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© S.A. IPM 2013. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit. BÉNÉDICTE MAINDIAUX Supplément gratuit à La Libre Belgique du samedi 29 juin 2013. LA FILIÈRE BOIS WALLONNE AU CŒUR DES DÉFIS

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Dossier Agriculture 2013

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BÉNÉ

DICTEMAIND

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Supplément gratuit à La Libre Belgique du samedi 29 juin 2013.

LA FILIÈREBOISWALLONNEAUCŒURDESDÉFIS

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2 SEMAINE DU SAMEDI 29 JUIN 2013 SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

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3SEMAINE DU SAMEDI 29 JUIN 2013 SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

ETIENN

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HOLASSE

La Foire annuelle de Libramont est un rendez-vous incontournable pour les agriculteurs et tous les profes-sionnels de la terre, mais aussi et de plus en plus, pour les consommateurs.

l Édito

Se réinventerpour subsisterYves Cavalier

Plusieurs fois millénaires, l’agriculture est sans aucun doutel’activité humaine qui a eu le plus souvent à se remettre enquestion. Se réinventer, c’est dans sa nature. Tel devrait sansdoute être aujourd’hui encore lemot d’ordre dumondeagricole qui s’efforce de résister aux éléments de toute sortequi chaque année, à chaque saison, fragilisent les métiers dela culture et de l’élevage. Mais en fin de compte, cemotd’ordre est aussi celui quemet chaque année en évidence lerendez­vous de Libramont. Fin juillet, ce sont des dizaines demilliers d’agriculteurs, d’hommes et de femmes de la terre,de la campagne et des bois qui se retrouvent dans cette bour­gade du fond du sud de la Belgique comme s’il s’agissait d’unpèlerinage. Peut­être y a­t­il de cela. Et le fait de voir ce sec­teur d’activitéminorisé par l’histoire en termes de PIB, serassembler l’espace de quelques jours à Libramont, souligneaussi que si le secteur primaire a régressé, il n’en reste pasmoins incontournable parce que justement, il répond à nosbesoins premiers.Pourtant, la terre a beau être par définition immobile, l’im­pact de lamondialisation et des délocalisations n’épargnepas le secteur agricole. Avec des avantages qui ont bien failliséduire de très nombreux consommateurs. Dans un universde crise économique prolongée, la guerre des prix trouve sesalliés et dans bien des cas, les producteurs locaux ne sontplus enmesure de se battre contre les importations à desconditions de dumping, pas plus que contre les exigences deplus en plus extrêmes des intermédiaires et des revendeursqui veulent les prix les plus bas au nom du consommateur…mais aussi au prix de leur propre survie. La filière du lait estprobablement celle qui a lemieuxmis en évidence cemalqui gangrène un circuit économique bouleversé par la globa­lisation.Mais fort heureusement, il y a eu et il y a toujours des sur­sauts, de bon sens ou de sagesse. Chacun jugera. Dernierscandale en date, celui de la viande chevaline introduite “àl’insu de son plein gré” dans la filière alimentaire. Soudain,on s’est souvenu que désormais, on pouvait nous faire avalern’importe quoi ! Et pourtant, les éleveurs eux­mêmes vousassureront que jamais, ils n’ont subi autant de contrôles etque jamais, les conditions d’hygiène n’ont été aussi stricte­ment respectées. Toutes proportions gardées, cette affaire,rappelle fort la crise du secteur bancaire. On a fini par créerde tels monstres que finalementmême lesmonstres chargésde les surveiller sont devenus inefficaces. On ne peut riencontre lemensonge et la dissimulation.Voilà pourquoi, on plaide aujourd’hui de plus en plus pourles “filières courtes”. “Du producteur au consommateur”, estdevenu un autremot d’ordre tandis qu’il faut aussi allierrentabilité et respect de l’environnement. Car c’est aussi celaque veut le consommateur. C’est pour cela, que cemétier dela terre est obligé de se réinventer en permanence. Pour luiqui affronte à chaque saison les délires climatiques, s’adapterc’est un défi tout naturel mais qu’il faut néanmoins entrete­nir. C’est en cela que la Foire annuelle de Libramont est unrendez­vous incontournable pour les agriculteurs et tous lesprofessionnels de la terre, mais aussi et de plus en plus, pourles consommateurs qui ne veulent plus avaler n’importequoi à n’importe quel prix.

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4 SEMAINE DU SAMEDI 29 JUIN 2012 SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

Un secteur lourd d’emplois,mais à développer enWallonieh La filière bois est pluscomplexe qu’il n’y paraît. Etdoit surtout permettre decréer plus de valeur ajoutéedans le Sud du pays.

“La filière bois paraît à première vue trèssimple à décrire puisque l’on peut consi­dérer qu’elle concerne tout ce qui, de prèsou de loin, vise à l’utilisation du bois audépart de la production forestière. Pour­tant, elle est beaucoup plus complexe quecette image tant elle recouvre des secteursdifférents, avec nombre de sous­secteurs”,souligne d’emblée Emmanuel Defays,directeur de l’Office économique wal­lon du bois (OEWB). “Et l’on s’imagine leplus souvent très peu le nombre élevéd’entreprises et d’emplois qu’elle ‘pèse’ enWallonie et en Belgique, ainsi que sonchiffre d’affaires.”Alors, cette filière bois, c’est quoi ?Commençons par une lapalissade : cequ’il est convenu d’appeler filière boisdésigne en principe l’ensemble des ac­tivités, entreprises, organismes et per­sonnes liées, directement ou non, à laforêt et au bois. Cette filière vient d’êtredécrite dans un premier “PanoraBois”,édité par l’OEWB, qui a démarré ses ac­tivités en 2012 et a pour mission, assi­gnée par le gouvernement wallon, dedonner une cohérence à cette filière etd’en faire un pôle majeur de l’écono­mie wallonne.Ce sont les 548750 ha de forêts wal­lonnes appartenant tant au publicqu’au privé qui forment le point de dé­part de la filière enproduisant plus de 4millions dem3 de bois d’œuvre, de boisd’industrie et de bois énergie. Soit lesactivités de gestion et d’exploitation fo­restière, de transformation des boisronds (production de sciage, de pâte àpapier, de panneaux, etc), de fabrica­tion de produits finis en bois ou à basede bois, de menuiserie – charpenterie –construction bois, de négoce de bois etdes produits à base de bois. “Auxquellesil faut ajouter la chimie du bois et le déve­loppement de nouveaux matériaux com­posites à base de bois, pour terminer parle recyclage des produits en fin de vie et lebois énergie”, ajoute Eugène Bays, atta­ché à la stratégie et à la prospection àl’OEWB. En n’oubliant pas de notercette filière indirecte, ou satellite,qu’est la production, la commercialisa­tion et l’entretien des outils nécessairesà la filière bois, ou encore la productionet la commercialisation des produits deprotection du bois.“Même si bien des données sont encore la­

cunaire, une première recherche met enexergue trois chiffres qui établissent demanière indiscutable l’importance écono­mique – souvent ignorée – de la filière boisen Wallonie : elle regroupe 7811 entre­prises dans le travail direct du bois, 7500autres dont une activité secondaire liée aubois et, ce qui n’est pas moins essentiel,quelque 18824 emplois directs répartisen 13275 salariés et 5549 indépen­dants.” Deux types d’activités sont trèsnettement majoritaires, la productionforestière (sylviculture et exploitation),avec 1908 entreprises, et lamenuiserie,avec 2947 entreprises. Elles comptentrespectivement 12% et 33% de l’emploisalarié et indépendant (chiffres 2008).Quant au chiffre d’affaires 2012, toutesrégions du pays et toutes activités con­fondues, il s’établissait, pour la trans­formation du bois, à un peu plus de 10

