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E d i t o INTERVIEW (PR J-P. BERNARD) P. 2-3 Quand doser et comment interpréter les dosages des enzymes pancréatiques ? Différents dosages sont à notre disposition pour diagnostiquer une pancréatite aiguë. Ce fût l’un des objets de la conférence de consensus française sur la pancréatite aiguë (2001) de clarifier cette question MISE AU POINT (PR M. BARTHET) P. 4-6 Que peut-on attendre du traitement médical de la pancréatite chronique ? Il n’est pas possible d’envisager de traiter un patient atteint de pancréatite chro- nique sans débuter par une prise en charge médicale, qui dans la moitié des cas per- mettra de stabiliser l’évolution de la maladie et de contrôler les symptômes. EN PRATIQUE (PR J-L. F AUCHERON) P. 7-9 Critères de résécabilité d’un cancer du pancréas La seule chance de guérison d'un patient atteint d'un cancer du pancréas passe par la résection chirurgicale. Cela revient à dire que récuser un patient pour une inter- vention sur une simple suspicion d'inextirpabilité en imagerie pourrait le condam- ner à tort. IMAGE COMMENTÉE (DR P. HASTIER) P. 10-11 Masse péri-duodénale et diarrhée chronique PUBLICATION COMMENTÉE (DR H. BÉCHEUR) P. 12 Attention aux lésions kystiques pancréatiques de découverte fortuite ! REVUE DE PRESSE (DR H. BÉCHEUR) P. 13-15 S o m m a i r e SOLVAY DIGEST DECEMBRE 2003 N°28 RÉDACTEUR EN CHEF : Pr Philippe Lévy, Hôpital Beaujon (Clichy) COMITÉ DE LECTURE : Pr Marc Barthet, Hôpital Nord (Marseille) Pr Louis Buscail, CHU Rangueil (Toulouse) Dr Patrick Hastier, CH Princesse Grace (Monaco) Dr Marc Zins, Fondation Hôpital St Joseph (Paris) Fidèle à ses engagements, Pancréascopie vous propose un numéro essentielle- ment clinique et pratique sur les princi- pales affections pancréatiques. Le point est fait sur l’intérêt et l’inter- prétation du dosage des enzymes pan- créatiques, notamment sur l'augmenta- tion chronique et idiopathique de l'amy- lasémie, entité qui doit être connue pour éviter la réalisation d'examens inutiles, parfois invasifs, et ne pas inquiéter le patient. La pancréatite chronique fait l’objet d’une mise au point détaillée, concernant sa prise en charge multi- disciplinaire. Les critères de non résé- cabilité du cancer du pancréas sont rap- pelés. L’article sur les lésions kystiques pancréatiques de découverte fortuite est essentiel : l'article analysé montre que plus de 60 % des lésions asymptoma- tiques étaient pré-cancéreuses ou can- céreuses. Cette situation de plus en plus fréquente résulte des progrès de l’ima- gerie liés à la sensibilité de détection des lésions et à la diffusion des techniques d'imagerie médicale. Parallèlement, la formation des médecins chargés de prendre en charge les mala- dies pancréatiques se développe. Par exemple, le diagnostic erroné de pseudo- kyste, qui était proche de 40 % dans les séries anciennes est passé à moins de 10 % dans une étude française récente. L'enjeu diagnostique est important car la sanction thérapeutique peut aller d'une simple surveillance à une résection pan- créatique « prophylactique » parfois éten- due, en cas de tumeur intra-canalaire papillaire et mucineuse. Nous vous sou- haitons bonne lecture Patrick Hastier

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INTERVIEW (PR J-P. BERNARD) P. 2-3Quand doser et comment interpréter les dosages

des enzymes pancréatiques ?

Différents dosages sont à notre disposition pour diagnostiquer une pancréatite aiguë.Ce fût l’un des objets de la conférence de consensus française sur la pancréatite aiguë(2001) de clarifier cette question

MISE AU POINT (PR M. BARTHET) P.4-6Que peut-on attendre du traitement médical de la

pancréatite chronique ?

Il n’est pas possible d’envisager de traiter un patient atteint de pancréatite chro-nique sans débuter par une prise en charge médicale, qui dans la moitié des cas per-mettra de stabiliser l’évolution de la maladie et de contrôler les symptômes.

EN PRATIQUE (PR J-L. FAUCHERON) P. 7-9Critères de résécabilité d’un cancer du pancréas

La seule chance de guérison d'un patient atteint d'un cancer du pancréas passe parla résection chirurgicale. Cela revient à dire que récuser un patient pour une inter-vention sur une simple suspicion d'inextirpabilité en imagerie pourrait le condam-ner à tort.

IMAGE COMMENTÉE (DR P. HASTIER) P. 10-11Masse péri-duodénale et diarrhée chronique

PUBLICATION COMMENTÉE (DR H. BÉCHEUR) P. 12Attention aux lésions kystiques pancréatiques de

découverte fortuite !

REVUE DE PRESSE (DR H. BÉCHEUR) P. 13-15

S o m m a i r e

SOLVAY DIGEST

DECEMBRE 2003 N°28

RÉDACTEUR EN CHEF : Pr Philippe Lévy, Hôpital Beaujon (Clichy)COMITÉ DE LECTURE :Pr Marc Barthet, Hôpital Nord (Marseille)Pr Louis Buscail, CHU Rangueil (Toulouse)Dr Patrick Hastier, CH Princesse Grace(Monaco)Dr Marc Zins, Fondation Hôpital St Joseph(Paris)

Fidèle à ses engagements, Pancréascopievous propose un numéro essentielle-ment clinique et pratique sur les princi-pales affections pancréatiques.Le point est fait sur l’intérêt et l’inter-prétation du dosage des enzymes pan-créatiques, notamment sur l'augmenta-tion chronique et idiopathique de l'amy-lasémie, entité qui doit être connue pouréviter la réalisation d'examens inutiles,parfois invasifs, et ne pas inquiéter lepatient. La pancréatite chronique faitl’objet d’une mise au point détaillée,concernant sa prise en charge multi-disciplinaire. Les critères de non résé-cabilité du cancer du pancréas sont rap-pelés. L’article sur les lésions kystiquespancréatiques de découverte fortuite estessentiel : l'article analysé montre queplus de 60 % des lésions asymptoma-tiques étaient pré-cancéreuses ou can-céreuses. Cette situation de plus en plusfréquente résulte des progrès de l’ima-gerie liés à la sensibilité de détection deslésions et à la diffusion des techniquesd'imagerie médicale. Parallèlement, la formation des médecinschargés de prendre en charge les mala-dies pancréatiques se développe. Parexemple, le diagnostic erroné de pseudo-kyste, qui était proche de 40 % dans lesséries anciennes est passé à moins de10 % dans une étude française récente.L'enjeu diagnostique est important car lasanction thérapeutique peut aller d'unesimple surveillance à une résection pan-créatique « prophylactique » parfois éten-due, en cas de tumeur intra-canalairepapillaire et mucineuse. Nous vous sou-haitons bonne lecture

Patrick Hastier

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Pancréascopie : Quand faut-ildemander le dosage des enzymespancréatiques ?Pr J.P. Bernard : Deux situations sontà envisager.➊ La première est le cas où le dia-

gnostic de pancréatite aiguë (PA)est hautement probable devant laprésence de signes cliniques trèsévocateurs. On a besoin alors d’untest de confirmation. Le dosage dela lipasémie est le seul indiqué. Ildevrait désormais être accessibledans tous les laboratoires d’urgence. Il remplit toutes lesconditions pour donner cetteconfirmation biologique. Cepen-dant, il faut savoir que la spécificitéde ce dosage n’est pas absolue, maispour des valeurs supérieures à troisfois la normale, il existe une bonnespécificité (96 %). De plus, la sensi-bilité du test diminue si le dosageest réalisé au-delà des 48 premièresheures après l’apparition des signescliniques. Le dosage conjoint de lalipasémie et de l’amylasémie n’aaucun intérêt par rapport audosage de la lipasémie seul. Il nefait que rajouter un coût. Rappe-lons de plus que le dosage de l’amy-lasémie seule est peu spécifiquepuisqu’elle augmente égalementdans d’autres situations : ulcère per-foré, occlusion, dissection aortiqueou appendicite….

