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Syndrome anémique en hématopathologie C. TRUMEL (Maître de conférence, département des sciences cliniques des animaux de compagnie) [email protected] N. BOURGES-ABELLA (Maître de conférence, département des sciences biologiques et fonctionnelles) A. DIQUELOU (Maître de conférence, département des sciences cliniques des animaux de compagnie) École nationale vétérinaire, 23, chemin des Capelles, 31076 Toulouse cedex, France. U ne anémie se définit au plan physiologique et pathogénique comme une diminution de la masse totale des hématies dans le sang circulant. Au plan clinique, une anémie se caractérise principalement par une pâleur des muqueuses. D’autres signes cliniques peuvent être observés et sont liés à l’hypoxie tissulaire ou au processus pathogénique ayant induit l’anémie. Pour un traitement efficace, un diagnostic étiologique doit être établi grâce à une démarche clinique rigoureuse. Actuellement, ce diagnostic est facilité par l’augmentation du nombre d’automates d’hématologie disponibles pour les vétérinaires et permettant de mesurer l’hémoglobinémie, le nombre d’hématies, le volume globulaire moyen et de calculer l’hématocrite, la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine et l’indice de distribution des hématies. Cependant, la première étape après confirmation de l’anémie consiste à vérifier son caractère régénératif ou non régénératif par la mesure du taux de réticulocytes et une observation attentive du frottis sanguin, riche en informations. Face à une anémie régénérative, il est nécessaire de rechercher une hyperhémolyse ou une fuite sanguine. Face à une anémie non régénérative, il convient en revanche de classer les anémies normocytaires normochromes, microcytaires hypochromes ou macrocytaires hypo/normochromes afin d’aboutir au diagnostic étiologique. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Anémie, Chien, Chat, Réticulocytes DÉFINITIONS Une anémie se définit au plan physiopa- thologique comme étant une diminution de la masse totale des hématies dans le sang circulant, avec en conséquence une diminution de l’oxygénation adéquate des tissus de l’organisme, indispensable à la vie. [1, 2] Au plan biologique et pour simplifier, [1] une anémie est donc, chez un animal normalement hydraté, une baisse de l’hémoglobinémie, de l’hématocrite et de la numération des hématies, les trois paramètres représentant la masse des hématies. Les valeurs chiffrées sont en dessous de la limite inférieure de l’intervalle des valeurs usuelles pour une espèce donnée [3] (Tableau 1). [4] Cliniquement, une anémie est caractérisée par, en premier lieu, une pâleur des muqueuses [5] (Tableau 2). Diagnostiquer une anémie n’est cependant que la première étape dans la démarche diagnostique de ce syndrome complexe. En effet, une démarche rigoureuse est la clé nécessaire à la mise en place d’un traitement étiologique indispensable pour sauver des vies lors d’anémie sévère ; un traitement symptoma- tique permet, quant à lui, de maintenir en vie le patient malade en attendant le diagnostic étiologique. [1] ENCYCLOPE ´ DIE VE ´ TE ´ RINAIRE - Biologie clinique 0100

HEMATOLOGIE - Syndrome Anémique

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Page 1: HEMATOLOGIE - Syndrome Anémique

Syndrome anémique en hématopathologieC. TRUMEL (Maître de conférence, département des sciences cliniques des animaux de compagnie)[email protected]

N. BOURGES-ABELLA (Maître de conférence, département des sciences biologiques et fonctionnelles)

A. DIQUELOU (Maître de conférence, département des sciences cliniques des animaux de compagnie)École nationale vétérinaire, 23, chemin des Capelles, 31076 Toulouse cedex, France.

Une anémie se définit au plan physiologique et pathogénique comme une diminution de lamasse totale des hématies dans le sang circulant. Au plan clinique, une anémie secaractérise principalement par une pâleur des muqueuses. D’autres signes cliniques

peuvent être observés et sont liés à l’hypoxie tissulaire ou au processus pathogénique ayantinduit l’anémie. Pour un traitement efficace, un diagnostic étiologique doit être établi grâce à unedémarche clinique rigoureuse. Actuellement, ce diagnostic est facilité par l’augmentation dunombre d’automates d’hématologie disponibles pour les vétérinaires et permettant de mesurerl’hémoglobinémie, le nombre d’hématies, le volume globulaire moyen et de calculer l’hématocrite,la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine et l’indice de distribution des hématies.Cependant, la première étape après confirmation de l’anémie consiste à vérifier son caractèrerégénératif ou non régénératif par la mesure du taux de réticulocytes et une observation attentivedu frottis sanguin, riche en informations. Face à une anémie régénérative, il est nécessaire derechercher une hyperhémolyse ou une fuite sanguine. Face à une anémie non régénérative, ilconvient en revanche de classer les anémies normocytaires normochromes, microcytaireshypochromes ou macrocytaires hypo/normochromes afin d’aboutir au diagnostic étiologique.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Anémie, Chien, Chat, Réticulocytes

DÉFINITIONS

Une anémie se définit au plan physiopa-thologique comme étant une diminution dela masse totale des hématies dans le sangcirculant, avec en conséquence unediminution de l’oxygénation adéquate destissus de l’organisme, indispensable à lavie. [1, 2]

Au plan biologique et pour simplifier, [1]

une anémie est donc, chez un animal

normalement hydraté, une baisse del’hémoglobinémie, de l’hématocrite et de lanumérat ion des hémat ies , le s t ro i sparamètres représentant la masse deshématies. Les valeurs chiffrées sont endessous de la limite inférieure de l’intervalledes valeurs usuelles pour une espècedonnée [3] (Tableau 1). [4]

C l i n i q u e m e n t , u n e a n é m i e e s tcaractérisée par, en premier lieu, une pâleurdes muqueuses [5] (Tableau 2).

Diagnost iquer une anémie n’es tcependant que la première étape dans ladémarche diagnostique de ce syndromecomplexe . En eff e t , une démarcherigoureuse est la clé nécessaire à la mise enp l ace d ’un t r a i t ement é t io log iqueindispensable pour sauver des vies lorsd’anémie sévère ; un traitement symptoma-tique permet, quant à lui, de maintenir envie le patient malade en attendant lediagnostic étiologique. [1]

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DIAGNOSTIC D’UNE ANÉMIE

DIAGNOSTIC CLINIQUE

Les signes cliniques observés, en dehorsde la pâleur des muqueuses, sont nombreuxet variés. Certains d ’entre eux sontdirectement liés au processus pathogéniquede l’anémie. D’autres sont la conséquencedirecte de l ’anémie et peuvent êtred ’ intensi té var iable en fonct ion del’évolution aiguë ou chronique de lamaladie. Le tableau clinique dépend desmécanismes compensateurs mis en place parl’organisme.

Pour lutter contre l’hypoxie tissulaire, lafréquence cardiaque et respiratoireaugmente afin d’augmenter la perfusion deszones périphériques et de compenser lafaible quantité d’oxygène apportée à chaquepulsation. Le myocarde supporte bien cettesuractivité pendant une période relativementlongue, et la pression artérielle n’augmentepas du fait de la baisse de viscosité sanguineet de la vasodilatation périphérique possible.Cliniquement, la fréquence cardiaque, lechoc précordial et le pouls peuventaugmenter, tandis que la baisse de viscositépeut se traduire par un souffle dit anémique.Cependant, après une évolution prolongée,

cardiomégalie, congestion pulmonaire,ascites et œdèmes peuvent survenir ettraduire une insuffisance cardiaque. [1]

L’hypoxie consécutive à l’anémie peutégalement induire une fatigabilité, dessyncopes et des intolérances à l’effort. Chezle chat, les symptômes cliniques sontsouvent tardifs lors d’anémie chronique etn’inquiètent le propriétaire que lorsquecelle-ci est sévère. En effet, le chat a laparticularité d’adapter son activité physiqueen augmentant la durée de repos et desommeil sans autre manifestation cliniqueperceptible.

DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE

Le diagnostic biologique de l’anémie estfait lorsque l’hématocrite, l’hémoglobinémieet le nombre d’hématies par unité devolumes sont en dessous de la limiteinférieure de l’intervalle des valeurs usuelles(Tableau 1). Cette anémie peut être plus oumoins sévère, et donc être caractérisée pardes valeurs chiffrées de l’hématocrite, del’hémoglobinémie et du nombre d’hématiesplus ou moins basses [6] (Tableau 3). Cesparamètres sont des éléments fournis par laplupart des automates d’hématologie.

Cependant, d’une part tous les praticiens nepossèdent pas ces automates, et d’autre partces derniers fournissent d’autres résultatschiffrés concernant la population deshématies riches en informations dans lecadre des anémies mais nécessitant desconnaissances indispensables à leurcompréhension. Ainsi, un premier examencomplémentaire simple, le microhémato-crite, peut tout d’abord être privilégié avantd’envisager un hémogramme complet.

MICROHÉMATOCRITE

L’hématocrite correspond au pour-centage de sang occupé par les hématies. Destechniques de centrifugation, peu onéreuses,permettent d ’obtenir ce résultat enfournissant ce que l’on appelle commu-nément le microhématocrite (Fig. 1).

Cet te technique a de nombreuxintérêts [4] :

– fournir des résultats d’hématocritefiables ;

– permettre l’observation de la couleurdu plasma ;

– fournir une idée de la quantité deleucocytes par l’appréciation de l’épaisseur

TABLEAU 1. – VALEURS USUELLES DES PARAMÈTRES SANGUINS CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT. [4]

Unités usuelles (UU) Valeurs usuelles chez le chat Valeurs usuelles chez le chien

Unités internationales (SI)

Hématies

UU : 106/µl 5-10 5,5-8,5

SI: 1012/l

Hémoglobine

UU : g/dl 8-15 12-18

SI : g/l 0,8-1,5 1,2-1,8

Hématocrite

UU : % 24-45 37-55

SI : l/l 0,24-0,45 0,37-0,55

VGM (fl) 39-55 60-77

CCMH

UU : g/dl 31-35 32-36

SI : g/l 3,1-3,5 3,2-3,6

TCMH (pg) 13-17 21-26,2

Plaquettes

UU : 103/µl 300-800 200-500

SI : 109/l

Leucocytes

UU : 103 /µl 5,5-19,5 6-17

SI : 109/l

VGM : volume globulaire moyen ; CCMH : concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine ; TCMH : taux corpusculaire moyen en hémoglobine.

