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agir ››››››››››› LE MAGAZINE DE L‘ENTRAIDE PROTESTANTE SUISSE | Nº 17 | 1 / FÉVRIER 2015 Haïti : des perspectives d’avenir grâce au café

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Haïti: des perspectives d'avenir grâce au café

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agir›››››››››››LE MAGAZINE DE L‘ENTRAIDE PROTESTANTE SUISSE | Nº 17 | 1 / FÉVRIER 2015

Haïti : des perspectives d’avenir grâce au café

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ÉDITORIAL2 SOMMAIRE

3 Aide humanitaire

Bilan dix ans après le tsunami

4 L‘invité

Matthias Herren, de retour d’Ukraine

7 Développement

des communautés rurales

Du droit à l’alimentation à l’accès

à la terre

8 Haïti

Un pays où le café vaut de l’or

12 Défense des droits

Chèques-emploi fête ses 10 ans

et lance le chèque en ligne

14 Géorgie

Des bijoux pour un avenir en or

16 Actuel et agenda

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Couverture Photo : EPER / Andreas SchwaigerLe café haïtien, appelé « café natif », est très prisé à l’étranger. L’EPER sensibilise les producteurs à ne cueillir que les fruits rouges pour améliorer la qualité.

IMPRESSUM AGIR N°17, FÉVRIER 2015ISSN 2235-0772Paraît 4 fois par an Editeur : Entraide Protestante Suisse (EPER)Responsable de la publication : Olivier GrazRédaction : Joëlle Herren LauferTraduction : Sandra Först Impression : Jordi, BelpTirage : 15 900 exemplairesAbonnement : CHF 10, déduits une fois par an de vos donsAdresse : Bd de Grancy 17 bis, case postale 536, 1001 LausanneTéléphone : 021 613 40 70Fax : 021 617 26 26Internet : www.eper.chE-mail : [email protected] pour les dons : 10-1390-5

Dix ans au service de la durabilitéComme beaucoup, l’EPER place son action sous le signe de la durabilité. L’idée affirmée ainsi est qu’il n’y a de développement durable que si sont prises en compte, avec le même sérieux, exigences socia-les, environnementales et économiques. Ce numéro d’agir donne quelques exemples concrets de mise en œuvre de cette notion généreuse et générale, large-ment revendiquée et parfois détournée.

Chèques-emploi est un premier exemple. Ce projet fête ses dix ans avec un succès immense dans le

canton de Vaud, preuve qu’exigences sociales et économiques ne s’opposent pas forcément. Chèques-emploi lutte contre la précarité des personnes em-ployées dans l’économie domestique. Facilitant les fastidieuses démarches de l’employeur occasionnel (assurances sociales et accidents, impôts, congés ma-ternité, maladies, etc.), il permet à des personnes en situation précaire de voir leurs droits sociaux mieux respectés. Ce but social, qui a motivé l’EPER, est également devenu un succès économique, bel exemple d’économie sociale et solidaire : 18 millions de masse salariale assurée en 2014, 5000 employeurs et 3000 employés, plus de 700 000 francs d’impôts à la source encaissés par le canton et un bénéfice permettant à l’EPER de financer d’autres projets plus fragiles économiquement. Chèques-emploi marquera ses dix ans en proposant à ses usagers, dès mars, une plate-forme en ligne très attendue qui permettra à terme de réduire significativement les échanges de papier.

Dix ans, c’est également la date anniversaire du terrible tsunami qui a ravagé l’Asie en 2004. De l’Inde à l’Indonésie, l’EPER y a déployé une aide d’urgence d’une importance sans précédent, portée par l’extraordinaire générosité des donateurs suisses. « Coup de pub » humanitaire opportuniste sans lendemain dès l’émotion retombée ? Malgré l’urgence, les projets mis en route par l’EPER s’inscrivaient d’emblée dans une perspective à long terme, visant la reconstruc-tion et la réduction des risques. Dix ans après, les évaluations indépendantes menées montrent que ce pari sur la durée a été tenu : les conditions de vie des victimes du tsunami ayant bénéficié d’un soutien de l’EPER se sont durable-ment améliorées. Cette approche sert également de fil rouge dans l’aide au développement. Notre dossier consacré à Haïti montre comment la poursuite d’un objectif économique – développer une filière café – permet d’atteindre également des objectifs sociaux : renforcement de communautés fragiles, scolarisation.