➋ La deuxième situation est celle dudosage que l’on va réaliser au seindes épanchements péritonéaux oupleuraux. Quand la lipase est trèsélevée dans le liquide recueilli au

niveau des épanchements, il fautsuspecter une complication d’unemaladie pancréatique sous-jacente(rupture de kyste pancréatique dans la cavité abdominale, fistules pancréatico-pleurales au cours de l’évolution d’une pancréatite chro-nique…). Cette élévation au niveaudes liquides doit être supérieure à10 fois la limite supérieure de lanormale plasmatique pour signerune atteinte pancréatique. Ledosage des enzymes pancréatiquesdans les épanchements séreux estsouvent omis pendant longtempsquand ils sont le symptôme révé-lateur de l’affection pancréatique.

Rappelons enfin que le dosage desenzymes plasmatiques n’est pasrecommandé si les symptômes nesont pas évocateurs d’une affectionpancréatique (troubles fonctionnelsintestinaux, etc… cf. ci-dessous).

Pancréascopie :Y a-t-il un inté-rêt à les doser devant une alté-ration de l'état général, au coursde la pancréatite chronique (PC),dans la surveillance d'un cancerpancréatique ?Pr J.P. Bernard : Les dosages sanguinsdes enzymes pancréatiques n’ontaucun intérêt au cours de ces troissituations. En aucune manière ledosage plasmatique des enzymes pan-créatiques ne permet d’évaluer lafonction pancréatique. Une altérationde l’état général réclamera éventuel-lement une évaluation de la fonctionexocrine du pancréas s’il existe des

signes évoquant une stéatorrhée. Dansle cas de la surveillance d’un cancerpancréatique, le dosage des enzymespancréatiques a encore moins d’inté-rêt et n’est en aucune façon un para-mètre de diagnostic ou desurveillance. Enfin, au cours de la PC,lorsqu’on se trouve dans le cas de laconfirmation d’une complication(poussée aiguë sur une PC pré-exis-tante ou pseudo-kyste), le dosage desenzymes pancréatiques conserve savaleur.

Pancréascopie : Laquelle ou les-quelles doser ?Pr J.P. Bernard : La conférence deconsensus a conclu que, dans tous lescas, seul le dosage de la lipasémie estutile et constitue l’examen de réfé-rence puisqu’il est sensible et spéci-fique d’une atteinte pancréatique.

Pancréascopie : L‘iso-amylasepancréatique, l'amylasurie, lesautres dosages ont ils encore unintérêt ?Pr J.P. Bernard : Le dosage des iso-enzymes de l’amylase ne conserve plusaucun intérêt depuis l’utilisation enroutine du dosage de la lipasémie. Ledosage de l’amylasurie ne conserveplus qu’une indication : la confirma-tion du diagnostic de macro-amylasé-mie. En effet, la coexistence d’uneamylasémie modérément élevée etd’une amylasurie normale signe la pré-sence de cette anomalie qui n’aaucune traduction clinique et permetdonc d’arrêter toutes les explorationscoûteuses. En fait, il ne devrait plus

Quand doser et comment interpréter les dosages des

enzymes pancréatiques ?

Différents dosages sont à notre disposition pour diagnostiquer une pancréatite aiguë. Ce fûtl’un des objets de la conférence de consensus française sur la pancréatite aiguë (2001) declarifier cette question. Le Pr JP Bernard (Marseille) fait le point sur l’utilité de ces dosages

et la chronologie des examens à réaliser.

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être dosé car le dosage de l’amylasé-mie ne doit plus être fait en général eta fortiori chez un malade asympto-matique.Le dosage du trypsinogène 2 par ban-delettes urinaires a l’intérêt de la rapi-dité d’obtention des résultats (dosagesemi-quantitatif). C’est très certaine-ment le test enzymatique qui a lameilleure valeur prédictive négativepour exclure le diagnostic de PA. Lors-qu’il est négatif, il permet d’éliminer lediagnostic de PA et d’éviter tous lesautres examens.Les autres dosages enzymatiques nesont pas supérieurs aux dosages dela lipase.

Pancréascopie :A partir de quelseuil faut-il s'inquiéter ?Pr J.P. Bernard : Le seuil optimal d’in-terprétation d’une élévation desenzymes se situe au-dessus de troisfois la limite supérieure de la valeurnormale. Au-dessous de ce seuil, ledosage perd beaucoup en spécificité.Il faut avoir à l’esprit que les dosagesdoivent être réalisés dans les 48 pre-mières heures suivant l’apparition dessymptômes. Lorsque les valeurs sontau-dessous de ce seuil, on peut répè-terépéter les dosages si les symp-tômes le justifient. Si l’on observe uneélévation franche de ces enzymesaprès quelques heures, ceci a valeur detest de confirmation. En revanche, unediminution du taux d’enzymes doitfaire reconsidérer le diagnostic, sur-tout lorsque les examens d’imageriene montrent aucune anomalie auniveau pancréatique.

Pancréascopie : Que pensez vousdu dosage urinaire en bandelettedu peptide d'activation du tryp-sinogène ?Pr J.P. Bernard : Ce dosage est poten-tiellement intéressant pour établir unscore de gravité biologique spécifiquedu pancréas.Aujourd’hui, c’est le seultest qui remplit cette fonction. Cepen-dant, il permet de discriminer lesformes sévères de PA, mais ne fait pasla différence entre les témoins et lesPA peu sévères, ce qui en limite l’in-térêt pratique.Au total il n’est spéci-

fique que pour le diagnostic des PAgraves d’emblée. Il n’existe pas encorede valeur seuil.

Pancréascopie : Quelle conduiteà tenir lorsque les enzymes ontété dosées en dehors du contexted'une pancréatite aiguë etqu'elles sont modérément éle-vées (2-3 N) ?Pr J.P. Bernard : Cette situation nedevrait plus exister car elle génèredes dépenses inconsidérées, desconsultations et des examens com-plémentaires inutiles et beaucoup d’in-quiétude. Si malgré tout ce dosage estfait et qu’il concerne l’amylasémie, ilfaut tout d’abord éliminer le diagnos-tic d’une macro-amylasémie, sans signi-fication.Il faut également rappeler que contrai-rement à ce qui est fait pour le foie,il n’est pas licite de doser les enzymespancréatiques chez un malade sanssymptôme qui reçoit un médicamentpotentiellement pancréatotoxique.Rappelons-le encore, les enzymes pan-créatiques ne doivent être dosées quedevant des symptômes évocateurs depancréatite. La présence d’une éléva-tion asymptomatique de la lipasémien’a pas la valeur d’une élévation destransaminases. Cette dernière estgénéralement le reflet d’une cytolysehépatique. Certains médicaments pan-créatotoxiques peuvent n’entraînerque des anomalies biologiques, sanssymptôme dont la signification patho-génique est inconnue mais sans aucundoute faible ou nulle. Si la PA n’a pasde manifestation clinique, on est auto-risé à poursuivre le traitement et unesurveillance régulière des enzymespancréatiques est inutile.

Pancréascopie : Pouvez vous nousdire un mot de l'étude italiennerapportant des cas d’« élévationchronique non pathologique del'amylase sérique » ?Pr J.P. Bernard : Cette étude reflètel’inflation d’examens supplémentairesinduits par un dosage inapproprié desenzymes pancréatiques, singulièrementl’amylasémie. Cette hyperamylasémiec h ro n i q u e , b é n i g n e d ’ o r i g i n e

pancréatique est idiopathique. Ce dia-gnostic est un diagnostic d’élimina-tion après : avoir éliminé une atteintepancréatique par des examens mor-phologiques ; ou une macro-amylasé-mie.Cette entité a été caractérisée parune étude italienne (Gastroentero-logy 1996 ; 110 : 1905-8) qui a mon-tré chez 18 patients ayant uneélévation chronique de l’amylase etde la lipase sériques, que cette ano-malie chronique n’était pas en rap-port avec une affection caractériséenotamment sur le plan morpholo-gique. En effet, les 18 patients ont étésuivis pendant une période de 8 ans,période pendant laquelle aucune mala-die n’est apparue et aucune anomaliemorphologique du pancréas n’a étémise en évidence par l’échographieet la scanographie.A l’issue de cette période de suivi,une exploration fonctionnelle du pan-créas a été réalisée et n’a montréaucune insuffisance pancréatique fonc-tionnelle. Les auteurs en ont déduitqu’il s’agissait d’une anomalie consti-tutionnelle de la sécrétion desenzymes pancréatiques, avec un relar-gage minime des enzymes pancréa-tiques dans la circulation sanguine.Ce diagnostic n’est à évoquer quelorsque toutes les autres causes d’at-teinte pancréatique ont été éliminéeset parfois en présence de plusieurscas dans la même famille.

Propos recueillis par Le Dr C. Mura

EN PRATIQUE

● Seul le dosage de la lipasémie estrecommandé.

● Il ne doit être demandé qu’encas de symptômes évoquant unepancréatite aiguë.

