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Imagerie cardiaque : scanner et IRM © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Chapitre 4 B. Daoud, O. Vignaux Scanner cardiaque : principes, protocole d'acquisition et dosimétrie Longtemps limité par le nombre de détecteurs, et en dépit de résolutions temporelles à l'acquisition atteignant la demi-seconde, le scanner hélicoïdal a longtemps été pénalisé face au scanner à faisceau d'électrons. L'arrivée des multidétecteurs a boule- versé les capacités du scanner hélicoïdal en imagerie cardiaque, aidée par les concepts de synchronisation à l'électrocardiogramme (ECG) qui étaient déjà en vigueur sur le scanner à faisceau d'électrons. Une évolution tout aussi importante est celle, apportée par les constructeurs, qui consiste à automatiser au maximum les acquisitions (plus de calcul de pitch en fonction de la fréquence cardiaque, notamment). En dépit d'une qualité d'image désormais tout à fait satisfaisante, les évolutions du scanner cardiaque multicoupe continuent, passant notamment par le développement d'un nombre accru de détecteurs coupant plus fin et d'un temps de rotation du tube de plus en plus rapide, améliorant ainsi les résolu- tions spatiale et temporelle (tableau 4.1). D'autre part, le champ d'action du scanner cardiaque s'élar- git : il ne se limite plus à l'analyse morphologique, mais propose également une analyse fonctionnelle (étude de la plaque athéromateuse et évaluation de la perfusion myocardique) avec l'introduction de la biénergie et de l'imagerie spectrale. Principes L'exploration du cœur, et notamment des artères coronaires, impose des résolutions spatiale et tem- porelle élevées [1]. En effet, le petit calibre des vais- seaux étudiés (de 4 à 1 mm de diamètre) et les mouvements cardiaques entraînent de nombreuses contraintes. Pour obtenir une qualité d'image satis- faisante permettant une analyse fiable de la lumière des vaisseaux coronaires, il est nécessaire d'acquérir une image permettant la visualisation d'un voxel isotropique inframillimétrique et s'affranchissant des artéfacts de flou cinétique. De plus, l'acquisition doit être synchronisée avec le rythme cardiaque du Tableau 4-1 Résolutions spatiale et temporelle en fonction des différentes évolutions technologiques des scanners multicoupes : comparatif avec la coronarographie. Type d'imagerie Résolution spatiale (mm) Résolution temporelle (ms) Scanner 4 coupes 1,0–1,25 250 Scanner 16 coupes 0,75 165–188 Scanner 64 coupes monotube 0,5–0,6 165 Scanner 64 coupes bitube 0,5–0,6 75–83 Scanner 256/320 coupes 0,5–0,6 135–175 Coronarographie 0,2 20

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Imagerie cardiaque : scanner et IRM© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Tableau 4-1 Résolutions spatiale et temporelle en fonction des différentes évomulticoupes : comparatif avec la coronarographie.

Type d'imagerie Résolution spatiale (mm)