Merci de votre précieux soutien et excellente lecture.

Philippe Bovey, Secrétaire romand

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AIDE HUMANITAIRE

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Bilan positif de l’action de l’EPER dix ans après le tsunami

Lors du tsunami dévastateur du 26 décembre 2004, l’Entraide protestante suisse (EPER) afourni une aide d’urgence dès les premières heures de la catastrophe puis a réalisé, pendant dix ans, des projets de reconstruction au Sri Lanka, en Indonésie et en Inde. Les terribles raz-de-marée au large de Sumatra avaient coûté la vie à près de 250 000 personnes et ravagé les côtes de l’océan Indien.

DIETER WÜTHRICH

A l’époque, l’ampleur de la catastrophe avait provoqué une vague de solidarité sans précé-dent à l’échelle planétaire : CHF 300 millions

de dons rien qu’en Suisse ! Avec le soutien de la Chaîne du Bonheur, de la Direction du développe-ment et de la coopération (DDC) et de nombreux autres donateurs institutionnels et privés, l’EPER a participé à l’aide d’urgence et à la reconstruction, initiant 20 projets dans les trois pays les plus forte-ment touchés, pour un montant de CHF 25 millions.

Dans le sud de l’Inde, avec un budget de CHF 3,4 millions, l’EPER s’est concentrée sur la réhabilita-tion d’un village de pêcheurs. Elle y a construit 500 habitations, une salle communale et un abri, tous parasismiques et résistants aux tempêtes. Un marché aux poissons a été aménagé pour faciliter le stockage et la vente des marchandises sans passer par des intermédiaires. Le revenu des pêcheurs a ainsi pu augmenter d’un cinquième environ. Plu-sieurs jeunes ont suivi une formation de maçon. Ce sont eux qui ont participé à la construction du marché et des habitations. Finalement, plusieurs routes et canalisations ont été remises en état.

Au Sri Lanka, l’EPER a affecté CHF 10 millions à la reconstruction et l’approvisionnement en eau de 5000 habitations détruites ou fortement endom-magées et CHF 5 millions à la reconstruction et à l’équipement de deux écoles dans un emplacement protégé des crues.

En Indonésie, avec un budget de CHF 6,3 millions, l’EPER a soutenu la reconstruction par étapes de huit villages isolés et particulièrement touchés par le tsunami en plus d’une aide humanitaire dans les jours et semaines qui ont suivi la catastrophe.

Une aide efficace

Dix ans après la catastrophe, tant les bénéficiaires que les organisations partenaires locales ou les évaluations indépendantes attestent que les condi-tions de vie des victimes du tsunami ayant béné-ficié d’un soutien de l’EPER se sont sensiblement améliorées. Un résultat réjouissant qui permet aux populations locales de développer de nouvelles perspectives de vie orientées vers l‘avenir.

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4 L’INVITÉ

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L’invité, Matthias Herren, de retour d’Ukraine« Les gens ont besoin d’aide »

Les personnes âgées ont particulièrement besoin d’aide, leurs rentes modestes ne leur permettant pas de vivre.

Matthias Herren La Transcarpatie est une région située tout à l’ouest de l’Ukraine. La majorité de la popula-tion y parle le hongrois. Equivalant à deux fois la taille du canton de Zurich, elle est délaissée par l’Etat ukrainien.

En Transcarpatie, région située tout à l’ouest de l’Ukraine, une grande partie de la population vit dans la pauvreté. Pour lui venir en aide, l’EPER soutient le centre diaconal de Beregszász/Berehowe. Matthias Herren, responsable EPER pour l’Ukraine, s’est rendu sur place peu avant Noël.

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Qu’est-ce qui motive l’engagement de l’EPER dans cette région ?Cette région située au-delà des Carpates est très reculée et isolée du reste du pays. La pauvreté et les dysfonctionnements sociaux y sont très importants. Officiellement, le chômage s’élève à 60%, mais il est bien plus élevé. Il y a aussi beaucoup de per-sonnes malades. On ne sait pas exactement pour-quoi, mais on soupçonne une contamination due à l’ancienne base soviétique de missiles nucléaires dans la région. A cela s’ajoutent de très mauvais services de santé.

