communauts de Talalet durait du jeudi soir la n du

    chabbat le samedi soir, et se droulait chez le propritaire du Sefer, chez qui l'on

    se runissait pour prier ces jours-l. Un grand repas tait donn le jour du chabbat

    aprs la prire de moussaf, se poursuivait jusqu' min'ha et tait accompagn

    de chants, de citations bibliques et de commentaires. Le jeudi soir et le vendredi

    soir, certains restaient veills en l'honneur du Sefer Tora et psalmodiaient des

    bakachot (pomes liturgiques). En gnral, la fte de l'inauguration du Sefer Tora

    tait fusionne avec une autre crmonie familiale, notamment un mariage ou la

    commmoration du souvenir dun proche dcd. Dans certaines familles la mitsva

    de la copie d'un Sefer Tora se transmettait de gnration en gnration, le grand-

    pre, le ls et le petit-ls crivant l'un aprs l'autre chacun leur Sefer Tora. Pour

    la circonstance, furent composs des pomes par des rudits de Talalet, qui sont

    publis ici et assortis dun avant-propos, de sources et de commentaires dtaills

  • Les communauts de Talalet / Sijilmassa12

    sur divers sujets, notamment la description de la relation Isral-Tora illustre par

    des noces ; la triple saintet du Sefer Tora et de la Tora ; les dix saintets du Sefer

    Tora ; enn la description des lettres du Sefer Tora comme des rois, et des signes de

    cantilation comme des couronnes.

    8. Le jene hebdomadaireCe chapitre souvre sur une liste de personnalits des communauts de Talalet

    ayant observ plusieurs reprises un jene hebdomadaire de six jours et six nuits

    conscutifs : Rabbi Ya'akov Abehssera, son ls Rabbi David, son petit-ls Rabbi

    Isral - le Baba Sal, qui a observ son premier jene hebdomadaire 13 ans, et

    Rabbi Yihia Dahan, le petit-ls maternel de Rabbi Ya'akov Abehssera, qui observa

    ce jene plus de cent fois dans sa vie. Dans ce chapitre est mentionne une liste

    partielle d'hommes et de femmes des communauts de Talalet qui pratiquaient ce

    jene toute l'anne.

    L'heure de la n du jene hebdomadaire, la veille de chabbat, tait empreinte

    de beaucoup daura et de saintet. Nombreux taient ceux qui venaient la veille de

    chabbat juste avant min'ha recevoir, ce moment tenu pour propice (chaat ratson),

    une bndiction de la personne qui jenait ; ces visites rallongeaient la dure du

    jene et aggravaient ltat de sant du jeneur, ce qui poussa Rabbi Isral Abehssera

    prescrire la rupture du jene avant l'entre du chabbat. L'heure de l'interruption

    du jene tait un moment de fte accompagn dun repas de mitsva. Le chapitre

    traite des sources du jene hebdomadaire : les crits de Rabbi Mena'hem Azaria

    de Fano (1548-1620) ; le livre Mishnat 'Hassidim de Rabbi Emmanuel 'Ha Riki

    (Ferrare, 1688, Italie 1743) ; Hemdat Hayamim ; les ouvrages Seder Hafsaka

    Guedola et Kountress Haye'hili. Dans ce chapitre est inclus le pome Ma tov nam

    de Rabbi Ya'akov Abehssera paru dans Yagel Ya'akov et assorti dun avant-propos,

    de sources et de commentaires, y compris sur les vertus du jene. Des mentions

    supplmentaires du jene hebdomadaire gurent dans di#rentes sources

    halakhiques (lgales) cites dans ce chapitre. Un suivi sur l'anciennet du jene

    hebdomadaire nous a conduit la premire personne ayant pratiqu ce jene, qui

    n'est autre que Mose comme il est crit dans la Tora : Vayichkon Kevod Hachem

    'al Har Sina vaye'hassehou he'anan cheshet yamim (Et la majest divine se xa

    sur le mont Sina et la nue le recouvrit pendant six jours, Exode 24, 16). Rabbi

    Nathan dit : Pourquoi Mose s'est attard pendant tous les six jours et ne s'est pas

    manifeste sur lui la Parole divine ? An qu'il se purie de tout aliment et de toute

    boisson qui taient dans ses intestins, jusqu'au moment o il soit sancti, et qu'il

    soit comme les anges.

  • Rsum 13

    9. Le Hadrat ZekenimeIl s'agit d'une coutume connue, au cours de laquelle les hommes pieux font un

    repas de fte et prononcent la bndiction Chh'hyanou, quand ils atteignent

    l'ge de 60 ans. Cet vnement est appel Hadrat Zekenime. Ce nom est driv des

    versets du Lvitique 19,32 : Devant la vieillesse tu te lveras et tu honoreras la face

    de l'homme g et du livre des Proverbes 20,29 : La gloire des jeunes hommes est leur

    force et l'honneur des vieux est la blancheur de leurs cheveux. Cette coutume tait

    connue aussi des communauts de Talalet, surtout parmi les Talmidei 'Hakhamim

    (les rudits). L'ge de 60 ans est l'ge de la vieillesse, comme il est dit dans les