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SEVRAGE ALCOOLIQUE :IL S’AGIT DE LA PREMIÈRE ÉTAPE

DU TRAITEMENT MÉDICAL

L’alcoolisme chronique est à l’originede 80 à 90 % de l’ensemble des pan-créatites chroniques. En raison de ladifficulté de suivi des patients, de ladifficulté de l’arrêt de l’intempérancechez ces patients et de la difficultéd’obtention d’un chiffrage précis de laconsommation d’alcool et de sa réduc-tion éventuelle, le sevrage alcooliqueest souvent négligé. Pourtant, lesevrage est possible, est efficace surla disparition de la douleur et influenceles résultats des traitements associésendoscopiques ou chirurgicaux.La faisabilité du sevrage alcoolique aucours des PC a été étudiée dans destravaux d’origine médicale ou chirur-gicale. L’abstinence alcoolique estobtenue chez 64 % des patientsatteints de PC après un an de suivi.Cette abstinence semble plus précoceet plus fréquente que chez les patientsatteints d’hépatopathie alcoolique,probablement en raison de l’intensitédes symptômes douloureux associésà la PC. Le problème du sevrage alcoo-lique en cas de PC s’inscrit donc plusdans sa durabilité que dans son obten-tion immédiate. Une série chirurgi-cale a montré qu’un sevrage définitifétait obtenu à 10 ans chez 50 % despatients opérés et seulement 25 %des patients dont la prise en chargeétait médicale. L’efficacité du suivi etégalement la sévérité des symptômesinitiaux semblent donc influencer

considérablement la prévalence dusevrage, ce qui doit constituer un fac-teur de motivation pour les médecinstraitant des patients atteints de PC.Le sevrage alcoolique est utile pourralentir la progression de la maladie,pour faire disparaître les symptômesdouloureux et améliorer le résultatdes traitements associés [1]. Certes,l’arrêt de l’alcool ne supprime pasl’évolution de la maladie. Mais dansune étude rétrospective italienne, laprogression de la maladie, évaluée surle plan de la fonction exocrine, étaitmoins sévère dans le groupe absti-nent avec un suivi moyen de 7 ansalors que le taux de calcifications pan-créatiques n’était pas différent [1].Chez ces mêmes patients, les fré-quences de la douleur et du diabèteétaient moindres en cas d’abstinence.L’arrêt de l’alcool diminue égalementla prévalence de la douleur.Dans 4 études évaluant la douleurchez des patients abstinents, la pro-portion de patients asymptomatiquesdépassait la moitié des cas. Dans deuxde ces études, qui étaient compara-tives, la proportion de patients asymp-tomatiques était significativementsupérieure en cas d’abstinence (60-52 % vs 26-37 % respectivement).

LA RELATION ENTRE LE SEVRAGE

ALCOOLIQUE ET L’EFFICACITÉ DES

TRAITEMENTS ASSOCIÉS EST PLUS

CONTROVERSÉE.

Dans trois études évaluant l’efficacitédu traitement endoscopique, l’arrêt

de l’alcool semblait sans influence surles résultats thérapeutiques. Sur leplan chirurgical, la poursuite de laconsommation d’alcool détériorait lesrésultats dans 3 études non contrô-lées. La mortalité était nettement infé-rieure chez les patients sevrés.

LE TABAC EST UN FACTEUR DE

RISQUE DISCUTÉ DANS LA PC

Ce facteur de risque est présent danstrois études, mais non retrouvé dansdeux autres [2]. Pourtant, la consom-mation d’alcool et celle de tabac sontétroitement liées en cas de PC, l’as-sociation étant observée dans plus de80 % des cas. Il n’existe pas à ce jourd’étude ayant évalué l’impact dusevrage tabagique sur l’histoire natu-relle de la PC. Par contre, l’influencedu sevrage alcoolo-tabagique sur lepronostic de la PC est essentielle [2].En effet, si la survie actuarielle à 10 ansdes patients atteints de PC varie entre69 et 80 %, le taux de décès impu-table à la PC elle-même n’est que de3 à 38 %, plus de la moitié des décèsétant d’origine cardiovasculaire ou parcancer des voies aériennes supé-rieures et digestives. Dans l’étude deMiyake et coll, la survie actuarielle à 20ans était de 80 % chez les patientssevrés et de 35 % chez les patientsnon sevrés. Dans le travail de Lowen-fels et coll., la mortalité à 10 ans étaitde 30 %, les principaux facteurs derisque étant l’alcool et le tabac. Lesevrage alcoolotabagique est donc pri-mordial pour le pronostic des patients.

Que peut-on attendre du traitement médical de lapancréatite chronique ?

L e traitement médical comprend le sevrage alcoolo-tabagique, le traitement médicamenteuxde la douleur ou de l’insuffisance pancréatique exocrine et le traitement nutritionnel. De fait,il n’est pas possible d’envisager de traiter un patient atteint de pancréatite chronique sans

débuter par une prise en charge médicale, qui dans la moitié des cas permettra de stabiliserl’évolution de la maladie et de contrôler les symptômes.

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LE TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX

DE LA DOULEUR VISE À DIMINUER

LA PRESSION CANALAIRE

PANCRÉATIQUE ET À TRAITER NON

SPÉCIFIQUEMENT L’INFLAMMATION

ET LA DOULEUR

Les composantes de la douleur aucours de la PC sont nombreuses(figure 1) [3]. L’hyperpression cana-laire et tissulaire est responsable d’unepartie seulement des phénomènesdouloureux de la PC [3]. Elle peut secompliquer de kyste rétentionnel quipeuvent aggraver la douleur de façonconsidérable. Cette composante est lacible principale des traitements inhi-biteurs de la sécrétion pancréatiqueexocrine (figure 1). L’inflammationpancréatique et péripancréatique estresponsable d’un infiltrat nerveuxpéripancréatique entraînant des dou-leurs permanentes dont la prise encharge est difficile. Les anti-inflamma-toires et les antalgiques sont utiliséspour traiter de façon non spécifiquecette composante.Une étude basée sur l’utilisation d’in-hibiteur des récepteurs de la CCK(loxiglumide) a été récemment effec-tuée [5]. Il s’agissait d’une étude dose-réponse contrôlée, placebo versus300, 600, 1200 mg/j. L’amélioration de

la douleur était significative chez tousles patients traités par rapport au pla-cebo. Ce travail demande bien sûr,confirmation avant d’être suivi parune éventuelle application thérapeu-tique.L’utilisation d’anti-inflammatoires nonstéroïdiens est assez répandue,mais n’ajamais fait l’objet d’études contrôlées[3]. En pratique quotidienne, chez despatients ne présentant aucune causetraitable (kyste, dilatation canalaire…)et résistant aux traitements classiques,ces médicaments peuvent être effi-caces. Leur potentiel ulcérogène nedoit cependant pas être négligéchezdespatients souvent fumeurs, qui ont sou-vent une sécrétion hydrobicarbonatéepancréatique faible.

LES TRAITEMENTS ANTALGIQUES

N’ONT FAIT L’OBJET D’AUCUNE

ÉTUDE RANDOMISÉE DANS LA PC

● La première règle doit consister àéviter la toxicomanie, chez despatients qui ont souvent un com-portement addictif, et qui souffrentsouvent de façon chronique. La dou-leur doit être soigneusement éva-luée dans le temps, mais aussi dansson intensité, grâce à une échellevisuelle analogique qui constitue lemoyen le plus simple et le plus

reproductible pour prendre encharge et suivre ces patients.

● La gradation des traitements doitconstituer la deuxième règle.Des paliers progressifs doivent êtreemployés : paracétamol, paracéta-mol/codéïne, tramadol, buprénor-phine, et enfin morphine et dérivés.

● Enfin, l’effet antalgique de ces médi-caments peut être potentialisé parl’emploi d’antidépresseur.

TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX DE

L’INSUFFISANCE PANCRÉATIQUE

EXOCRINE : DES CONTRAINTES

PHARMACOLOGIQUES ET DES

RÈGLES DE PRESCRIPTION

L’insuffisance pancréatique exocrinen’apparaît qu’au-delà de la destruc-tion de 90 % du parenchyme exocrineet donc, généralement, en cas de PCévoluée et ancienne (après 10 ansd’évolution) [4]. La maldigestion lipi-dique traduite par la stéatorrhée estplus difficile à équilibrer que la maldi-gestion protéique. En effet, la lipasepancréatique est diminuée plus pré-cocemment et plus intensément queles autres enzymes pancréatiques aucours de l’insuffisance pancréatiqueexocrine. De plus, la lipase est inacti-vée à pH acide et plus sensible à laprotéolyse des enzymes protéoly-tiques pancréatiques. L’équilibre de ladigestion enzymatique lipidique estdonc le plus difficile à obtenir. Enfin,pour assurer une bonne digestion enzymatique, les extraits pancréatiquesdoivent être délivrés en même tempsque les aliments dans le duodénumoù ils seront actifs. Ils doivent êtremélangés harmonieusement au bol ali-mentaire gastrique et de taille adaptéepour franchir le filtre pylorique aveccelui-ci.Tous ces éléments (stabilité, enzyma-tique, vidange gastrique…) imposentdes contraintes pharmacologiques etdes règles de prescription [4]. Lesenzymes pancréatiques sont proté-gées par encapsulation (enteric coa-ted) pour permettre leur libération à

suite page 6

DOULEUR

Kyste Infiltration nerveuse

Hypertension canalaireet hypertension tissulaire

Inflammation

antalgiques AINS

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un pH > 5, garant de la stabilité de lalipase. Elles sont présentées sousforme de granules de 1,5mm, quisemble être le diamètre idéal pourpermettre un passage pylorique pré-coce. Les préparations d’extrait pan-créatique doivent comporter plus de10 000 UI de lipase car le taux delipase active parvenant à l’angle deTreitz n’est que de 8 %. Les règles deprescription tiennent égalementcompte de ces données. Les extraitspancréatiques doivent être pris dèsla première bouchée afin d’être mélan-gés au chyme gastrique. La posologiedoit être adaptée à la charge calo-rique des repas, c’est-à-dire augmen-tée en cas de repas gras ou copieux.Si une deuxième gélule est nécessaire,elle doit être prise au milieu du repasafin de permettre un meilleur mélangeau bol alimentaire. Si le traitement estinefficace, un traitement antisécré-toire peut être rajouté. En cas de per-sistance de la stéatorrhée, unepullulation microbienne ou un troublede la vidange gastrique doivent être

recherchés. Enfin, en cas de résectiongastrique antérieure, les gélules doi-vent être ouvertes avant ingestion.Les indications du traitement de l’in-suffisance pancréatique exocrine sontl’existence d’une stéatorrhée cliniqueou mesurée par dosage de graissedans les selles > 15 g/j, un amaigris-sement continu non expliqué par unecomplication évolutive, l’associationdiarrhée-météorisme qui peut êtreun symptôme fruste de maldigestion.

NUTRITION ET PANCRÉATITE

CHRONIQUE : LES REPAS DOIVENT

ÊTRE FRACTIONNÉS LE PLUS

SOUVENT POSSIBLE

Plus de 95 % des patients atteints dePC ont une alimentation orale exclu-sive. On estime que 1 % a recours àune alimentation parentérale et 4 % àune alimentation entérale. L’alimen-tation au cours de la PC doit êtrenormocalorique (35 Kcal/J), équilibréeavec des repas fractionnés le plus sou-

vent possible. Elle doit tenir comptede l’existence d’un diabète éventuel etév i t e r l a re s t r i c t i on l i p i d i que .En effet, de nombreux patients atteintsde PC ont un déficit en vitamine A etvitamine E, vitamines liposolubles dontla carence peut être aggravée par unrégime trop sévère. L’apport lipidiquedoit être adapté à la tolérance diges-tive et à l’efficacité des extraits pan-créatiques. En cas de mauvaisetolérance digestive ou d’efficacitéincomplète des extraits pancréatiques,l’apport lipidique peut être enrichi entriglycérides à chaîne moyenne dont ladigestion enzymatique et l’absorptionintestinale sont facilitées. Enfin, ilconvient de restreindre l’alimentationen fibres alimentaires qui adsorbentles enzymes pancréatiques et altèrentleur biodisponibilité.

Pr Marc Barthet,(Hôpital Nord, Marseille)

EN PRATIQUE

Le traitement médical est à la fois le carrefour de tous les traitementsenvisageables au cours de la PC et leur préalable.• L’arrêt de l’intoxication alcoolo-tabagique est indispensable pour une

prise en charge correcte et pour préserver le pronostic. Le sevragealcoolique diminue la prévalence de la douleur, ralentit l’évolution de laPC. La persistance de l’intoxication alcoolique altère les résultats de lachirurgie pancréatique et obère significativement le pronostic.

• La prise en charge de la douleur vise à diminuer la pression canalairepancréatique et à traiter non spécifiquement l’inflammation et la dou-leur.

• L’insuffisance pancréatique exocrine n’apparaît qu’au-delà de la des-truction de 90 % du parenchyme exocrine et donc généralement encas de PC évoluée.La maldigestion lipidique traduite par la stéatorrhéeest difficile à équilibrer, nécessitant des règles de prescription strictes.Il faut utiliser des extraits pancréatiques à haute teneur en lipase,géné-ralement délivrés sous forme de granulés enrobés, idéalement d’un dia-mètre de 1,5 mm.

• Enfin, l’apport nutritionnel doit éviter la restriction lipidique sous peinede carences sévères.

Que peut-on attendre du traitement médical de la pancréatite chronique (Suite de la page 5)

Références

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POURQUOI LE PRONOSTIC DU CANCER

DU PANCRÉAS EST-IL SI EFFROYABLE ?

Le pancréas, en particulier céphalique,comporte plusieurs spécificités qui expli-quent en partie pourquoi un cancer quis’y développe est rapidement incurable.● Tout d’abord, il contracte des rapports

très étroits avec les voies biliaires et leduodénum. Un cancer de la tête dupancréas va rapidement avoir un reten-tissement sur ces organes adjacents.Le traitement chirurgical devra sacrifierune partie plus ou moins importantedes trois éléments de ce carrefour,avecla complexité que cela suppose et lamorbidité qui en découle.

● Ensuite, le pancréas livre passage auxvaisseaux mésentériques supérieurs,en arrière de l’isthme. L’engainement,voire l’envahissement de ces vaisseauxpar une tumeur de la tête ou du corpsla rendra rapidement inextirpable. Unenvahissement du mésentère signe l’im-possibilité d’exérèse, tous lesauteurs s’accordant à considérerque l’ablation complète de l’intes-tin grêle n’est pas licite dans lecontexte.

● Troisièmement, le drainage lym-phatique du pancréas est très com-plexe, se faisant soit vers la rate,soit vers le tronc cœliaque, soitdans le mésentère, soit en arrièrevers les vaisseaux aorticocaves(Figure 1).Au moment du diagnos-tic de cancer du pancréas, les gan-glions sont atteints dans plus de75 % des cas.

● Quatrièmement, les métastases,lorsqu’elles sont présentes,condamnent le malade à brèveéchéance, quel que soit le traite-ment proposé (il n’y a pas de sur-vivant à un cancer métastatique du

pancréas, alors qu’il en existe parexemple pour un cancer métastatiquecolorectal).

● Enfin, il existe assez fréquemment desformes plurifocales (dans la littérature,le taux de foyers multiples varie de 3à 30 %).

LES LIMITES DU BILAN

D’UN CANCER DU PANCRÉAS

L'échographie abdominale, la TDM,l'écho-endoscopie, l'IRM et la cholangiopan-créatographie rétrograde par voie endo-scopique (CPRE) sont autant d'examensmorphologiques qui permettent de pré-ciser les caractères de la tumeur, sonretentissement d'amont et son exten-sion locorégionale. Les ponctions sousimagerie,ou lors d'une écho-endoscopie,les brossages ou les biopsies réalisés lorsdes manœuvres endoscopiques peuventsouvent aboutir à un diagnostic histolo-gique précis.

Pourtant le bilan,aussi complet et sophis-tiqué qu'il puisse être, ne permet pastoujours d'affirmer absolument que telleadénopathie supracentimétrique du pédi-cule hépatique est tumorale, que l'ab-sence de liseré de sécurité avec uneartère hépatique est la certitude d'uneinextirpabilité de la lésion, que tel pro-longement vers la racine du mésentèreest la signature d'une tumeur fixée ouencore que telle image tumorale fusantvers la gauche est à l'évidence une cou-lée tumorale et non un foyer de pan-créatite chronique d'amont…

QU’EST-CE QUI PEUT RENDRE LE

CANCER DU PANCRÉAS

IRRÉSÉCABLE ?

LA TAILLE DE LA LÉSION

Le taux de résécabilité est corrélé à lataille de la tumeur : le cancer est en pra-tique toujours localement extirpablelorsque le diamètre est inférieur à 2 cm

tandis qu’il ne l’est quasimentjamais lorsque sa tailledépasse 4 cm. Cela en faitd’ailleurs un critère prédictifde survie dans plusieursétudes, la limite faisant bas-culer le pronostic étant à 2,5cm.