Scanner 4 coupes 1,0–1,25

Scanner 16 coupes 0,75

Scanner 64 coupes monotube 0,5–0,6

Scanner 64 coupes bitube 0,5–0,6

Scanner 256/320 coupes 0,5–0,6

Coronarographie 0,2

Chapitre 4

Scanner cardiaque : principes, protocole

d'acquisition et dosimétrie

lutions technologique

Résolution tempo

250

165–188

165

75–83

135–175

20

B. Daoud, O. Vignaux

Longtemps limité par le nombre de détecteurs, et en dépit de résolutions temporelles à l'acquisition atteignant la demi-seconde, le scanner hélicoïdal a longtemps été pénalisé face au scanner à faisceau d'électrons. L'arrivée des multidétecteurs a boule-versé les capacités du scanner hélicoïdal en imagerie cardiaque, aidée par les concepts de synchronisation à l'électrocardiogramme (ECG) qui étaient déjà en vigueur sur le scanner à faisceau d'électrons. Une évolution tout aussi importante est celle, apportée par les constructeurs, qui consiste à automatiser au maximum les acquisitions (plus de calcul de pitch en fonction de la fréquence cardiaque, notamment).En dépit d'une qualité d'image désormais tout à fait satisfaisante, les évolutions du scanner cardiaque multicoupe continuent, passant notamment par le développement d'un nombre accru de détecteurs coupant plus fin et d'un temps de rotation du tube de plus en plus rapide, améliorant ainsi les résolu-tions spatiale et temporelle (tableau 4.1). D'autre part, le champ d'action du scanner cardiaque s'élar-

git : il ne se limite plus à l'analyse morphologique, mais propose également une analyse fonctionnelle (étude de la plaque athéromateuse et évaluation de la perfusion myocardique) avec l'introduction de la biénergie et de l'imagerie spectrale.

Principes

L'exploration du cœur, et notamment des artères coronaires, impose des résolutions spatiale et tem-porelle élevées [1]. En effet, le petit calibre des vais-seaux étudiés (de 4 à 1 mm de diamètre) et les mouvements cardiaques entraînent de nombreuses contraintes. Pour obtenir une qualité d'image satis-faisante permettant une analyse fiable de la lumière des vaisseaux coronaires, il est nécessaire d'acquérir une image permettant la visualisation d'un voxel isotropique inframillimétrique et s'affranchissant des artéfacts de flou cinétique. De plus, l'acquisition doit être synchronisée avec le rythme cardiaque du

s des scanners

relle (ms)

32 Techniques

scan scan scanréactionmouvement

Fig. 4-1. Prise en compte prospective des arythmies.Les battements cardiaques erratiques sont éliminés en temps réel lors de l'acquisition des données.Reproduit avec l'autorisation de Siemens.

patient et être la plus courte possible, afin que celui-ci puisse tenir une apnée raisonnable et de réduire les risques d'artéfacts respiratoires, de survenue de trouble de rythme ou de rehaussement veineux qui pourraient gêner l'interprétation.La qualité d'image d'un examen dépend donc de différents critères, certains prédéfinis par les construc-teurs (temps de rotation du tube, type et nombre de détecteurs), d'autres opérateurs-dépendants (voltage et tension du tube, acquisition prospective ou rétros-pective, protocole d'injection, volume d'acquisi-tion), et c'est le compromis entre ces différents critères qui permettra d'obtenir une image inter-prétable en limitant au maximum l'irradiation du patient [2].

Protocole d'acquisition

Préparation du patient

Le premier temps est le temps de préparation du patient. Celui-ci devra éviter de consommer des excitants avant l'examen (café, tabac) et se présen-tera avec un dosage récent de sa fonction rénale. Le médecin étudiera son dossier clinique et l'interro-gera sur l'indication de l'examen, la présence de fac-teurs de risque cardiovasculaire et la notion d'allergie à l'iode.Le patient sera ensuite installé en décubitus dorsal sur la table d'examen. Une voie veineuse de bon calibre sera posée au pli du coude (cathlon vert si possible). Les électrodes seront appliquées sur une peau nettoyée et sèche. Leur positionnement devra donner un tracé adéquat avec une amplitude de l'onde R suffisante. Si la fréquence cardiaque est trop élevée, l'administration d'un β-bloquant par voie orale 1 à 2 heures avant l'examen (par exemple le métoprolol [Lopressor®]), qui a un taux plasmati-que maximal 1,5 heure après administration de 100 mg en sublingual) ou par voie intraveineuse immédiatement avant l'acquisition (par exemple l'aténolol [Ténormine®], 1 ampoule de 50 mg en IVL), peut être conseillée. Ces produits ont les contre-indications classiques des β-bloquants, à savoir bradycardie spontanée inférieure à 50/min, insuffisance cardiaque sévère, blocs auriculoventri-culaires, asthme et bronchopneumopathie obstruc-tive. Certaines équipes recommandent également l'utilisation de trinitrine pour vasodilater les artères

coronaires (une pulvérisation sublinguale de Natispray® avant l'acquisition).Il est important d'expliquer le déroulement de l'exa-men au patient (notamment l'apnée), et de le préve-nir de la sensation de chaleur à l'injection, afin d'obtenir sa bonne coopération. Les tests d'apnée permettent également de visualiser les variations du rythme cardiaque.