BIOLOGIE CLINIQUE 01002

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du disque blanc appelé buffy coat constituéprincipalement de leucocytes et situé au-dessus du culot des hématies ;

– permettre la mesure de la protidémieen cassant le microtube à hauteur du plasmaet en plaçant la goutte de plasma dans unréfractomètre.

PARAMÈTRES FOURNIS PAR LES AUTOMATESD’HÉMATOLOGIE ET LEUR INTERPRÉTATION

Les automates d’hématologie actuelsutilisent trois procédés : la détectionvolumétrique des particules par variationd’impédance (principe Coulter ; exemple :

Vet ABC animal blood counter, ABXHematology Inc., Garden Grove, CA),l’appréciation de l’épaisseur des couchescellulaires sur sang centrifugé dite analysequan t i t a t i v e du buff y c o a t (QBC-VetAutoread Hematology System, IDEXXInc., Westbrook, ME) et la détectionoptique par diffraction (cytométrie en flux ;exemple : Advia 120, Bayer, Tarrytown,NY, et le Lasercyte, Idexx Inc., Westbrook,ME).

Le procédé utilisé par analyse de buffycoat correspond à une amélioration duprincipe du microhématocrite avec lapossibilité supplémentaire de mesurer laconcentration en fibrinogène en utilisant unincubateur à 56 °C couplé au QBC-VetAutoread et d’observer les microfilairesen regardant au microscope le tube àmicrohématocrite du QBC-Vet en regarddu flotteur.

Les automates de type Coulter oucytomètre en flux mesurent la concentrationen hémoglobine, le volume des hématies,calculent le volume globulaire moyen(VGM) et comptent enfin le nombred’hématies par unité de volume. Ainsi, lesrésultats sont donnés en valeurs chiffrées,mais également sous la forme d’une courbeappelée érythrogramme (Fig. 2). Certainsautomates de type cytomètre de fluxmesurent la quantité d’hémoglobine parhématie (taux corpusculaire moyen enhémoglobine [TCMH]) et la concentrationmoyenne en hémoglobine par hématie(concentration corpusculaire moyenne enhémoglobine [CCMH]). Les automatestype Coulter calculent l’hématocrite, leTCMH, la CCMH et l’indice de distri-bution des hématies (IDR) par les formulessuivantes :

– hématocrite (%) = nombre d’hématiespar µl × VGM (fl)/10 ;

– TCMH (pg) = ([hémoglobine en g/dl]× 10)/nombre d’hématies par µl ;

– CCMH (g/dl) = [hémoglobine eng/dl] × 100/hématocrite en % ;

– IDR = (SD [VGM]/hématocrite)× 100.

Si l’hémoglobinémie, l’hématocrite et lenombre d’hématies permettent le diagnosticd’une anémie, le VGM, la TCMH, laCCMH et l’IDR permettent de préciser sescaractéristiques. [4]

Le VGM a pour intérêt d’apprécier lataille moyenne des hématies et doncd ’apprécier une diminution ou uneaugmentation globale du volume deshématies. Lorsque le VGM est faible, onparle de microcytose, lorsqu’il est fort, demacrocytose. Le problème posé par le VGMest qu’il s’agit d’une moyenne calculée surl’ensemble de la population des hématies.Ainsi, si seule une petite partie de lapopulation est touchée par une variation devolume, le VGM n’est pas modifié. L’IDR

TABLEAU 2. – SIGNES CLINIQUES RENCONTRÉS LORS D’ANÉMIE. [1]

Signes cliniques généraux Pâleur des muqueuses

Anorexie

Asthénie

Fatigabilité

Intolérance à l’effort

Dyspnée

Syncopes

Tachypnée

Tachycardie

Souffle cardiaque

Signes cliniques évocateursd’une perte sanguine

Hématémèse

Épistaxis

Pétéchies

Ecchymoses

Méléna

Hématomes

Hémarthrose

Hémothorax, hémopéritoine

Hémoptysie

Signes cliniques évocateursd’une hyperhémolyse

Ictère

Hémoglobinémie

Hémoglobinurie

Splénomégalie

Hépatomégalie

TABLEAU 3. – CRITÈRES PERMETTANT D’APPRÉCIER LA GRAVITÉD’UNE ANÉMIE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT. [6]

Valeur de l’hématocrite en % Chien Chat

Légère 30-37 20-26

Modérée 20-29 14-19

Sévère 13-19 10-13

Très sévère < 13 < 10

Figure 1 Microcentrifugeuse (A) et microhématocrite (B).

SYNDROME ANÉMIQUE EN HÉMATOPATHOLOGIE — 0100 3

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est un élément chiffré apportant uneinformation complémentaire en appréciantla variabilité du volume des hématies. Eneffet, il permet chez un chien par exemple,en l’absence de l’érythrogramme, de savoir sicette courbe a l’aspect d’un pic étroit etunique et par conséquent correspond àl’existence d’une population d’hématieshomogène centrée sur un volume moyennormal de 68 fl par exemple, ou bien unecourbe bifide à base large correspondant àdeux populations d’hématies de volumesdifférents dont un pic est centré sur unvolume moyen normal de 68 fl et l’autre surun volume anormalement élevé de 100 fl(Fig. 2). L ’IDR représente un indexappréciant la variation de taille des hématies,c’est-à-dire l’anisocytose. L’IDR augmenteen cas de microcytose ou de macrocytose.L’IDR et le VGM doivent donc s’apprécierconjointement. Il n’existe pas de valeursusuelles pour l’IDR puisque, pour chaquetype d’appareil, les valeurs sont différentes etles valeurs usuelles doivent donc êtreétablies.

La CCMH permet, quant à el le,d ’appréc ie r s i l a concent ra t ion enhémoglobine des hématies est normale oudiminuée, ce qui correspond respectivementà u n e a n é m i e n o r m o c h r o m e o uhypochrome. Une anémie hyperchromen’existe pas. En effet, au-delà d’une CCMHde 360 g/l ou 36 g/dl, l’hémoglobineprécipiterait dans les hématies, ce qui estphysiologiquement impossible. Cependant,les automates peuvent donner des résultatsde CCMH augmentées si le prélèvement esthémolysé, lors de traitement avec del ’oxyglobine, lorsque le plasma estlipémique, lors de la présence de corps deHeinz ou suite à un mauvais réglage del’appareil. [3, 4]

Les paramètres fournis par les automatesd ’hémato log i e permet t ent donc l ediagnostic d’une anémie et apportent enplus une première caractérisation de cetteanémie. Une anémie peut être microcytairehypochrome, macrocytaire hypochrome ou

normochrome, ou normocytaire normo-chrome. Cependant, ces paramètresdemeurent insuffisants pour un diagnosticétiologique et souvent sont peu sensiblesmalgré l’IDR. [3]

AUTRES EXAMENS COMPLÉMENTAIRESNÉCESSAIRES AU DIAGNOSTIC D’UNE ANÉMIE

La définition biologique d’une anémiesous-entend que l’animal soit normalementhydraté. Si l’examen clinique est un élémentprécieux dans cette évaluation, la protidémieest également un paramètre biologiqueessentiel.

Enfin, lors de chute brutale du volumede sang, suite à un accident par exemple,plasma, hématies, plaquettes et leucocytessont perdus de façon proportionnelle. Puis,en quelques heures (de 4 à 24 heures), levolume plasmatique est reconstitué afin derétablir la volémie, tandis que les hématiessont produites plus lentement puisque larestauration du nombre d’hématies par lamoelle nécessite plusieurs jours. Ainsi, dansles premières heures qui suivent une perte desang suraiguë, l’anémie ne peut être mesuréepar les paramètres biologiques classiques.Une mesure de pression artérielle peutcependant permettre d’apprécier l’intensitéde la perte sanguine et consécutivement lerisque aigu encouru par l’animal.

ANÉMIE RÉGÉNÉRATIVE

Face à un diagnostic d’anémie, lapremière interrogation est de déterminer sil’anémie est régénérative ou non. Pour cela,aucun élément clinique à proprement parlerne renseigne le clinicien. Seuls des examenscomplémentaires peuvent permettre derépondre à cette question essentielle.

EXAMENS BIOLOGIQUES LORS D’ANÉMIERÉGÉNÉRATIVE

HÉMOGRAMME ET FROTTIS SANGUINCe sont les paramètres de l’hémogramme

fournis par les automates et le frottis sanguinqui apportent une première réponse rapide.

En effet, une anémie régénérative estgénéralement macrocytaire, hypochrome,avec un IDR é levé. Elle est de pluscaractérisée sur le frottis sanguin par uneanisocytose et une polychromatophilieparfois accompagnée d’érythroblastescirculants (Fig. 3).

À ces critères classiquement décrits, il estimportant d’apporter quelques nuances. Eneffet, suite à une perte de la masse sanguine,la moelle répond de façon différente et avecune intensité variée en fonction du processuspathogénique et de l’intensité de l’anémie.Ainsi, les réticulocytes, jeunes hématies,grosses et bleutées, n’apparaissent qu’en 3 à5 jours. De plus, il faut un nombreimportant de réticulocytes pour augmenterle VGM. En conséquence, une anémie entout début d’évolution peut apparaître nonrégénérative. [3] L’ensemble des paramètresprécédemment cités doit être réévaluérégulièrement. Enfin, si l’anémie est peusévère, les paramètres de l’hémogrammesont incapables de rendre compte d’unprocessus régénératif.

