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MARCIO LA SOIF DE VIVRE

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DESCRIPTION

Fils d’une prostituée brésilienne, Marcio s’enfuit de l’orphelinat et trouve refuge dans les rues, où il est bien vite confronté à la loi du plus fort. Coincé entre les gangs criminels et une police très brutale, il essaie de s’en sortir par ses propres moyens. Mais un jour, tout bascule. Un témoignage de vie vrai, poignant, bouleversant, pour jeunes et moins jeunes.

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Damaris Kofmehl

MarcioLa soif de vivre

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Titre original en allemand: Marcio – Ich will leben

Titel der im Brunnen Verlag Basel erschienenen deutschen Originalausagabe:«Marcio – Ich will leben»

© 2002 by Brunnen Verlag Basel (4. Aufl age)

Les textes bibliques sont tirés de la Bible Segond revue, Nouvelle Edition de Genève, 1979

Traduction: Trudy Baudrier

© et édition La Maison de la Bible, 2003, 2011Ch. de Praz-Roussy 4bisCH-1032 Romanel-sur-Lausanne

E-mail: [email protected]: www.maisonbible.net

ISBN édition imprimée 978-2-8260-3431-5ISBN format epub 978-2-8260-0066-2ISBN format pdf 978-2-8260-9797-6

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Table des matières

Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71. Marcio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92. Une nouvelle bouleversante . . . . . . . . . . . . . 163. La funeste nuit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294. La décision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 375. Libre! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 536. Napoléon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 597. Des rencontres dangereuses . . . . . . . . . . . . 778. Drogues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 869. Le cadeau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102

10. Les escadrons de la mort . . . . . . . . . . . . . . 11811. Pas de jouet pour les rats . . . . . . . . . . . . . . 13012. A l’école . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14113. Marcio devient serveur . . . . . . . . . . . . . . . . 15214. L’odeur de la mort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16315. Le rêve devient réalité . . . . . . . . . . . . . . . . 17416. Carla . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18517. Une mauvaise surprise . . . . . . . . . . . . . . . . 19818. São Paulo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211

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19. Un homme nouveau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22120. Marcio et ses frères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237Quelques informations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247

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Il se tenait immobile devant le portail. Tout avaitl’air d’être comme autrefois. L’arc du portail

avec les caractères noirs, les hauts murs avec legrillage, puis à gauche, la guérite du gardien et lachaîne tendue en travers de l’entrée. Derrière,grands et délabrés, les nombreux bâtiments quise distinguaient uniquement par leur numéro.Rien n’avait changé.

De petites plantes desséchées et grises àcause de la poussière de la rue poussaient dansles fissures du mur. La seule touche de couleurprovenait des graffitis et dessins provocants. Ilssemblaient être des cris muets, des appels à l’aidequi attendaient d’être remarqués et compris.

Marcio respira un grand coup, détacha sonregard du mur et s’approcha du portail. Unefemme corpulente, la quarantaine, cachée der-rière un journal, se tenait dans l’étroite loge dugardien. A l’approche du garçon, elle détacha son

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regard renfrogné de sa lecture. Les boutons deson uniforme trop serré menaçaient de craquer àtout instant. Ses cheveux noirs étaient tirés sévè-rement en arrière et sur son visage empâté oncroyait lire un écriteau "Ne pas déranger". Sa voixétait rauque et son double menton trembla quandelle annonça avec une brièveté quasi militaire:

– Visites uniquement le lundi.– Incroyable! rien n’a changé, murmura le

garçon.– Effectivement rien n’a changé, et aujour-

d’hui, nous sommes samedi.– Je sais.– Bon, alors. Et, afin de se débarrasser défini-

tivement de ce gêneur, elle ajouta sèchement: Si tuveux voir quelqu’un, respecte les jours de visite.C’est compris?

– C’est incroyable, pensa le garçon en lui-même, tout est comme avant. La gardienne atten-dait qu’il disparaisse enfin. Mais il resta, obser-vant les bâtiments avec un regard intense. Lafemme le dévisagea de façon critique. Il devaitavoir dans les dix-sept, dix-huit ans. Mince, detaille moyenne, cheveux courts et foncés, nez fin,peau brune. Il portait un jean propre, une chemiseà carreaux et avait l’air convenable. C’était sûr, ilne s’agissait pas d’un mendiant et il avait l’air tropsage pour être un voleur. Sa voix claire, ses yeuxaimables, son allure, tout cela faisait de lui quel-qu’un de différent. Il n’avait pas sa place ici.

– Mais qu’est-ce que tu veux, enfin? Profiterde la belle vue?

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Le garçon se tourna vers elle.– Je voudrais voir mes frères, dit-il.– Bien, dit la femme. Elle croisa ses bras et

arbora un sourire qui ne lui allait pas. Alors je pro-pose que tu rentres chez toi et que tu reviennesdans deux jours. Elle reprit sa respiration pourdébiter de nouveau son texte à propos des joursde visite, mais le garçon ne lui en laissa pas letemps. Il se pencha un peu et la regarda d’un airsuppliant.

– S’il vous plaît, je dois les voir.– Le règlement est le règlement.– Je viens exprès de São Paulo. Demain je

dois y retourner.– Ce n’est pas mon problème.– Je voudrais juste savoir s’ils vont bien. Ça

fait une éternité que je n’ai pas vu mes frères, vouscomprenez?

– Ça, ils le disent tous. Ta nostalgie feinte, tupeux te la garder pour lundi.

– Demandez au moins si on ne pourrait pasfaire une exception.

La femme se cala dans son siège, profitantvisiblement de sa position de force. Un chien degarde n’aurait pas mieux rempli sa fonction. Sansson accord, personne ne rentrerait: c’était unecertitude.