Quel est le rôle du centre diaconal ?L’Eglise réformée joue un rôle très important. Son centre diaconal vient en aide aux plus pauvres. Une soupe populaire est distribuée à environ 240 personnes par jour, principalement des personnes âgées, ainsi que des biens de première nécessité. Le centre gère aussi un EMS car les jeunes sont de plus en plus nombreux à migrer à l’étranger, livrant les personnes âgées à elles-mêmes. Il y a un an, une maison pour les femmes et les mères en situation difficile a également ouvert ses portes.

L’Ukraine est depuis longtemps le théâtre d’un conflit armé avec les séparatistes russes. Quel est l’impact de cette guerre sur le pays ?

L’argent manque même pour les besoins les plus élémentaires comme la nourriture et le chauffage.

Tout le pays est touché, y compris l’ouest. Avant la guerre déjà, l’Ukraine manquait de moyens dans le domaine social. Aujourd’hui, le pays est au bord de la faillite. Au point que les hommes recrutés par l’armée sont envoyés au centre diaconal de l’Eglise réformée pour y recevoir des pantalons, des bottes et une veste, l’Etat n’ayant pas les moyens de les équiper. Dans le public, des milliers d’emplois ont été supprimés. Aujourd’hui, ces personnes se re-trouvent à la rue car il est impossible de vivre avec l’aide sociale ou la rente minimale de CHF 80 par mois. Cette situation entraîne à son tour une aug-mentation de la petite criminalité.

Comment l’Eglise gère-t-elle la situation poli-tique ?L’Eglise s’exprime très peu sur les questions de politique. L’évêque, Sándor Zán Fábián, est d’avis qu’elle est là pour la paix et ne doit pas s’immiscer dans le conflit. En période d’instabilité, l’Eglise doit rester un refuge pour la population. Mais elle doit aussi être prudente, car ses membres incluent la minorité hongroise, environ 150 000 personnes qui pourraient vite se retrouver dans la ligne de mire du nationalisme ukrainien. Pour vous dire : « Heil Ukraine » est devenu une salutation tellement cou-rante que même les animateurs télé l’emploient maintenant !

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Faites un don pour réchauffer les cœurs !L’installation d’un poêle pour chauffer un centre com-munautaire en Transcarpatie coûte CHF 550, un paquet de denrées alimentaires CHF 10. L’EPER soutient ces deux projets. Apportez vous aussi votre aide afin que les gens puissent se réchauffer et manger à leur faim. Merci ! CP 10-1390-5 Mention « Ukraine »

Quelles sont les conséquences de la migration des jeunes sur la région ?Depuis le début de la guerre, ce sont surtout les hommes qui quittent le pays par peur d’être en-rôlés dans l’armée. On peut payer pour que son nom disparaisse d’une liste de recrutement. Le recrutement a aussi augmenté à l’ouest du pays, parce que la probabilité de tomber sur des sym-pathisants russes y est relativement limitée. Or pour la minorité hongroise qui vit depuis près de 100 ans dans un pays étranger, c’est une absurdité de rejoindre la guerre dans le camp de l’Ukraine. Voilà pourquoi les personnes âgées restent souvent livrées à elles-mêmes au pays.

Avec l’hiver, les conditions de vie se durcissent encore. Comment les gens survivent-ils ?C’est de plus en plus difficile. Durant l’été, ils pouvaient encore cultiver des légumes, élever des poules et pourvoir en partie eux-mêmes à leurs besoins. Mais en hiver, toutes ces possibilités dis-paraissent et beaucoup de personnes souffrent de la faim. Acheter des denrées relève de l’impossible car les prix ont augmenté de 20%, dépassant les prix hongrois. Et puis il y a le froid. Les gens sont nombreux à ne pas pouvoir chauffer leur maison. Pour économiser sur les frais de chauffage et les salaires du corps enseignant, l’Etat a décidé de

fermer les écoles en janvier et février. Cela signifie que les enfants doivent renoncer à l‘unique repas chaud auquel ils avaient droit par jour.

Comment l’EPER et le centre diaconal aident-ils la population ?Avec nos partenaires, nous veillons à ce que chaque village dispose d’un bâtiment communautaire chauffé où les gens peuvent se réfugier. Il s’agit d’installer environ 70 poêles fonctionnant au bois ou au mazout. Il est aussi prévu de distribuer des denrées aux personnes âgées vivant seules et ne bénéficiant que de la rente minimale.