TAUX DE RÉTICULOCYTES ET MYÉLOGRAMME

Le taux de réticulocytes est le goldstandard pour apprécier le caractèrerégénératif à une anémie. Les réticulocytess on t de s h émat i e s immatu r e s qu icontiennent de l’acide ribonucléique (ARN)et des organelles nécessaires aux synthèsesprotéiques, et qui sont visibles lors decoloration vitale par le bleu de méthylène oule bleu de crésyl brillant. Ils sont relargués defaçon prématurée par la moelle osseuse enréponse à une concentration é levéed’érythropoïétine sécrétée par le rein lorsd’anoxie tissulaire consécutive à une anémie.Les réticulocytes reflètent, lorsqu’ils sont enn o m b r e é l e v é , u n e é r y t h r o p o ï è s eexacerbée. [7, 8]

I l existe au moins deux types deréticulocytes : les formes agrégées et lesformes réticulées. Elles sont bien visibleschez le chat. Le chien possède essentiel-lement des formes agrégées. Les formesréticulées sont plus jeunes, plus grosses, ontun ARN qui apparaît sous la forme de

PLT RBC

RBC

50 100 200 µ3

5.21

Hématies devolume normal

Hématies devolume élevé

Ex : réticulocytes

Figure 2 Érythrogramme fourni par les automates d’hématologie de type Coulter (Rubis 18, Ph.Dia-gnostics, Montpellier, France).

Figure 3 Anisocytose et polychromatophilie(May Grünwald-Giemsa) (× 1 000).

BIOLOGIE CLINIQUE 01004

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filaments cytoplasmiques après colorationvitale, et sont responsables de l’anisocytoseet de la polychromatophilie observées sur unfrottis sanguin coloré par les colorantsd’hématologie usuels (colorants rapides ouMay Grünwald-Giemsa). Les formesponctuées sont plus petites, plus matures,ont un ARN qui apparaît sous la forme degranulations dispersées dans le cytoplasmeaprès coloration vitale ; les formes ponctuéesapparaissent comme des hématies normalesavec les colorants hématologiques usuels.Lors du comptage des réticulocytes, seulesles formes agrégées sont prises en compte.

Les techniques ut i l i sées pour ledénombrement des réticulocytes sontmanuelles ou réalisées par des automates detype cytomètre de flux parfois associé auprocédé de variation d’impédance (Cell Dyn3500, 3700 et 4000 Abbott Diagnostics,S a n t a C l a r a , C A ; B a y e r A d v i a120 hematology system, Bayer / MilesDiagnostics Division, Tarrytown, NY ;Lasercyte, IDEXX).

Les techniques manuelles consistent àréaliser une coloration de l’ARN à l’aide debleu de crésyl brillant ou de nouveau bleu deméthylène (new methylen blue), puis àeffectuer un frottis sanguin classique et à

compter 1 000 hématies au microscope afind’apprécier le nombre de réticulocytes pour1 000 hématies (Fig. 4A). Ce comptage estfastidieux et délicat ; il est effectué enlaboratoire de biologie clinique. [7] Enclinique, on peut également utiliser pourune appréc ia t ion rapide des lamesprécolorées proposées par les laboratoiresWaldeck (Waldeck GmbH & Co, KG,Münster, Germany) sur lesquelles on déposeune petite goutte de sang et qui colorent enquelques minutes les filaments d’ARN desréticulocytes mais également les corps deHeinz, les piroplasmes … (Fig. 4B, C). Pourun résultat d’analyse correct, il est égalementnécessaire de compter 1 000 hématies. Cetest, peu précis, présente l’avantage dediagnostiquer rapidement les cas biencaractéristiques pour lesquels aucunréticulocyte n’est observé, et donc lorsd’anémie non régénérative, ou bien aucontraire lors de réticulocytose massiveassociée à une anémie très fortementrégénérative.

La technique actuellement préconisée enmédecine humaine est l ’ut i l i sa t iond’automate de type cytomètre en flux associéà des fluorochromes spécifiques de l’ARN etde l ’acide désoxyr ibonuclé ique. En

médecine vétérinaire, actuellement plusieursautomates peuvent réaliser ce type d’analyse,avec notamment un appareil adapté auxpraticiens, le Lasercyte (IDEXX, Inc.,Westbrook, ME). Si ces techniquessemblent plus fiables car elles comptent engénéral le nombre de réticulocytes sur10 000 hématies, elles peuvent donner defaux positifs lorsque des parasites (exemple :piroplasmes), des érythroblastes ou deshématies possédant des corps de HowellJolly sont présents en nombre important.Cette haute technologie ne dispense doncpas de la réalisation d’un frottis sanguin.

Quelle que soit la technique utilisée,celle-ci permet d’obtenir le pourcentage deréticulocytes (Tableau 4). Le pourcentage deréticulocytes doit être supérieur à 1,5 %chez le chien et 0,4 % chez le chat pour quel’anémie soit qualifiée de régénérative.

À partir de ce pourcentage, on calcule lenombre absolu de réticulocytes :

Nombre de réticulocytes (nombre/lµ) =pourcentage de réticulocytes

(%) × nombre d’hématies (cellules/µl)Une anémie est considérée comme

régénérative si le nombre de réticulocytes estsupérieur à 60 000 cellules/µl chez le chienet 42 000 cellules/µl chez le chat.

Cependant, le nombre de réticulocytesdevrait être d’autant plus important quel’hématocrite est bas si la moelle réagit defaçon normale. C’est pour cette raison quel’on peut également calculer le taux deréticulocytes corrigé :

Taux de réticulocytes corrigé (%) =pourcentage de réticulocytes

(%) × hématocrite du patient/hématocritenormal

L’hématocrite normal pour le chien estde 45 % et pour le chat de 37 % sil’hématocrite normal du patient n’est pasconnu.

Un taux de réticulocyte corrigé doit êtresupérieur à 1 chez le chien et à 0,4 chez lechat pour qual ifier une anémie derégénérative.

Enfin, il est important de préciser que lesréticulocytes n’apparaissent qu’en 3 à5 jours après la mise en place de l’anémie.Avant ce délai, l’anémie apparaît nonrégénérative puisque les réticulocytes ne sontpas encore présents dans le sang circulant,mais une hyperplasie érythroïde médullaireapparaît rapidement. Ainsi, un prélèvementde moelle peut parfois permettre desuspecter un processus régénératif avantmême de voir apparaître des réticulocytes. [3]

Le diagnostic d’anémie régénérative étantfait, la recherche de sa cause est l’étapesuivante indispensable à un traitementétiologique.

Figure 4 A. Réticulocytes (flèches) (bleu de crésyl brillant) (× 1 000). B. Lame TestsimpletsT. C. Réti-culocytes (flèches) (TestsimpletsT) (× 1 000).

SYNDROME ANÉMIQUE EN HÉMATOPATHOLOGIE — 0100 5

Page 6: HEMATOLOGIE - Syndrome Anémique

CAUSES DES ANÉMIES RÉGÉNÉRATIVES

PAR PERTE SANGUINELes pertes sanguines (Tableau 5) [9]

peuvent être la conséquence de troubles del’hémostase ou de rupture vasculaire externeou interne. [7] Ce sont essentiellement lespertes sanguines aiguës qui conduisent à desanémies régénératives puisque, dans lespertes chroniques, une perte parallèle en ferconduit rapidement à des anémies nonrégénératives. Cependant, dans les premièresphases des pertes chroniques, l’anémie resterégénérative, puis progressivement devientarégénérative. Il convient donc dans larecherche des causes d’anémie régénérativepar fuite sanguine d’inclure les causes depertes aiguës et chroniques. [10]

PAR HYPERHÉMOLYSELes anémies par hyperhémolyse peuvent

être la conséquence d ’une anomalieintrinsèque des hématies, et donc êtrecongénitales ou héréditaires, ou d’uneanomalie acquise (Tableau 6).

Parmi les anomalies héréditaires,plusieurs mécanismes sont impliqués, avecnotamment des anomalies de la membranedes hématies ou bien des anomaliesbiochimiques, avec en particulier des déficitsenzymatiques (Tableau 7). [11]

De nombreuses causes sont à l’originedes hyperhémolyses acquises (Tableau 6) [7] :

– des causes mécaniques appeléesmicroangiopathies, déchirant littéralementles globules rouges ;

– des maladies inflammatoires àmédiation immune et l’hyperhémolysenéonatale ;

– de s ma l ad i e s in f e c t i eu s e s ouparasitaires ;

– des troubles métaboliques et toxiques ;– divers cancers, avec notamment les

hémopathies et plus précisément leslymphomes ;

– lors d’hypersplénisme ; le processus devieillissement des hématies est accéléré eta ins i une hyperhémolyse peut ê t reobservée. [2]

DIAGNOSTIC DES ANÉMIES RÉGÉNÉRATIVES

ANÉMIE PAR HYPERHÉMOLYSE

Diagnostic clinique

Le tableau clinique classique accompa-gnant les hyperhémolyses comprend, en plusdes signes de l’anémie, l’observation possibled ’un ictère, d ’urines foncées, d ’unesplénomégalie et d’une hépatomégalie.D’autres signes cliniques peuvent égalementêtre observés en fonction de la cause. Lorsd’hyperhémolyse d’origine infectieuse parexemple, de la fièvre peut être notée. Nousenvisagerons les tableaux cl iniquesspécifiques dans chacun des paragraphescorrespondant aux différentes causesd’hyperhémolyse.