milliards d’euros, soit à son niveau de2006. Le chiffre d’affaires de l’industriedu bois a augmenté de 10% entre 2005et 2008, avant une forte chute en 2009,puis une remontée régulière. Il faut ce­pendant noter que près 71% de ce chif­fre proviennent d’entreprises situées àFlandres, la Wallonie ne représentantqu’à peine 25%. C’est dire qu’un travailconséquent doit être effectué – commed’ailleurs toute la filière bois du Sud dupays le demande – pour que le chiffred’affaires réalisé en Wallonie puisseaugmenter, en particulier par l’apportd’un surcroît de plus­value. Notons en­core que, toujours en 2012, les entre­prises manufacturières wallonnes liéesau bois ont vu leur chiffre d’affaires serépartir à raison de 34% pour le travaildu bois et la fabrication d’articles enbois et en liège, 53% pour l’industrie du

papier et du carton et 13%pour la fabri­cation demeubles.Le bois énergie, enfin, aurait vu

553000 m3 de bûches utilisés par lesménages, 635000 tonnes de bois diversbrûlées en chaufferies collectives publi­ques, chaufferies industrielles et cogé­nération, et 922000 tonnes de pelletsconsommées par les ménages, leschaufferies collectives publiques etpour la production d’électricité. “Maisla quantification des consommations esttrès complexe car celles­ci sont diffuses etles chiffres sont dès lors à prendre avecune extrême prudence”, pointe EugèneBays. Des données importantes puis­que le bois énergie est appelé à une ex­pansion certaine compte tenu des ob­jectifs wallons en matière de produc­tion d’énergie renouvelable.Marc Vandermeir

Foire de Libramont. Supplément hebdomadaire à La Libre Belgique. Coordination rédactionnelle : Yves Cavalier. Réalisation : IPM Press Print. Administrateurdélégué - éditeur responsable : François le Hodey. Directeur général : Denis Pierrard. Rédacteur en chef : Vincent Slits. Rédacteur en chef adjoint : Pierre-François Lovens. Publicité IPM Advertising : 0032.2.211.31.44 - [email protected]

Etat des lieux

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5SEMAINE DU SAMEDI 29 JUIN 2012 SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

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6 SEMAINE DU SAMEDI 29 JUIN 2012 SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

Une filière à l’avenir jonché d’épines…h “La Libre” a organisé unetable ronde avec lesdifférents acteurs du secteur.

Débat animé par Sébastien Lambotteet Marc Vandermeir

La filière bois connaît de nombreusesmutations et de nombreuses interro­gations relatives à son avenir inquiè­tent, aujourd’hui, la large diversitéd’acteurs qui la composent. “La LibreBelgique” a voulu dresser un état deslieux de ce secteur, important en Wal­lonie, en réunissant plusieurs de sesparties prenantes, acteurs privés, re­présentants publics, propriétaires etinvestisseurs, lors d’une table­ronde.L’ensemble des acteurs invités a ré­pondu présent. Ce qui, précisément,en dit long sur les préoccupations desprofessionnels du secteur et sur lesperspectives que celui­ci présente.La forêt wallonne est, certes, un im­portant poumon vert, mais un pou­mon qui s’épuise, si l’on en croit lesdifférents intervenants. Entre les pro­priétaires qui, vu les retours sur inves­

tissement, sont de moins enmoins en­clins à replanter et les acteurs indus­triels, traditionnels (papeterie,fabricant de panneaux) ou dévelop­pant des applications plus récentes (lebois­énergie), les perspectives sem­blent moroses. Idem pour la transfor­mation, dont l’outil ne semble plus for­cément en adéquation avec les besoins.Pour tous, il est aujourd’hui urgent deréagir si l’on veut préserver cette filièrequi représente 18800 emplois enWal­lonie. La filière bois a besoin denouvel­les perspectives pour rester concurren­tielle dans un marché de plus en plusglobalisé.

Une offre qui s’amenuise, des be­soins toujours plus importants

Il n’est toutefois pas évident demettretout le monde d’accord quand ontente, comme nous l’avons fait, d’em­brasser les enjeux relatifs à la filièrebois dans sa totalité. D’abord, parceque les acteurs sont multiples et qu’ilsn’ont, les uns et les autres, pas les mê­mes préoccupations et intérêts à dé­fendre. Ensuite, parce que les usagesque l’on fait du bois sont multiples etque l’on en découvre, encore actuelle­

ment, de nouveaux. Tous, toutefois,partagent un même constat. “Nousavons, pour nourrir la filière, besoin deplus en plus de bois, essentiellement durésineux. Or, ces dernières années, laquantité de résineux disponible a dimi­nué de 17000 hectares de surface fores­tière au profit des feuillus”, expliqueBernard Vanden Avenne, administra­teur délégué de Spanolux, entrepriseimplantée à Vielsalm et spécialiséedans la production de panneaux enbois. “Aujourd’hui, l’offre annuelle debois en Belgique est de 3,5 millions detonnes. Or, rien que nous en consommonsdéjà 7 millions de tonnes. La moitié dubois consommé est déjà importé. De plus,au niveau des résineux, on exploiteaujourd’hui 123% de l’offre disponible.Ce qui signifie que l’on mange le capitalde résineux disponible pour les années àvenir.”La problématique est bien là, entrel’offre qui s’amenuise et la demandequi, elle, explose considérablement. En2020, les besoins de bois pour l’ensem­ble de la filière en Belgique, s’élèverontà 15000000 tonnes estiment plu­sieurs acteurs.Par ailleurs, le bois à l’importationcoûte cher. Ce n’est pas pour rien que

des industries lourdes, dont la princi­palematière première est le bois, se sontinstallées au cœur de la forêt wallonne.Celle­ci, toutefois, ne suffit plus à les ali­menter. Désormais, des usines de pro­duction comme Spanolux, ou le fabri­cant de papier et pâte à papier Burgo Ar­dennes, doivent aller chercher leur boisjusqu’au cœur de la France, pays où laconsommation en bois devrait elle aussiexploser dans les années à venir. Le dé­veloppement de nouveaux usages,comme la filière bois­énergie, soutenuepar les pouvoirs publics, si elle ne se dé­veloppe pas dans une vision plus inté­grée du secteur, risque de nuire à l’en­semble de l’industrie. “La diminution desrésineux nous inquiète depuis plusieursannées. Faire grandir un épicéa prend dutemps. La réaction face à cette problémati­que aurait dû avoir eu lieu depuis long­temps. Là, on a perdu dix ans et la situa­tion est aujourd’hui alarmante”, assureElise Speybrouck, de l’Union nationaledes entreprises du bois.

La forêt surexploitée

En quelques années, les en résineuxsont passées de 47% de la forêt total à43%. Face à cet appauvrissement de la

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Frédéric Petit (NTF): “La forêt est le fruit d’une longue tradition sylvicole qui a pris grandsoin de ce patrimoine”.

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Bernard François (Groupe François): “Il faut pousser le privé, par tous les incitants possibles,à planter des arbres”.