Le centre diaconal soutenu par l’EPER distribue chaque jour de la soupe et des pains à 240 personnes

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Martin Schmid, existe-t-il un droit à la terre ? Pour l‘instant, le droit d’accéder à la terre n‘est pas inscrit dans les droits humains. Il découle néan-moins du droit à l’alimentation, qui est fixé dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Les Etats contractants se sont engagés à respecter le droit à l’alimentation et à garantir l’accès aux ressources naturelles telles que les semences, l’eau et la terre. Nombre de pays dis-posent aussi d’un cadre juridique réglant l’accès à la terre, mais qui est souvent insuffisamment mis en œuvre.

Quel rôle les conflits terriens jouent-ils dans l’accès à la terre ?Le discours international sur l’accès à la terre adopte principalement trois perspectives : le dévelop-pement rural, les droits humains et la politique économique. La perspective des conflits, quant à elle, est sous-représentée. Or les problèmes liés à l’accès à la terre sont presque toujours accompa-gnés de conflits ouverts ou latents.

Quel a été l’apport de l’EPER ?L’EPER a présenté un instrument permettant d’analyser systématiquement les causes des conflits

fonciers ou d’un accès limité à la terre. Cet outil permet de développer, sur cette base, des straté-gies d’intervention adaptées encore plus ciblées et efficaces. Ces conclusions sont rassemblées dans un document qui analyse différents exemples tirés de projets de l‘EPER.

L’EPER bénéficie d’une longue expérience en matière de soutien aux efforts des commu-nautés rurales pour accéder à la terre. Quels sont les principaux succès de ces dernières an-nées ? En Inde, le gouvernement a distribué des titres fonciers à 9500 familles, pour 8600 hectares de terres. Au Brésil, après avoir bataillé durant 15 ans, la communauté rurale de Vereda Funda a obtenu un titre foncier collectif pour 5000 hectares de terres exploités collectivement. Au Niger, 140 km de corridors de passage ont été créés pour le bé-tail, ce qui a permis d’atténuer les conflits terriens entre familles d’agriculteurs sédentaires et éleveurs nomades. Et il y a aussi des succès intermédiaires comme au Honduras, où un comité de protection contre la violence a été créé, grâce auquel les con-flits terriens jouissent désormais d’une plus grande attention internationale.

Le travail de lobbying pour la distribution de terres en Inde porte ses fruits

DÉVELOPPEMENT DES COMMUNAUTÉS RURALES

Du droit à l’alimentation à l’accès à la terre

L’accès insuffisant à la terre compte parmi les principaux facteurs à l’origine de la faim et de la pauvreté. En décembre dernier, l’EPER et la Direction du développement et de la coopération (DDC) organisaient un colloque sur le sujet, qui mettait l’accent sur les droits fonciers et les conflits terriens. En effet, selon Martin Schmid, responsable de l’équipe de conseillers thématiques de l’EPER, les conflits sont sous-représentés dans le discours inter-national sur la question de l’accès à la terre.

CHRISTINE SPIRIG Phot

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8 DÉVELOPPEMENT DES COMMUNAUTÉS RURALES

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Le café, l’or haïtien

Dans la Grand’Anse, à Haïti, l’EPER aide un millier de productrices et de producteurs à réhabiliter la filière du café, de sa culture à sa commercialisation.

ANNELIES HEGNAUER

Antoine Tseloe

Haïti compte parmi les pays les plus pauvres au monde. On estime que 80% de la popula-tion vit en-dessous du seuil de pauvreté et 54% dans une extrême pauvreté. Sur les 8 millions. d’habitants du pays, plus de 6 millions. ne peu-vent pas couvrir leurs besoins fondamentaux et n’ont pas accès à des soins médicaux. Plus de la moitié de la population est sans emploi. Le pays est régulièrement touché par des ca-tastrophes naturelles qui réduisent à néant les efforts des productrices et des producteurs. Le séisme de janvier 2010 a été particulièrement lourd de conséquences.