Diagnostic biologique

Une anémie hémolytique est avant toutune anémie et est donc caractérisée par unebaisse de l’hémoglobinémie, du nombred’hématies et de l’hématocrite. Cette anémiea le plus souvent pour caractéristique d’êtretrès fortement régénérative. En effet, c’estlors d’hyperhémolyse que l’on observe lesplus fortes réponses de la moelle. [5] Ainsi, laproduction par la moelle d’hématies peutêtre multipliée par huit ou dix. Enconséquence, la réticulocytose est trèsimportante et, sur le frottis, anisocytose etpolychromatophilie sont particulièrementmarquées, tandis que le taux de réticulocytesest très élevé. En effet, la perte des hématiesétant liée à une destruction dans l’organismedes hématies, le fer et les protéines ne sontpas perdus et sont recyclés très rapidementdans l’érythropoïèse. [7] Cependant, lorsd’hyperhémolyse chronique, par exemplesecondaire à des maladies héréditaires,l’anémie est souvent progressivement demoins en moins régénérative du fait d’unemyélofibrose et d’une myélosclérose. [2]

Cette anémie, très fortement régéné-rative, est associée à des signes biologiquesde destruction des hématies. Lors d’une

TABLEAU 4. – PARAMÈTRES D’ÉVALUATION DES RÉTICULOCYTES ET LEURS VALEURS AU COURS DESANÉMIES D’INTENSITÉ VARIABLE. [7]

Chien Chat

Taux de réticulocytes (%) Normal 0-1,5 0-0,4

Anémie peu régénérative 1,5-4 0,5-2

Anémie modérément régénérative 5-20 3-4

Anémie fortement régénérative 21-50 > 5

Nombre absolu de réticulocytes agrégées (103/µl) Normal < 60-80 < 15-42

Anémie peu régénérative 80-150 42-70

Anémie modérément régénérative 150-300 70-100

Anémie fortement régénérative > 500 > 200

Taux corrigé de réticulocytes (%) Normal < 1 < 0,4

Anémie régénérative > 1 > 0,4

TABLEAU 5. – CAUSES D’ANÉMIE PAR PERTE SANGUINE. [9]

Pertes sanguines secondaires à unecoagulopathie

Pertes sanguines sans coagulopathie

Atteintes de l’hémostase primaire Traumatisme

Thrombopénies Brûlure

Thrombopath ies (Maladie de vonWillebrand)

Chirurgie

Atteintes de l’hémostase secondaire Ulcères gastro-intestinaux

- Acquises Parasitisme digestif

Intoxications par les anticoagulants Parasitisme externe intense (tiques,puces)

Hépatopathies Entéropathie

- Congénitales Tumeurs externes ou intracavitaires

Hémophilie … Épistaxis

Atteintes complexes Hémoptysie

Coagulation intravasculaire disséminée Hémothorax, hémopéritoine

Hématémèse, méléna

BIOLOGIE CLINIQUE 01006

Page 7: HEMATOLOGIE - Syndrome Anémique

hyperhémolyse extravasculaire, c’est-à-direse produisant dans les organes hématopoïé-tiques comme la moelle osseuse, le foie etsurtout la rate, il y a libération excessive debi l i rubine , e t en conséquence unehyperbilirubinémie et une hyperbilirubi-n u r i e . L o r s d ’ u n e h y p e r h é m o l y s eintravasculaire, l’hémoglobine est libéréedans le courant circulatoire et il y a donchémoglobinémie et hémoglobinuriecaractérisées par une positivité de la plageperoxydasique des bandelettes urinaires. Leshématies détruites peuvent se fragmenter etlibérer des morceaux de membranescytoplasmiques à l’origine d’une activationde la coagulation ; ainsi apparaissent dess ignes c l in iques de la coagu la t ionintravasculaire disséminée (CIVD) avecsyndrome hémorragique, thrombose, et dessignes biologiques avec modification destemps d ’hémostase et thrombopénienotamment. [2]

CAUSES D’ANÉMIE PAR HYPERHÉMOLYSE

Hyperhémolyses secondaires à unemicroangiopathie (Tableau 6)

Lors de modification de structure desvaisseaux, les hématies peuvent subir deschocs mécaniques à l ’origine d ’une

fragmentation et d’une modification de leurforme, avec pour conséquence leurdestruction prématurée. La première étapepermettant de suspecter une telle cause estl’observation du frottis sanguin afin de noterla présence de ces hématies abîmées.

On peut ainsi noter la présence d’unepoïkilocytose, c’est-à-dire une variabilité dela forme des hématies. Cette poïkilocytoserésulte de la présence de kératocytes,hématies cornues, de schizocytes, fragmentsd’hématies, et d’acanthocytes (hématiesbourgeonnantes) (Fig. 5A, B, C, D) [5, 7]

(Tableau 8).La deuxième étape consiste à connaître

les causes de microangiopathie et à lesrechercher, comme par exemple à identifierun hémangiosarcome ou une CIVD par lesexamens complémentaires adéquats.

Anémies hémolytiques à médiation immuneLes anémies hémolytiques à médiation

immune peuvent être subdivisées en deuxcatégories principales ; les anémieshémolytiques primaires, ou idiopathiques,ou au to - immune s , e t l e s an émie shémolytiques secondaires ou à médiationimmune. Dans les premières, les anticorpssont directement dirigés contre les hématiestandis que, dans les secondes, les anticorps

sont dirigés contre des antigènes déposés à lasurface des hématies. [ 9 ] Les formessecondaires sont dues à des médicaments etvaccinations, des maladies infectieuses, destumeurs. On peut également placer danscette catégorie les accidents lors detransfusion ou les accidents hémolytiquesdes nouveau-nés. Chez les chatons degroupe A ou AB issus d’une mère de groupeB, la mère possède des alloanticorps dirigéscontre les hématies de groupe A. L’accidenthémolytique survient lors de la prise decolostrum par le nouveau-né car lesanticorps sont capables à cet âge de passer labarrière intestinale et vont induire unehémolyse des hématies du chaton [12]

(Fig. 6). Enfin, lors d ’envenimationophidienne, des hémagglutinines présentesdans la salive de serpents peuvent produiredes hyperhémolyses massives intra-vasculaires.

Chez le chien, l’anémie hémolytique àmédiation immune est le plus souventprimaire tandis que, chez le chat, elle est leplus souvent secondaire. Dans les formesprimaires, les animaux affectés sont jeunesou d ’ âge moyen. Les races le p lusfréquemment atteintes dans l’espèce caninesont présentées dans le Tableau 9. [13] Chez

TABLEAU 6. – Causes d’anémie par hyperhémolyse (excepté les anomalies héréditaires). [9]

Vasculaires Microangiopathies

- Hémangiosarcomes

- Coagulation intravasculaire disséminée

- Vasculites

- Parasites cardiaques (dirofilarioses)

- Syndrome urémique

Inflammatoires Non infectieuses

- Anémies hémolytiques auto-immunes

- Anémies hémolytiques à médiation immune :

post-transfusions, néonatales

infectieuses (virus leucémogène félin)

médicamenteuses (céphalosporines, pénicilline, lévamisol)

idiopathiques

néoplasiques

Infectieuses

- Babesia canis …

- Mycoplasma haemofelis, M. haemopetitum, M. haemocanis

- Bactéries : leptospirose, clostridiose

Métaboliques et toxiques Métaboliques

- Hypophosphatémie

- Fluidothérapie (fluides hypotoniques)

Toxiques

Oxydants (oignons, ail, propylène glycol, bleu de méthylène, vitamine K, naphtaline, zinc et cuivre,phénotiaziques, propofol, benzocaïne, phénazopyridine, sulfonamides, dipyrone, héparine …)

Néoplasiques Hémopathies malignes (lymphomes …)

SYNDROME ANÉMIQUE EN HÉMATOPATHOLOGIE — 0100 7

Page 8: HEMATOLOGIE - Syndrome Anémique

le chien, ce sont les femelles non castrées quisont le plus souvent affectées tandis que,chez le chat, ce sont plutôt des mâles. [10]

Dans les formes secondaires, on retrouve desanimaux de toute race et de tout âge enfonction de la cause primaire. Ainsi, dans le

diagnostic de ces maladies, le premierélément à prendre en compte est le contexteépidémiologique associé au recueil précis descommémoratifs, comme par exemple la dateexacte du dernier vaccin ou les traitementsmédicaux en cours.

Les anémies hémolytiques à médiationimmune peuvent se traduire cliniquement,en plus des symptômes précédemment cités,par de la fièvre ou d’autres manifestations demaladies à médiation immune, comme parexemple du purpura thrombocytopénique

TABLEAU 7. – CAUSES D’ANÉMIE PAR HYPERHÉMOLYSE D’ORIGINE HÉRÉDITAIRE. [11]

Anomalies Races Mode detransmission

Tableau clinique

Déficit en pyruvate kinase Chiens : basenji, beagle, westhighland white terrier, cairn terrier,can iche na in , tecke l , ca r l i n ,chihuahua

AR Anémie hémolytique, myélofibrose,myélosclérose

Chats : abyssin, somal i , chatdomestique.

AR Anémie hémolytique intermittente,splénomégalie

Déficit en phosphofructokinase English springer spaniel, cockerspaniel, croisé

AR Crises hémolytiques, myopathies

Porphyries Chats : siamois, chats domestiques AD et AR Coloration des dents et des urines,photosensibilisation et anémiesdans certains cas

Stomatocytose Alaskan malamute AR C h o n d ro d y s p l a s i e c h e z l emalamuteSchnauzer nain

Augmentation de la fragilitéosmotique

Chien : english springer spaniel,croisé

I Augmentation de la fragilité deshématies, intolérance à l’exercice,anémies intermittentes, splénomé-galieCha t : abyss in , soma l i , cha t

domestique

Hémolyse dépourvue desphérocytose

Beagle AR Anémie légère

Poïkilocytose Chats domestiques AR Poïkilocytose, anémies sévères

Elliptocytose Chiens croisés I Elliptocytes, pas d’anémie

Microcytose familiale Akita I IDR élevé, pas d’anémie

Macrocytose familialeet dysérythropoïése

Caniche nain et toy I Macrocytose, pas d’anémie

AD : autosomique dominant ; AR : autosomique récessif ; I : indéterminé.

Figure 5 A. Kératocyte (flèche) (May Grünwald-Giemsa) (× 1 000). B. Schizocyte (flèche) (May Grünwald-Giemsa) (× 1 000). C, D. Acanthocyte (flèches)(May Grünwald-Giemsa) (× 1 000). E. Sphérocyte (flèches) (May Grünwald-Giemsa) (× 1 000). F. Eccentrocyte (flèche) (May Grünwald-Giemsa) (× 1 000).