L’ATTEINTE GANGLIONNAIRE

Les groupes péripancréa-tiques sont atteints d’embléedans environ 50 % des cas.Ces métastases, intracapsu-laires pour la plupart, sontcependant parfois compa-tibles avec une longue survie.A l’inverse, l’envahissementdes chaînes mésentériques,cœliaques ou aorticocavess’accompagne d’une survie

Critères de résécabilité d’un cancer du pancréas

L e cancer du pancréas est le quatrième cancer digestif en France. Son pronostic est sombre,puisque moins de 5 % des patients sont en vie 5 ans après le diagnostic. La seule chance deguérison d'un patient atteint d'un tel cancer passe par la résection chirurgicale. Cela revient

à dire que récuser un patient pour une intervention sur une simple suspicion d'inextirpabilité en imageriepourrait le condamner.

Figure 1 : Principaux relais ganglionnaires dans le cancer du pancréas

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toujours inférieure à 1 an.Comme l’ontrappelé Baulieux et Delpero en 2000,l’exérèse reste justifiée en cas d’enva-hissement ganglionnaire proximal pourtrois raisons : elle reste le meilleur trai-tement palliatif pour les tumeurs locale-ment extirpables par des équipes entraî-nées ; l’extension ganglionnaire précisen’est connue qu’a posteriori ; des surviesprolongées ont été publiées.

L’ENVAHISSEMENT VEINEUX MÉSENTÉRICO-PORTE

L’extension d’un cancer du pancréas versle duodénum n’est pas un signe d’inex-tirpabilité, puisque cet organe est résé-qué dans le même temps que la tête dupancréas.Car c’est en effet de là que peut venir lacontre-indication à l’exérèse : le cancerpeut envahir le système porte (veinemésentérique supérieure, tronc spléno-mésaraïque ou tronc porte pédiculaire).Plusieurs équipes radiologiques ont publiédes critères de résécabilité en se basantsur des séries d’angiographie : si l’angio-graphie est normale, la lésion sera résé-

cable dans les trois quart descas ; si les vaisseaux paraissentcomprimés ou refoulés, le tauxde résécabilité chute à un tiersdes cas ; en cas d’obstructionvasculaire le taux d’exérèse estnul. D’autres auteurs ont publiédes corrélations similaires avec lescanner hélicoïdal, (Figures 2,3).Le scanner hélicoïdal, couplé àl’écho-endoscopie et surtout àl’écholaparoscopie (tous, exa-mens très opérateur-dépen-dants) permettrait d’être aussifiable que l’angiographie. Laplace de l’IRM pour préciserl’extirpabilité d’un cancer dupancréas est encore en évalua-tion.Il est difficile de récuser unpatient pour une opération sil’envahissement veineux n’estpas massif et évident :un certainnombre d’entre eux pourronten effet avoir une exérèse ; etsi les adhérences vasculaires nesont découvertes qu’en fin de

dissection du pancréas, il est tou-jours difficile d’affirmer qu’ellessont tumorales et non pasinflammatoires.Dans des sériesd’exérèses larges avec sacri-fice veineux mésentéricoporteen cas d’adhérences serrées, ila été démontré que l’exten-sion du cancer à la veine n’exis-tait en fait que dans moins de50 % des cas.La résection d’une partie dutronc porte ou de la terminai-son de la veine mésentériquesupérieure est faisable, avecsuture directe si la longueurréséquée ne dépasse pas troiscentimètres, avec interpositiond’un greffon veineux sinon.Ishikawa a cependant publié unarticle qui fait encore réfé-rence, montrant que la survied’un patient ayant subi unerésection veineuse pour unenvahissement de plus de lamoitié de la circonférence sur une lon-gueur de plus de 15 mm était identique

à celle d’un même patient n’ayant passubi d’exérèse…

E n p r a t i q u e

8

Figure 2 : Cliché TDM réalisé chez une femme de 44 ansmontrant une volumineuse tumeur pancréatique céphalique avecperte du liseré de sécurité graisseux entre la tumeur et la veinemésentérique supérieure. L'exérèse a été possible et l'examen

anatomopathologique final a conclu en la présence d’un adénocarcinome du pancréas exocrine envahissant la

musculeuse duodénale.

Figure 4 : Cliché TDM réalisé chez une femme de 62 ans montrantun adénocarcinome pancréatique corporéocaudal avecenvahissement veineux splénique, qui a pu être réséqué.

Figure 3 : Cliché TDM (a) et écho-endoscopie (b) réalisés chezun patient de 69 ans, faisant suspecter un envahissement

veineux. L’intervention chirurgicale a infirmé cette atteinte etla duodénopancréatectomie céphalique a pu être réalisée.

Critères de résécabilité… (Suite de la page 7)

A

B

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Un envahissement veineux et mêmeartériel splénique ne pose habituelle-ment pas de problème lorsqu’il s’agitd’un cancer du pancréas corporéal oua fortiori caudal : l’intervention consis-tant en une splénopancréatectomiegauche avec curage (en l’absence demétastases à distance bien sûr), cesvaisseaux seront de toute façon empor-tés en monobloc avec le pancréastumoral (Figure 4).

L’ENVAHISSEMENT ARTÉRIEL

La question d’une atteinte artérielle est

un problème : les artères hépatique,mésentérique supérieure ou splé-nique sont pendant très longtempsrefoulées par la tumeur. Lorsqu’ellessont malheureusement envahies fran-chement, il existe toujours de nom-breux autres signes d’inextirpabilitécomme une tumeur énorme, desmétastases diffuses, une atteinte vas-culaire multiple avec thromboseporte, une ascite de carcinose péri-tonéale, etc. (Figure 5).

LES MÉTASTASES

Elles rendent le cancer du pancréas nonrésécable, car la survie n’est de toutefaçon que de quelques mois. Encorefaut-il faire la preuve, avant d’exclurela chirurgie, de la nature d’un nodulehépatique ou pulmonaire.

Pr Jean-Luc Faucheron,(Département de Chirurgie

Digestive et de l’Urgence Hôpital Albert Michallon, Grenoble)

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● S’il est vrai que l’existence de métastases ganglionnaires distales, l’exis-tence de métastases dans le foie, le poumon ou le péritoine ou encorel’existence d’une atteinte veineuse rendent un cancer du pancréas nonrésécable, encore faut-il être sûr de ces atteintes.

● Les métastases à distance sont le plus souvent facilement et rapidementconfirmées ou infirmées par la ponction sous imagerie.

● Les adénopathies à distance,si elles ne peuvent pas faire leur preuve his-tologique formelle sur une biopsie par imagerie ou par écho-endosco-pie,ne doivent conduire à l’abstention d’exérèse pancréatique qu’aprèsbiopsie chirurgicale par laparotomie ou mieux par laparoscopie.

● L’envahissement veineux diagnostiqué sur une TDM ou même en écho-endoscopie doit être réévalué de manière collégiale,en faisant intervenirle radiologue, le gastro-entérologue et le chirurgien. Il arrive que l’ab-sence de liseré graisseux de sécurité le long d’une veine mésentériquesupérieure en TDM associée à une suspicion de bourgeon tumoral intra-luminal en écho-endoscopie conduise quand même à une exérèse cura-tive…

● A l’inverse, il arrive de ne trouver la contre-indication à l’exérèse qu’àla laparotomie, alors que les examens pré-opératoires et la cœliosco-pie n’avaient identifié aucun critère d’irrésécabilité (Figure 6).

Figure 6 : Cliché TDM réalisé chez un patient de 67 ans nemontrant qu'une petite lésion pancréatique céphalique sanssigne d'inextirpabilité. La cœlioscopie première n'a montréaucune anomalie patente. Malheureusement, lors de la

conversion, l'exploration a fait découvrir 3 nodules de carcinosedans le plan de décollement du fascia de Toldt droit (derrière le

colon droit)

EN PRATIQUE

Figure 5 : Cliché TDM réalisé chez un patient de 52 ansmontrant un volumineux cancer du pancréas associé à desmétastases hépatiques, une carcinose péritonéale (ascite) et

des envahissements vasculaires.