Table ronde

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7SEMAINE DU SAMEDI 29 JUIN 2012 SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

Une filière à l’avenir jonché d’épines…forêt, il faut replanter. La diminutionen surface résineuse a été la plus im­portante au cœur des forêts privées.“Cet appauvrissement peut s’expliquerpar plusieurs mesures de type environne­mental mise en place pour le respect d’uncertain équilibre et la préservation d’es­pèces adaptées au milieu. Mais on assisteaussi à un certain désintérêt de proprié­taires de plus en plus éloignés de leur fo­rêt. Enfin, il ne faut pas sous­estimer lapression du grand gibier sur la forêt qui,par les dégâts causés, engendre une pertede rentabilité”, explique Etienne Gé­rard, agent de la Division Nature et Fo­rêt de la Régionwallonne. Des constatspartagés aussi par le NTF, l’associationqui représente et défend les intérêtsmoraux et matériels des propriétairesde biens ruraux ­ forêts et terres agri­coles ­ en Wallonie. “La forêt est le fruitd’une longue tradition sylvicole qui a prisgrand soin de ce patrimoine. Toutefois,les propriétaires, au­delà des perspectivesintéressants toujours existantes et ren­forcées par un besoin toujours accru enbois et une présence toujours importanted’entreprises de transformation dans nosrégions, sont confrontés à des difficultés”,explique Frédéric Petit, administrateurde NTF. “Ce sont les contraintes législati­

ves et environnementales, notammentliées à Natura 2000. Si cette législationest une bonne chose pour la préservationde notre belle nature, elle constitue aussiun frein à la production de bois, avec uneréduction de la capacité de production.Les propriétaires sont aussi déçus par lesperspectives d’évolution du marché, avecdes prix de vente sur pied qui n’évoluentpas. Face à des risques climatiques etphytosanitaires de plus en plus impor­tants, sans oublier ceux liés à la surden­sité du grand­gibier, le retour sur inves­tissement est de plus en plus important.”

Planter : un acte de foi

Pourtant, c’est actuellement la forêtprivée qui délivre la majeure partie derésineux aux acteurs de la transforma­tion et de l’industrie. “L’apport de la fo­rêt privée est 25 % plus important que ce­lui de la forêt publique. 71 % du bois rési­neux délivré en Belgique provient de laforêt privée”, précise Etienne Snyers,président de NTF. “Les propriétaires,toutefois, sont de plus en plus réticents àinvestir, parce que chaque plantationconstitue un investissement important àlong terme et que le risque est important.D’un point de vue économique, l’intérêt

d’investir dans la forêt n’est pas si évi­dent. Aujourd’hui, investir dans uneplantation constitue un acte de foi im­portant. Il est essentiel, dès lors, de mieuxreconnaître et soutenir les propriétairesprivés dans leurs démarches.”Faudrait­il dès lors, pour inciter à re­planter, augmenter le prix de vente dubois sur pied ? Difficile. Dans lamesureoù le marché fixe les prix et qu’unehausse ne serait pas sans incidence surles acteurs en aval de la filière. “Il estvrai que, pour la majorité des entrepre­neurs­propriétaires, la rentabilité n’a ja­mais été aussi faible”, précise ElyseSpeybrouck. “Mais le fait d’augmenterles prix fera imploser le secteur de latransformation.”Si le privé défend son apport, toujoursimportant, à la filière, le public tient,lui aussi, à préciser sa contribution. “Lapublic délivre un volume régulier de boisrésineux chaque année, soit1100000 m2, alors que le public en déli­vre 2602000 m2. Mais il faut soulignerque le public récolte 105 % de l’accroisse­ment alors que le privé en récolte 136 %.La forêt privée est donc surexploitée. Cequi exige d’être particulièrement attentifpour l’avenir”, précise Etienne Gérard.Comme déjà précisé, plus de la moitié

du bois valorisé en Belgique est im­porté. Pour les industriels, la problé­matique est beaucoup plus large.Même si, précise Benard François, diri­geant du Groupe François (paletterie,pellets, cogénération), il est essentielde réagir à l’échelle régionale. “Sur unepériode de dix ans, je pense qu’il faut ge­ler l’expansion de Natura 2000. Avec lesecteur public, il faut travailler avec laDNF à un rééquilibrage de la forêt pourfaire en sorte que les résineux puissent re­présenter 53 % de la forêt. Enfin, au ni­veau du privé, il faut augmenter la sur­face forestière de 100000 ha. Il fautpousser le privé, par tous les incitantspossibles, à planter des arbres.”

Améliorer l’outil de transformation

La filière bois ne se limite pas à la pro­duction, à l’exploitation et à l’entretiende la forêt wallonne et à la valorisationdu bois indigène. En aval de la produc­tion, la première transformation,autrement dit les scieries, en dépendfortement. Aujourd’hui, cette activitésouffre terriblement. “Il y a pléthore descieries de résineux en Wallonie, alorsque celles dédiées aux feuillus sont mena­cées de disparition malgré une augmen­

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André Cochaux (Fedustria): “Il faut mieux dialoguer, pour donner de nouvelles perspectivesà l’ensemble de la filière”.

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Etienne Snyers (NTF): “D’un point de vue économique, l’intérêt d’investir dans la forêt n’est pas si évident”.

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tation de la production”, explique Em­manuel Defays, de l’Office économi­que wallon du bois (OEWB). “Ceciparce qu’elles ne parviennent pas à créerde la valeur ajoutée. Si, au niveau des ré­sineux, on peut se contenter de produiredes planches, du lamellé­collé, des ossatu­res pour la construction… au niveau dufeuillu, ce n’est pas du tout la mêmechose.”Ces scieries sont prises en étau entre leprix du bois à l’achat et le prix devente, fixés par unmarché mondialisé,avec des coûts de transformation deplus en plus difficiles à assumer. “L’im­portation a détruit l’industrie locale”,commente Claude Camps, acteur dusecteur de la transformation, respon­sable de la scierie Vica­Bois, spécialisédans le traitement des feuillus.“Aujourd’hui, seul le prix compte, sansque l’on prenne en considération la qua­lité du travail et les conditions dans les­quelles il est mené.” Pour les feuillus, ilsemble qu’il faille repenser le métier.“Il n’y a aujourd’hui guère d’intérêt àpleurnicher, mais il faut trouver des solu­tions, repenser les métiers pour créer dela valeur ajoutée”, commente LéonMal­medy, deMery­Bois. “Le bois est un pro­duit qui ne demande qu’à être trans­

formé. Et il existe de multiples manièresde le faire, de créer à partir de lui de lavaleur ajoutée.”Si la transformation du bois est restéetrès traditionnelle, elle doit se remet­tre en question, tant au niveau des ré­sineux que des feuillus. Un constat quiest partagé par les acteurs qui estimentque l’outil doit être modernisé pourrépondre aux nouvelles demandes etexigences. Mais il n’est pas évident,pour les nombreux acteurs de la trans­formation, et au regard de la conjonc­ture, d’investir et de se repositionner.“La transformation, ne trouvera son sa­lut que dans l’innovation”, assure Em­manuel Defays.