BIOLOGIE CLINIQUE 01008

Page 9: HEMATOLOGIE - Syndrome Anémique

ou encore par des manifestations liées à lamaladie causale. Un examen cliniqueattentif peut ainsi permettre de suspecter unlymphome. Une forme part icul ièred’anémie hémolytique à médiation immuneest la maladie des agglutinines froides danslaquelle des immunoglobulines (Ig) Mpeuvent induire l’agglutination des hématiesdans les capillaires des extrémités (queue,oreilles, doigts) où la température corporelleest basse et proche de 30 °C. Les capillairesainsi bouchés provoquent des nécrosesischémiques des extrémités (Tableau 10).

Les examens biologiques sont cependantnécessaires pour confirmer l ’anémiehémolytique à médiation immune, avec

B

A

A ou ABA ou AB

A

AA A

A

Chatte

Chaton

Hématies A

Colostrum

Agglutininesanti-A

Hémolyse et agglutinationnéonatale

Figure 6 Principe del’érythrolyse néonatale.

TABLEAU 8. – MODIFICATIONS MORPHOLOGIQUES DES HÉMATIES ET LEURS CAUSES. [5]

Nom Aspect morphologique Causes

Sphérocytes Hématie plus petite et plus dense Anémies hémolytiques à médiation immune

Transfusion

Anémie hémolytique d’origine infectieuse

Sphérocytose héréditaire

Anémie hémolytique toxique par le zinc

Anémie hémoly t ique par enven imat ionophidienne

Kératocytes et schizocytes Kératocytes : hématies dont un morceau est partiet laisse la place à deux cornes

CIVD

Hémangiosarcome

Dirofilariose

Insuffisance cardiaque

Glomérulonéphrites

Myélofibrose

Schizocytes : fragment d’hématie qui s’estdétaché du kératocyte

Intoxication chronique à l’adriblastine

Acanthocytes Hématie ayant à sa périphérie une ou desproliférations dites en «doigt de gant »

CIVD

Hémangiosarcome

Shunt portocave

Maladies hépatiques chroniques

Lymphomes malins

Glomérulonéphrites

Echinocytes Hématies avec des spicules pointus à leurpériphérie évoquant un oursin

Artefact lié à un mauvais séchage du frottis avantcoloration

Corps de Heinz Hématie ayant à sa périphérie une protubéranceavec une zone plus claire du cytoplasme auniveau et sous la protubérance

Oxydants

Chez le chat :

- diabète sucré,

- hyperthyroïdie

- lymphome

Eccentrocytes Hématies dont une zone de cytoplasme situéesous la membrane est totalement décolorée

Oxydants

Cellules cibles, annulocytes Cellules cibles : hématies dont la répartition de lacouleur évoque une cible

Déficit en fer

Annulocytes : hématies avec une pâleur centraleoccupant toute l’hématie

Inflammations

CIVD : coagulation intravasculaire disséminée.

SYNDROME ANÉMIQUE EN HÉMATOPATHOLOGIE — 0100 9

Page 10: HEMATOLOGIE - Syndrome Anémique

notamment la recherche d’une sphérocytosesur le frottis sanguin (Fig. 5E), d’uneagglutination des hématies sur lame, larecherche d’anticorps dirigés directement ouindirectement contre les hématies.

Les sphérocytes sont des hématies, qui,possédant des Ig à leur surface, ont été« nettoyées » par les macrophages. Ce« nettoyage » conduit à une modification deforme des hématies qui deviennent plusrigides et perdent leur forme biconcave pourdevenir sphériques. Ainsi, sur un frottissanguin, on peut observer plusieurspopulations d’hématies : de jeunes hématiesvolumineuses et bleutées, des hématiesnormales avec une pâleur centrale et de pluspetites hématies, plus denses et sans pâleurcentrale, les sphérocytes (Tableau 8)(Fig. 5E). Il peut y avoir plus de 50 % desphérocytes dans certains cas. [5, 12, 13] Chez lechat, dont les hématies sont petites et sanspâ leur centrale, la sphérocytose estimpossible à distinguer.

Lorsque les hématies sont recouvertesd’un grand nombre d’Ig et en particulier pardes IgM pentamériques, l’autoagglutinationdes hématies peut être observée et aider audiagnostic. D’une part, les agglutinats sontprésents et visibles sur le frottis sanguin.D’autre part, un rapide test d’agglutinationsur lame peut permettre de faire la différenceentre autoagglutination vraie et formation

de rouleaux d’hématies consécutifs à unsyndrome inflammatoire. Il suffit de déposerune goutte de sang sur une lame, de l’étalergrossièrement sur une petite surface etd’observer la formation de gros pointsrouges mélangés au plasma plus clair. Si desamas d’hématies se forment, une goutte dechlorure de sodium isotonique est mélangéeà la goutte de sang. Les amas disparaissentdéfinitivement lorsqu’il s’agit de rouleauxalors qu’ils se reforment lors d’autoaggluti-nation vraie (Fig. 7, 8). [12]

Le test de Coombs est le test le plusfréquemment utilisé pour mettre enévidence la présence d’Ig (IgG ou IgM)et/ou de fragments du complément à lasurface des hématies bien qu’il soit àl’origine de faux négatifs. Il existe un testdirect et un test indirect (Fig. 9). Le test deCoombs direct consiste à rechercher sur dusang prélevé sur EDTA la présence d’Ig et decompléments sur les hématies, tandis que letest indirect consiste à rechercher la présenced’Ig dirigées directement contre les hématiesdans le sérum du patient malade. Des testsutil isant la technique enzyme-linkedimmunosorbent assay ou la cytométrie de fluxsemblent beaucoup plus sensibles que le testde Coombs, mais ne sont pas encore utilisésen routine. [12]

Enfin, de façon non spécifique, il estfréquent d’observer une leucocytose et une

thrombopénie lors d’anémie hémolytique àmédiation immune. La leucocytose estparfois si élevée que l’on parle de « réponseleucémoïde ». La thrombopénie concomi-tante parfois observée peut résulter d’unmécanisme à médiation immune, maiségalement d’une CIVD nécessitant laréalisation d’un bilan d’hémostase pour laconfirmer.

La recherche de la cause de l’anémiehémoly t ique à méd ia t ion immunesecondaire est indispensable pour untraitement efficace. Ainsi, lorsque le contexteépidémiologique n’est pas en faveur d’une

TABLEAU 9. – RACES PRÉDISPOSÉES AUX ANÉMIES HÉMOLYTIQUESÀ MÉDIATION IMMUNE. [13]

Races Sexe Âge

Cocker spaniel Femelles Jeunes adultes ou adultes

Cocker américain

Caniche

Whippet

Colley

Munsterlander

Bobtail

Berger allemand

Setter irlandais

TABLEAU 10. – MÉCANISMES DES DIFFÉRENTS TYPES D’ANÉMIE HÉMOLYTIQUE À MÉDIATION IMMUNE. [12]

Différents types d’anémie hémolytiques Mécanismes physiopathogéniques

Agglutination (fort taux d’anticorps) Hémolyse extravasculaire sévère aiguë

Hémolyse intravasculaire (fort taux d’anticorps et de compléments) Hémolyse intravasculaire sévère et aiguë

Anticorps incomplet Hémolyse extravasculaire sans agglutination, d’évolutionsubaiguë à chronique et d’intensité modérée

Agglutinines froides Agglutination au niveau des extrémités seulement avecnécrose ischémique des oreilles, de la queue et desextrémités

Maladie hémolytique sans agglutination (agglutinines froides) Hémolyse à basse température uniquement survenant auniveau des extrémités

Associée à une hémoglobinémie et hémoglobinurie

A

B

C

D

NaCI

Figure 7 Principe du test d’agglutination.A. Dé-poser une goutte de sang et la mélanger par simplerotation. B. Observer la formation d’agglutinats. C.Ajouter une goutte de chlorure de sodium (NaCl) iso-tonique et la mélanger par simple rotation. D. Obser-ver de nouveau la formation d’agglutinats.

Figure 8 Test positif d’agglutination sur lame.

BIOLOGIE CLINIQUE 010010

Page 11: HEMATOLOGIE - Syndrome Anémique

forme primaire, lorsque les commémoratifsne permettent pas d’identifier la cause d’uneforme secondaire, ou systématiquementchez le chat, la recherche d’une maladieinfectieuse ou d’un processus cancéreux doitêtre effectuée.

Anémies hémolytiques d’origine infectieuseChez le chat, on retrouve principalement

le virus leucémogène fé l in (FeLV),Mycoplasma haemofelis et Mycoplasmahaemominutum anciennement dénomméesHaemobartonella felis [4, 14, 15].

Chez le chien, les principaux agentsinfectieux incriminés sont Babesia canis,agent de la piroplasmose, et Mycoplasmahaemocanis chez les chiens splénectomisés ouimmunodépr imé s . L ’ehr l ichiose , laleishmaniose et la dirofilariose sont troism a l a d i e s d a n s l e s q u e l l e s o n p e u toccasionnellement observer des hyperhémo-lyses. Enfin, dans certaines maladiesbactér iennes comme la leptospirosenotamment et les infections à Clostridiumperfringens, des accidents hémolytiques sontégalement possibles [16] mais ont été décritsdans d’autres espèces que le chien.