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I l n‘est que six heures du matin et pourtant, le long des routes cahoteuses et poussiéreuses de la Grand’Anse, à l’ouest d’Haïti, les villages

grouillent déjà de vie. Les femmes se rendent au puits ou à la rivière pour chercher de l’eau. « L’accès à l’eau potable est le principal problème en Haïti », explique Norman F. Wiener, le représen-tant gouvernemental de la Grand’Anse. Dans cet Etat pauvre des Caraïbes, le choléra, véhiculé par l’eau, fait toujours beaucoup de morts. Selon Jean Widal Fanor, coordinateur de projet EPER à Jéré-mie, la situation s’est néanmoins améliorée ces dernières années grâce au lancement d’une vaste campagne de sensibilisation et à la distribution de désinfectants.

Des trajets éprouvants pour les écoliers

Les enfants se lèvent eux aussi aux aurores pour se rendre à l’école, car les trajets sont souvent très longs. Ceux qui vivent à proximité des routes em-pruntées par des bus ont plus de chance : ils bé-néficient du transport gratuit. « Depuis deux ans, le transport des écolières et écoliers est assuré par le programme gouvernemental scolaire universel gratuit et obligatoire », explique Jean Widal Fanor. Tandis que les enfants se mettent en route, les hommes s’éloignent, leurs machettes à la main,

pour ramener du maïs, du manioc, des fruits ou une poule – des denrées qui devront suffire à leur famille pour toute la journée.

Le café, porteur d’avenir

Au centre des villages, des camions sont char-gés de marchandises et d’animaux. Les passagers s’entassent comme ils le peuvent ou se trouvent une place sur le toit. Tous vont à Port-au-Prince, la capitale, le plus vaste marché du pays. La plu-part des produits s’y écoulent bien car les biens d’importation sont hors de prix. A l’étranger, ce sont surtout le café et le cacao qui sont appréciés. Haïti offre des variétés particulières pour lesquelles la demande dépasse largement l’offre – une au- baine exploitée par le projet de l’EPER « Renforce-ment des producteurs de café ». « Actuellement, à la Grand’Anse, on ne récolte plus que 5000 tonnes de café, contre 20 000 par le passé. Beaucoup de personnes ont arraché une partie de leurs caféiers et les ont remplacés par du maïs, des haricots ou du manioc. Pourquoi ? Parce que le prix du café sur le marché mondial avait chuté, que les outils pour transformer ce produit manquaient et que les gens n’avaient pas suffisam-ment à manger », raconte Antoine Marie Bienvil, le coordinateur du projet. Entre-temps, le caractère

Ci-dessus, dépulpage des fruits du café dans une machine avant la fermentation, le lavage et le séchage.

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DÉVELOPPEMENT DES COMMUNAUTÉS RURALES

Janis Tseloe Silvain devant sa maison, à côté de l’installation servant à sécher les graines de café

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unique du café haïtien Typica, un café Arabica de haute qualité, a été démontré. C’est pourquoi l’organisation partenaire de l’EPER aide les bénéfi-ciaires à réhabiliter leurs plantations et à améliorer la commercialisation de ce produit. Chaque famille possède environ un demi- hectare de terre sur lequel elle cultive des fruits, des légumes et des céréales pour sa propre consomma-tion. En diversifiant ces cultures avec des caféiers, les paysans peuvent gagner suffisamment d’argent pour payer les frais de scolarité des enfants, les habits et les chaussures.

Lutte contre les nuisibles

Le clan Tselo Silvain compte parmi les bénéficiaires du projet de l’EPER. Janis (70 ans) a dix enfants âgés de 22 à 44 ans. Les plantations de café sont entretenues par cinq familles du clan, pour un rendement annuel de 25 à 40 sacs de 60 kg. La quantité a déjà bien augmenté mais l’an dernier, un parasite, le scolyte, a détruit près de la moitié de la récolte. Entre-temps, les familles ont appris à lutter de manière naturelle contre cet insecte nuis-ible : les graines contaminées doivent être récoltées à la main puis détruites, et les branches touchées coupées. Les plantes sont en outre enduites d’une poudre de calcaire spéciale dissoute dans de l’eau.

Ces mesures ont permis une nette amélioration de la santé des plants et les familles ont bon espoir d’éviter les pertes l’an prochain.