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ObservationUn malade âgé de 37 ans était hospi-talisé en octobre 2002 pour bilan d'unediarrhée chronique.Cette diarrhée évo-luait depuis le début de l'année 1999.Elle était constituée initialement dedeux selles par jour, liquides sans sang,ni glaire. Un bilan sanguin ne montraitqu'une hypokaliémie à 3,3 mmol/l. Lagastroscopie avec biopsies duodéno-jéjunales était normale.L'iléocoloscopieavec biopsies étagées était normale.Untransit du grêle ne montrait pas d'ano-malie tant sur le plan fonctionnel quemorphologique.Un traitement symptomatique par anti-diarrhéique était inefficace. Le maladeétait hospitalisé en octobre 2002.L'examen clinique était sans anomalie.Le malade signalait une aggravation desa diarrhée estimée à 5-6 selles parjour dont une selle nocturne, très abon-dantes et malodorantes, associée à uneperte de 9 Kg en un an. Le poids desselles quotidiennes dépassait 1200grammes.

Les examens biologiques montraientuniquement une gastrinémie élevée à146 ng/l (limite supérieure à 80). Letest à la sécrétine était positif avec aug-mentation de la sécrétion acide basaleet des taux de gastrinémie.Une tomodensitométrie abdominalemettait en évidence un ganglion centi-métrique se situant en arrière de laportion moyenne du deuxième duo-dénum, au contact et immédiatementsous la portion proximale du troisièmeduodénum (photo 1).Une écho-endoscopie pancréatiquenotait, en péri-duodénal, en regard ducrochet pancréatique, une formationovoïde mesurant 2 cm de grand axetissulaire à centre anéchogène et auxlimites très régulières (photo 2).Cetteimage était compatible avec un gastri-nome. La scintigraphie à l'octréotidemarquée montrait un foyer de trèsforte fixation en regard du pôle infé-rieur du rein droit en avant de celui-ci(photo 3). Le diagnostic de gastrinomeétait retenu.Le bilan complémentaire à la recherche

d'une néoplasie endocrinienne multiple(NEM) était négatif. L'intervention chi-rurgicale réalisée le 5 janvier 2003retrouvait les lésions décrites sur leplan morphologique et permettait l'énu-cléation de la tumeur duodénale. L'exa-men histologique confirmait unelocalisation ganglionnaire d'un gastri-nome. Les suites opératoires étaientsimples.Un an après la chirurgie, le malade avaitun transit normal. La scintigraphie àl'octréotide était normale.

DiscussionLe diagnostic de gastrinome doit êtreévoqué devant de nombreuses situa-tions cliniques parmi lesquelles desulcères multiples avec vomissements,diarrhées et complications ulcéreusesou post-opératoires faisant suite à uneintervention sur l'estomac pour mala-die ulcéreuse ou œsophagite. Le modede révélation par une diarrhée chro-nique isolée est rare. L'ulcère duodénalet la diarrhée chronique sont les deuxsignes les plus souvent observés dansl'histoire naturelle de la maladie puisqueles lésions endoscopiques du tubedigestif supérieur sont présentes dans80 % des cas et la diarrhée dans 65 %des cas.Chacun de ces symptômes peutinaugurer la maladie pendant quelquesannées.

LA DIARRHÉE, COMME DANS NOTRE

OBSERVATION, EST DITE

VOLUMOGÉNIQUE

Elle est liée à l'augmentation des sécré-tions digestives hautes, gastriques, bilio-pancréatiques et duodéno-jéjunalesinduites par l'hyper-acidité intra-intestinale.La mal-digestion (pH intra-luminal acide)et la malabsorption (jéjunite) y contri-buent aussi ainsi que dans une moindremesure, l'accélération du transit intesti-nal.Le diagnostic repose d'abord sur la mise

Masse péri-duodénale et diarrhée chronique

Photo 1 : Scanner abdominalGanglion en arrière de la portion moyenne du 2ème duodénum

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I m a g e c o m m e n t é e

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en évidence d'une hyper-sécrétion gas-trique acide, et d'une hypergastrinémienon régulée à l'état basal. La gastrinesérique est élevée dans 80-90 % des cas.Le diagnostic de certitude est apportépar le test à la sécrétine. Ce test estactuellement le plus performant et lemieux toléré.On observe sous sécrétineune élévation en moyenne de la sécré-tion acide et de la gastrinémie,alors quel'effet physiologique inverse est généra-

lement observé dans l'ulcère duodénalbanal.

AU COURS DU GASTRINOME, UNE

NEM DE TYPE I EST OBSERVÉE

DANS 25 % DES CAS

Ce syndrome est défini par l'associationd'au moins deux atteintes endocriniennesbénignes ou malignes simultanées ou

successives.L'hyperparathyroïdie est l'at-teinte endocrinienne la plus souvent asso-ciée suivie par l'atteinte hypophysaire,puiscorticosurrénalienne, puis thyroïdienne.La recherche d'une NEM doit être systé-matique car son existence peut modifierfortement la conduite thérapeutique.En cas de syndrome de Zollinger Ellisonde type sporadique, le gastrinome primi-tif est le plus souvent unique et situé dansau moins 50 % des cas dans le duodé-num (notre observation).La localisation pancréatique est plus rare(25 % des cas).Enfin,le gastrinome primitifpeut être ganglionnaire. En cas de gastri-nome s'intégrant dans une NEM,ceux-cisont multiples dans plus de 75 % des cas.La localisation des gastrinomes primitifsrepose essentiellement,outre sur la tomo-densitométrie, sur l'écho-endoscopiebiliopancréatique et la scintigraphie desrécepteurs à la somatostatine.

L'ÉCHO-ENDOSCOPIE CONTRIBUE DE

MANIÈRE PRÉPONDÉRANTE AU

DIAGNOSTIC PRÉ-OPÉRATOIRE DES

GASTRINOMES

Elle permet le dépistage de très petitestumeurs mesurant de 5 à 20 mm de dia-mètre. Sa sensibilité est supérieure àcelle du scanner pour les tumeurs pan-créatiques et ganglionnaires. S'agissantdes tumeurs duodénales, sa sensibilitén'est que de 50 %.Dans ce dernier cas,elle est donc complémentaire à la scin-tigraphie à l'octréotide marquée.La scintigraphie à l'octréotide permetde mettre en évidence 70 à 100 % destumeurs endocrines pancréatiques etdigestives.Pour le diagnostic de tumeurendocrine pancréatique, la sensibilité dela scintigraphie à l'octréotide est com-prise entre 67 et 78 %.Le pronostic et l'évolution sontétroitement liés à l'appartenanceou non à une NEM. En cas de gastrinome sporadique, commedans notre observation, le traite-ment chirurgical est la règle.

Dr Patrick Hastier(CH Princesse Grace, Monaco)

Photo 2 : Echoendoscopie pancréatique Lésion tumorale de 20 mm péri-duodénale

Photo 3 : Scintigraphie à l’octréotideFoyer de fixation en regard du pôle inférieur du rein droit

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P u b l i c a t i o n c o m m e n t é e

La découverte fortuite de lésions kys-tiques pancréatiques tend à devenir plusfréquente en raison de la diffusion desexamens radiologiques et de la pratiqueplus facile des bilans systématiques.Cette étude rétrospective (1997-2002)avait comme objectif d’établir la fré-quence et les caractéristiques clinico-pathologiques des malades porteurs detelles lésions et de les comparer à cellesdes malades symptomatiques .Parmi les 212 malades colligés, 78(36,7 %) étaient asymptomatiques. Ilsétaient plus vieux, avaient des lésionskystiques de plus petite taille plutôtlocalisées dans le corps ou la queue dupancréas. Dans ce groupe, la part desmalades ayant un pseudokyste (PK) était

moins importante (3,8 %) que celleconstatée dans le groupe symptoma-tiques (19,4 %). Globalement, la lésionkystique la plus fréquemment rencon-trée était la tumeur intracanalaire papil-laire mucineuse du pancréas (TIPMP)(n = 75) suivie par les kystes mucineux(n = 43). A signaler que la moitié deslésions de moins de 2 cm dans le groupeasymptomatique, correspondait à cesdeux types de lésions qui devaient doncêtre considérées comme potentielle-ment malignes.Les symptômes les plus souvent objec-tivés étaient la douleur abdominale, laperte de poids et à un moindre degrél’ictère et la palpation d’une masse abdominale.

Le diagnostic de lésion kystique du pan-créas a été fait par scanner, échogra-phie, IRM ou écho-endoscopie.La sensibilité et la spécificité de ce der-nier examen dans la détection d’unelésion maligne (cancer in situ ou invasif)étaient respectivement de 69 % et 90 %.La plupart des malades a été opéré (78 % dans le groupe asymptomatique),ce qui a autorisé un diagnostic de cer-titude. Dans les autres cas, l’évolution,les examens morphologiques ainsi quela ponction et l’analyse du liquide dukyste ont permis de caractériser leslésions.

Dr H. Bécheur (CHG, Evreux)

Attention aux lésions kystiques pancréatiques dedécouverte fortuite !