Le tableau clinique de ces maladieshémolytiques infectieuses est très proche decelui des anémies hémolytiques à médiationimmune. En effet, le mécanisme physiopa-thogénique de ces maladies est en grandepartie commun, avec notamment laformation d’anticorps et de complément sedéposant à la surface des hématies. [6] Letableau clinique des formes compliquées depiroplasmose peut être très varié etca r ac té r i sé , en p lu s de s s i gne s del ’hyperhémolyse, par des symptômesnerveux et respiratoires, secondaires à uneinsuffisance rénale notamment. [17]

Le tableau hématologique de cesmaladies infectieuses est proche de celui desanémies hémolytiques à médiation immune.Cependant, dans la piroplasmose, on peutégalement fréquemment observer unethrombopénie et une leucopénie modéréeou une leucocytose avec la présence delymphocytes à grains sur le frottis. D’autrepart, les agents infectieux Mycoplasmahaemofelis et haemominutum, Babesia canis,peuvent être recherchés sur frottis sanguin.Si les mycoplasmes sont difficiles à observer

parce qu’ils sont petits, situés en périphériedes hématies, mais aussi pas toujoursprésents, les piroplasmes sont quant à euxbeaucoup plus faciles à déceler car plus gros,situés dans les hématies et plus fréquents(Fig. 10). [4, 18]

Pour ces raisons, il peut être nécessaired’avoir recours à des examens de laboratoireplus spécialisés, avec notamment larecherche des M. haemofelis et haemomi-nutum par polymerase chain reaction pourconfirmer le diagnostic. Il est important denoter que, dans ces hyperhémolysesd’origine infectieuse, le test de Coombs estfréquemment positif. [18]

Anémies hémolytiques secondaires à des anomaliesmembranaires ou enzymatiques

Le contexte épidémiologique (race, âge)permet de suspec te r ce s aff ec t ionshéréditaires (Tableau 7). L’observation dufrottis sanguin est un élément important dudiagnostic dans les anomalies membranaires.En effet, la stomatocytose de l’alaskanmalamute et du schnauzer nain estcaractérisée par la présence d’un nombrevariable de stomatocytes, hématies de grosvolume dont la pâleur centrale est de formel i n é a i r e ( T a b l e a u 8 ) . L e s d é fi c i t senzymatiques en pyruvate kinase setraduisent également par une anomaliemorphologique des hématies et l’observationsur le frottis de sphéroéchinocytes. Unecartographie génomique permet undiagnostic de certitude. Pour cela, il suffitd’envoyer des prélèvements biologiques(sang, salive …) au laboratoire PennGen del’Université de médecine vétérinaire dePennsy l v an i e . Le s r en s e i gnement sconcernant les possibilités diagnostiques,leur prix et le prélèvement à effectuer sont

+

GR

Épitopechien ou chat

GR du maladeRéactif de Coombs(anticorps anti-lg

de chien ou de chat)

Agglutination

Test positif

A

++GR d'un chien sainSérum du chien malade Réactif de Coombs

(anticorps anti-lgde chien ou de chat)

Agglutination

Test positif

Ig anti-GRde chien

B

Figure 9 Principe du test de Coombs direct (A) et indirect (exemple : chien) (B).

Figure 10 A. Hématies et Mycoplasma hae-mofelis ou haemopetitum (flèches) (MayGrünwald-Giemsa) (× 1 000). B. Hématies et Babe-sia canis (May Grünwald-Giemsa) (× 1 000).

SYNDROME ANÉMIQUE EN HÉMATOPATHOLOGIE — 0100 11

Page 12: HEMATOLOGIE - Syndrome Anémique

disponibles sur le site de l’Université(http://www.vet.upenn.edu) chapitre« Faculty & departments » , sect ion« Clinical Studies ; Philadelphy » et sous-section « Medical genetics ».

Anémies hémolytiques secondaires à des troublesmétaboliques

Les hypophosphatémies peuventprovoquer des hyperhémolyses d’origineosmotique. Ces hypophosphatémies sontparticulièrement fréquentes lors dutraitement du diabète sucré dans sa formecompliquée acidocétosique. En effet, lors dela correction de l’acidose liée à l’accumu-l a t i o n d e s c o r p s c é t o n i q u e s p a rl’insulinothérapie et la fluidothérapie, lesions phosphates et les ions potassium vontdu secteur extracellulaire circulatoire vers lemilieu intracellulaire, provoquant ainsi unehypophosphatémie parfois sévère (inférieureà 0,15 mg/l) et en conséquence une anémiehémolyt ique . Le diagnost ic de ceshyperhémolyses passe donc par la mesure dela phosphatémie, notamment lorsqu’undiabé t ique ne semble pas répondrecorrectement au traitement mis en place.

Des hyperhémolyses d’origine osmotiquepeuvent également être observées lors d’unefluidothérapie hypotonique trop sévère.

Anémies hémolytiques secondairesà des intoxications

Le chat est très sensible à tous lesoxydants. [19] En effet, la chaîne alpha del’hémoglobine du chat possède quatrecystéines et deux méthionines, acides aminéstrès sensibles à l’oxydation, tandis que lechien ne possède que deux cystéines. Ainsi,le chat est plus sensible que le chien auxoxydants, même si dans les deux espèces desaccidents hémolytiques secondaires à desmécanismes oxydatifs peuvent survenir.L ’oxydat ion de la cha îne alpha del’hémoglobine, mais également du fer del’hème, conduit à la formation de corps deHeinz et de méthémoglobine. Les hématiesainsi modifiées ont un temps de demi-viebeaucoup plus court et sont détruites par lesmacrophages ou par un mécanisme àmédiation immune. Le diagnostic de cesintoxications va être facilité par la mise enévidence sur le frottis sanguin de corps deHeinz, mais également d’eccentrocytes(Tableau 8) (Fig. 5F). Les corps de Heinzsont visibles avec une coloration classique auMay Grünwald-Giemsa ou à l’aide decolorants rapides (Fig. 11A) et apparaissentsous la forme de petites protubérancesprésentes à la périphérie des hématies. Lescorps de Heinz sont plus faciles à identifieraprès coloration au nouveau bleu deméthylène ou au bleu de crésyl brillantpuisqu’ils prennent une coloration foncée etse distinguent donc du reste de l’hématie qui

est claire (Fig. 11B). Les eccentrocytes sontdes hématies dont une zone de cytoplasmesituée sous la membrane est totalementdécolorée et s’observent lors de colorationusuelle (Fig. 5F).

Il est important de noter que, chez lechat, les intoxications ne sont pas les seulescauses de formation de corps de Heinz. Ilspeuvent s’observer lors de diabète sucré,d ’hyper thyro ïdie e t de lymphome,notamment sans produire systématiquementd’accident hémolytique. [2, 20]

L’identification de l’oxydant en causepasse par une analyse attentive descommémoratifs, avec notamment desquestions précises sur l’alimentation del’animal (petits pots pour bébé riches enpoudre d’oignons, oignons, ail, alimentshumide s pour cha t contenant de sconservateurs) et ses éventuels traitements.

Anémies hémolytiques secondaires à des maladiescancéreuses

Les hémopathies malignes peuvent êtreassociées à des anémies hémolytiques àmédiation immune. Le diagnostic delymphome et de leucémie est clinique etbiologique, avec prélèvement de nœudslymphatiques, de moelle osseuse etobservation de cellules anormales sur le

frottis sanguin [13] (Fig. 12). L’hémangio-sarcome est également fréquemment associéà des hyperhémolyses, mais le mécanismeimpliqué est une fragmentation deshématies avec en conséquence un temps dedemi-vie plus court. D’autres maladiescancéreuses associées à une hyperhémolysesont sporadiquement décrites dans lalittérature, mais le mécanisme est rarementétudié.

ANÉMIE PAR PERTE SANGUINE

Diagnostic clinique

Les anémies par perte sanguine peuventêtre régénératives ou non régénératives.Lorsque la perte est aiguë, c’est-à-dire qu’elleapparaît en quelques minutes à quelquesheures, l’anémie est régénérative. Lorsque laperte est chronique et évolue sur plusieurssemaines à plusieurs mois, l’anémie est nonrégénérative. Cependant, dans la premièrephase des pertes sanguines, l’anémie estrégénérative, puis progressivement devient

Figure 11 A. Corps de Heinz (flèches) (MayGrünwald-Giemsa) (× 1 000). B. Corps de Heinz(flèche) (TestsimpletsT) (× 1 000).

Figure 12 A. Lymphome ganglionnaire : surfond hémorragique, présence d’une populationhomogène anormale de lymphoblastes (MayGrünwald-Giemsa) (× 1 000). B. Frottis du sangpériphérique du même animal : lymphome leucé-mique caractérisé par la présence de celluleslymphoblastiques sur le frottis sanguin (MayGrünwald-Giemsa) (× 1 000).

BIOLOGIE CLINIQUE 010012

Page 13: HEMATOLOGIE - Syndrome Anémique

non régénérative. Nous n’envisagerons dansce paragraphe que les anémies par pertesanguine aiguë.

Les causes sont variées (Tableau 5) etpeuvent être répertoriées selon deux types declassification. La première classification estclinique et consiste à différencier leshémorragies internes ou intracavitaires, et leshémorragies externes . La deuxièmeclassification est biologique et distingue lespertes sanguines secondaires ou non à untrouble de l’hémostase.

Lors de la mise en évidence d’uneanémie, la recherche de saignementsexternes est la première étape de l’examenclinique et doit prendre en compte des fuitespar la peau, les muqueuses, les voiesrespiratoires, les tractus urinaire et digestif.Puis, la deuxième étape est la recherched ’ épanchement s in t r acav i t a i r e s oud’hématomes internes, avec notamment dela dyspnée lors d’épanchement thoraciqueou une distens ion abdominale lorsd’épanchement abdominal. En l’absence decommémoratifs ou de signes cliniquesévoquant un traumatisme, et en présence deplusieurs sites de fuite sanguine, un troublede l’hémostase doit être immédiatementsuspecté.

Les hémorragies internes sont à classer àpart dans la mesure où elles peuventcliniquement se comporter comme uneanémie hémolytique. En effet, les hématiesaccumulées dans l’organisme sont détruitespar les macrophages avec libération debilirubine éventuellement associée à unictère et à une hypertrophie de la rate. [5] Lamise en évidence d’hémorragies internes oud’épanchements est une étape clinique clédans le diagnostic étiologique de ce typed ’anémie particulièrement « piège » .L’imagerie est souvent nécessaire pourcompléter l ’examen clinique et peutpermettre d’identifier des hémorragiesinternes, mais également leur cause, commepar exemple des ruptures d’organes ou destumeurs qui saignent dans les grandescavités.

Lors de per te s sanguines a iguë satteignant 30 à 40 % du volume sanguin(84 ml/kg chez le chien et 64 ml/kg chez lechat en moyenne), l’animal est en chochypovolémique et la mort survient si la perteatteint ou dépasse 50 %. Il est important desouligner que, dans de telles situations, lesanimaux sont présentés en consultation trèspeu de temps après l’accident ayant induitcette perte sanguine et que le bilan sanguinne permet pas d’identifier l’anémie puisquel’ensemble des constituants sanguins estperdu en même temps. En revanche, onpeut noter cliniquement le choc hypovolé-mique avec tachycardie, pouls filant et chutede la pression artérielle.