Prochaines étapes

Déjà excellente, la qualité du café a pu être en-core améliorée et le rendement a été augmenté. La commercialisation commune a en outre per-mis d’augmenter le prix de vente. Les prochaines étapes devraient permettre aux paysans de mieux s’organiser, d’augmenter encore la quantité de café produite et d’améliorer les voies de transport pour favoriser la commercialisation directe. Avec cet ensemble de mesures, les producteurs de café pourront bientôt être moins dépendants des inter-médiaires et des entreprises de transformation, et générer ainsi un revenu digne.

Le trajet que les enfants doivent parcourir est souvent long et éprouvant

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DÉFENSE DES DROITS

Chèques-emploi fête ses 10 ans et lance le chèque en ligne

Au service de l’économie domestique vaudoise depuis 2005, Chèques-emploi, dont le nombre d’adhérents ne cesse d’augmenter, lance une plateforme en ligne où chaque utilisateur peut gérer son compte sans plus avoir besoin de chèques papier.

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Avec une croissance à faire pâlir plus d’un entrepreneur, Chèques-emploi marque un tournant de son histoire en lançant le

chèque en ligne. Un changement bienvenu alors que le service fête son dixième anniversaire. « Avec 234 761 chèques reçus depuis 2005, nous ne sa-vons plus où ranger les armoires métalliques con-tenant les dossiers de nos adhérents !, décrit en riant Clotilde Fischer, responsable de ce service de l’Entraide Protestante Suisse (EPER). Nous avons pris le taureau par les cornes et avons monté une plateforme en ligne où les employeurs intégreront eux-mêmes les heures de leurs employés ». Une avancée qui devrait faire gagner du temps à tous, diminuer la paperasse et les envois et permettre d’accéder en tout temps aux fiches de salaire et autres documents. Mais que les personnes réfrac-taires à l’informatique se rassurent, elles pourront continuer à utiliser les chèques papier comme avant.

10 ans au service de l’économie domestique vaudoise

Né du constat que la majorité des personnes tra-vaillant dans l’économie domestique était dépour-vue d’une couverture sociale et pour lutter contre la précarité des employés domestiques, Chèques-emploi a démarré son activité en janvier 2005. « Il n’était pas rare que des femmes de ménage travaillent avec un bras cassé. Il était donc urgent de leur permettre d’accéder aux droits sociaux », explique Isabelle Perrin, juriste à Chèques-emploi. A cette époque, seuls les employeurs à fibre so-ciale assuraient leurs employés. Avec l’entrée en vigueur de la loi sur le travail au noir en juin 2008, Chèques-emploi a observé un boom de ses adhé-sions. « Depuis, la principale motivation est d’être en règle avec les assurances sociales et les impôts », confirme Isabelle Perrin.

L’équipe de Chèques-emploi

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Acteur incontournable de l’économie vaudoise

Il n’en reste pas moins que la déclaration en bonne et due forme des employés domestiques profite tant aux employés qu’à l’Etat. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : avec une masse salariale avoisinant les CHF 100 millions en dix ans, Chèques-emploi peut se targuer d’être un acteur incontournable de l’économie vaudoise. Sur cette période, les impôts dépassent les CHF 3 millions et les cotisations aux caisses du premier pilier (AVS, AI, etc.) les CHF 12 mil- lions. Côté employés, outre la possible déclaration des accidents, des allocations familiales ont été per-çues pour plus de CHF 1,5 millions. Si autrefois les ménages constituaient un appoint au salaire du mari, il en est autrement aujourd’hui : les employées domestiques vivent souvent dans une précarité extrême et tirent leur revenu exclusivement des ménages. Elles jonglent avec 10-12 employeurs réguliers qui ne paient pas les vacances et partent eux-mêmes en vacances. Elles sont donc salariées sur neuf mois mais doivent payer leurs factures sur 12 mois. Les cours « Vos droits » organisés à leur intention leur permettent de mieux se défendre et de redéfinir progressive-ment leurs relations de travail, quitte à changer d’employeur ! La permanence téléphonique gratuite est un autre plus qu’offre Chèques-emploi. Contrat de travail, délai de congé, incapacité de travail, paie-ment des vacances et des jours fériés, autant de questions des employeurs comme des employés auxquelles répond une juriste spécialisée en droit

du travail. « Nous conseillons et orientons au niveau des droits et obligations des uns et des autres, mais nous n’avons aucune prise sur la mise en œuvre, précise Isabelle Perrin. Le simple fait qu’une per-sonne appelle signifie qu’il y a une prise de con-science sur le sujet, et c’est déjà positif. » Et quand une employée peut toucher les allocations familia-les ou bénéficier d’un congé maternité, l’utilité de Chèques-emploi n’est plus à expliquer longuement.