Modes d'acquisition

Le cœur étant un organe en perpétuel mouvement, l'acquisition est toujours synchronisée à l'ECG. Ceci permet de reconstruire les images au moment où le cœur est le plus immobile et où les artères coronaires présentent le meilleur remplissage, c'est-à-dire en diastole. Il est à noter que plus le rythme cardiaque du patient est rapide, plus la phase diasto-lique est courte et la fenêtre de reconstruction étroite.L'acquisition des images peut se faire selon deux modes, en fonction du rythme cardiaque du patient : •pour un rythme cardiaque lent et régulier

(≤ 70/ min), on choisira une acquisition séquentielle en mode prospectif à l'ECG (technique step-and-shoot, SnapShot Pulse™ chez GE Healthcare), qui est une technique d'acquisition peu irradiante ;

•lorsque le rythme cardiaque est plus rapide(> 70/ min) ou lorsqu'il est nécessaire d'étudier la fonction cardiaque, on choisit une acquisition spi-ralée en mode rétrospectif à l'ECG, qui couvre l'ensemble du cycle cardiaque, plus irradiante.

En cas d'arythmie, la prise en compte de celle-ci peut se faire de façon prospective ou rétrospective en fonction des constructeurs : de façon prospec-tive, les battements cardiaques erratiques sont élimi-nés en temps réel lors de l'acquisition des données (fig. 4.1), alors que de façon rétrospective, des logi-

Chapitre 4. Scanner cardiaque : principes, protocole d'acquisition et dosimétrie 33

ciels d'édition d'ECG permettent de modifier les fenêtres de reconstruction a posteriori en cas de variation de rythme cardiaque pour éliminer une extrasystole.Par ailleurs, la rapidité des nouveaux scanners offre la possibilité de réaliser des acquisitions sur un seul battement cardiaque, soit par une couverture très large (Aquilion™ 320 détecteurs, Toshiba), soit par une acquisition spiralée bitube permettant un pitch large et une vitesse de rotation élevée pour une acquisition en 250 ms sur une diastole (mode Flashspiral™ chez Siemens) [fig. 4.2]. L'acquisition sur une seule diastole diminue considérablement le risque d'arythmie. L'élargissement de la couverture permet donc une acquisition séquentielle rapide, faiblement irradiante (peu de paliers, appareil Philips 256 coupes).

Acquisition des images

Certaines équipes préconisent la réalisation d'une acquisition sans injection de produit de contraste pour calcium scoring. Ceci permet d'évaluer les calci-fications coronariennes. On utilise alors une syn-

Fig. 4-2. Acquisition sur un seul battement cardiaque.Acquisition spiralée bitube permettant un pitch large et une vitesse dReproduit avec l'autorisation de Siemens.

chronisation prospective avec des coupes plus épaisses, de l'ordre de 2,5 mm d'épaisseur, en dias-tole. Un post-traitement spécifique permet une éva-luation globale de la charge calcique selon un procédé dérivé du score d'Agatston [3] : un score inférieur à 100 traduit une charge calcique faible, un score compris entre 101 et 400 traduit une charge calci-que modérée, et un score supérieur à 400 traduit une charge calcique élevée. La valeur prédictive de cette charge calcique sur des événements ischémi-ques ultérieurs demeure très controversée. Cepen-dant, cette première acquisition permet d'ajuster au mieux le champ d'acquisition nécessaire à l'explora-tion désirée (paramétrage du début de la boîte d'ac-quisition au niveau des ostiums des artères coronaires et de la fin de la boîte d'acquisition à la sortie du ventricule gauche).En fonction des différentes indications cliniques, on utilisera un champ d'exploration qui sera centré sur le massif cardiaque (boîte cœur) ou qui couvrira le cœur et les vaisseaux médiastinaux (boîte thorax : exploration d'une douleur thoracique en urgence à la recherche d'une lésion coronarienne, d'une embolie pulmonaire ou d'une dissection aortique (triple rule-out), contrôle de pontage…). L'épaisseur