Diagnostic biologique

Le b i l an d ’h émos t a s e do i t ê t r esystématique puisque les intoxications auxanticoagulants sont l’une des premièrescauses de ce type d’anémie.

Lors de perte sanguine aiguë, l’hémato-crite baisse 12 à 14 heures après l’accident etcontinue à baisser avec un minimumobservé après 2 à 3 jours. Il remonte ensuiteprogressivement jusqu’à retourner à desvaleurs normales en 2 à 4 semaines. [9] Laprotidémie diminue parallè lement àl’hématocrite, puis remonte dès le deuxièmeou troisième jour pour atteindre une valeurnormale en 5 à 7 jours. [2, 9] Immédiatementaprès la perte sanguine, une thrombopéniemodérée peut être observée, suivie trèsr a p i d e m e n t d ’ u n e t h r o m b o c y t o s eréactionnelle. Trois jours après l’accident, letableau biologique classique est l’observationd ’une anémie avec ré t i cu locy to se ,thrombocytose, leucocytose modérée ethypoprotidémie. [9]

ANÉMIE NON RÉGÉNÉRATIVE

Une anémie non régénérative estcaractérisée par l’absence sur le frottissanguin d’anisocytose et polychromato-philie, et par l’absence de réticulocytes ouplus exactement par un nombre insuffisantde réticulocytes (pourcentage, nombreabsolu ou taux corrigé). Il est cependantimportant de vérifier ce résultat. En effet,lors d’anémie aiguë, la réticulocytose n’estpas immédiate et s’observe après 2 à 4 jourspour être maximale après 8 jours. [9] Ainsi,avant de conclure, deux contrôles dunombre de réticulocytes doivent êtreeffectués à 3 ou 5 jours d’intervalle.

Une anémie non régénérative estcaractérisée par une moelle osseuse incapabled’assurer une myélopoïèse suffisante et/ouefficace.

CLASSIFICATION DES DIFFÉRENTES ANÉMIESNON RÉGÉNÉRATIVES

PARAMÈTRES DE L’HÉMOGRAMME ET FROTTISSANGUIN

Les paramètres donnés par les automatesd’hématologie sont très intéressants dans leclassement des anémies non régénératives. Ile x i s t e t r o i s t y p e s d ’ a n é m i e s n o nrégénératives :

– les anémies microcytaires hypo-chromes (dont le VGM et la CCMH deshématies est inférieur à l’intervalle desvaleurs usuelles pour l’espèce) ;

– les anémies normocytaires normo-chromes (dont le VGM et la CCMHappartiennent à l’intervalle des valeursusuelles pour l’espèce) ;

– les anémies macrocytaires sansréticulocytose (dont le VGM est supérieur àl’intervalle des valeurs usuelles).

Les anémies microcytaires hypochromessont caractéristiques sur un frottis sanguin(Fig. 13). En effet, les hématies cibles et lesannulocytes (hématies avec une pâleurs’étendant à toute l’hématie) peuvent êtretrès nombreux et plus ou moins associés àune polychromatophilie. Les hématies sonta lors f rag i le s e t ont tendance à l afragmentation, avec en conséquencepoïkylocytose, schizocytose. La thrombo-cytose est également présente.

MYÉLOGRAMME

Dans ce type d’anémie, le myélogrammeest toujours modifié et apporte donc desinformations dans la démarche diagnos-tique. [1, 21] Les laboratoires d’analysevétérinaires fournissent les paramètressuivants (Tableau 11) : [22]

– la richesse du prélèvement ;– la r ichesse en mégacaryocytes,

précurseurs des plaquettes ;– le rapport M/E, soit la somme des

cellules de la lignée blanche dite myéloïdesur la somme de la lignée rouge diteérythroïde ;

– les index de maturation érythroïdes(IME) et myéloïdes (IMM), correspondant

Figure 13 Anémie microcytaire avec cellules cibles (flèches horizontales) et annulocytes (flèche ver-ticale) (May Grünwald-Giemsa) (× 1 000).

SYNDROME ANÉMIQUE EN HÉMATOPATHOLOGIE — 0100 13

Page 14: HEMATOLOGIE - Syndrome Anémique

pour chacune des lignées à la somme descellules en prolifération sur la somme des

cellules en maturation, qui sont rarementmentionnés ;

– l’observation de cellules anormales oudes anomalies de morphologie des cellulesconstituant les différentes lignées.

CAUSES DES ANÉMIES NON RÉGÉNÉRATIVESNORMOCYTAIRES NORMOCHROMES(TABLEAU 12)

Pour aboutir à la formation d’hématies,la moelle doit posséder les outils nécessairesà leur synthèse. Pour l’illustrer, citons lescellules souches, les cytokines stimulant ladivis ion des ce l lules souches , dontl ’érythropoïétine par exemple, et unmicroenvironnement favorable fournissantde l’oxygène, des nutriments, du fer et desacides aminés. Lors d’anémie normocytairenormochrome, les cytokines peuvent être enquantité insuffisante, les cellules précurseurssont absentes ou se multiplient de façonanormale.

Les causes principales d’absence ou dedéficit en cytokines sont l’insuffisance rénalechronique, les endocrinopathies et lesmaladies inflammatoires chroniques.

L’absence de précurseurs peut toucherexclusivement la lignée rouge ou l’ensembledes lignées avec comme conséquenceévidente une leucopénie et une thrombo-pénie associée à l’anémie. Les précurseurspeuvent être présents mais subir un défautde maturation et la moelle peut donc êtremyélodysplasique, c’est-à-dire constituée decellules ne suivant pas un schéma dematuration normal.

Les atteintes spécifiques des précurseursde la l ignée rouge peuvent ê t re laconséquence du FeLV chez le chat, de

TABLEAU 12. – CAUSES D’ANÉMIES NON RÉGÉNÉRATIVES. [11]

Myélopoïèse insuffisante Myélopoïèse anormale

Déficit en érythropoïétine et autres cytokines Défaut de maturation cytoplasmique

- Insuffisance rénale Déficit de synthèse de l’hémoglobine

- Endocr inopath ies (hypocor t ic isme, hypothyro ïdie,hypopituitarisme, hypoandrogénisme)

- Déficit en fer

- Inflammations chroniques - Déficit en cuivre

- Tumeurs - Déficit en vitamine B6

- Maladies hépatiques - Intoxication par le plomb et le chloramphénicol

Atteinte des précurseurs - Porphyrie chez le chat

- Inflammatoire non infectieuse à médiation immune (anémiehémolytique à médiation immune dirigée contre les précurseurs)

- Inflammation chronique (rare)

- Inflammatoire infectieux (virus leucémogène félin, parvovirose,ehrlichiose)

Anomalies de synthèse des acides nucléiques

- Toxiques (phénylbutazone, triméthoprime-sulfaméthoxazole,œst rogène, radia t ion, ant icancé reux, gr iséofu lv ine,chloramphénicol)

- Déficit en vitamine B12 et folates chez le schnauzer géant

- Myélophtisie secondaire à une myélofibrose - Myélodysplasies

- Myélophtisie secondaire à un envahissement médullaire pardes cellules cancéreuses (hémopathies, métastases)

- Virus leucémogène félin

- Hémopathies ou syndromes myéloprolifératifs

TABLEAU 11. – RÉSULTATS CHIFFRÉS DU MYÉLOGRAMME CHEZ LECHIEN. [22]

Lignée érythroïde

Proérythroblaste 0,5-2

Érythroblaste basophile 5-10

Érythroblaste polychromatophile 5-19

Érythroblaste éosinophile 12-20

Lignée myéloïde

Myéloblaste 0,5-2

Promyélocytes 0,5-2

Myélocyte neutrophile 1-5

Métamyélocyte neutrophile 14-24

Band cell neutrophile

Granulocyte neutrophile 10-25

Myélocyte éosinophile 0,5-2

Métamyélocyte éosinophile

Band cell éosinophile -

Granulocyte éosinophile 0,5-2

Granulocyte basophile -

Rapport M/E 1-2

Autres cellules

Lymphocytes 10-20

Plasmocytes 0,5-2

Monocytes -

Macrophages -

Cellules non identifiées -

Richesse en mégacaryocytes + à +++

BIOLOGIE CLINIQUE 010014

Page 15: HEMATOLOGIE - Syndrome Anémique

mécanisme à médiation immune non pasdirigé contre les hématies mais uniquementcontre les précurseurs des hématies etp e u v e n t e n fi n ê t r e d ’ o r i g i n emédicamenteuse.

Dans les atteintes de toutes les lignées(rouge, blanche et plaquettaire), la moellepeut être aplasique et donc très pauvre ence l lu le s . Les causes sont tox iques ,médicamenteuses et infectieuses avec leFeLV chez le chat, la parvovirose chez lechien et le chat, l’ehrlichiose chez le chien.La moelle peut également être remplacée parun autre tissu comme le tissu conjonctif(fibrose) ou par des cellules cancéreuses ; onparle alors de myélophtisie.

Les myé lodysplasies peuvent êtresecondaires ou primaires (Tableau 13). [23]

Chez le chien, les causes secondairesidentifiées sont le lymphome, la myélofi-brose, la thrombopénie et l’anémie àmédiation immune, le myélome multiple etles médicaments ou produits chimiques.Chez le chat, c’est le FeLV qui est leprincipal responsable des myélodysplasies.Les myélodysplasies peuvent évoluer enleucémies.

DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE DES ANÉMIESNON RÉGÉNÉRATIVES NORMOCYTAIRESNORMOCHROMES

DIAGNOSTIC CLINIQUE

Les commémoratifs et l’examen cliniquesont des étapes clés dans le diagnostic desanémies secondaires à une insuffisancerénale ou aux endocrinopathies. Pour lesautres causes identifiées, aucun tableauclinique spécifique n’est évocateur.

DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE

Les résultats de l ’hémogramme etl’examen du frottis sanguin vont permettreune première classification. En effet, dansune insuffisance rénale ou une endocrino-pathie, l’anémie est souvent modérée etdemeure le plus souvent une découverte lorsde la réalisation du bilan biologique plutôtqu’une suspicion clinique. De plus, dans cetype d’anémie et dans celles résultant d’une

atteinte pure de la lignée rouge, le nombrede leucocytes et de plaquettes ainsi que lefrottis sanguin sont normaux. Dans le cadredes anémies avec aplasie complète oumyélophtisie, le nombre de leucocytes et deplaquettes est bas, et le frottis peut permettred’identifier la présence de cellules anormalesleucémiques par exemple.

Lors d’anémie sévère isolée ou associée àune pancytopénie, le myélogramme estindispensable. Dans les aplasies érythroïdespures ou même lors d ’ inflammationchronique notamment chez le chat, lerapport M/E est très élevé (Fig. 14). Dansle s ap la s i e s complè t e s ou dans le smyélophtisies secondaires à une myélofi-brose, la moelle est désertique. Dans lesmyélophtisies secondaires à un processuscancéreux, la moelle est envahie par descellules tumorales. Lors de myélodysplasie,la maturation des différentes lignées estanormale et les cellules peuvent êtrebloquées à un stade de maturation. Pour lesdifférencier des syndromes leucémiques, lenombre de cellules bloquées à un stade estinférieur à 30 %. [3]

CAUSES DES ANÉMIES NON RÉGÉNÉRATIVESMICROCYTAIRES HYPOCHROMES(TABLEAU 12)

Dans ce type d’anémie, le microenviron-nement de la moelle est insuffisant etconduit à une anomalie de maturation deshématies via le métabolisme de l’hémo-globine. Le manque de fer par défautd’apport chez le jeune en cours de sevrage(lait très pauvre en fer) ou par pertechronique (hémorragies chroniques), lemanque de cuivre et de vitamine B6,empêchent une synthèse normale del’hémoglobine. Lors de shunt portocave ettardivement, voire exceptionnellement, dansles maladies inflammatoires chroniques,l’altération du métabolisme du fer estégalement à l’origine d’une anémie modéréemicrocytaire hypochrome. Les intoxicationspar le plomb et le chloramphénicolinduisent des défauts de synthèse del ’hémoglob ine . Dans l a porphyr i ehéréditaire du siamois, la protoporphyrine

synthétisée pour se combiner au fer etformer l ’hème est anormale , e t enconséquence la synthèse de l’hémoglobineest également anormale.

Dans les anémies ferriprives, le manquede fer conduit à un retard dans la synthèsede l’hémoglobine et donc à un retard dematuration du cytoplasme. En attente decette maturation, les érythroblastescontinuent à se diviser, devenant ainsi deplus en plus petits, et la synthèse de

TABLEAU 13. – SYNDROMES MYÉLODYSPLASIQUES PRIMAIRES (MDS). [23]

Types de MDS Hémogramme Myélogramme

MDS avec cytopénie réfractaire Anémie non régénérative < 5 % de myéloblastes

Lignée érythroïde dysplasique

MDS à prédominance érythroïde Anémie non régénérative < 5 % de myéloblastes

Lignée érythroïde dysplasique

Proérythroblastes > 5 %

MDS avec excès de blastes Anémie non régénérative, pancytopénie(leucopénie, thrombopénie)

Toutes ou plusieurs lignées sont dysplasiques

Myéloblastes : 5-20 %

Figure 14 A. Frottis sanguin de chat mon-trant une anémie non régénérative normo-cytaire normochrome, d ’origineinflammatoire (pyomètre) associée à desamas de plaquettes (P) et à des granulo-cytes neutrophiles toxiques (GT) conte-nant des corps de Döhle (plages bleutées)dans leur cytoplasme (May Grünwald-Giemsa) (× 1 000).B. Étalement de moelle osseuse du mêmechat pauvre en lignée rouge avec un rap-port M/E de 6 (May Grünwald-Giemsa) (×1 000).

SYNDROME ANÉMIQUE EN HÉMATOPATHOLOGIE — 0100 15

Page 16: HEMATOLOGIE - Syndrome Anémique

l ’hémoglobine étant insuffisante, leshématies sont, non seulement petites(microcytose), mais également moinschargées en hémoglobine et donc moinscolorées (hypochromes). [2, 24]

DIAGNOSTIC DES ANÉMIES NONRÉGÉNÉRATIVES MICROCYTAIRESHYPOCHROMES

Les anémies ferriprives ont un profil dem é t a b o l i s m e d u f e r a n o r m a l(Tableau 14). [25] Dans le sang, le fer estp r i n c i p a l e m e n t t r a n s p o r t é p a r l atransferrine. Dans l’organisme, le fer eststocké dans les cellules sous une formedisponible associée à la ferritine et sous uneforme non disponible, l’hémosidérine. Lemétabolisme du fer chez le chien peuts’apprécier en mesurant la sidérémie(concentration en fer dans le plasma ; leprélèvement sanguin doit être exclusivementeffectué sur héparinate de lithium), lacapacité de saturation de la transferrine ou lacapacité totale de fixation de fer par leplasma (total iron binding capacity [TIBC])et enfin la ferritinémie, reflet des stocksinternes de fer. Le pourcentage de saturationde la transferrine peut ainsi être calculé etcorrespond au rapport entre TIBC etsidérémie. Il est d’environ 30 % chez unanimal sain. La quantité d’hémosidérinedans la moelle osseuse peut être appréciéepar la réaction de Perls. Ainsi, dans lesanémies ferriprives par perte de sang

chronique chez le chien, la sidérémie estbasse, la TIBC est normale ou augmentée, etla férritinémie est basse. Dans les anémiesmicrocytaires secondaires à un shuntportocave, la sidérémie est basse, la TIBC estbasse ou normale, et la ferritinémie estnormale ou augmentée. Dans les anémiesmicrocytaires secondaires à une inflam-mation chronique, la sidérémie est basse, laTIBC est normale ou diminuée, et laferritinémie est normale ou augmentée(Tableau 14). [6, 25, 26] De plus, la réaction dePerls sur le myélogramme montre desaccumulations d’hémosidérine dans lesmacrophages sous l’aspect de dépôts bleusfoncés.

L e c u i v r e é t a n t i m p l i q u é d a n sl’absorption intestinale, les déficits en cuivreinduisent un déficit en fer et donc uneanémie ferriprive. [6]

CAUSES DES ANÉMIES NON RÉGÉNÉRATIVESMACROCYTAIRES

Les anémies macrocy ta i r e s sontégalement liées à un défaut du microenvi-ronnement de la moel le osseuse etparticulièrement d’éléments essentiels à lasynthèse nucléotidique. Il existe uneasynchronie entre maturation cytoplas-mique et nucléaire, dont il résulte unemyélopoïèse inefficace et une production degrandes cellules dites mégaloblastiquesparfois détruites directement dans la moelleosseuse. [2, 6] Les causes principalement

reconnues sont les déficits en vitamine B12et en folates chez le schnauzer géant, lessyndromes myé lodysplas iques dontl’infection par le FeLV chez le chat. Lamacrocytose du caniche nain et toy répond àce mécanisme pathogénique mais nes’accompagne pas d’une anémie. [27]

DIAGNOSTIC DES ANÉMIES NONRÉGÉNÉRATIVES MACROCYTAIRES

Le contexte épidémiologique et larecherche du FeLV chez le chat sont bien sûrles éléments clés du diagnostic, mais lef rot t i s sanguin et le myé logrammepermettent d ’apporter la preuve del’anomalie de maturation des hématies. Lamoelle est souvent très riche en lignée rougemais les cellules sont anormales, souvent degrande taille. Les mitoses sont nombreuses ;les cellules sont souvent binucléées ouplurinucléées, et les corps de Howell-Jollyatypiques. Il est difficile de distinguerc l a i r ement l e s d iffé rent s s tades dematuration classiques de l’érythropoïèse. [27]

La dysérythropoïèse secondaire au FeLV,appartenant aux syndromes myélodyspla-siques secondaires décrits précédemment, secaractérisent en plus par les signes classiquesdes myélodysplasies avec un blocage aucours de la maturation et une éventuelleatteinte des autres lignées de la moelle et uneéventuelle progression vers le syndromeleucémique (Fig. 15).

Figure 15 A. Anémie macrocytaire non régénérative chez un chat avec présence de grosses cellules bleutées évoquant faussement des réticulocytes (MayGrünwald-Giemsa) (× 1 000).B. Anémie macrocytaire non régénérative chez ce chat avec absence de réticulocyte (TestsimpletsT) (× 1 000).C. Moelle de ce chat avec signes de leucémie érythroïde. Les proérythroblastes, cellules précurseurs de la lignée rouge sont majoritaires sur le champ(PE) ; un promyélocyte est également présent (PM) (May Grünwald Giemsa) (× 1 000).

TABLEAU 14. – BILAN BIOLOGIQUE D’EXPLORATION DU MÉTABOLISME DU FER. [25]

Hémoglobinémie VGM Morphologie deshématies

Sidérémie TIBC Ferritinémie Colorationde Perls

Bilaninflammatoire

A n é m i eferriprive

& & Cellules cibles,annulocytes

& N(#) & N Variable

Anémieinflammatoire

& N N o u l é g è repâleur centrale

& N(&) # # #

S h u n tportocave

N ou& & N o u l é g è repâleur centrale

& & (N) N ou (#) N N ou (#)

N : normal ; VGM : volume globulaire moyen ; TIBC : total iron binding capacity.

BIOLOGIE CLINIQUE 010016

Page 17: HEMATOLOGIE - Syndrome Anémique

BIBLIOGRAPHIE

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Toute référence à cet article doit porter la mention :C. Trumel, N. Bourges-Abella, A. Diquelou. Syndromeanémique en hématopathologie. EncyclopédieVétérinaire (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),Biologie clinique, 0100, 2004, 17 p.

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