– Comment s’appellent tes frères?– Edson, Vítor et Paulo.– Nom de famille?– Romero.– Age?

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– Edson a quatorze ans, Vítor seize et Paolodix-sept.

– Et comment tu t’appelles, toi?– Marcio, Marcio Romero.– Et je suppose que tu n’as pas de pièce

d’identité.– Si, la voilà. Il fouilla dans sa poche de che-

mise et la lui tendit avec une nouvelle étincelled’espoir dans les yeux. Elle la regarda longue-ment. Elle prit son temps. Puis elle griffonnaquelque chose sur un papier et tendit lentementsa main vers le téléphone posé entre une pile depapiers non classés, un sandwich entamé et unetasse de café. Marcio suivait chacun de ses gestesavec une tension croissante. Elle tenait l’écouteurdans la main droite, et dans la gauche, sa pièced’identité qu’elle continuait à étudier, comme sielle devait l’apprendre par cœur pendant qu’elles’entretenait avec la personne à l’autre bout du fil.

– Marcio Romero, dix-huit ans, né à Curitiba.Il prétend que ses frères sont ici. Il voudrait leurrendre visite… Evidemment je lui ai dit… non, jen’arrive pas à m’en débarrasser… les noms? Uninstant… Elle loucha vers Marcio qui lui rappelales noms de ses frères. Oui, j’attends. Marcio luiadressa un sourire reconnaissant. Elle lui renditses papiers avec une mine sans expression et pritune gorgée de café. Il les rangea dans sa poche etpassa ses doigts dans ses cheveux bouclés. Lafemme s’occupait en dessinant des ronds et destriangles sur une enveloppe grise. L’écouteur dutéléphone coincé sous son double menton, elle

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attendit patiemment une réponse. Cela dura long-temps. Enfin, une voix d’homme. Marcio n’enten-dit pas ce qui se disait. Le visage de la femme nelaissa rien deviner sur le sens de la réponse. Sonvocabulaire s’était réduit aux simples mots "oui"ou "non". Elle fixa Marcio et continua ses dessins.

– Je vais lui faire la commission. Sur ces mots,elle raccrocha et regarda le jeune homme.

– Alors?– Il n’existe pas de Edson, Vítor et Paulo

Romero, dit-elle sans émotion. – Vous êtes sûr?– Je répète seulement ce qu’on m’a dit. Ces

noms ne se trouvent sur aucune liste.Marcio posa son sac par terre. L’étincelle

d’espoir avait disparu de ses yeux.– J’aurais dû y penser, dit-il à voix basse, et

on pouvait lire la déception dans son regard.– Tu t’es trompé d’adresse, n’est-ce pas?Marcio secoua la tête.– Alors il se sont fait la malle, tes chers frères.Le garçon soupira.– J’aurais dû venir plus tôt, murmura-t-il.– Quand ils atterrissent dans la rue…

constata la femme avec lucidité, tout en mordantdans son sandwich, alors c’est fini. Elle mâchabruyamment, reprit son journal et considéra l’af-faire comme terminée. Le garçon appuya son doscontre le mur en bois de la loge et demeura unmoment immobile. Il regardait la cour. Un arbretendait ses branches noueuses vers le ciel. Plusloin se trouvait un grand terrain de football où des

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garçons s’amusaient. Des souvenirs se réveil-laient en Marcio. Des souvenirs d’un monde qu’ilavait depuis longtemps chassé de sa mémoire. Ilressentait l’atmosphère froide des bâtiments, dumur, de tout l’ensemble, atmosphère aussioppressante qu’autrefois. Il n’existait pas beau-coup d’endroits où il se sentait aussi mal qu’ici.Un sentiment bizarre d’impuissance s’infiltrait enlui alors qu’il était appuyé contre ce mur, fixant lacour.

– Je suis arrivé trop tard, constata-t-il résigné,comme s’il se rendait enfin compte de tout ce quecela impliquait. Trop tard. Une boule se formadans sa gorge. Ses bras devenaient de plomb. Sespieds étaient comme paralysés. Le sol commen-çait à se dérober sous lui. Pourquoi n’était-il pasvenu plus tôt? Une semaine? Un mois? Un an plustôt? Peut-être ses frères auraient-ils encore été là.Il les aurait emmenés à São Paulo. Il leur auraittrouvé un job. Ils auraient pu habiter chez lui. Illeur aurait payé des vêtements et à manger. Ilaurait tout fait pour ses frères. Tout! Il croyait êtresi près du but. Maintenant il en était plus éloignéque jamais.

– Tout est de ma faute, se reprocha-t-il. Si jeles avais emmenés à ce moment-là… Il secoua tris-tement la tête. Il savait qu’il n’avait rien à se repro-cher. Et pourtant, l’idée d’avoir fait une erreur luiétait insupportable et lui serrait la gorge.

– Il faut que je les trouve, murmura-t-il, mêmesi je dois retourner tout Curitiba. Je ne peux pas

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retourner à São Paulo sans savoir ce qu’ils sontdevenus.

– Encore quelque chose? La voix peu aimablede la gardienne l’arracha à ses pensées. Il sur-sauta légèrement.

– Non, rien. J’allais partir.– Il est temps, grogna la femme. Marcio

attrapa son sac et s’éclipsa. Lentement, il traîna lelong de ce mur qui isolait l’orphelinat du mondeextérieur. Par sa hauteur, il donnait une impres-sion d’étouffement et il semblait hostile enverscelui qui se mettrait en tête de le franchir sansautorisation. Marcio ne comprenait que trop bienque ses frères ne l’aient pas supporté plus long-temps. Finalement, lui non plus ne s’était jamaissenti bien dans cet endroit. Comme tous lesenfants du foyer, il n’avait eu qu’une idée en tête:se sauver.

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