e rotation élevée pour une acquisition en 250 ms sur une diastole.

34 Techniques

des coupes dépend de l'appareil tomodensitométri-que (TDM). Quel que soit le nombre de détecteurs, l'épaisseur la plus fine possible doit être privilégiée afin d'optimiser la résolution spatiale. L'exploration du volume cardiaque nécessite ainsi en moyenne 400 à 500 coupes depuis la partie inférieure de la crosse de l'aorte jusqu'à la face inférieure du cœur.Une fois le type d'acquisition choisi et le volume d'acquisition déterminé, le déclenchement de l'ac-quisition proprement dite se fait sous contrôle fluo-roscopique dès qu'un rehaussement de 100 UH (unités Hounsfield) est obtenu dans une région d'intérêt prédéfinie au niveau de l'aorte ascendante ou de l'aorte isthmique, pour éviter les artéfacts liés à la forte concentration de produit de contraste dans la veine cave supérieure (fig. 4.3).L'administration de produit de contraste est au mieux réalisée en utilisant un produit à forte concen-tration (350 à 400 mmol d'iode/ml) en fonction de la corpulence du patient. Il est nécessaire d'utiliser un injecteur automatique afin d'obtenir un débit d'injection élevé entre 4 et 6 ml/s. Il convient de pulser le produit de contraste à l'aide de sérum phy-siologique, afin de limiter les artéfacts de scintille-ment dus à une trop forte concentration en produit iodé des cavités cardiaques droites. L'utilisation d'un injecteur bicorps est donc fortement recom-mandée. Différents protocoles d'injection sont

Fig. 4-3. Déclenchement de l'acquisition sous contrôle fluo-roscopique dès qu'un rehaussement de 100 UH est obtenu dans une région d'intérêt prédéfinie au niveau de l'aorte tho-racique ascendante.

employés selon les équipes, certaines préconisant une injection triphasique avec une injection inter-médiaire d'iode diluée à 50 % afin de pouvoir visua-liser les éventuelles lésions endocavitaires droites (thrombus, myxome…) [tableau 4.2].

Reconstruction des images

La reconstruction des images dépend du type d'ac-quisition choisi. Si l'acquisition a été prospective à l'ECG, une seule phase de reconstruction est possi-ble. Si l'acquisition a été rétrospective à l'ECG, la reconstruction des images peut se faire à différents temps du cycle cardiaque. Typiquement, cette recons-truction se fait en pourcentage, et il est classique de reconstruire les images à 40, 60 et 75 % du cycle car-diaque, chaque coronaire étant figée à des moments différents de la diastole. Si l'on souhaite obtenir des images cinétiques (évaluation de la fraction d'éjec-tion, par exemple), on ajoute une ou deux phases à reconstruire dont le pourcentage correspond à la télésystole (à titre indicatif, 25 % d'un RR à 1 000 ms pour une fréquence cardiaque à 60/min). Il faudra néanmoins être prudent sur l'évaluation des mesures de volume télésystolique, car la résolution temporelle limitée entraîne des imprécisions importantes sur ce moment précis du cycle cardiaque.Pour améliorer la résolution temporelle des recons-tructions, et notamment en cas de fréquence cardia-que relativement élevée (70–80/min), les appareils sont équipés de logiciels autorisant une reconstruc-tion segmentée. Il est ainsi possible de reconstruire les informations d'une rotation angulaire partielle de 90°, voire 45° sur un premier intervalle RR, et de compléter la reconstruction totale de l'image par le recueil des informations obtenues de la ou des rotation(s) du ou des cycle(s) suivant(s) [fig. 4.4]. La résolution temporelle peut ainsi être améliorée. Toutefois, cette technique de reconstruction sup-pose que l'artère coronaire se repositionnera exacte-ment au même endroit à chaque cycle cardiaque.