L’industrie en épine dorsale de la fi­lière

L’industrie doit bien sûr être préser­vée. Epine dorsale de la filière, elle estgrande consommatrice de bois, c’estelle qui fait tourner nombre de scie­ries. Mais les difficultés d’approvision­nement rencontrées par les plusgrands acteurs pèsent lourdement surleur avenir. “Il est de plus en plus difficilede trouver notre matière première àproximité. Sur la totalité du bois que nous

consommons actuellement, 10 % pro­viennent de Belgique, 7 % d’Allemagne etnous allons chercher les 83 % restants enFrance, de plus en plus loin sur le terri­toire”, explique Eric Meurisse, respon­sable des achats bois de Burgo Arden­nes. Le bois constitue, par exemple,60 % du prix de revient de la pâte à pa­pier produite dans cette usine implan­tée dans la région de Virton. Importerle bois constitue aujourd’hui un luxe.“Si l’on peut envisager d’importer 3, 4 oujusqu’à 6 % du bois dont nous avons be­soin, on ne peut aller au­delà vu les sup­pléments de coûts que cela engendre”, as­sure­t­il. L’augmentation des besoinspour les diverses activités de la filière apour conséquence que les acteurs ren­contrent de plus en plus de difficultés àse partager un même gâteau. C’estl’avenir de ces sites industriels au cœurde nos régions boisées qui pourraitêtremenacé. Si aucune restructurationn’est à l’ordre du jour dans le chef desdeux acteurs industriels présents àcette table­ronde, les difficultés, im­portantes, sont partagées.Les forêts, si elles peuvent être éten­dues dans une mesure moindre, nesuffisent plus à alimenter les besoins.L’appétit de la filière est, en outre,

croissant. “Ces difficultés à s’approvision­ner risquent de se renforcer encore à l’ave­nir dans la mesure où chaque pays euro­péen, aujourd’hui, mène des politiques vo­lontaristes pour développer la filière bois­énergie. Cela ne se fera pas sans mettre enpéril les stocks indispensables pour notreindustrie”, ajoute Eric Meurisse. “Or,seule l’industrie lourde est capable dedonne une certaine pérennité à la filière.”

Ne pas faire feu de tout bois

L’engouement pour les applicationsbois­énergie éveille d’ailleurs une cer­taine méfiance chez de nombreux ac­teurs de la filière. Alors que les proprié­taires peuvent se réjouir de voir cesnouveaux usages du bois booster la de­mande, et donc probablement les prix,les entreprises plus traditionnelles crai­gnent ne plus pouvoir s’approvisionnercorrectement. Vu les difficultés actuel­les, le pire est à craindre lorsque les poli­tiques de soutien audéveloppement desactivités bois­énergie auront porté leursfruits. “La situation est catastrophique”,assure Bernard François. “Dans les moisà venir, on se rendra compte du problème.Mais il sera sans doute trop tard. Il est plusque temps de mettre en œuvre les disposi­

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Emmanuel Defays (OEWB): “Il faut, pour l’ensemble de la filière, parvenir à préserver un cer-tain équilibre, tant dans l’industrie que la production, mais aussi dans les usages que les unset les autres font du bois”.

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Eric Meurisse (Burgo Ardennes): “Il est de plus en plus difficile de trouver notre matière àproximité”.

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9SEMAINE DU SAMEDI 29 JUIN 2012 SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

tions permettant d’assurer la disponibi­lité de la ressource.” Mais, s’il faut en­rayer la diminution des ressources,comment réguler l’augmentation de lademande ? Les nouvelles applicationsdéveloppées à partir du bois ont, cer­tes, de beaux jours devant eux, à con­dition de pouvoir s’approvisionner.On peut produire l’énergie à partir dubois par un processus de biomasse, oupar leur combustion. La plupart despays limitrophes soutiennent la pro­duction d’énergie verte, dont celle pro­duite à partir du bois, par desmécanis­mes de soutien, primes et aides.Mais certains comportements révol­tent la filière. Comme, par exemple, lavolonté de certaines grandes entrepri­ses de brûler du bois, peu importe le­quel, pour produire de l’électricité. Uncomportement que les représentantsde la filière bois­énergie en wallonnie,condamnent. “On peut faire de nom­breux usages du bois. Mais il faut pouvoirtraiter le bois de manière intelligente, enfonction de la valeur ajoutée”, expliqueFrancis Flahaut, facilitateur bois éner­gie au sein de la Fondation rurale deWallonie. “Un bois de première qualiténe doit pas servir à faire des granulés debois dédiés à être brûlés pour se chauffer

ou créer de l’électricité. Le bois, pour bienfaire, doit avoir plusieurs vie. C’est en finde vie, ou s’il ne peut pas être valoriséautrement, qu’il pourra être conditionnépour générer de l’énergie.” C’est unequestion de bon sens… Le cycle de viedu bois doit donc être mieux suivi etses usages mieux intégrés. Cependant,de nombreuses dérives, liées à la vo­lonté de certains acteurs d’avant toutprofiter des aides, sont à craindre. EnWallonie, les récents aléas liés à l’octroides certificats verts pour le photovol­taïque font dire à de nombreux acteursque, rapidement, les développementsde filière bois­énergie pourraientéchapper au contrôle des autorités. “Ilfaut, pour l’ensemble de la filière, parve­nir à préserver un certain équilibre, tantdans l’industrie que la production, maisaussi dans les usages que les uns et lesautres font du bois”, explique Emma­nuel Defays.Ressource locale, le bois constitue unmatériau présentant de nombreuxatouts. Ses performances pourraient,de l’avis de beaucoup, êtremieux valo­risées. “Aujourd’hui, pour de nombreusesapplications, il faudrait mieux évaluer laperformance des matériaux utilisés, tantau niveau de leur qualité intrinsèque

qu’à celui de leur poids environnemental,par exemple. Ainsi, il est peut­être possi­ble de donner une valeur plus précise aubois utilisé”, intervient Hugues Frère,de Hout Info Bois, Fonds d’Etudes et deRecherches des Scieries et Industriesconnexes. “Un bois en fin de vie, de piètrequalité, n’aurait pas la même valeurqu’un bois de première qualité. Il ne pour­rait, dès lors, pas être valorisé de lamêmemanière.”Si l’intention est louable, la valeur éco­nomique prime souvent dans ce genrede considération. Et, face à des groupescomme Total ou EON, qui développentdes activités bois­énergie, il sera diffi­cile pour les petits acteurs de faire en­tendre leur voix et leur souci de tra­vailler dans un filière intégrée, respec­tueuse des usages et des cycles de viedu matériau. “Si nous n’avons rien con­tre la filière bois­énergie, ce que nousn’acceptons pas, c’est qu’elle ne soit pascontrôlée”, assure Eric Meurisse. “EnBelgique comme en France, nos indus­tries ne seront compétitives qu’à partirdu moment où les approvisionnementpourront être régulés. C’est la seule ma­nière de pérenniser les outils.”

Un meilleur dialogue pour créer de

la valeur

Les crispations sont nombreuses dansla filière en général. Lui redonner desperspectives, compte tenu de la diver­sité des acteurs et des intérêts de cha­cun, n’est pas chose aisée. “Il y a cepen­dant un réel intérêt à entretenir le dialo­gue entre acteurs. Ces tensions entre“bois matériau” et “bois­énergie” sont lé­gitimes. Il ne faudrait pas pousser une ac­tivité aux dépens de l’autre, au risque decasser les outils existants. Par contre, ilfaut mieux dialoguer, pour donner denouvelles perspectives à l’ensemble de lafilière”, assure André Cochaux, secré­taire général de Fedustria, la fédérationbelge de l’industrie du textile, du boiset de l’ameublement. “On peut se ré­jouir de la création de l’OEWB, réel outilde concertation, qui doit permettre de dé­velopper une vision économique pour lafilière afin de créer de la valeur ajoutéepour toute une région.” Il faudrait doncpouvoir repenser la filière dans son en­semble, en pensant à la manière dontelle peut répondre à de nouveaux be­soins, à de nouvelles attentes. C’est decettemanière que, selon le responsablede Fedustria, l’on créera de la valeurajoutée profitable à tous, tant aux pro­

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Hugues Frère (Hout Info Bois): “Aujourd’hui, pour de nombreuses applications, il faudraitmieux évaluer la performance des matériaux utilisés, tant au niveau de leur qualité intrinsè-que qu’à celui de leur poids environnemental, par exemple”.