Incidental pancreatic cysts - clinicopathologic characteristics and comparison with symptomatic patients.C Fernandez Del Castillo, J Targarona, SP Thayer et al.Arch Surg 2003 ; 138 : 427-33

Cette étude, la première à s’être intéressée auxcaractéristiques des lésions kystiques du pancréasdécouvertes fortuitement et surtout à leur devenir,est riched’enseignement.Assez logiquement, on constate en premier lieu, que ceslésions sont en général de plus petite taille et localiséesdans le corps ou la queue du pancréas, ce qui explique, enpartie, leur caractère asymptomatique.De même, la faible fréquence des PK (3,8 %) paraîtcompatible avec la découverte fortuite de ces lésions dansla mesure où ces derniers sont dans la plupart des cas,consécutifs à une pancréatite qui se traduit le plus souventpar des symptômes.L’élément le plus significatif consiste à objectiver parmi leslésions kystiques fortuites de taille inférieure à 2 cm, jusqu’à50 % d’atteintes potentiellement malignes. Il est à noterque globalement sur les 212 patients colligés, 75 d’entreeux avaient une TIPMP et 43 un cystadénome mucineux.D’autre part, 12 adénocarcinomes ont été trouvés dans legroupe de patients symptomatiques et 2 dans le groupeasymptomatique.Au total plus de 60 % des lésions étaientpotentiellement malignes ou malignes !A cet égard, les auteurs souligneront le rôle majeur del’écho-endoscopie dans le bilan des lésions kystiques dupancréas,notamment de diagnostic de malignité avec,pourcet examen, une sensibilité et une spécificité

(69 % et 90 %, respectivement) des plus respectables.L’ensemble de ces données a conduit les auteurs à proposerun arbre décisionnel pertinent en présence d’une lésionkystique du pancréas de découverte fortuite, qui pourraitse résumer comme suit :● si la taille est inférieure à 2 cm : le risque de cancer est

faible mais dans un cas sur deux la lésion pourrait êtrepotentiellement maligne,ce qui implique une surveillancemorphologique régulière et une intervention chirurgi-cale (quand elle est possible).

● si la taille de la lésion est d’emblée supérieure à 2 cm etque le patient est jeune, la résection est recommandée.

Dans les autres cas, l’écho-endoscopie, éventuellementassociée à l’analyse du liquide kystique (dosage de la mucineet de l’ACE notamment),devrait permettre de trancher.Unaspect évocateur de cystadénome séreux, l’absence demucine et un taux faible d’ACE dans le liquide de ponction,incitent à une surveillance simple. En revanche, des imagesécho-endoscopiques équivoques et/ou des taux de mucineou d’ACE intra-kystiques élevés indiquent plutôt la résection.En définitive, ce travail a le grand mérite de clarifier laconduite à tenir vis-à-vis des lésions kystiques du pancréasdans leur globalité et concernant celles qui sont dedécouverte fortuite à inciter les praticiens à la plus grandevigilance afin de ne pas méconnaître une atteinte maligne.

COMMENTAIRES

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Revue de p r e s se . . . Re vue de p r e s se . . . Re vue de p r e s se . . .

Influence de l’expertise dans la prise encharge et le devenir des maladesatteints de cancer du pancréas

Le but de cette étude conduite dans des hôpitaux anglais etgallois a été de déterminer dans quelle mesure la prise encharge de malades atteints de cancer du pancréas et leur deve-nir étaient influencés par l’expertise de l’hôpital et/ou dumédecin qui les avaient soignés. Celle-ci était évaluée entermes de volume de malades traités.

Les résultats sont « dérangeants » à plus d’un titre : en examinant782 malades suivis pendant 2 à 3 ans dans 29 hôpitaux, ils’avère que la survie des malades traités dans les hôpitauxles plus « experts » (ceux dont le volume de malades atteintsde cancer pancréatique était le plus élevé) était significative-ment plus longue que celle des malades pris en charge dansles autres hôpitaux.En revanche, cette corrélation n’était pas établie pour l’ex-pertise médicale, même si celle-ci était liée, fort logiquement,à celle de l’hôpital dans lequel le médecin exerçait.D’autre part, on constatait une tendance à plus d’interven-tionnisme médical (examen anatomo-pathologique, résectionet prothèse biliaire) dans les hôpitaux considérés commeexperts par rapport aux autres. De là à y voir une explicationà la plus longue survie des malades traités dans ces hôpitauxexperts, il n’y a qu’un pas que les auteurs ne… franchissent pas.Cependant, leur conclusion est sans ambiguité : en cas decancer du pancréas (quel qu’en soit le stade) mieux vaut se fairesoigner dans un centre spécialisé !Une bonne partie de la discussion de ce travail a consisté à jus-tifier sa méthodologie, effectivement très sujette à caution,tant les biais (pour une large part reconnus par les auteurseux-mêmes) étaient multiples : nombreuses informationsabsentes du dossier médical, seuil arbitraire entre hôpitauxexperts ou non, probable sur représentation de malades poten-tiellement curables dans les centres référents, absence de priseen compte de la qualité de vie, etc …Chacun jugera si à la lumière de ces… zones d’ombres, il estcapable de se faire une opinion tranchée !

MO Bachmann, D Alderson, TJ Peters and al Br J Sur 2003 ; 90 : 171-7

Echo-endoscopie normale : CPRE ou non ?

En présence de signes évocateurs de lithiase de la voie biliaireprincipale (LVBP), la normalité de l’écho-endoscopie est-ellesuffisante pour se dispenser d’une cholangiographie endo-scopique ?Afin de répondre à cette question de pratique courante, l’équipelyonnaise a mené une étude prospective d’1 an comprenant238 malades.Durant le suivi, 59 malades (25 %) ont eu une cholécystecto-mie avec (n = 31) ou sans (n = 28) cholangiographie per-opé-ratoire et 30 (13 %) ont eu une CPRE, dont la moitié a étéeffectuée dans la première semaine suivant l’écho-endosco-pie, en raison d’un haut risque de LVBP. La plupart (n=10) des14 calculs cholédociens mis en évidence l’ont été à cette occa-sion.La valeur prédictive négative de l’écho-endoscopie s’établis-sait à 95,4 %, ce qui était considéré par les auteurs comme untaux élevé. De ce fait, en cas de suspicion de LVBP, le risque de

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méconnaître un calcul alors que l’écho-endoscopie est normale,paraît très faible et rejoint celui rapporté dans d’autres études.En définitive, concluent les auteurs, la stratégie diagnostiqueadéquate en présence d’une suspicion de LVBP, pourrait êtrela suivante :- en cas de risque moyen ou intermédiaire (épisode d’angio-

cholite ou de pancréatite, perturbations du bilan hépatique,dilatation modérée de le VBP), l’écho-endoscopie est pro-posée en première intention (ou la bili-IRM si le malade a uneanastomose gastro-jéjunale, une sténose digestive ou unâge avancé) ;

- la CPRE (associée à une sphinctérotomie) pourrait être réser-vée aux malades à haut risque de calcul (en cas d’ictère oude dilatation importante de la VBP) ou, a fortiori, en cas decalcul cholédocien connu.

B. Napoléon, J. Dumortier, O. Keriven Souquet et al.Endoscopy 2003 ; 35 : 411-5

« L'insoutenable légèreté de l’être » dela scanographie dans la pancréatite

aiguë

En examinant de façon rétrospective (Octobre 1999-Octobre2001), 108 malades admis dans un hôpital universitaire pourpancréatite aiguë dont 58 (soit 54 %) ont eu un examen tomo-densitométrique, il s’avère qu’il n’y avait pas de différencesignificative en termes de sévérité de la maladie entre lesmalades ayant eu cet examen et ceux qui en avaient été « pri-vés ». A signaler également que ces derniers quittaient l’hô-pital 3 jours avant « les bénéficiaires » de la scanographie. Deplus, les scanographies jugées appropriées étaient le plus sou-vent prescrites par des gastroentérologues plutôt que par desurgentistes. Le caractère approprié d’une scanographie étaitdéfini par les critères suivants :• existence d’un doute chimique quant au diagnostic de pan-

créatite aiguë ;• situation clinique sévère à savoir distension abdominale,

contracture, fièvre, hyperleucocytose ;• absence d’amélioration 72 heures après le début d’un trai-

tement médical symptomatique ;• aggravation clinique après une phase d’amélioration, déno-

tant d’une possible complication ;• suspicion de malignité à l’échographie nécessitant une confir-

mation tomodensitométrique.Les auteurs considèrent que les coûts indirects et directs (sansbénéfice médical) générés par une prescription systématiqued’une scanographie en cas de pancréatite aiguë ne se justifientpas et devraient inciter selon eux à revenir aux règles de pres-criptions énumérées ci-dessus. Néanmoins, celles-ci, définiespar Balthazar et al en 1994, peuvent paraître un peu ancienneset d’autre part le 5ème critère (la suspicion de malignité à l’écho-graphie) est souvent difficile à préciser en raison des difficul-tés techniques de l’échographie dans l’exploration complète

du pancréas. A cet égard, une suivi prolongé des maladesaprès leur hospitalisation aurait sans doute été intéressant.Enfin, l’effectif étudié (58 malades dans un groupe et 50 dansl’autre) paraît un peu faible pour autoriser une conclusion définitive.Néanmoins, à ces réserves près, il est effectivement utile dese poser la question d’une scanographie systématique en casde pancréatite aiguë, dans la mesure où près de 85 % demalades qui en sont atteints ont une forme modérée et noncompliquée de la maladie.Affaire à suivre.