8766 employeurs ayant adhéré à Chèques-emploi, dont 5000 actifs

6647 employés inscrits, dont 3150 actifs

234 761 chèques mensuels traités CHF 94 039 390 de masse salariale totale déclarée

269 femmes de ménage ayant assisté au cours « Gagner en assurance »

CHF 1 586 079 d’allocations familiales perçues par les employées et employés

CHF 11 379 701 de cotisations versées au 1er pilier (AVS, AI, APG, AC, AF)

« Un employé trouve normal de percevoir son salaire tous les mois, malade ou pas, mais une fois dans la peau du patron, il ne veut pas payer sa femme de ménage si elle a la grippe. »

10 ans d’activité en chiffres

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« Son métier, c’est son avenir »

Ils sont jeunes avec l’avenir devant eux mais sans emploi. Ces jeunes, ce sont des Géorgiennes et des Géorgiens issus de familles socialement défavorisées qui se retrouvent sans perspectives une fois leur scolarité terminée. Durant sept ans, l’EPER a soutenu un projet visant à leur permettre de suivre une formation professionnelle.

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Un projet devenu autonomeA Tbilissi, les jeunes touchés par la pauvreté sont souvent issus de familles de réfugiés. Lancé en 2006 à titre pilote, le projet de l’EPER a déjà permis à plus de 200 jeunes d’accéder à une formation professionnelle. 90% d’entre eux ont désormais un emploi ou travail-lent comme indépendants. Aujourd’hui, le financement par l’EPER touche à sa fin car le projet est devenu au-tonome et va même être étendu : forte de l’expérience acquise ces dernières années, Lazarus, l’organisation partenaire de l’EPER, a ouvert une école professionnelle cofinancée par l’Eglise géorgienne. Le bâtiment est mis gratuitement à disposition par l’Eglise et les salles de classe ont pu être rénovées grâce à des fonds publics. A l’enseignement technique s’ajoutent des cours d’anglais et d’informatique. Les élèves versent une contribution modeste permettant à l’école de fonctionner de manière autonome. L’Eglise géorgienne prend en charge la contri-bution des jeunes issus de familles très pauvres. L’EPER et Lazarus se réjouissent de ce processus d’autonomisation et de la poursuite du projet sur le long terme.

«Cette formation me permet d’avoir un revenu et de contribuer à l’entretien de ma famille », nous confie Tamuna Tkabladze,

une jeune femme de 25 ans qui vit à Tbilissi. Grâce au soutien de l’EPER, elle a suivi une formation d’orfèvre et travaille aujourd’hui comme indépen-dante. Comme beaucoup d’autres jeunes du pays, elle était auparavant sans emploi.

Depuis janvier 2013, Tamuna loue un atelier com-munautaire dans la vieille ville de Tbilissi avec quatre autres personnes. Tous ont entre 20 et 25 ans et ont suivi une formation gratuite auprès de Laza-rus, l’organisation partenaire de l’EPER. L’atelier est modeste : deux petites pièces dans un bâtiment décrépit, avec une table de travail dans chaque coin. Comme plusieurs de ses collègues, Tamuna est issue d’une famille de réfugiés. Avec ses parents et ses deux frères aînés Grigol (28 ans) et Alexander (30 ans), elle a fui la ville abkhaze de Soukhoumi en 1994, lorsque la guerre civile a éclaté entre l’Abkhazie et la Géorgie. Aujourd’hui, la famille vit du revenu du frère aîné, de la retraite du père et des allocations de l’Etat versées aux enfants de réfugiés. Au total, cela représente CHF 630 par mois. A son arrivée à Tbilissi, la famille a été logée par l’Etat dans un petit hôpital désafecté. « A part les murs nus et quelques vieilles seringues qui traînaient par terre, le bâtiment était totalement vide », raconte Mana. Ils y vivent aujourd’hui encore, dans une pièce unique.