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Bernard Vanden Avenne (Spanolux): “Nous avons, pour nourrir la filière, besoin de plus enplus de bois, essentiellement du résineux”.

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priétaires qu’aux acteurs de la trans­formation ou encore à l’industrie.“Nous disposons, en Wallonie, de la ma­tière première,mais on peine à créer cettevaleur ajoutée. Alors qu’au nord du pays,où l’on ne dispose pas de ces forêts, onparvient à créer de la valeur. Qu’est­ceque la valeur ajoutée ? C’est la différenceentre le montant à l’achat et celui à lavente. Or, dans l’industrie du bois, on doitfaire face à des coûts de main d’œuvre etd’énergie élevés. Il n’y a qu’en produisantdes éléments à haute valeur ajoutée quel’on peut sortir grandi des défis que seprésentent à nous.”Quandon sait que, aujourd’hui, les en­treprises régionales peinent à s’appro­visionner, beaucoup trouvent regretta­ble de voir partir du bois wallon dequalité à l’exportation, notammentvers la Chine. Mais le marché, interna­tionalisé, dicte ses règles. Et si le boisde qualité produit en Belgique estacheté à un meilleur prix que ce qu’endonnent les acteurs régionaux, c’estque la plus­value liée à la transforma­tion du bois ce fait effectivementailleurs.

Créer un pôle de compétitivité

Les outils de transformation du boisne sont plus adaptés aux besoins, lespropriétaires hésitent à investir, l’in­dustrie est confrontée à des coûts im­portants pour s’approvisionner… Dansce contextemorose, comment créer dela valeur ajoutée ? En intégrant mieuxles compétences, les outils, les atouts.“Aujourd’hui, malgré l’importance de la

filière, on ne peut que regretter qu’aucunpôle de compétitivité en la matière n’aitvu le jour à l’échelle wallonne, ni centrede compétences ou de technologies avan­cées dédiés au bois et à ses applications”,poursuit André Cochaux. En la ma­tière, les autorités régionales pour­raient donc faire la preuve d’une politi­que plus volontariste. Aujourd’hui, ilappartient aux acteurs, fédérés autourde l’OEWB, de mieux valoriser le ma­tériau, car il est et restera porteur d’op­portunités. Il faut parvenir à valoriserle bois comme on valorise le béton.“Aujourd’hui, nous disposons de la res­source, toute la question réside dans ceque l’on peut et ce que l’on veut en faire.Autrement dit, il faut arriver à fairemieux avec ce que l’on a, en gérant aumieux la matière première disponible. Ilest important, pour cela, de cultiver unréel savoir­faire porteur d’innovation età même de pouvoir anticiper les besoinsde demain”, commente Gilles Koestel,partner au sein de Capital et Crois­sance, responsable de la FinancièreBois. “Ce n’est pas en faisant un cahier derevendications liées aux problèmes del’activité de transformation pour ce quiest des feuillus que l’on parviendra à sau­ver l’activité, mais bien enmettant l’offrequ’elle peut fournir en relation avec lademande du marché, avec ce que sou­haite le consommateur final.”

Investir là où il peut y avoir de lacroissance

Aujourd’hui, des structures comme laFinancière Bois sont prêtes à investir

dans le bois si une entreprise et sesactivités présentent un potentielavéré de croissance. “Des possibilitésexistent”, poursuit Gilles Koestel. “Onconstate, vu les problèmes évoqués ici,qu’il est intéressant de s’éloigner de lamatière première brute pour créer desproduits que l’on pourra valoriser à uncertain prix. Il faut créer des produitsqui, par leurs vertus, justifieront leurprix. Les PME wallonnes font la preuvede leur grande capacité d’adaptation.Nous constatons que cette valeur ajou­tée, aujourd’hui, se développe en Wallo­nie, bien au­delà de ce que l’on peut pen­ser. On le voit, notamment, dans le do­maine de la construction bois, quipermet de valoriser admirablement lerésineux.”Il y a donc urgence à réagir pour lemaintien et un meilleur redéploie­ment de la filière bois. Il en va de sonavenir. Elle doit être préservée, nefût­ce que pour des raisons évidentesde maintien de l’emploi. “Il y a uneréalité sociale derrière toute cette dis­cussion. La filière bois représente18800 emplois enWallonie, pour 7000entreprises. Il faut amener les pouvoirspublics à prendre conscience de son im­portance”, explique Emmanuel De­fays. “Au­delà des doléances et des re­quêtes de chacun, il faut se doter de poli­tiques volontaristes pour faire avancerce secteur, permettre, à l’innovation deprendre corps. C’est en partant d’unmême dénominateur commun, le bois,qu’il faut trouver les moyens d’apporterdes réponses à toutes les problématiquesévoquées.”

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Elyse Speybrouck (Union nationale des entreprises du bois): “La diminution des résineuxnous inquiète depuis plusieurs années”.

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Etienne Gérard (DNF): “La forêt privée est surexploitée. Ce qui exige d’être particulièrementattentif pour l’avenir”.

Table ronde

15000000LES BESOINSLa problématique est bien là :entre l’offre qui s’amenuise et lademande qui, elle, explose consi­dérablement, les besoins de boispour l’ensemble de la filière enBelgique s’élèveront en 2020 à15000000 tonnes estimentplusieurs acteurs.

“La situation estcatastrophique. Dansles mois à venir, onse rendra compte duproblème”.Bernard François,dirigeant du GroupeFrançois

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Dominique et Geneviève Bilocq, et leur fisJérôme, de Châtillon (Luxembourg), seconsacrent à une exploitation classique devaches laitières et viandeuses. Surtout,Dominique Bilocq est très engagé pour sonmétier, entre autres en étant membre du comitéde direction de la Fédération wallonne del’Agriculture (FWA) et administrateur de laLaiterie des Ardennes. “Je suis un peu unbouffeur de réunion, mais il faut sortir, faire desrencontres et bouger pour défendre notre métier,l’expliquer et travailler à la qualité. Un souci defaire bien ce qu’il faut faire, aimer de nourrir lesgens avec des produits de qualité. Des gens quiont souvent oublié que c’est nous qui lesnourrissons et que la qualité a un prix.”

Pierre Bossu et son épouse ChristelleDecaigny, aidés par leurs trois enfants, àOeudeghien (Hainaut), ont, dans leur fermemixte (bovins et cultures) de 70 ha, voulu et suse forger un avenir en travaillant une niche demarché. “Nous cultivons diverses variétésanciennes et recherchées de pommes de terre”,explique Pierre Bossu. “Ce qui nous permet delivrer des restaurants et d’avoir ici un magasinde vente directe de ces produits à haute valeurajoutée. Une niche, donc, mais rentable. Et nousavons depuis quelques mois commencé à fourniraussi une enseigne de la grande distribution,pour son rayon dédié aux producteurs locaux, cequi nous apporte des débouchéssupplémentaires.”