F. Fleszer, F. Frieddenberg, B. Krevsky et al.Am J Med Sci 2003 ; 325 : 251-5

Moindre sévérité de la pancréatite aiguëlithiasique en présence d’un pancréas

divisum

Il paraît logique de considérer que la pancréatite aiguë lithia-sique puisse être moins sévère en présence d’un pancréas divi-sum dans la mesure où, dans ce cas, la sécrétion pancréatiquereste possible par la papille accessoire tandis que la papilleprincipale est obstruée par un calcul. Néanmoins, cette hypo-thèse n’avait pas encore été vérifiée.Dans une étude rétrospective ayant concerné 13 malades avecpancréatite aiguë et pancréas divisum et 39 malades égalementatteints de pancréatite aiguë mais indemnes de pancréas divi-sum, constituant le groupe contrôle, un recueil des valeurs del’amylase, lipase, CRP et leucocytes avant la sphinctérotomieendoscopique (effectuée chez tous les malades) ainsi qu’uneappréciation de la sévérité de la pancréatite sur la base de la CRP,du score de Ranson, de la scanographie, de la nécessité desoins intensifs, de la présence ou non d’une nécrose, de ladurée d’hospitalisation et enfin de la mortalité, ont permis decomparer les 2 groupes.Il s’avèrait que chez les malades avec pancréas divisum le scorede sévérité tomodensitométrique était significativement moinsélevé. De même, le temps d’hospitalisation était plus court etla mortalité moindre (aucun décès dans ce groupe vs 4 décèsparmi les 39 malades de l’autre groupe). Pour les autres para-mètres étudiés la différence n’était pas significative mais il exis-tait une tendance vers des valeurs biologiques et un score deRanson moins élevés en cas de pancréas divisum.Ces résultats confirment le caractère « protecteur » du pan-créas divisum en présence d’une pancréatite aiguë. Même sila prise en charge doit rester la même (d’autant que la pancréatiteaiguë peut être sévère quand il existe un pancréas divisum), laconnaissance de ce nouveau facteur pronostique pourrait avoirune influence en termes de décisions thérapeutiques, notam-ment vis-à-vis de la sphinctérotomie endoscopique qui serait- suggèrent les auteurs (sans le prouver) – moins nécessaire dansce cas.

N. Boon, M. Delhaye, O. Lemoine et al.Endoscopy 2003 ; 35 : 407-10

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Revue de p r e s se . . . Re vue de p r e s se . . . Re vue de p r e s se . . .

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Histoire naturelle de la pancréatite etmutations du gène CFTR

L’implication des mutations du gène CFTR (celui de la muco-viscidose) est de plus en plus rapportée dans les cas de pan-créatites chroniques idiopathiques.Une équipe italienne a cherché ces mutations (au nombre de18 connues à l’heure actuelle) parmi 99 patients dont 45étaient atteints de pancréatite chronique idiopathique et 54 depancréatites aiguës itératives et inexpliquées.Une ou plusieurs mutations étaient trouvées chez 14 patientsdont 3 avaient une authentique mucoviscidose. Tous cespatients avaient un long passé de poussées récidivantes avecun intervalle précédant le diagnostic de pancréatite chroniqueplus long que dans le cas de pancréatites chroniques idiopa-thiques sans mutation CFTR (7,4 ans vs 2,1 ans). Par ailleurs,le diabète et/ou la stéatorrhée évocateurs d’une insuffisanceendocrine ou exocrine étaient plutôt rares ou tardifs chez lespatients présentant une ou des mutations du gène CFTR. Il enétait de même concernant l’apparition de calcifications pan-créatiques. Ainsi, pour les auteurs, ces pancréatites semblent d’évolutionplus lente que les atteintes « classiques ». D’autre part il a étéconstaté chez 2 de ces patients une dilatation importante ducanal de Wirsung qui a été rapportée, à tort, à une tumeur muci-neuse papillaire pancréatique.De ce fait, chez un patient plutôt jeune souffrant de pancréa-tites récidivantes inexpliquées, la constatation d’une dilata-tion canalaire doit conduire à la recherche d’une mutation dugène CFTR avant toute chirurgie.De façon plus générale, cette recherche devrait être systé-matisée en présence d’une pancréatite chronique considéréejusque là comme idiopathique et dans le cas de pousséesaiguës itératives inexpliquées. En pratique, il faudra attendrela « démocratisation » d’une telle recherche avant de l’incluredans le bilan étiologique courant, mais dans certaines situations(par exemple pour le diagnostic différentiel avec une TIPMP)y penser devrait permettre d’éviter des actes chirurgicauxabusifs.

L. Frulloni, C. Castellani, P. Bovo et al.Digestive and Liver Disease 2003 ; 35 : 179-85

Echo-endoscopie et lésions kystiques du pancréas

Le diagnostic de lésions kystiques du pancréas est souvent dif-ficile. Les auteurs coréens de ce travail ont cherché à cerner laplace de l’écho-endoscopie (EES) dans le diagnostic différen-tiel entre pseudokystes (PK) et tumeurs kystiques, cystadé-nome séreux (CS) et mucineux (CM), malignité ou non dansles tumeurs intracanalaires papillaires mucineuses du pancréas(TIPMP).

Un total de 75 patients, dont 58 étaient atteints detumeurs kystiques (toutes confirmées histologiquement)et 17 de pseudokystes (6 diagnostics obtenus aprèschirurgie et 11 à la lumière de l’évolution) ont été étu-diés.En analyse multivariée, les modifications parenchymateusespancréatiques étaient significativement associées aux PK tan-dis que l’existence de cloisons et/ou de nodules pariétauxintrakystiques étaient évocateurs de tumeurs kystiques. Dansce groupe de lésions, l’aspect alvéolaire orientait vers le CS alorsque les nodules pariétaux étaient significativement associés auxCM. Les auteurs n’ont pas trouvé de facteurs prédictifs demalignité en écho-endoscopie s’agissant des TIPMP, mais l’ef-fectif était trop faible (n=28) pour que les différences consta-tées atteignent le seuil de significativité. Néanmoins,conformément aux résultats de la littérature, on constatequ’une dilatation du canal pancréatique principal supérieure à5 mm était plus souvent objectivée en cas de lésion malignepar rapport à une lésion bénigne (63 % vs 25 %). Il en était demême concernant la taille du kyste (> 4 cm) avec 33 % delésions malignes et 8 % de TIPMP bénignes dans ce cas. Enrevanche et contrairement à d’autres résultats, la présence etla taille des nodules pariétaux ne paraissent pas discriminantesdans ce travail.En définitive, l’EES paraît un bon examen d’orientation pour fairela part entre PK et tumeurs kystiques et également entre CSet CM même si cet examen ne peut à lui seul suffire (la clinique,les autres examens morphologiques, ainsi que la ponction etanalyse du liquide kystique, sont également importants). Dansle diagnostic de malignité de TIPMP, les résultats de cetteétude sont plus contrastés. Cependant, dans cette indication,la capacité du patient à subir une résection pancréatique consti-tue souvent l’élément déterminant (sauf en cas de lésionslocalisées au niveau des canaux secondaires où la TIPMP estalors presque toujours bénigne) pour décider ou non de lachirurgie.

M.H. Song, S.K. Lee, M.H. Kim et al.Gastrointest Endosc 2003 ; 57 : 891-6

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Pancréascopie Journal réalisé à l’initiative de Solvay Pharma

Editeur : Ektopic

n° d’ISSN : 1265-4043

Directeur de la publication : J.-P. Yaher

Maquette : C. Huzer - E. Pasquier

Rédacteur en chef : Pr Ph. Lévy

Imprimeur :Typoform

Revue de presse réalisée par Hakim Bécheur