Ancienne technique remise au goût du jour

Tamuna Tkabladze fabrique des bijoux en filigrane, c’est-à-dire des ouvrages faits de minces fils d’or ou d’argent, ornés de perles métalliques et soudés sur une base du même matériel. Cette technique ancienne s’est quasiment perdue en Géorgie, mais elle est très appréciée. Indépendante depuis six mois, Tamuna peut-elle déjà vivre de son travail ? « Non, pas encore », répond-elle. Mais elle est confiante. Elle gagne en-viron CHF 100 par mois et certains de ses bijoux sont d’ores et déjà commercialisés dans des bou-tiques de Tbilissi. Actuellement, elle réfléchit avec ses collègues à la manière dont elle pourrait amé-liorer la publicité et le marketing pour ses produits. Elle envisage d’écrire aux agences de tourisme afin qu’elles incluent l’atelier dans leurs tours de la ville, mais également de développer le canal que représente Facebook. Omar Tkabladze est fier de sa fille : « C’est vrai-ment une artiste, et elle a eu une chance inouïe de pouvoir s’initier à cette technique. Son métier, c’est son avenir », explique-t-il tout en nous montrant une photo de famille prise en 1992 à Soukhoumi. On y distingue Tamuna encore enfant. C’était peu avant que la guerre civile n’éclate. Aujourd’hui en-core, Omar rêve de retourner au bord de la mer Noire. Avec son climat subtropical et son tourisme

florissant, Soukhoumi était autrefois la région la plus prospère de l’ancienne Union soviétique. Aujourd’hui, seuls les touristes russes con-sidèrent l’Abkhazie comme un paradis. La Répub-lique d’Abkhazie s’est autoproclamée indépendante bien qu’elle soit généralement considérée comme faisant partie de la Géorgie à l’échelle internatio-nale. En 1993, l’Abkhazie s’est dotée de structures étatiques totalement autonomes. Mais en raison de sa rupture avec la Géorgie, de la guerre et de son isolement international, le pays est confronté à une crise économique et sociale permanente, sans pers-pectives de développement. Il n’y a pas de travail, pas d’avenir et le conflit ne semble pas prêt d’être réglé. Pour la famille Tkabladze, le paradis n’est plus.

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Petits moyens, grands effets.

Mars à octobre 2015Jardiniers bénévoles recherchés !

Comme chaque année, à l’approche de la saison de jardinage, les Nouveaux Jardins recherchent des bénévoles prêts à s’engager régulièrement pour accompagner les participants dans leurs travaux de jardinage ou animer des ateliers avec les enfants. Ce projet d’intégration sociale pour des per-sonnes migrantes est implanté à Ville-neuve, Yverdon, Lausanne et Genève. N’hésitez pas à prendre contact pour en savoir plus et vous engager !

Tél. : 021 613 40 70, [email protected]

Merci !CHF 600 000 pour l’EPER via la Migros

Quinze collaboratrices et collabora-teurs de l’EPER ont vêtu leurs pulls de laine et chanté à tue-tête la chanson « Ensemble » qui a été en-registrée en décembre. Interprétée à l’origine par 23 artistes suisses, elle pouvait être téléchargée avant les fêtes dans le cadre d’une collecte de la Migros dont l’EPER était l’une des quatre bénéficiaires. En tout, CHF 600 000 ont été versés par la Migros aux projets suisses d’intégration de l’EPER. Un grand merci à tous les clients Migros qui ont joué le jeu.

Si vous souhaitez visualiser ce clip : www.eper.ch/ensemble

Actuel Agenda

7 mars 2015Souper de soutien pour la HongrieOrganisé par la paroisse de Lonay-Préverenges-Vuillerens pour soutenir le travail diaconal en faveur des plus démunis à Budapest. Salle polyvalente de Préverenges, ch. du Collège 4, dès 18 h. Présentation et échange en direct avec Budapest. Infos et inscriptions jusqu’au 27 février : 021 331 56 83

25 avril 2015 Courez 20 km en 1 minute !Lors des 20 km de Lausanne, nous avons besoin de vous pour parcourir les quelque 9000 km qui séparent Lausanne du Honduras. Il suffit d’acheter un bandana sur notre stand et de monter sur le tapis de course. Chaque minute parcourue équivaut à 20 km. Si vous participez à l’une des courses proposées par les 20 km de Lausanne, vos kilomètres comptent aussi ! Plus d’infos : www.championsolidaire.ch

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