Bernard Brouckaert et son épouse, de Dour,qui ont repris l’exploitation familiale, sont sansconteste des précurseurs puisque passés au biodepuis 35 ans. Avec, grâce à leurs cultures, uneautonomie alimentaire pour leur bétail. “Notrevolonté est de créer le lien entre celui qui mangeet celui qui produit. Nous valorisons ainsi aumaximum nos produits sur place et tout ce quisort non valorisé de notre exploitation y revient,comme par exemple le blé, qui nous revient sousforme de pain que nous proposons en ventedirecte.” Un partenariat producteur –consommateur, qui prouve aussi que le bio estdurable.

Hubert Devroede, son épouse et leurs deuxenfants, de la Ferme le Bailly, à Soignies, gèrentune exploitation laitière de 130 ha orientée bio.Avec une diversification marquée vers lefromage. Cette entreprise familiale porte en effetun projet de nouvelle fromagerie avec couloir devisite, projet parfaitement respectueux dessévères normes qui régissent cette activité. Trèsimpliquée au niveau local, elle s’inscrit aussidans des partenariats qui proposent diverscircuits de découverte de toute la région.

Olivier Gallée et son épouse Françoise, deSoignies, et leurs deux enfants ont uneexploitation mixte de 76 ha. Et unecaractéristique : Olivier n’est pas filsd’agriculteurs. “J’ai voulu reprendre l’exploitationde mes grands-parents en maintenant soncaractère agricole, et en sauvant un patrimoinepuisque le bâtiment, qui est un ancien relai surla route de St-Jacques de Compostelle, estclassé.” Nouvel agriculteur, mais très engagé etconsidéré comme un des leurs par ses collègues.Le couple est très engagé, entre autres dans unevraie CUMA (coopérative d’utilisation dumatériel agricole), avec 4 autres agriculteurs, eten faveur du lait équitable Fairebel. Avec unevolonté de diversification pour une activitééconomique durable, par la transformation desproduits laitiers et leur vente directe à la fermeet des tournées dans diverses collectivités.

Damien Vermeiren, de Bousval travaille à uneexploitation mixte culture – élevage de 40 ha. Enplein Brabant Wallon, la terre agricole est rare ettrès chère. Se développer passe donc par unediversification. “Ce que j’ai fait d’abord par lavente directe de produits laitiers, tomates etfraises, pour ne pas dépendre financièrement del’agro-industrie. Puis j’ai lancé une activité deferme pédagogique. Et, suite à l’intérêt d’uneentreprise, je propose maintenant du teambuilding, avec un jardin où le personneld’entreprises peut, certains jours, venir cultiveret faire sa récolte. L’avantage, là, est de pouvoircommuniquer la passion de son métier et d’avoirune réelle interaction. Je me lance aussi dans lesagri-jeux, puisqu’il y a une demande.”

Les “Agriculteurs de valeur”, cuvée 2013Chaque année, six “Agriculteurs de valeurs” sont mis à l’honneur à l’occasion de laFoire agricole de Libramont, pour la qualité de leur projet et leur apport à la profession.Les candidats – 19, cette année – sont sélectionnés par les banques CBC et Crelan (ex­Crédit Agricole) et présentés à un jury diversifié, dont un représentant de “La Libre”,qui élit les six lauréats, sur pied d’égalité et dont voici une brève présentation. e

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Interview

“La Wallonie dispose d’unpatrimoine forestier exceptionnel”

hMinistre de la Forêt, CarloDi Antonio dresse les défisde la filière bois enWallonie.

Entretien Marc Vandermeir

Ministre de la forêt, Carlo Di Antoniointervient en amont de la filière. Il veutune qualité maximale du bois et la finde la disparité entre feuillus et résineux.Pour unemeilleure valorisation.

Quelle est votre approche de la filière boiswallonne ?LaWallonie dispose d’un patrimoineforestier exceptionnel. Ces 150 der­nières années, la surface forestière aconsidérablement augmenté, enpassant de 315000 ha à 550000 haaujourd’hui. Surtout, la qualité denos forêts et la production en bois sesont largement améliorées. En tantque ministre wallon des Forêts, j’in­terviens le plus en amont de la fi­lière. La production doit se faire dansune approche multifonctionnelleconformément à l’article 1er duCode forestier. L’optique est de pro­duire du bois de qualité qui permet­tra la valorisation la plus pousséepossible, donnera le plus de valeurajoutée et procurera le plus d’em­

ploi, tout en préservant notremilieu.Une des mesures phare du Code fo­restier est la plantation d’espècesadaptées à la situation, mesure ma­jeure pour affronter les change­ments climatiques et résister aux at­taques parasitaires. L’objectif est demaintenir la capacité de production,essentielle, tout en étant conscientsqu’elle ne peut subvenir qu’à 50% dela demande.

Entre acteurs de la filière, les intérêts pa-raissent parfois très divergents, voire oppo-sés. Le politique peut-il les harmoniser ?La qualité et la quantité de bois ré­colté dans nos forêts ont très souventfait l’objet d’opposition entre pro­priétaires et gestionnaires, d’unepart, etmarchands de bois et scieurs,d’autre part. La coordination de la fi­lière est une des missions de l’Officeéconomique wallon du bois(OEWB). Quand on sait que plus de90 % de la surface forestière sont ac­tuellement destinés à la productionligneuse, on se rend compte de l’im­portance économique en termes defourniture de matière première etd’emplois. Annuellement, nousproduisons quelque 3,8 millions dem³ de bois et les ventes de bois surpied génèrent des recettes pour plusde 100 millions d’euros. Ministre dela Forêt, je me dois de toutmettre enœuvre pour valoriser cette matière

première dans les utilisations lesplus nobles. Le gouvernement wal­lon travaille à une stratégie Horizon2022. Je me bas pour qu’y soient re­connues à leur juste valeur tant la fi­lière bois que l’agriculture commeplus grands fournisseurs dematièrespremières enWallonie. Car il est pri­mordial de pouvoir valoriser et, sur­tout, transformer ces ressourceschez nous, enWallonie, pour en aug­menter la valeur ajoutée.

On surexploite la forêt. Comment y faireface ?Ces dix dernières années, la forêtwallonne a produit en moyenne3920000m³ par an tandis que la ré­colte annuelle s’est élevée à4140000m³ dont 21 % de feuillus et79 % de résineux. Le taux de prélève­ment ­ le rapport entre les prélève­ments et les accroissements ­ s’éta­blit donc, toutes essences confon­dues, à 106 %. Il est important denoter la disparité entre feuillus et ré­sineux. Le taux de prélèvement enfeuillus se situe à 69%. Il y a doncunecapitalisation de ligneux pour les es­sences feuillues. La situation est toutautre pour les essences résineuses,où le taux de prélèvement est de123%. Le groupe de travail “approvi­sionnement” de l’OEWB étudie desmesures susceptibles de réduire

dans une large mesure, voire de fairedisparaître, la surexploitation dontl’épicéa est actuellement l’objet.

Les résineux sont en régression constante,ce qui pose problème notamment en boismatériau. Comment inverser cette ten-dance?

L’évolution de la forêt est marquéepar la forte progression des peuple­ments feuillus au détriment des rési­neux, les surfaces dédiées auxfeuillus s’établissaient en 2012 à272500 ha et celles occupées par lesrésineux à 207700 ha. La différences’accroissant, la répartition s’établitaujourd’hui à 57 % pour les feuilluset 43 % pour les résineux, soit unécart de 4 % par rapport aux valeursde référence de l’équilibre citéesdans le Code Forestier (53 % defeuillus et 47 % de résineux). Un élé­ment important pour l’estimationdel’évolution future de la forêt wal­lonne est l’impact potentiel des me­sures de gestion définies dans le con­texte de l’application de la Circulairebiodiversité, du projet Natura 2000et du Code forestier. Parmi elles, lamesure qui marquera le plus seral’interdiction d’utiliser pour la régé­nération artificielle des essences encontradiction avec le fichier écologi­que des essences, c’est­à­dire ina­daptées à la station.