Tableau 4-2 Exemples de protocoles d'injection.

Protocole biphasique Protocole triphasique

90 ml iode pur à 5 ml/spuis50 ml sérum physiologique à 5 ml/s

60 ml iode pur à 6 ml/spuis60 ml iode dilué à 6 ml/spuis50 ml sérum physiologique à 5 ml/s

Chapitre 4. Scanner cardiaque : principes, protocole d'acquisition et dosimétrie 35

Axe des Z

Fig. 4-4. Illustration d'une reconstruction multisegmentée (quatre segments).L'acquisition des données de plusieurs secteurs est répartie sur quatre cycles cardiaques.

Fig. 4-5. Perfusion myocardique en scanner.Mode FlashspiraltM après stimulation pharmacologique (adéno-sine) : défect ischémique sur la paroi inférobasale.Reproduit avec l'autorisation de Siemens.

Les différentes reconstructions seront ensuite analy-sées sur des logiciels de post-traitement dédiés en 2D et 3D permettant une analyse morphologique des vaisseaux du cœur.Les derniers développements en scanner cardiaque avec l'introduction de la biénergie et de l'imagerie spectrale proposent également une analyse fonc-tionnelle avec étude de la plaque athéromateuse et évaluation de la perfusion myocardique [4]. Les techniques de double énergie (technologie double tube Siemens ; Gemstone Spectral Imaging™, GE Healthcare) consistent à recueillir des données bru-tes à deux niveaux d'énergie distincts dans la même acquisition pour ensuite décomposer l'image en matériaux élémentaires (iode, eau, graisse, calcium, etc.). Cette décomposition améliore la visualisation des différents composants de la plaque d'athérome et permet également, en isolant la composante en iode de l'image, d'augmenter significativement la sensibilité du scanner pour l'étude de la perfusion du myocarde (fig. 4.5).L'imagerie spectrale, quant à elle, repose sur l'utilisa-tion d'un nouveau détecteur capable de différencier les rayons X qui sortent du patient en fonction de leur énergie de façon à non plus mesurer une simple atténuation moyenne des tissus sur l'ensemble du spectre, mais à mesurer l'atténuation de ces tissus pour différentes énergies de photons X, caractéristi-que spécifique de la composition de chaque tissu. Ainsi, deux tissus différents présentant une même atténuation moyenne, et donc non différenciables en

scanner conventionnel, auront un comportement différent en fonction des différentes énergies, et pourront donc être séparés par imagerie spectrale. Cette dernière innovation technologique n'est tou-tefois pas encore disponible en application clinique.

Dosimétrie

Les importants développements technologiques dont a bénéficié le scanner multicoupe imposent une maîtrise de la dose d'irradiation délivrée, et ce d'autant plus qu'il est maintenant devenu obliga-toire de l'inscrire sur le compte rendu du patient (décret no 2003-470, arrêté du 22 septembre 2006). Celle-ci est le plus souvent exprimée en milligrays par centimètre, correspondant au produit dose-longueur (PDL).Afin de pouvoir être comparatif avec la coronaro-graphie, qui reste l'examen de référence, on parle de « dose efficace de rayonnement ». Elle est de l'ordre de 2,5–5 mSv pour une coronarographie diagnosti-que et de 10–15 mSv pour un coroscanner. Toute-fois, celle-ci peut être significativement réduite en TDM en modulant différents paramètres, tout en conservant une qualité d'image satisfaisante [5].