    Maximes des Pres 5,21 : A 60 ans la vieillesse, 70 la blancheur. Selon des sources

    talmudiques, celui qui est dcd l'ge de 50 ans est considr comme kareth,

    c'est dire retranch du monde avant son temps, alors que l'ge moyen de dcs

    est de 60 ans. Selon Job (5, 24-26) l'ge de 60 ans est l'ge espr, auquel l'homme

    a accompli sa vie au niveau familial et conomique : Veyad'ata ki chalom ohalekha

    ufakadta navekha velo te'heta veyad'ata ki rav zar'ekha vetseetsaekha k'esev haaretz

    tavo bekhela'h elei kaver ka'alot gadish be'ito. ("Tu verras le bonheur x dans ta

    demeure, tu inspecteras ta maison et tu ne trouveras rien en dfaut. Tu verras

    s'accrotre le nombre de tes enfants, et tes rejetons se multiplier comme l'herbe de

    la terre. Tu entreras dans la tombe au terme extrme de la vieillesse, comme s'lve

    une meule de bl dans la saison voulue."). La valeur numrique de Bh'hela'h est de

    60. L'ge de 60 ans reprsente la bndiction et la vie, lge o l'homme approche de

    la tombe, bien quil soit encore vivant. C'est en un sens une double expression de

    joie : pour le fait que l'homme est arriv l'ge de 60 ans et pour la suite de sa vie

    ici-bas. L'ordre de ltude pour cette occasion festive gure dans di#rentes versions

    du hadrat zekenime.

    10. Le dcs, rites de deuil et lgies au dfuntLe dcs, sujet de ce chapitre, se caractrise par certaines coutumes spciques

    aux communauts de Talalet. Une partie de ces coutumes survient l'approche

    du dcs, telle la bndiction prononce par une personne ge et tenue pour

    propice (cha'at ratson), ou la coutume de lire le Cantique des Cantiques au moment

    de l'agonie, que lun des commentateurs interprte comme le dialogue entre l'me

    et son crateur. D'autres coutumes spciques prcdant les funrailles sont le jet

    d'eau autour de la maison du dfunt ; l'ablution du corps du dfunt dans sa maison,

    et les pleurs et loges funbres des femmes. La procession funraire se faisait

    entirement pied de la maison du dfunt jusqu'au cimetire. Les femmes n'avaient

    pas l'habitude d'assister aux funrailles conformment la coutume de Safed, et les

  • Les communauts de Talalet / Sijilmassa14

    ls ne parcouraient pas le chemin du cimetire derrire la dpouille de leur pre

    selon la coutume de Jrusalem. Pour le commun des mortels on faisait la procession

    traditionnelle, durant laquelle on lisait et rptait Vihi noam (Que soit sur nous la

    grce de Dieu) et Yoshev besseter elyion (Assis sous l'abri suprme, Psaumes 91-92).

    Si le dfunt tait membre de la 'Hevra Kadisha (Confrrie sainte), on entonnait le

    chant de Bar Yo'ha, et pour celui qui avait joui dune longue vie et dune bonne

    rputation, on faisait une procession funraire spciale qui dbutait par des cris

    de joie pousss par les femmes au moment o l'on sortait le cercueil, suivi de la

    rcitation de Ranenou Tsadikim (Psaumes 33) comme lors de la procession du

    jeune mari vers le dais nuptial, et l'on faisait en lhonneur du dfunt des rondes

    accompagnes de la sonnerie du chofar.

    Dans ce chapitre sont prsentes aussi des coutumes spciques suivant le

    dcs et les sept jours de deuil : l'allumage d'un lampion d'eau et d'huile avant la

    prire de arbit, la rcitation du Psaume 49 Shim'ou zot kol ha'amim aprs Alenou

    lechabea'h, la pose d'une stle tsiyoun lanefesh le troisime jour de deuil et la

    coutume de L'hboura prvoyant la distribution de pain et de fves ce jour-l ; les

    endeuills ne changeaient pas de place la synagogue le chabbat et consommaient

    de la viande et du vin partir du septime jour de deuil, aprs le lavage des mains

    et des pieds. Cinq commmorations taient faites pendant la premire anne : la

    premire le septime jour de deuil, la deuxime trois semaines aprs le dcs, la

    troisime la n du mois, la quatrime au terme de onze mois pour les hommes

    et de neuf mois pour les femmes, la cinquime la n de l'anne. Dans chacune

    des commmorations, les proches du dfunt se rendaient au cimetire en n de

    journe. Les femmes y faisaient des loges et des lgies funbres et un rabbin

    prononait des paroles de Tora ainsi que la prire de la hashkaba pour le repos du

    dfunt. Le soir, on prononait les prires de minha et arbit, on lisait la Idra Zouta

    et on consommait un repas. Les femmes de Talalet avaient l'habitude de porter

    des vtements blancs en signe de deuil, particulirement pour une personne juste

    et qui vcut longtemps, en symbole de la croyance dans le monde futur. Dans ce

    chapitre, sont aussi prsents des recueils d'loges funbres crits par les sages de

    Talalet, dont trois sont dits en tant que modles. Le chapitre se termine par cinq

    lgies funbres crites par des potes de Talalet, dites ici et assorties dun avant-

    propos, de sources et de commentaires.