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“Le gouvernement wallon travaille à une stratégie Horizon 2022. Je me bat pour qu’y soient reconnues à leur juste valeur tant la filière bois que l’agriculture comme plus grands fournisseursde matières premières en Wallonie”.

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Marcourt: “Privilégierla valorisation économique”Entretien Marc Vandermeir

Jean­ClaudeMarcourt est en charge de tout le dévelop­pement économique de la filière. Pour laquelle il en­tend créer une plus­value enWallonie.

Quelle est votre approche de la filière bois du point devue économique?Ce secteur est important puisqu’il représente prèsde 8000 entreprises, où travaillent près de 19000personnes, dont plus de 13000 salariés et près de6000 indépendants. Il disposemaintenant de l’outilqu’est l’Office économique wallon du bois (OEWB),qui est à son service.Des actions de coordination ontdéjà été menées à l’échelle wallonne, notammentpour répondre àde grandsprojets immobiliers, où lademande s’adressait à la construction bois. L’OEWBparticipe ainsi à la mobilisation du secteur, avecd’autres outils économiques, notamment pour le fi­nancement et/ou l’innovation. Un consortium deprès de 10 entreprises actives dans le secteur du boiset employant près de 400 personnes s’est déjàmonté. Le modèle de partenariat qui s’est mis enplacedans la politiquedespôles surdes thématiquesinnovantes peut et doit se déclinermaintenant dansdes secteurs traditionnels comme le secteur bois.

Comment harmoniser, du point de vue économique, cette fi-lière aux intérêts différents, voire divergents?Il faut évidemment privilégier la valorisation écono­mique de la ressource et, le cas échéant, s’il y a desrésidus inexploitables, les valoriser dans le boisénergie. Commencer par le bois énergie a peu desens. Je rappelle en effet que, d’abord, le bois est leseulmatériau capable de stocker le CO2 atmosphéri­que (1 m3 de bois matériau correspond enmoyenne

au stockage de 1 tonne de CO2). Ensuite que le re­cours au bois comme matière première pour laconstruction est très nettementmoins polluant quele recours aux autresmatériauxde construction.Deplus, le bois nécessite un faible apport d’énergiepour samise enœuvre. Utilisé dans la construction,il permet de réaliser des économies d’énergie vu sesperformances en isolation thermique, doublées debonnes capacités hygrométriques et d’excellentesqualités de rayonnement. Enfin, les résidus de la fi­lière bois d’œuvre et le reste de la production sontutilisés en papeterie, pour la fabrication de pan­neaux ou encore pour la production d’énergie.

La filière crie à la pénurie d’ici 2020, vu les exigences euro-péennes en matière d’énergies renouvelables, mais affirmene pas être entendue du politique...C’est tout le paradoxe des chasseurs de certificatsverts qui, pour certains, sont parfois et industrielsdu bois et producteurs dans des grandes installa­tions de cogénération, la production subventionnéed’électricité rapportant parfois plus que la transfor­mation industrielle de la matière première.Aujourd’hui la production subventionnée d’électri­cité verte pèse gravement sur le prix de l’électricitéqui se répercute dans les coûts de production desentreprises industrielles.

Comment apporter enWallonie plutôt qu’en Flandreune plus­value à la filière ?En développant par exemple la filière de la cons­truction bois. Dans ce cadre, une enquête a récem­ment répertorié 232 sociétés s’annonçant commeconstructeurs de maisons en bois, dont 80% enWallonie et seulement 20% en Flandre.

Il n’y a ni centre de recherche, ni cluster bois, etc,

alors que filière est un acteur économique impor­tant. Pourquoi ?Pourquoi faudrait­il un centre de recherche dubois?Ne faut­il pas plus voir la question sous l’anglede ce qui existe déjà et s’y adresser prioritairement,plutôt que de vouloir construire de toute pièce unoutil qui, dans beaucoupde domaines, sera concur­rent des centres de recherches existants. Le voletsylviculture est couvert, le volet génie mécaniquepour la construction de machines également et,sans qu’un centre de recherche spécifique existe,des projets de pôles de compétitivité ont été cons­truit autour du secteur de la construction en bois.

Comment lutter contre les exportations en Chine,mais aussi les importations d’autres essences ?

En garantissant une utilisation locale du bois, etcertainement pas pour le brûler. Le consortiumd’entreprises actives dans la construction de mai­sons bois est un bel exemple, puisqu’elles tra­vaillent avec des essences locales. Pour ce qui con­cerne la lutte contre les importations, c’est endéve­loppant l’innovation destinée à améliorer lescaractéristiques techniques de nos bois indigènesque nous pourrions nous passer de certaines essen­ces importées.

Les filières bois énergie et bois matériaux sont­elleséconomiquement complémentaires ou rivales ?

Rivales si l’exploitation est destinée a alimenter im­médiatement la filière énergie. Complémentaires sil’exploitation de la matière première est valoriséepréalablement dans des produits à valeur ajoutée.

D.R.

“La filière bois représente près de 8000 entreprises, où travaillent près de 19000 personnes, dont plus de 13000 salariés et près de 6000 indépendants”.

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Investirdu boisà laplancheh Grand public, grands privés etautorités régionales se complètent bienpour ajouter de la valeur à la filièrebois.

Le secteur n’est pas aussi mystérieux et opaque quepeuvent l’être les forêts qui en sont le fondement.Mais les statistiques n’abondent pas autant que lesparticuliers en quête de quelques hectares à acheter.“Parce qu’ils y voient une forme de placement, une épar­gne­pension, parce qu’ils aiment la gestion forestière,parce qu’ils sont chasseurs, qu’ils y trouvent l’opportu­nité d’y couper leur bois de chauffage ou encore, qu’ilsaiment se promener dans les bois, énumère Xavier deMunck, secrétaire général de NTF, Propriétaires ru­raux deWallonie. Les motivations diffèrent.”Comme les terres de culture, les forêts ont retrouvé,

ces dernières années, leur qualificatif de valeur re­fuge, à tout le moins de valeur de diversification. Lesprix ont donc bien augmenté. Ce que confirme Mi­chel Terlinden, directeur de la Société royale fores­tière de Belgique (SRFB). “Il y a plus de demandes qued’offres.” Mais pas de prix moyen. “Cela dépend de lalocalisation de la parcelle et de ce qu’il y a dessus. Pour lefonds proprement dit, il faut compter plus ou moins3 000 euros l’hectare selon le sol, le relief, la taille, laproximité d’une voirie… Pour le peuplement, on peut pas­ser du simple au triple, voire au quintuple, selon que lefonds a été coupé à blanc, qu’il vient d’être enrésiné ouqu’il est planté de vieux Douglas de 60 ans, sourit­il.C’est un calcul très compliqué à faire.”