Mode d'acquisition

Le choix d'acquérir les images en mode séquentiel prospectif à l'ECG permet de réduire d'environ

36 Techniques

70 % R-R

Déplacement table Déplacement table Déplacement table

70 % R-R 70 % R-R 70 % R-R

Durée du tir Phase dereconstruction

Fig. 4-6. Acquisition prospective à l'ECG en mode séquentiel.L'émission des rayons X ne se fait qu'au cours d'une phase du cycle cardiaque, en général la diastole. Ceci permet une réduction de dose de l'ordre de 70 %.

440 ms

Direction duscan

Durée du tir

Phases cardiaquesdes coupes acquises

Couverturetotalede 14 cm

R

75 ms

R

Fig. 4.7 Technique bitube en mode flash (Definition FlashTM, Siemens).Elle offre un mode d'acquisition prospectif spiralé, diminuant considérablement la dosimétrie. Le temps d'acquisition passe de 5–10 s au quart de seconde, permettant une couverture du cœur sur un cycle cardiaque : ainsi, la dose délivrée au patient est de moins de 1 mSv.

70 % l'irradiation délivrée au patient. En effet, dans ce type d'acquisition, les rayons X ne sont émis qu'au cours d'une seule phase du cycle car-diaque, en général la phase diastolique (fig. 4.6), et l'exposition aux rayons X est donc très limitée (temps d'exposition aux rayons X de l'ordre de la seconde). Il n'y aura qu'une seule phase de recons-truction possible des images et l'on ne pourra donc pas étudier la fonction cardiaque. Ceci ne peut être réalisé que si le rythme cardiaque est lent et régulier. Ce type d'acquisition est à privilégier et il ne faut pas hésiter à utiliser des β-bloquants, en l'absence de contre-indications, pour réguler et faire baisser la fréquence cardiaque du patient.L'acquisition en mode spiralé rétrospective à l'ECG, quant à elle, est plus irradiante [6]. Dans ce type d'acquisition, l'émission des rayons X couvre l'en-semble du cycle cardiaque. L'irradiation délivrée au patient est alors importante. C'est une procédure « coûteuse » en dose, puisque l'interprétation ne se fera qu'à partir des images utiles. Toutefois, les scan-ners de dernière génération offrant une large cou-verture (Aquilion™, Toshiba) ou la technique bitube en mode flash (Definition Flash™, Siemens), qui propose une acquisition prospective spiralée, dimi-nuent considérablement la dosimétrie [7–9]. Avec le mode flash, par exemple, le temps d'acquisition passe de 5–10 secondes au quart de seconde, per-mettant une couverture du cœur sur un seul cycle cardiaque. La dose délivrée au patient est alors infé-rieure à 1 mSv (fig. 4.7) [10].

Modulation du courant

Afin de limiter l'irradiation en cas d'acquisition spi-ralée, les constructeurs ont proposé une technique

de modulation de dose qui permet d'adapter les milliampères en fonction de l'ECG. Le courant sera maximal au moment de la diastole et abaissé pour les autres phases du cycle cardiaque (fig. 4.8). Ceci permet de diminuer l'irradiation d'environ 40 %. Plus le rythme cardiaque est lent, plus la modulation de dose est efficace.

Tension appliquée au tube

Il a été démontré chez les patients minces que la diminution du kilovoltage permettait de diminuer l'irradiation délivrée au patient sans altérer la qualité de l'examen (la dose variant en fonction du carré des kilovolts). On proposera donc volontiers d'adap-ter les kilovolts en fonction de la morphologie du patient (tableau 4.3), et ce d'autant plus que la baisse du kilovoltage présente également l'intérêt d'augmenter le contraste [11,12].

Chapitre 4. Scanner cardiaque : principes, protocole d'acquisition et dosimétrie 37

Max mA 100 %

Fenêtred’acquisition

Durée du tir

Phase de reconstruction

Min mA 30 %

Fig. 4-8. Modulation de dose permettant d'adapter les milliampères en fonction de l'ECG.Le courant sera maximal au moment de la diastole et abaissé pour les autres phases du cycle cardiaque.