Les forêts du pays sont principalement aux mainsde privés (58 %). Certains n’en possèdent qu’un de­mi­hectare; d’autres plus de 500. “En Belgique, unepropriété forestière moyenne s’étend sur 2,5 hectares,précise Xavier de Munck. Sachant qu’il existe des pro­priétés de plus de 1 000ha, cela donne une idée de ce quecertains propriétaires possèdent : quelques ares. Une si­tuation qui découle des successions.” “La forêt estmorce­lée en quelque 150 000 propriétaires, reprend MichelTerlinden.C’est une réalité rurale : dans tous les villagesdu sud du pays, il y a 5, 10, 15… propriétaires forestiers.Certains connaissent bien leur forêt, d’autres l’ontoubliée; ils ne savent pas ce qu’ils possèdent exactement,ni s’occuper de la gestion.”C’est là un des rôles de la SRFB, tout comme, en

Wallonie, celui de l’Office économique wallon dubois, qui compte une cellule d’appui à la petite pro­priété forestière : informations cartographiques, avistechniques, aide à la gestion, conseils à la vente dubois, qui peut être effectuée en direct, avec l’aided’experts forestiers (en se basant notamment sur despoints de comparaison et sur des mercuriales deprix) ou via des coopératives.Un rôle important en ce qu’il permet, au final, d’ali­

menter la filière bois en matière première. Notam­ment en regroupant les vendeurs potentiels. “Un

marchand ne se déplace pas pour moins de 40 m³ (uncamion). Idéalement, il lui faut 300 à 400 m³, convientMichel Terlinden. La SRFB a réalisé un projet pilote il ya deux ans sur une forêt très morcelée. Avec, pour résul­tat, environ 1 200m³ de bois coupés dans des dizaines etdizaines de propriétés.”

Là où le grand public ne se presse pas, c’est sur lesnombreuses activités qui découlent des forêts : la fi­lière bois. Qui en a pourtant bien besoin. “Cette filièren’est pas un secteur marginal dans nos contrées, s’en­hardit Gilles Koestel, responsable opérationnel de lasociété mixte Financière du bois, fonds de capital àrisque dédicacé à ladite filière bois créé en 2006 (voirencadré). Elle génère pas mal d’emplois, d’autant plusutiles que la région est moins densément peuplée. Deplus, elle est ancrée à des ressources naturelles qu’il fautvaloriser.”Le défi de la filière en Belgique, et enWallonie sur­

tout (qui compte plus de 500 000ha de forêts), est degarder la mainmise sur toutes les déclinaisons possi­bles du bois, et, en tous les cas, de ne pas le voir partirbrut à l’étranger et y revenir manufacturé… “Dans le

bois, également, il faut tenir compte de la mondialisa­tion et de l’évolution de la demande”, ajoute GillesKoestel. Venant de Chine notamment. Ce ne sontplus des produitsmême partiellementmanufacturésqu’elle achète, mais… des troncs (qu’elle paye biencher), qui y sont totalement valorisés, en parquet parexemple, avant de revenir, finis, en Europe. “On azappé la valeur ajoutée. On permet que nos matièrespremières soient exportées, alors qu’on a la capacité et lesavoir­faire de les travailler.”

Plutôt que de subsidier l’achat du bois, la Régionwallonne soutient donc la filière, afin que la valeurajoutée puisse y être réalisée. “Il faut pour cela investirdans l’innovation et les produits technologiques, dit en­core Gilles Koestel. A tous les niveaux : bâtiments, li­gnes de production (scieries, châssis, ameublement), etc.”Ce que la Financière du bois fait, soit en rentrantdans l’actionnariat des entreprises, soit enpratiquantdes crédits sans sûreté réelle (hypothèque ou gagesur fonds de commerce).

Depuis 7 ans qu’elle existe, elle a fait de grands pas.Mais plus encore depuis deux à trois ans. Parce queses moyens ont été amplifiés en 2011 et 2012, maissurtout parce qu’elle a acquis expérience et savoir­faire : le secteur du bois est “cloisonné et… peu évident”et il lui a fallu prendre ses marques, arriver à “avoirune vision d’ensemble de la filière” et être connue detous (ce dont elle est aujourd’hui très fière). De quoiinvestir de manière avisée et apporter son écot entermes de stratégie, d’innovation… “On n’est pas làpour faire du chiffre, du volume d’investissement, indi­que Gilles Koestel. Un portefeuille d’entreprise, cela sesuit. On doit les aider à croître, à monter des program­mes de R&D, à aller plus en avant vers les demandes desconsommateurs… Un rôle difficilement chiffrable.”Si la Financière estmontée en puissance ces derniè­

res années, c’est aussi que les mentalités ont changé.“La construction en bois fait son chemin dans l’opinionpublique belge et européen. De même que la théorie descircuits courts.” Et, surtout, qu’il est grand tempsd’agir. “Les entrepreneurs vieillissent, les entreprises, etnotamment les scieries, disparaissent. Celles qui restentn’en bénéficient pas. Cela veut­il dire que la demanden’est plus là ou que leur offre n’est plus adaptée ?”, s’in­terroge Gilles Koestel. Une interrogation de pureforme, persuadé qu’il est que la réponse est dans lamodification de l’outil, l’innovation et donc l’inves­tissement.Charlotte Mikolajczak

ETIENN

ESC

HOLASSE

les forêts ont retrouvé, ces dernières années, leur qualifica-tif de valeur refuge.

Partager les risques

La Financière du bois a été créée en 2006, à l’heureoù l’on parlait beaucoup de pôles de compétitivité.Son défi : soutenir la filière bois, un segment aupoids économique plus diffus mais incontestable,ne fût­ce qu’en termes d’emplois.C’est une société au capital mixte public privé50/50. Mais, à y regarder d’un peu plus près, elle estmajoritairement publique via la Sowalfin. Celle­ciest en effet l’actionnaire public de la Financière dubois, mais elle se retrouve aussi dans la quote­partprivée, gérée par Investsud (26 % à la Sowalfin, 74 %à des entreprises industrielles de la région tellesque L’Oréal, Magotteaux, Socogetra, Lhoist…).Son cœur demétier : le capital­risque. “Il existepléthore de pourvoyeurs de fonds. L’argent ne man­que pas; c’est la manière de l’utiliser qui diffère,indique Gilles Koestel, responsable opérationnel.La Financière du bois privilégie la participation encapital. On s’associe aux PME, on partage le risque enétant minoritaire, on accompagne. Avec, au final, lacréation d’un outil sectoriel unique.” Certes, mais

toutes les sociétés ne souhaitent pas accueillir unassocié dans leur capital. “On pratique aussi desformules plus légères qui s’apparentent à un crédit,mais sans exiger de garantie. Cela veut dire qu’onprend aussi le risque.”Créé en 2006, la Financière du bois qui se concen­tre sur les provinces de Luxembourg, Namur etLiège (les plus boisées…) a une vingtaine d’actions àson actif et un portefeuille actuel d’une quinzained’entreprises, pour une petite dizaine demillionsd’euros alloués. Le montant des interventions variede 50 000 à 500 000 euros.Les sociétés de la filière qui en ont bénéficié sesituent dans tous les maillons de la filière : exploi­tations forestières, chantiers de découpe, sciage,plaquettes forestières, construction en bois, menui­series… “On est peut­être lié à un territoire limité,mais on n’a pas d’exclusive. Toute question mériteréponse et notre porte est toujours ouverte à unentrepreneur du secteur.”C.M.

hEnsemble, public et privés s’accrochent aux différents maillons de la filière boispour mieux la soutenir.

Rendement

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15SEMAINE DU SAMEDI 29 JUIN 2012 SUPPLÉMENT À LA LIBRE BELGIQUE

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