Tableau 4-3 Adaptation des kilovolts en fonction de la morphologie du patient.

Indice de masse corporelle Tension appliquée au tube

< 25 100 kV

25–30 120 kV

> 30 140 kV

Enfant 80 kV

Volume d'acquisition

Il est important de bien adapter son champ d'ex-ploration à l'indication de l'examen (boîte cœur ou boîte thorax) et, chez la femme, de retirer la poitrine du champ d'exploration lorsque celle-ci est volumineuse, la glande mammaire étant très radiosensible [2]. Certains constructeurs proposent même une diminution de la radioexposition directe de cette région anatomique (fig. 4.9).

Épaisseur de coupe

La collimation des détecteurs doit être adaptée à l'indication de l'examen. Lors de l'exploration de

Fig. 4-9. Diminution de la radioexposition directe des glandes maa. Sans modulation. b. Avec modulation. Les zones plus foncées indReproduit avec l'autorisation de Siemens.

petites structures anatomiques telles que les artères coronaires, la nécessité d'une résolution spatiale optimale impose le choix d'une épaisseur de coupe fine (entre 0,5 et 0,7 mm), au prix d'une irradiation élevée. Si l'on décide de réaliser une acquisition tar-dive à 5 minutes pour étudier le myocarde (recher-che d'un infarctus récent, arguments en faveur d'une myocardite), on choisira une épaisseur de coupe éle-vée (3 mm), qui diminuera la dose délivrée au patient tout en permettant une interprétation satis-faisante du myocarde (fig. 4.10). On réalisera cette acquisition en mode prospectif et en abaissant la tension du tube à 80 kV afin de limiter au mieux l'irradiation.

Innovations technologiques en dosimétrie

Une des pistes de recherche sur lesquelles travaillent les constructeurs afin de continuer à diminuer l'irra-diation est l'introduction d'une nouvelle méthode de reconstruction des images appelée « reconstruc-tions itératives ». Jusqu'à maintenant, la méthode employée était la méthode de rétroprojection filtrée,

mmaires, très radiosensibles.iquent une dose absorbée plus faibles.

38 Techniques

Fig. 4-11. Limitation de la dosimétrie en mode prospectif et reconstruction itérative : 0,22 mSv, PDL = 15,28 mGy/cm.Reproduit avec l'autorisation de GE Healthcare.

Fig. 4-10. Acquisition tardive à 5 minutes en coupe de 3 mm pour étude du myocarde.Prise de contraste tardive sous-endocardique en territoire latéral en faveur d'un infarctus du myocarde latéral récent.

qui se fonde sur des approximations majeures accé-lérant le déroulement du calcul des images mais introduit un bruit important, notamment sur des protocoles basses doses. Elle ne permet pas d'amé-liorer la résolution spatiale sans augmenter le bruit.La méthode de reconstruction itérative permet au contraire de découpler la résolution spatiale et le bruit. Elle modélise les causes du bruit dans les pro-jections acquises au cours de l'examen scanner, pour ensuite le réduire dans la reconstruction des don-nées brutes à travers plusieurs itérations jusqu'à obtenir l'image la plus exacte possible (ASIR™, MBIR™, GE Healthcare) [fig. 4.11]. Pour cela, les causes de bruits comme le morphotype du patient ainsi que la fluctuation statistique des photons sont modélisées au cours de la reconstruction des don-nées brutes. Pour des raisons de temps de recons-truction, d'autres constructeurs ont préféré utiliser une image reconstruite ou une image anatomique de référence ensuite « nettoyée » progressivement par une boucle itérative (IRIS™, Siemens ; iDose™, Philips ; AIDR™, Toshiba). La reconstruction itéra-tive permet de diminuer très significativement la dose et d'améliorer aussi le contraste de l'image (analyse de plaque ou de stent).

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